Après le Brexit, quelle Europe ?

Lorsque le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Union européenne au mois de juin, son peuple a fait un choix historique, celui de reprendre son destin en main, en refusant de continuer de le livrer à une bureaucratie bruxelloise qui s’est au fil des années arrogé des compétences qui n’étaient pas les siennes, contre l’avis des opinions publiques.
Le coût général, financier, économique, politique, culturel que constituera cette sortie solitaire pour notre voisin d’outre-Manche reste encore à mesurer.
Mais l’on peut déjà noter que l’apocalypse immédiate prévue par des analystes financiers n’a pas eu lieu.
Au contraire, pour l’instant, la réalité inflige un cinglant désaveu aux catastrophistes : sur le seul mois d’août 2016, l’indice PMI manufacturier (activité industrielle) a par exemple effectué un bond de 5 points, ce qui constitue un record historique pour le pays et signifie indirectement que son industrie embauche.
En outre, le Royaume-Uni a, au moins momentanément, retrouvé de la compétitivité grâce à la dévaluation de sa livre sterling, pas une seule institution financière n’a quitté la City et à peu près tout le monde est convaincu que le Brexit ne va pas beaucoup changer la donne pour le poumon financier du Royaume-Uni.
Les ventes au détail ont, elles, progressé en juillet de 1,4%, hausse solide qui indique au moins que les consommateurs n’ont pas paniqué après le référendum. Par ailleurs, la nouvelle Première ministre anglaise, Theresa May, a prévenu qu’elle ne notifierait pas à Bruxelles la volonté britannique de quitter l’Union avant l’année prochaine, le temps pour son gouvernement de préparer les négociations.
Cette sortie a donc toutes les raisons de s’effectuer en bon ordre – au moins du côté britannique.
Car c’est lui qui contrôle le calendrier.
Certes, beaucoup d’inconnues demeurent : on ignore si les barrières tarifaires feront ou non leur retour, si la City pourra continuer de travailler comme par le passé, si la liberté de circulation sera bientôt restreinte entre la Grande-Bretagne et le continent.
Reste que la principale question est du côté continental : l’Union européenne ne peut en effet éviter de s’interroger, plus que sur son avenir, sur son identité elle-même.
Que le Royaume-Uni n’ait pas été l’un de ses membres fondateurs – le Général de Gaulle s’opposant d’ailleurs longtemps à son entrée ; que le pays n’ait jamais adopté la monnaie unique, ce Brexit témoigne tout de même de la défiance des citoyens et même de nombre d’Etats aujourd’hui pour le monstre centralisé qui prétend depuis Bruxelles régir chaque détail de la vie quotidienne de ses membres.
C’est ainsi que la réforme en profondeur de l’Union européenne s’impose aujourd’hui plus que jamais. Mais elle réclame une révolution de la pensée : il faut revenir à un vrai pragmatisme, aux réalités qui sont précisément faites de ce que l’on peut mettre en commun.
Il faut définitivement abandonner l’Europe idéologue que des hommes comme Jacques Delors ont bâtie, refilant le virus français du jacobinisme au continent entier, quand c’était tout à l’inverse qu’il fallait procéder, selon d’ailleurs les volontés mêmes de ses fondateurs, grands adeptes de la subsidiarité, en commençant par le bas.
Car l’Europe, par son histoire, par sa géographie, par sa philosophie n’est forte que de sa diversité, de ses particularités, qui se nouent, se complètent et se fécondent dans des projets communs réclamés par les circonstances, et valables pour un temps donné.
Faut-il encore une fois rappeler les éclatants succès d’Airbus ou d’Ariane, nés de la volonté conjointe de nations européennes indépendantes, et qui n’eurent nul besoin d’une commission européenne technocratique pour éclore ?
Alors qu’il nous faudrait une Europe aux cent projets, la vérité, c’est qu’aujourd’hui l’Europe est plus centralisée que les Etats-Unis.
Et une centralisation qui comme d’habitude produit l’effet inverse de ce pour quoi elle a été vantée : la défense européenne n’existe pas, et c’est par des accords bilatéraux, comme ceux de Saint-Malo signés par les Français avec les Britanniques que ses armées nationales peuvent travailler ensemble.
La sécurité européenne commune est défaillante.
Les économies se heurtent et s’entrechoquent, liées par une monnaie unique quand leurs fondamentaux en sont pas les mêmes.
L’Europe est ainsi à refonder, ne serait-ce que pour ressusciter l’amour que ses citoyens purent nourrir pour elle au lendemain des conflits qui l’ensanglantèrent.
Mais ses dirigeants croient-ils qu’ils y parviendront en continuant de bafouer les votes populaires, faisant revoter ceux qui n’avaient pas donné la bonne réponse, ou parfois même comme avec le Traité de Lisbonne, ignorant ces votes ?
L’Europe des pères fondateurs avait été voulue pour créer une paix durable.
Ce n’est plus aujourd’hui la question : la paix est là, ancrée dans les cœurs des Européens, qui savent que le danger ne vient plus du pays voisin, mais paradoxalement de plus loin et de plus près en même temps.
Car cette Europe qui a aboli ses frontières intérieures, non seulement ne défend pas ses frontières extérieures, mais en a laissé se construire d’autres, invisibles mais réelles, en son sein.
Frontières sociales, avec une augmentations des inégalités économiques, mais aussi frontières communautaires, ethniques, religieuses, l’afflux de migrants décidé par Mme Merkel faisant l’affaire des grands entrepreneurs mais pas celle des peuples qui vivent une véritable crise d’identité.
C’est d’ailleurs l’un des motifs fondamentaux du Brexit que cette crise, par où les Anglais ont décidé de reprendre le contrôle de leurs frontières et de leurs lois.
Il n’est pas si étonnant que le Royaume-Uni, avant-poste de la mondialisation, ne la conçoive plus sous drapeau bruxellois.
Cette défection est inquiétante pour le projet européen, mais nos élites auraient tort de vouloir y répondre comme d’habitude par plus de centralisation.
Il s’agit, encore une fois, de rendre au contraire le pouvoir à la base, aux communautés, aux nations, de laisser libre cours à l’expérimentation, à l’initiative locale, aux grands projets sur la base du volontariat, bref, de prouver que l’Europe est bien le continent des hommes libres.
Charles Millon
Ancien Ministre de la Défense
Président de l’Avant Garde



