TRIBUNES DE MILITAIRES : L’ANCIEN MINISTRE DE LA DÉFENSE CHARLES MILLON APPROUVE

Des deux tribunes de militaires publiées ces dernières semaines, l’ancien ministre de la Défense (1995-1997) Charles Millon considère que leurs auteurs ont eu raison de prendre publiquement la parole pour dénoncer le délitement de la société française. Entretien.

En tant qu’ancien ministre de la Défense, que pensez-vous de ces tribunes publiées par des militaires ? Cela vous choque-t-il ?

Je pense que les officiers, et les militaires en général, sont des citoyens comme les autres et que dans la période que nous vivons, ce sont même des citoyens plus avertis que les autres, parce qu’ils sont confrontés à des menaces, à des situations difficiles, et qu’ils peuvent donc porter un jugement beaucoup plus pointu que n’importe qui. Un militaire qui a participé à des combats en Afrique contre des islamistes radicaux, ou qui a patronné des opérations Sentinelle dans des quartiers très difficiles, a évidemment un point de vue éclairé. Il est bon qu’ils s’expriment parce qu’ils peuvent à leur tour éclairer les citoyens. La France est dans une période très difficile : ceux qui sont en charge de sa protection ont presque un devoir de parler – sauf à remettre en cause les institutions et le pouvoir politique. C’est ce qu’ont fait les signataires de la première pétition, et c’est pourquoi je ne comprends pas l’hystérie de la classe politique.

Nos responsables feraient mieux – au lieu de faire de l’ironie grinçante, comme le ministre de l’Intérieur, de proférer des menaces comme le ministre de la Défense, ou de lancer des invectives comme nombre d’autres – d’analyser la situation et d’y remédier

Pour ce qui est de la deuxième pétition, elle est la suite logique de la première, même si elle n’est hélas pas signée. Elle reflète en tout cas tout à fait la réalité, et je constate que les sondages révèlent que les trois-quarts des Français en approuvent l’analyse. Nos responsables feraient mieux – au lieu de faire de l’ironie grinçante, comme le ministre de l’Intérieur, de proférer des menaces comme le ministre de la Défense, ou de lancer des invectives comme nombre d’autres – d’analyser la situation et d’y remédier. Le constat que font les militaires sur le délitement est un constat partagé, et plutôt que de qualifier ces actes de rébellion, il faut une prise de conscience qui amènera peut-être à de bonnes décisions.

À votre avis, pourquoi ces militaires ont jugé utile de se dévoiler ainsi ?

D’abord peut-être parce que l’armée n’est pas assez considérée en France, alors que des milliers d’hommes luttent contre le radicalisme islamique en Afrique, que des milliers d’autres parcourent nos villes, nos banlieues, nos quartiers difficiles pour éviter que les tensions y augmentent. Mais une partie de l’opinion considère aujourd’hui que l’armée peut être une menace : je comprends donc que les militaires se soient émus de ce manque de considération. D’autant que concomitamment, le chef de l’État reçoit aujourd’hui le président du Rwanda, alors que deux rapports signés par des Français et un cabinet d’avocats américains essaient de faire porter la responsabilité des événements de 1994 sur l’armée française. Le grand scandale est là : que le Président et d’autres autorités françaises essaient de faire porter cette responsabilité aux troupes françaises, alors que c’est à des hommes politiques français qu’il faudrait éventuellement faire des reproches. […]

L’Incorrect le 17/05/2021




Côte d’Ivoire · Un pays entre vulnérabilités et besoin de réconciliation

Dans un contexte sécuritaire des plus fragiles en Afrique et face aux velléités françaises, plus ou moins affichées, de se désengager de la zone subsahélienne, les élections législatives du 6 mars prochain en Côte d’Ivoire s’annoncent sous haute tension. Le pouvoir en place doit oser affronter l’opposition, unie pour la première fois, le faire à la loyale et prouver au peuple qu’il est encore souverain. A la veille d’élections cruciales, cette note souligne les fragilités du pays et montre la nécessité d’un scrutin au déroulement exemplaire, au risque de voir cette grande puissance d’Afrique de l’Ouest s’embraser à nouveau. Avec des conséquences qu’on ne mesure pas.


Longtemps les observateurs ont soutenu que le djihadisme et la menace islamiste se limitaient à l’Afrique du Nord et au Sahel, les pays tropicaux se croyant protégés par la barrière de la forêt. Or, force est de constater que c’était une erreur, que l’Islam d’abord, l’islamisme ensuite, le djihadisme enfin ont passé cette barrière et maintenant concernent l’Afrique tropicale et par là même tout le continent.

Alors que le pouvoir algérien avait réussi à l’éliminer après « la décennie de sang », elle est réapparue avec la chute de Mouammar Kadhafi en Libye, dont les puissances occidentales demeurent coupables. La menace djihadiste a pu se répandre aisément dans la zone sahélo-sahélienne dès lors que le seul régime fort de la zone était tombé et que les armements et les financements pouvaient transiter dans le Sahel en toute impunité et se répartir entre l’ensemble des groupes islamistes et terroristes.

Une menace terroriste qui s’étend toujours  plus vers le sud

Au nord Mali, où il a implanté ses premières bases, le terrorisme islamique s’est greffé sur des groupes aux revendications autonomistes anciennes, généralement Touareg mais aussi Peuls, et surtout il s’est métastasé. De la Mauritanie au Tchad et du Mali au nord Cameroun, il prend des formes diverses qui se nomme AQMI (Al Quaida au Maghreb Islamique), État islamique au grand Sahara, Boko Haram ou Daech… Et qu’il soit strictement religieux ou lié au grand banditisme avec des trafics de toute sorte : armes, femmes et jeunes filles, drogues, etc.

Il est préoccupant de constater que le trafic de drogues en provenance d’Amérique latine, qui jusque-là arrivait en Afrique par Bissau et remontait par le Mali avant d’aller vers le nord de l’Europe et le Moyen Orient, cherche à emprunter un nouvel itinéraire en arrivant dans le golfe de Guinée : c’est ainsi qu’il y a dix jours plus d’une tonne de cocaïne en provenance du Paraguay ont été interceptées en Côte d’Ivoire.

Quand on sait que trafic de drogue et terrorisme s’alimentent l’un l’autre, tout cela est alarmant et surtout après avoir entendu AQMI et Daech affirmer que leur prochain objectif était d’atteindre l’océan et en particulier les ports du golfe de Guinée : Cotonou au Bénin et San Pedro en Côte d’Ivoire.

Un défi lancé à tous les pays du continent

Aujourd’hui, une zone grande comme l’Europe et qui s’étend sur le Mali, le Niger, le Burkina Faso est écumé par les groupes djihadistes (Figure 1). Si ces derniers mois, l’armée française et celles des pays africains du G5 Sahel ont multiplié les offensives, en particulier dans la zone dite des trois frontières (Mali, Niger, Burkina Faso), si de bons résultats dans la lutte contre le terrorisme ont été enregistrés avec la mort de l’émir d’AQMI, le bilan est toutefois mitigé. L’attentat du 9 août 2020 à Niamey a jeté le doute et chacun s’interroge sur la capacité du Niger à contrer ce terrorisme.

Lors du sommet de N’Djamena des 15 et 16 février dernier, réunissant les chefs d’État du G5 Sahel et leurs partenaires, au premier rang desquels figure la France, Emmanuel Macron a reconnu qu’il ne s’agissait pas de traquer tous les groupes armés de la région, sans quoi « ce serait une guerre infinie », mais de cibler les têtes djihadistes.

Figure 1 • Une menace terroriste qui s’étend

Source • The Economist, juillet 2020

Le fait que la France ait évoqué un redimensionnement de son engagement laisse entendre en termes diplomatiques, qu’elle envisage un retrait de la région à court ou moyen terme… qui obligera les pays concernés par le terrorisme islamique à mobiliser leur population tout entière contre l’ensemble de la menace djihadiste. Car celle-ci a toujours profité pour s’infiltrer des divisions politiques, des désordres économiques et des tensions sociales, comme on a pu le constater au Mali ou au Burkina Faso. Le défi est donc lancé à tous les pays du continent et notamment à la Côte d’Ivoire, cible toute désignée : une grande frontière commune avec le Burkina, un pays déjà largement gangréné par le terrorisme et deux ports riches et puissants, Abidjan et San Pedro (Figure 2).

Côte d’Ivoire : un pays au bord de la rupture

La Côte d’Ivoire doit d’urgence engager la réconciliation de tous ses habitants pour retrouver la paix civile et la capacité de mobilisation afin de faire face à la menace djihadiste qui se profile de plus en plus sûrement. Or, voilà plus de vingt ans que la Côte d’Ivoire est déstabilisée, tant sur le plan politique que social. En deux décennies, le pays a subi deux coups d’État et vécu une quasi-guerre civile.

Figure 2 • Une menace terroriste qui s’étend

Source • Adobe Stock, sous licence

Le bel ordonnancement que le premier président Félix Houphouët-Boigny avait réussi à mettre en place et à maintenir a été mis à bas après sa mort. Le pays qui était prospère en étant devenu notamment le premier producteur mondial de cacao, voit aujourd’hui la misère augmenter : près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, le pays souffre d’une immigration non contrôlée et des tensions se maintiennent entre le sud chrétien et le nord musulman. Déjà des milices font régner dans certaines régions un climat de terreur.

Il est donc urgent de garantir la paix civile en favorisant la réconciliation entre tous les Ivoiriens.

Malheureusement, les élections présidentielles du mois d’octobre dernier ont montré combien la démocratie ivoirienne était fragile et captée par des forces aux intérêts autres que nationaux. En se présentant pour un troisième mandat, au mépris de la constitution, Alassane Ouattara a instillé le doute sur la démocratie et le respect des droits de chaque citoyen.

Élections législatives du 6 mars : un rendez-vous capital pour la Côte d’Ivoire et pour l’Afrique de l’Ouest

Muée peut-être par le principe de réalité, une nouveauté historique est apparue avec l’alliance entre les deux grands partis d’opposition (le PDCI présidé par Henri Konan Bédié et l’EDS, le parti de Laurent Gbagbo) : ils ont institué une plateforme commune pour présenter un front uni de l’opposition au pouvoir en place avec des candidats uniques dans la majorité des circonscriptions, et offrir ainsi une alternance crédible, permettant aux Ivoiriens de choisir librement et sereinement entre deux politiques.

Cette alliance pose comme préalable la réconciliation nationale, la libération de tous les prisonniers politiques, la veille rigoureuse sur la transparence et la sécurité du scrutin législatif du 6 mars prochain. C’est ainsi que la Côte d’Ivoire pourra rejoindre les démocraties « adultes » d’Afrique telles que le Niger où le Président Issoufou a refusé de briguer un troisième mandat et a ainsi permis l’élection de son dauphin, Mohamed Bezoum.

Mais maintenant que les deux anciens présidents de la République, au travers des deux principales formations politiques d’opposition, ont décidé de présenter des candidats uniques dans la majorité des circonscriptions et de participer soudés aux échéances démocratiques, il est impératif que le scrutin du 6 mars se déroule dans la sécurité et la transparence. Il revient donc à Alassane Ouattara et à la communauté internationale de veiller à la bonne tenue des élections et de s’opposer à d’éventuelles fraudes.

Il est fondamental que des observateurs internationaux soient invités à veiller de près à la transparence du scrutin. Si, comme on le dit, le président Macron recevait Alassane Ouattara cette semaine à Paris, cette demande devrait prendre une forme impérative.

Les élections législatives du 6 mars sont capitales pour la Côte d’Ivoire, bien sûr, mais au-delà pour toute l’Afrique de l’Ouest. Le bon déroulement du scrutin redonnerait force et espoir à une population taraudée par la montée de la pauvreté et inquiète des violences et de l’insécurité grandissantes. Et sans l’adhésion des peuples, la bataille contre l’hydre djihadiste restera infructueuse.

Charles Millon, ancien ministre de la Défense, co-fondateur et administrateur de l’Institut Thomas More

Mars 2021 • Note d’actualité 74 •  de l’Institut Thomas More




Notre État est caduc

L’État qui se mêle de tout nous a menés au bord du précipice. Pour redresser la France il nous faut un nouvel État fondé sur l’autonomie et les libertés des collectivités locales.


La tempête coronavirus a déferlé avec une force et une violence quasi similaire dans tous les pays européens. Mais en France elle est en passe de devenir un tsunami social et économique dans un pays qui se remettait tout juste de la crise des gilets jaunes et de celle de la réforme des retraites. Une troisième crise moins médiatique, plus sourde, était en filigrane ces dernières années : celle des hôpitaux. Tous personnels confondus, des chefs de services aux brancardiers, des internes aux aides-soignants, tous criaient mois après mois l’immense disette qui ravageait l’hôpital français en arborant des brassards « en grève » sans jamais déserter leur poste. Alors que l’État se targuait d’avoir le meilleur système de santé au monde…

La crise sanitaire annonce non seulement une crise économique et sociale, mais également une crise politique

On assiste au naufrage d’un État qui veut s’occuper de tout et cherche avec son obsession des procédures et des mises en conformité, à contrôler les initiatives des forces vives et des collectivités locales. Pourtant cet État qui veut s’occuper de tout n’a pas été en mesure de garantir la sécurité sanitaire du pays, il a renoncé à une stratégie en matière industrielle et laissé faire des délocalisations qui atteignent notre indépendance nationale, il a fait preuve d’imprévoyance en liquidant les stocks d’équipement hospitaliers, il a refusé par pure idéologie de contrôler les frontières.