Politique d’inclusion des personnes handicapées : il y a quelque chose de pourri en France

C’est le journal Marianne, dans son édition en ligne du 7 septembre, qui a dévoilé l’énième détournement des fonds destinés à l’inclusion et l’insertion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail. Ce nouveau tour de passe passe budgétaire permettra selon le ministre de l’Education nationale de financer le renforcement de la sécurité dans les universités.

C’est sans aucun état d’âme que François Hollande fait une nouvelle fois les poches du fond public pour l’insertion des personnes handicapées (FIPHFP)[1] : 30 millions d’euros ne seront pas réclamés aux universités au titre de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances mais directement affectés à la sécurité par les universités elles-mêmes.

Et le gouvernement n’en est pas à son coup d’essai. Le journal avance la somme de 300 millions d’euros qui auraient été subtilisés dans le fonds handicap sur la durée du quinquennat.

La double peine a été réduite en 2003 pour les criminels mais manifestement pas pour les personnes en situation de handicap !

Le même gouvernement qui a déjà repoussé aux calendes grecques la mise en accessibilité des lieux publics pour les personnes handicapées vient maintenant détrousser les fonds servants à leur inclusion. Et pourtant, dans son discours de clôture de la 4e Conférence nationale du handicap, le Président de la république se permettait d’affirmer qu’il faisait de l’amélioration des conditions d’insertion professionnelle et de la sécurisation des salariés handicapés une de ses grandes priorités. Fadaises.

Et que dire de ce qui se passe dans les écoles ? Ce sont près de 10% des enfants en âge scolaire qui relèvent d’un handicap au sens de l’Education nationale et du ministère de la Santé. Une fois de plus, en cette rentrée scolaire, des dizaines de milliers d’enfants sont ostracisés, parfois renvoyés dans leurs foyers le jour même de la rentrée comme des pestiférés faute d’AVS (Auxiliaires de vie scolaire), de notifications MDPH rendues à temps ou prévoyants des aménagements adaptés, voire par le simple refus de chefs d’établissements de gérer la question du handicap dans leur école.

Le défenseur des droits comme le Comité des droits de l’enfant de l’ONU ont déjà tapé sur les doigts de la France, au nom de ces « enfants invisibles » sans résultat, hélas.

Derrière les chiffres il existe une réalité glaçante: celle de la mise au ban de la société de plusieurs centaines de milliers d’enfants. François Hollande s’était engagé à pérenniser les emplois déjà affectés à l’Education nationale pour l’accompagnement des élèves handicapés et à créer 6 000 postes dès la rentrée 2016. Où sont ces AVS aujourd’hui ? Nulle part.

Le nombre d’enfants sans solution ou orientés de force vers des établissements inadaptés (ITEP, IME), contre l’avis des parents et des soignants, est toujours aussi important ; avec les piteux résultats que l’on connaît. Moins de 3%  des enfants passés par ces structures sont à même de poursuivre des études supérieures: alors que dans leur très grande majorité, ces futurs adultes auraient la possibilité, en suivant un parcours scolaire normal, de devenir autonomes économiquement. Avec ce système d’exclusion presque totale, on les prédispose au contraire à la précarité et au chômage, pour certains même à une dépendance et une prise en charge à vie.

L’accueil par l’école des enfants handicapés ne doit plus être considéré par l’Etat comme un service qu’il rendrait aux parents mais comme un droit entier de l’enfant à être scolarisé. Afin qu’il trouve plus tard toute sa place dans notre société.

Charles Millon

Ancien Ministre de la Défense
Président de l’Avant-Garde

[1] Le FIPHFP est l’organisme public chargé de collecter les contributions des trois fonctions publiques qui ne satisfont pas à l’obligation d’emploi de 6% de personnes handicapées.




TV Libertés

Zoom – Charles Millon rompt le silence : entretien exclusif

Charles Millon rompt le silence : Entretien exclusif

Charles Millon est ancien ministre. Il a été ambassadeur, maire, député, président de groupe à l’Assemblée nationale, président de Conseil régional… mais depuis plusieurs années, il s’est tourné vers la réflexion et les propositions, notamment avec la création du réseau collaboratif “L’Avant-garde” ou d’un think tank de droite en compagnie de personnalités comme Charles Beigbeder. Très fin connaisseur des droites françaises, Charles Millon rompt un long silence médiatique pour répondre aux questions d’Elise Blaise. Il donne son point de vue sur Alain Juppé dont il a été le ministre, sur les Républicains et le Front national. Personnalité de la “droite hors les murs”, l’ancien ministre revient aussi sur la politique étrangère de la France et sur son intervention sur le théâtre militaire syrien.