L’État est entravé par ses propres circulaires, directives, normes et contrôles, qui empêchent même les instructions du sommet d’être appliquées. Quant aux responsables politiques, ils sont tétanisés par la prise de risque et se cachent derrière les comités d’experts dans lesquels les batailles d’egos et d’intérêts font rage. Ils se contentent d’une communication de crise à l’anglo-saxonne, anxiogène et abrutissante, qui débite jour après jour la litanie des morts et des convalescents.

Le gouvernement est dépassé, il a déjà perdu une grande part de sa crédibilité en érigeant le non-dit, voire le mensonge en système de communication, visant à cacher ses erreurs (masques et respirateurs, tests, médicaments…). Pire encore, il a perdu la confiance des Français. Ainsi la crise sanitaire annonce non seulement une crise économique et sociale, mais également une crise politique. Le gouvernement, affolé, l’a bien compris, qui en appelle maintenant aux élus locaux pour prendre le relai des décisions qu’il a déjà prises.

Compte tenu de la gravité de la situation et étant donné l’inquiétude grandissante de leurs administrés, les élus locaux sont prêts à relever le défi. Pourtant ils supportent de moins en moins cet État qui prend tout à tour le visage froid de l’État bureaucratique ou celui faussement maternel de l’État-providence. Ils ne comprennent pas cette approche centralisée et uniforme du déconfinement. Ils savent que les pays qui ont jusqu’à maintenant le mieux géré la crise sont la Corée du Sud qui a opté pour un traitement local, et l’Allemagne qui avec les Länders a adapté les mesures région par région. Ils sont scandalisés et attristés par l’incapacité du gouvernement à gérer la fourniture de masques, tests et médicaments. Ils sont choqués par le fait que le gouvernement n’ait pas fait confiance aux laboratoires privés et publics, vétérinaires et universitaires, qui se proposaient pour mener cette campagne de tests. 

Mais maintenant que le gouvernement est au pied du mur, les élus locaux sont en droit de demander que les responsables politiques nationaux fassent enfin confiance aux initiatives des collectivités territoriales en acceptant différenciation et expérimentation, en respectant diversité et particularisme. Pour ces élus il n’est pas question de délégation de compétences, il est question de la reconnaissance et du respect de l’autonomie des collectivités locales, c’est à l’État de créer les conditions favorables pour que les collectivités locales puissent assumer leurs missions, car au lieu de vouloir tout faire et tout diriger, l’État reconnaitra enfin aux collectivités locales les missions qu’elles sont en mesure d’assumer.

Aujourd’hui, si l’on veut sortir de cette crise sanitaire, économique et sociale, il nous faut un changement de gouvernance. Ce n’est pas à une énième réforme de l’État que nous aspirons, c’est à une révolution pacifique, qui aboutira à la reconnaissance de l’autonomie des collectivités locales, qui redonnera aux citoyens la liberté d’initiative et qui permettra la mobilisation de toutes les énergies pour permettre à la nation de surmonter cette épreuve et d’engager son redressement.

Charles Millon
Ancien ministre de la Défense (mai 1995-juin 1997) et administrateur de l’Institut Thomas More.
 
Causeur le 30/04/2020



Afrique de l’ouest : nouveau front du djihadisme africain Charles Millon, ancien ministre de la Défense (France), cofondateur de l’Institut Thomas More (www.institut-thomas-more.org)

Le 9 mai dernier, la mort de deux soldats français dans une opération de sauvetage de deux touristes enlevés au nord du Bénin huit jours plus tôt a ouvert les yeux à tous ceux qui ne voulaient pas le voir : le cancer djihadiste se propage désormais à l’Afrique de l’ouest. Sénégal, Mali, Niger, Bénin, Togo, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Nigeria, Ghana, Cameroun : tous ces pays sont désormais menacés.

 

Le Burkina Faso en première ligne

Initialement centrée sur le nord du Mali, l’action des groupes djihadistes a progressivement glissé vers le sud, au point que le centre du pays est devenu le théâtre principal des violences – fruit également de tensions ethniques hors de contrôle. L’ONU a ainsi recensé en 2017 plus de 1  000 incidents dans la seule région de Mopti et, durant l’année 2018, cette région est celle dans laquelle ont été enregistrés le plus grand nombre d’actions attribuées aux groupes djihadistes contre les forces de défense maliennes, la MINUSMA, les groupes armés signataires et l’opération française Barkhane.

Parallèlement à cette extension vers le centre du Mali, les groupes djihadistes se sont implantés au Burkina Faso, au point que l’état d’urgence a été déclaré le 1er janvier 2019 dans quatorze provinces frontalières du Mali et du Niger. Cette expansion a été préparée dès le début des années 2010, mais c’est en 2015 que les premières attaques commencent. Mais c’est surtout le nord qui est frappé, avec plusieurs attaques contre des représentants de l’État et des membres de la société civile. En décembre 2016, le groupe Ansaroul Islam est créée par Ibrahim Dicko. Composée principalement de Rimaïbés et de Peuls, cette entité entretient des liens avec d’autres groupes au Mali. En 2018, les incidents augmentent dans le nord sans pour autant cesser dans l’ouest. Parallèlement, la situation sécuritaire se dégrade considérablement dans l’est du pays avec une quinzaine d’attaques (engins explosifs ou accrochages) entre janvier et août. Il s’agit très probablement d’éléments de l’État islamique dans le Grand Sahara et d’Ansaroul Islam, qui ont noué des alliances avec des membres influents des communautés locales ayant étudié le Coran au Mali.

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette extension au Burkina. D’abord, comme l’affirmait l’ex-chef rebelle touareg malien Iyad Ag Ghali dans une interview datée de 2017, la nouvelle stratégie proclamée des groupes terroristes est l’extension de la lutte à de nouveaux espaces. Si cette orientation s’explique par la pression militaire qui pèse sur les groupes djihadistes dans le nord Mali, où les Français ont remporté plusieurs succès tactiques en 2018 et où le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) progresse, elle fait écho également au caractère transnational de l’idéologie djihadiste et aux circulations des idées et des personnes. Ensuite, les groupes djihadistes ont su trouver des relais parmi les populations locales pour s’implanter et mener leurs actions. Enfin, ils ont bénéficié de la désorganisation de l’appareil sécuritaire et des services de renseignement résultant de la révolution de 2014.

 

L’extension aux pays côtiers d’Afrique de l’ouest

Les récentes attaques au Burkina Faso, à proximité des frontières avec la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin, ainsi que l’arrestation en décembre 2018 de personnes préparant une opération à Bamako, Ouagadougou et Abidjan pour le Nouvel an, témoignent de la menace croissante qui pèse sur les pays du golfe de Guinée. Les premiers signes d’action de groupes djihadistes dans ces pays datent cependant du milieu des années 2010. Dans le parc transfrontalier du W, des combattants originaires du Mali auraient mené en 2014-2015 une reconnaissance en poussant jusqu’au Bénin. De même, en 2015, plusieurs membres d’une cellule du JNIM actifs dans la forêt de Sama, à la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Mali, étaient arrêtés, sans pour autant que les survivants cessent leurs activités. Ce sont d’ailleurs des membres de cette unité qui seraient à l’origine de l’enlèvement d’une none colombienne dans la région de Sikasso en février 2017, et qui ont été arrêtés à côté de Koutiala le 6 décembre 2018.

Les groupes armés djihadistes ont également recruté dans les pays côtiers ces dernières années. Le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) comptait parmi ses membres des ressortissants de plusieurs pays dont des Guinéens, des Ghanéens et des Béninois. Après le départ du nigérien Bilal Hicham de la katiba Ousmane Dan Fodio, c’est même un Béninois originaire du sud du pays et Yorouba, surnommé Abdoullah, qui prend la tête de l’unité. Et le MUJAO n’est pas isolé : selon les autorités libyennes, plusieurs dizaines de ressortissants du Ghana, du Sénégal et de la Gambie auraient rejoint l’organisation État islamique en Libye.

Le premier électrochoc est cependant l’attaque de Grand-Bassam, en Cote d’Ivoire, commanditée par l’Arabe Ould Nouini et menée par un commando suicide en mars 2016. Selon les auteurs d’un rapport interne du Secrétariat du Conseil national de sécurité ghanéen, « le Ghana et le Togo sont les prochaines cibles après les attaques au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire ». Deux mois plus tard, une note adressée aux forces armées béninoises était rendue publique, dans laquelle il était demandé aux unités de « renforcer la sécurité sur les différentes zones menacées d’attaques terroristes » et de faire preuve de « plus de vigilance dans les fouilles aux frontières ». De fait, les attaques se sont depuis multipliées dans toute la zone, notamment au Niger où des groupes terroristes ont mené des attaques dans la région de Diffa (sud du pays) en février et en avril. Au mois de mai, pas moins de vingt-huit soldats ont été tués dans la région de Tillabéri, à l’ouest du pays.

Certes, ces derniers mois ont été marqués par plusieurs mesures pour renforcer la sécurité aux frontières dans certains pays. Le Togo et le Bénin ont notamment déployé des unités supplémentaires dans le nord afin de renforcer le maillage du territoire. Parallèlement, des opérations conjointes ont été organisées. En mai 2018, le Bénin, le Burkina Faso, le Ghana et le Togo ont déployé près de 2 000 membres des forces de défense et de sécurité dans le cadre de l’opération Koudalgou, pour un bilan de 200 arrestations dont deux personnes soupçonnées d’être liées aux groupes jihadistes. Si cette mobilisation témoigne d’une certaine prise de conscience et d’une volonté de publiciser cette dernière, elle n’est pas sans susciter plusieurs interrogations.

D’abord, on le sait, la coopération reste difficile entre les acteurs de la sous-région. Certes, l’opération contre une cellule à Ouagadougou, en mai 2018, est issue d’une collaboration entre services burkinabè et maliens avec un appui technique français. Certes également, dans le domaine judiciaire, l’initiative WACAP (réseau des autorités centrales et procureurs de l’Afrique de l’Ouest qui regroupe les pays de la CEDEAO et la Mauritanie), portée par l’ONUDC, a permis de renforcer les échanges entre magistrats de la sous-région. Cependant, la coopération reste entravée par une culture de la méfiance entre États, entre administrations d’un même État, et au sein d’une même administration. Ensuite, le contrôle des flux sur les frontières septentrionales est limité par des pratiques anciennes de contournement, la corruption des agents de l’État, ou encore les limites en matière d’état civil. Cette surveillance est d’autant plus difficile que les groupes djihadistes s’appuient sur les savoirs de contrebandiers et de trafiquants.

 

Tensions religieuses, vulnérabilités sociales et aveuglement politique

L’intensité des échanges entre les États côtiers et l’hinterland sahélien, la répartition des communautés, les mobilités multiples – que cela soit pour s’installer durablement dans un autre pays ou au gré de circulation plus temporaires –, les flux marchands, les outils de communication, sont autant de facteurs pouvant encourager les « plugs » régionaux et internationaux autour de convergences religieuses ou politiques. De nouvelles « solidarités » djihadistes se créent à travers toute l’Afrique de l’ouest.

Les tensions internes de ces pays constituent une autre source de vulnérabilité : tensions ethniques, politiques, économiques et sociales. Divers facteurs peuvent favoriser le développement de l’extrémisme violent dans ces pays : frustration des jeunes à l’égard d’aînés qui monopolisent le pouvoir politique et économique ; disparités entre espaces urbains et ruraux ; taux d’illettrisme ; prégnance de nouvelles idéologies religieuses comme le revivalisme sunnite. Dans le nord du Bénin par exemple, de nombreuses mosquées ont été construites, accompagnées d’une introduction du port du voile par les jeunes filles et les femmes. De même, le Ghanaian National Peace Council a dû intervenir à plusieurs reprises à la suite de prêches radicales et de sermons antimusulmans.

L’importation de courants religieux venus du golfe Arabo-persique ne suffit pas à expliquer l’engagement dans un groupe armé djihadiste. Plusieurs études (PNUD, ISS ou IFRI) ont montré le rôle majeur du sentiment d’injustice, des conflits locaux, et du comportement des forces de défense et de sécurité dans la bascule dans la violence et sa continuation. La progression d’un islam rigoriste sur le continent africain constitue néanmoins, pour des acteurs prônant la violence au nom de la religion, un levier afin d’obtenir une audience, une oreille complaisante, des soutiens, des financements, voire recruter des combattants en s’appuyant sur le sentiment anti-occidental et la colère d’une partie de la population.

L’expansionnisme sunnite génère aussi des compétitions porteuses de violence avec des formes plus traditionnelles de l’islam africain. En Guinée par exemple, les tensions entre jeunes wahhabites et érudits soufis traditionnels a conduit en 2014 à la destruction de la mosquée wahhabite dite « Tata 1 » dans le quartier Donghol. Financée par une association du golfe Arabo-persique, via une association guinéenne, elle avait été prise en main par un imam wahhabite autoproclamé.

Ces tensions religieuses sont d’autant plus dangereuses qu’elles prennent place dans des pays secoués par des tensions ethniques (que les groupes terroristes savent attiser en particulier entre nomades et sédentaires), des conflits autour de la terre, du bétail, des ressources du sous-sol et de leur exploitation, une remise en cause des hiérarchies sociales par les jeunes et dans lesquels l’arène politique est rarement apaisée. En Côte d’Ivoire, le pouvoir est focalisé sur l’échéance électorale de 2020, les déceptions sont grandes à l’égard du mandat de Ouattara et l’intégration de ses combattants a laissé des traces dans l’appareil sécuritaire. Au Bénin, les heurs politiques ne retombent pas entre le pouvoir et l’opposition depuis les élections législatives du 28 avril dernier. Au Cameroun, des velléités indépendantistes de la partie anglophone au nord-ouest du pays se manifestent depuis 2016. Plusieurs attentats ont été commis. Le 1er octobre 2017, des séparatistes annoncent une indépendance symbolique des deux régions anglophones, et provoquent des manifestations. La dispersion violente de ces rassemblements cause au moins dix-sept morts parmi les manifestants. En trois ans, le conflit aurait fait 1 850 morts et forcé plus de 530 000 personnes à fuir leur domicile, d’après les Nations unies.

Le plus inquiétant se situe peut-être à ce niveau : la défaillance de régimes politiques qui semblent n’avoir toujours pas compris la multiplicité des facteurs qui nourrissent l’hydre djihadiste, facteurs à la fois ethniques, économiques, politiques et géographiques. Sur chacun de ces leviers, il est urgent d’agir.

 

Que faire ?

La question ethnique est sensible mais peut-être la plus déterminante. Si l’on s’en tient au cas du Mali, les tensions entre Touaregs, Peuls, Bambaras et Dogon ne doivent pas être sous-estimées. Il ne saurait y avoir de solution politique à long terme sans la prise en compte de cette pluralité ethnique qui réclame le développement, le respect et la garantie d’une décentralisation franche et d’autonomies locales larges. Face aux heurs qui peuvent exister entre sédentaires et nomades, c’est la mission des autorités publiques et des chefs locaux de garantir une coexistence pacifique en organisant concrètement la répartition des terres, la transhumance des troupeaux, etc.

Sur le plan économique, une lutte impitoyable contre les trafiquants en tous genres (drogue, médicaments, enlèvements et rançons, armes) doit être conduite et coordonnées entre les différents pays de la zone. Ces trafics nourrissent le djihadisme : s’en prendre à eux, c’est affaiblir l’hydre terroriste. Bien sûr, on sait que dans certains pays, des fonctionnaires et des responsables politiques sont complices de ces trafics.

C’est pourquoi le facteur politique est également majeur. Les populations comprennent mal qu’un jeune désœuvré soit envoyé pour cinq ou dix ans en prison parce qu’il a fait de la contrebande quand tel ministre ou tel directeur des douanes n’est pas inquiété alors qu’il fait la même chose à grande échelle… La question de l’exemplarité des élites, de la lutte contre la corruption et du respect de l’État de droit est également prégnante. Les bailleurs de fonds internationaux devraient être bien plus exigeants.

Il y a enfin le facteur géographique, qu’il ne faut pas sous-évaluer. Les espaces à surveiller et contrôler sont souvent immenses (le Mali fait plus de 1,2 millions de kilomètres carrés) et en tout cas trop grands pour les moyens dont disposent ces pays. Pourtant, le contrôle des frontières est un enjeu prioritaire. Une coordination accrue entre pays, le soutien des pays occidentaux et les nouvelles technologies (radars, drones, etc.) sont indispensables.

Publié en langue anglaise le 13/09/2019 sur Geopolitical Intelligence Service




CHARLES MILLON: « LE COMBAT DE DEMAIN SERA ENTRE GIRONDIN ET JACOBIN »

 

Devant la débâcle des Républicains aux élections européennes, Charles Millon pense le moment venu de restructurer la vie politique autour du clivage jacobin / girondin. À côté d’Emmanuel Macron qui revendique une verticalité toute jacobine ou du RN qui reste très centralisateur, il y aurait place pour un large mouvement girondin qui partirait des territoires et pourrait nouer des alliances sans complexes.

 

Que vous inspire le résultat des élections européennes et comment analysez-vous la déconfiture de la droite de gouvernement ?

Je pense que quand un parti est ambigu et qu’il ne convainc pas les concitoyens sur les solutions qu’il propose, il disparaît du paysage politique. LR n’a pas été assez clair dans ses stratégies et ses alliances, ainsi que dans la méthode qu’il comptait mettre en œuvre. Les Français ne comprenant pas très bien la ligne politique des LR, ils se sont détachés d’eux au profit du RN ou de LREM. Enfin, les règlements de compte immédiats auxquels on assiste depuis dimanche sont peu décents, fébriles et inutiles, ce que les Français ne manqueront pas de relever.

Pensez-vous que LR devrait faire alliance avec le RN ?

La question ne se pose pas en ces termes. LR devrait d’abord avoir une ligne idéologique claire qui lui permettrait ensuite de créer des majorités d’idées et non pas des majorités d’intérêts. Lorsque l’on est fort, on ne craint pas l’autre …Si la droite souhaite un jour revenir aux commandes de la France, il faut d’abord travailler à élaborer un programme commun de la droite, et apporter des réponses aux fortes mutations en cours dans notre pays, redonner de l’espérance et recoudre les déchirures entre les territoires. Il ne doit pas y avoir une France des villes et une France des campagnes. Cette histoire de front républicain est un piège inventé par Mitterrand pour diviser la droite, LR en subit encore les conséquences 30 ans après.

 

Est-ce que c’est la fin de l’UMP qui était l’agrégat de différentes sensibilités (libéraux, démocrates-chrétiens et gaullistes) ?

L’UMP est déjà enterrée depuis plusieurs années…elle a changé d’enseigne et chacun des partis s’est remis à son compte ou au compte d’Emmanuel Macron…. Pourtant en démocratie il faut toujours une majorité et une opposition. Hier le combat était entre socialistes et libéraux, demain il sera entre girondin et Jacobin. Si LR veut se réinventer un avenir, il devrait se positionner et devenir le grand parti Girondin. Tant qu’il n’aura pas fait ce saut politique, il n’arrivera pas à être audible.

Hier le combat était entre socialistes et libéraux, demain il sera entre girondin et Jacobin

Le clivage jacobin / girondin est intéressant mais est-il pertinent pour rendre compte de toute notre vie politique ? Sur l’islam qui gangrène les banlieues, la question est-elle vraiment d’être jacobin ou girondin, ou bien de lutter contre le communautarisme ?

Un élu local comme un président de région est tout à fait capable de traiter la question de l’islam. Pour un président de région, le système éducatif ou la gestion de l’urbanisme sont des outils adéquats contre les tendances séparatistes. De plus, le système de la charia est interdit par notre législation, je ne vois pas au nom de quoi il pourrait avoir droit de cité. On n’a pas besoin pour cela d’un président de la République tout puissant qui étouffe les territoires. Je préfère un système girondin qui met en œuvre une démocratie locale, c’est comme cela qu’on pourra lutter efficacement contre l’islamisme.

 

Pourquoi est-ce si important d’être girondin ?

C’est la seule méthode qui permette de concilier la réalité et les convictions. Sinon, on est prisonnier d’une idéologie ou d’hommes politique qui poursuivent des projets personnels. Dans une collectivité locale à taille humaine, l’idéologie politique n’infuse pas…Plus on s’approche de la réalité locale, moins l’idéologie existe.

 

Mais il peut y avoir du copinage au niveau local, n’est-ce pas pire ?

En trente ans de vie politique, je n’ai jamais pu constater un système de « copinage » au niveau local. Aujourd’hui il faut impérativement rapprocher le pouvoir des citoyens et mettre en œuvre une République respectueuse des libertés locales. Pour ce faire des réformes institutionnelles majeurs sont à travailler et parmi celles-ci, une réflexion profonde doit porter sur le mode d’élection du Président de la République qui, au fil des années est devenu un véritable « monarque républicain ».

Vous voulez un retour à la IVe République ?

Non, je propose une réforme totale de nos institutions afin d’obtenir une vraie décentralisation qui ne maintienne au niveau national que les compétences régaliennes (intérieur, défense, diplomatie, justice). Toutes les autres compétences doivent être exercées au niveau local : culture, éducation, développement économique, santé, transport, énergie, etc… Nos voisins allemands, italiens ou espagnols fonctionnent comme cela et ne s’en plaignent pas. Il est temps, en France, de mener, enfin, une véritable décentralisation.

 

Essayiste
Benoit Dumoulin
bdumoulin@lincorrect.org

L’Incorrect 29/05/2019




Le pacte de Marrakech

Christian Vanneste, assisté de Nathalie, reçoit : Charles Millon, ancien ministre André Coustou, général Jean-Yves Le Gallou, président de Polémia Fabre Bernadac, rédacteur à Boulevard Voltaire Drieu Godefridi, essayiste libéral belge Antoine Martinez, général, essayiste, président de Volontaires pour la France Jean-Paul Gourevitch, essayiste, expert international en ressources humaines, spécialiste de l’immigration, consultant international Laurent […]

https://www.radiocourtoisie.fr/2019/01/09/libre-journal-de-la-resistance-francaise-du-9-janvier-2019-le-pacte-de-marrakech/



La dissolution serait la seule alternative

La lumière froide de l’hiver est
cruelle pour Emmanuel Macron et fait couler le fard avec lequel il s’était grimé
depuis 18 mois.

Les hérauts de la bien-pensance ont
maquillé le résultat de son élection en triomphe.

Triomphe de la jeunesse et de la
modernité face aux partis cacochymes, triomphe de la France des startsup contre
la France ringarde ou obsolète, triomphe de la famille « tendance »
contre la famille traditionnelle, triomphe du citadin contre les B.O.F de
province… !!!

Cette cosmétique a, un temps, un
temps seulement, fait oublier qu’Emmanuel Macron ne disposait que d’un socle de
23% des votants, guère plus ; 23% qui ont, aujourd’hui, rétrécis comme peau de
chagrin. Et que donc plus de 75% des Français ne se sentaient pas engagés par
ce vote.

Rappelons quand même que la
victoire de 2017 ne découlait pas d’un choix raisonnable mais d’un choix fabriqué
: une justice utilisée pour abattre l’adversaire – François Fillon –  et une diabolisation constante du FN rendaient,
une fois passé le premier tour,  l’issue
du scrutin sans surprise.

L’Assemblée Nationale, élue dans
la foulée des élections présidentielles, est à l’image de ce scrutin : en
trompe l’œil. En passant du septennat au quinquennat et en faisant ainsi
concorder les élections législatives et les élections présidentielles, on a insidieusement
bouleversé, et notre vie institutionnelle et les fondements même de la Vème
République.

Une élection par défaut ne vaut
pas adhésion à un programme ou à un homme : depuis deux mois l’explosion
de la crise des gilets jaunes en fait la démonstration. Celle-ci restera un
marqueur intransigeant et féroce pour le pouvoir en place, bien à la peine
aujourd’hui dans la guerre de mouvement imposée par les contestataires, pour
toute la suite du quinquennat.

Et la consultation nationale
annoncée pour répondre à la colère du peuple n’est qu’un faux semblant, un
artifice qui provoquera, à coup sûr, l’insatisfaction des citoyens tant ils se
sentiront encore une fois bernés ; car le pouvoir ne changera pas sa
politique. Emmanuel Macron l’a clairement affirmé lors de ses vœux.

Seule une dissolution et
l’annonce de nouvelles élections législatives permettront de redonner du
souffle à notre démocratie et d’en arrêter la dérive autocratique.

Elle seule permettra de débattre, programme contre programme, et d’envoyer au Parlement une représentation nationale conforme à l’état réel du pays. 

Charles MILLON
Ancien Ministre de la Défense

                                                                                 




Mais si, le RIC est fait pour les Français

A trois conditions…

Le référendum d’initiative populaire (RIC), réclamé par certains gilets jaunes, pourrait être le principal apport de la crise à la France. Si trois conditions étaient respectées, il serait un puissant outil de régénération de la Ve République.

Le référendum d’initiative citoyenne (RIC) sera-t-il, in fine, la meilleure contribution du mouvement des gilets jaunes à notre pays ? Si l’heure du bilan n’a peut-être pas encore tout à fait sonné (la colère et l’amertume demeurent, le prélèvement à la source est pour janvier), l’apparition de cette proposition dans le débat public est déjà un bienfait – un bienfait pour le peuple français passionné de politique, un bienfait pour notre démocratie malade, un bienfait pour notre État trop sûr de lui.

Commentateurs et responsables politiques discutent depuis quelques jours la proposition, les uns enthousiasmés, les autres (le plus grand nombre) effrayés. Les médias interrogent avidement le modèle suisse pour en marquer les différences irréductibles ou, au contraire, pour le porter au pinacle. Un peu de raison serait bienvenue dans ce brouhaha : marquer les conditions requises au succès de ce mécanisme de consultation populaire, s’il doit advenir, est œuvre utile. Nous en voyons au moins trois.

Le RIC ne doit pas être un outil antiparlementaire

La première est qu’il convient de concevoir le référendum d’initiative citoyenne en complément des institutions représentatives, et non contre elles. C’est une erreur pour ses partisans (en particulier à l’extrême gauche qui rêve de référendum révocatoire) d’y voir une solution de remplacement des institutions existantes et des élus, disqualifiés par principe et dans leur ensemble. C’en est une autre pour ses opposants d’y voir a priori et sans réserve un risque « populiste » pour la démocratie.

En Suisse, les mécanismes de démocratie directe, dont on sait qu’ils sont de précieux outils de participation et d’implication des citoyens à la vie civique, ne s’opposent pas aux autres dispositifs institutionnels du pays (bicamérisme, autonomie cantonale, assemblées municipales, etc.), mais se conjuguent à eux. C’est ainsi reconnaître la « vertu des institutions », chère à Montesquieu, vertu d’équilibre, de légitimation de l’action publique et de temps long.

Un temps pour discuter et un temps pour accepter

La deuxième condition que nous voyons a justement trait à cette question du temps. Face à l’immédiateté médiatique, face à l’embrasement des passions populaires, il convient que les mécanismes mis en place laissent du temps au temps avant d’aboutir au référendum à l’échelon national.

En Suisse, la phase de concertation préalable à la construction d’un tronçon d’autoroute, par exemple, peut aisément durer trois ans. Mais une fois que la décision est prise, il n’y a plus de contestation. Toutes les parties se sont exprimées, au travers de diverses consultations au cours desquelles les différentes positions ont été documentées et discutées, et savent se soumettre au choix final. Le temps, l’information du citoyen, la discussion, permettent la maturation de la décision et contribuent à la maturité des acteurs. En Suisse, un Notre-Dame-des-Landes est inconcevable.

La Ve République doit se détendre

La troisième condition au succès de la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne serait l’indispensable réforme des institutions dans le sens d’une très franche décentralisation. La Ve République craque en effet de toutes parts. Au fil des décennies, ses défauts (moins monarchiques, comme on le dit sans y réfléchir, que profondément républicains) se sont transformés en caricatures : unitaires jusqu’à l’obsession, spontanément centralisateurs dans la décision comme dans l’action, méfiants contre toute structure médiatrice entre l’État et le citoyen (corps intermédiaires, collectivités locales).A

A cela s’ajoutent depuis dix-huit mois les erreurs et les fautes d’un président de la République enfermé dans l’État – l’État comme « manière de voir », comme milieu, comme outil et comme tour d’ivoire – et ne connaissant que lui. Chacun connaît, au contraire, le caractère fédéral et puissamment décentralisé du système suisse dans lequel les mécanismes de démocratie directe sont l’un des éléments, avec d’autres, de l’équilibre institutionnel.

Le RIC doit s’appliquer à l’échelon local…

Que donnerait la création du référendum d’initiative citoyenne en France, si ces conditions étaient réunies ? Au niveau communal, elle serait facile et infiniment souhaitable. Dernier espace de confiance politique dans notre pays (sept Français sur dix apprécient leur maire quand huit sur dix rejettent leurs élus nationaux), la commune pourrait aisément consulter sa population, sur la demande d’une part significative de celle-ci, pour des choix d’équipements, d’urbanisme, d’environnement, etc. Si l’on veut encourager la démocratie locale (et sauver la commune contre la faute politique qu’est l’EPCI), il faut créer le « référendum d’initiative locale » sans attendre.

…et national

Au niveau national, on pourrait imaginer un mécanisme en deux temps : des référendums organisés au niveau départemental puis, si dix ou quinze départements se sont exprimés dans le même sens, un référendum national. Ce dispositif aurait pour avantage d’hybrider la demande populaire et l’institution départementale bien en prise avec les réalités locales, d’étaler sur le temps long la consultation démocratique et de tamiser ainsi pulsions et excès. Il permettrait surtout de décentraliser un puissant outil de consultation et de participation populaire qui, pour une part, échapperait à l’État et l’obligerait à composer et dialoguer avec d’autres acteurs que lui-même.

parCharles Millon et Jean Thomas Lesueur

Causeur 20/12/2018




Les deux guerres du Mali

Comme souvent en Afrique, les élections présidentielles maliennes du 29 juillet dernier risquent de ne rien changer à la situation du pays.

L’élection contestée d’Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK », et la perspective des élections législatives prévue le 28 octobre prochain vont plus sûrement fracturer encore la société malienne que permettre de relever les défis urgents du pays : lutte contre la pauvreté (le Mali est le 17e pays le plus pauvre du monde), lutte contre la corruption endémique ou contre les trafics mais surtout le divorce chaque jour plus profond entre le nord et le sud du pays.

La France, présente sur le terrain et qui porte le régime à bout de bras, est prise au piège d’une situation de plus en plus sans issue.

Le 11 juin dernier, un mois avant l’élection présidentielle, le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian expliquait pourtant que « dans les accords d’Alger, il y a tout ce qu’il faut pour retrouver la paix au Mali et plus globalement au Sahel ». A quoi il ajoutait, sur un ton moins diplomatique : « Encore faut-il avoir la volonté politique de transformer ces accords en réalité. Ce n’est pas encore le cas, je souhaite que ce soit le cas après l’élection présidentielle ».

De fait, plus de cinq ans après l’opération militaire qui avait consisté à repousser la progression fulgurante de groupes armés dans le pays, rien n’est réglé dans ce pays immense (1,2 millions de km2), composite et fragile. Ce que révèlent ces cinq années sans résultats politiques probants, c’est la divergence croissante des objectifs et des agendas entre Paris (et plus globalement la communauté internationale) et Bamako.

2013 : Paris « sauve » Bamako

Sans revenir en détails sur les événements passés, il faut rappeler que la France était intervenue en janvier 2013 pour « sauver » Bamako de divers groupes armés, au premier rang desquels le mouvement salafiste Ansar Dine (allié de circonstance du Mouvement national pour la libération de l’Azawad, MNLA), venus du Nord sahélien, de la région de l’Azawad (qui correspond aux trois régions maliennes de Kidal, Tombouctou et Gao).

Les 3 500 hommes de l’opération Serval stoppèrent net leur progression et les repoussèrent vers le nord.

Devenue l’opération Barkhane en août 2014 et intégrant des forces de pays voisins, l’action de France a consisté à éliminer au maximum les groupes djihadistes mais surtout à les éparpiller au maximum, pour les affaiblir, sur le territoire immense de l’Azawad.

Dans le même temps, il a fallu sécuriser la frontière nigérienne pour stopper les flux d’hommes et d’armes provenant en particulier de la Libye. Aujourd’hui, 1 600 soldats français sont encore présents au Mali, mais plus de 4 000 sont actifs au Sahel (Mauritanie, Burkina Faso, Niger et Tchad). Sur le plan tactique, ils réalisent des frappes ponctuelles et ciblées sur des groupes, des convois ou des sites djihadistes.

L’immensité du territoire interdit de le contrôler totalement. C’est pourquoi Paris demande à Bamako de prendre le relais sur le terrain en déployant son armée mais, surtout, d’enclencher le processus politique prévu par l’accord d’Alger signé en juin 2015 entre les autorités maliennes et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
Le vieux « problème touareg »

Car le nœud du problème est là : dans la méfiance séculaire qui oppose, schématiquement, les Touaregs du nord et les Bambaras du sud. Si la France mène depuis cinq ans une « guerre contre le terrorisme », on peut dire que Bamako mène une guerre politique, économique et sociale contre les revendications autonomistes des groupes du Nord – non seulement touaregs mais aussi peuls. Une partie importante de la situation malienne s’explique en effet dans la cohabitation dans le même pays de populations ethniquement et culturellement très différentes.

Les Touaregs, qui sont des Berbères nomades, ne se sentent rien de commun avec les populations du sud.

Historiquement, les « hommes bleus », aussi appelés les « hommes des espaces infinis », ont toujours vécu dans les vastes zones désertiques du Sahel.

Les frontières souvent artificielles, tracées lors de la décolonisation, ne signifient rien pour eux qui commercent et mènent leurs troupeaux sans s’en soucier.

Bien sûr, l’époque a changé et le peuplement touareg s’est peu à peu dilué parmi la population des agriculteurs noirs et des nomades peuls. Pour autant, sa spécificité a demeuré et le « problème touareg » n’a jamais trouvé de solution depuis l’indépendance du Mali en 1960. Pour preuve, en cinquante ans, quatre conflits ont opposé Bamako au Nord : en 1963-1964 (avec des massacres de civiles importants), en 1990-1996, en 2006, en 2007-2009.

Des conflits qui ont créé de très lourds contentieux entre les deux parties. Des décennies pendant lesquels l’État malien ne s’est que très peu soucié du développement du Nord.

Les accords d’Alger : solution ou problème ?

Et c’est dans ce contexte qu’a éclaté un cinquième conflit, en janvier 2012, qui opposait l’armée malienne aux rebelles touaregs du MNLA et à Ansar Dine, alliés à d’autres mouvements islamistes.

Le MNLA revendiquait l’autodétermination et l’indépendance de l’Azawad – que refusait le gouvernement malien, au nom de l’intégrité du territoire. Tout en intervenant militairement en 2013, la France poussa beaucoup les parties à négocier, ce qui aboutit aux accords d’Alger de 2015, auxquels le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian a rappelé son attachement.

Pourtant, force est de reconnaître que ces accords n’ont pas produit beaucoup de résultats.

Et pour cause : stipulant l’intégrité du Mali et n’ouvrant aucune voie à une plus grande autonomie des régions du Nord, ils se contentaient de reconnaître en termes vagues la spécificité de l’Azawad.

Ils ne contenaient pas d’avancées par rapport aux accords de 1992 et de 2006, suite aux précédents conflits, qui avaient déjà concédé la création d’assemblées régionales et la responsabilité d’une partie de la sécurité au niveau local.

La France prise au piège

Face à ce blocage, la France, et derrière elle la communauté internationale, piétinent. Les forces sur le terrain sont dans une situation impossible, incapables d’agir sur un conflit ethno-régional qui les dépasse.

Elles continuent leurs opérations ponctuelles de « nettoyage » contre les cibles jihadistes mais sont sans moyens structurels et pérennes pour agir sur les racines de la situation : l’irrédentisme touareg sur lequel est venu se greffer l’islamo-terrorisme.

La présence militaire française a donc de moins en moins de sens dans un contexte où le gouvernement qu’elle est venue soutenir, poursuit des objectifs divergents, voire contradictoires, des siens. Pourquoi la France reste-t-elle au Mali ? Quels sont les objectifs de sa mission aujourd’hui ?

Quel est son calendrier à moyen terme ?

Ces questions, que posent en off de plus en plus d’officiers généraux, embarrassent les responsables politiques qui ne veulent manifestement pas mettre la pression sur IBK pour qu’il envisage de respecter enfin des accords d’Alger.

La clé institutionnelle

Ce serait pourtant la clé du problème. Dans un pays réunissant des populations si différentes et animées par une méfiance réciproque séculaire, le centralisme pyramidal hérité de l’administration coloniale française est voué à l’échec.

Seul un fédéralisme intelligent et adapté aux réalités locales permettrait de rouvrir le jeu et de débloquer un processus de paix au point mort.

La solution au problème malien est donc institutionnelle.

Mais, gêné par son passé colonial et redoutant par-dessus tout d’être accusé d’ingérence, Paris n’ose pas pousser sur cette voie. Et Bamako ne voit aucune raison de s’engager sur un chemin qui aboutirait à l’amoindrissement de son pouvoir.

Il est vrai aussi que l’ampleur des difficultés auxquelles le Mali a à faire face ne l’incitent pas à ouvrir un pareil chantier. Les tensions ethniques apparues début 2018 dans le centre du pays où les Dogons (sédentaires) qui accusent les Peuls (nomades) de liens avec des groupes terroristes, compliquent encore l’équation.

Il n’en reste pas moins qu’au Mali, comme dans d’autres pays de la région, la question institutionnelle, aussi taboue soit-elle, est incontournable.

Charles Millon, ancien ministre de la Défense (France) (www.charlesmillon.com) ,
cofondateur de l’Institut Thomas More (www.institut-thomas-more.org)



Charles Millon : Les communes peuvent être de véritables laboratoires pour une politique au service du bien commun

Charles Millon est bien connu des lecteurs du Salon Beige pour son engagement politique. Député mais aussi ministre de la Défense dans deux gouvernements d’Alain Juppé de mai 1995 à juin 1997, il a été élu Président du Conseil régional de Rhône-Alpes et maire pendant vingt-quatre ans de la ville de Belley.

Fondateur du réseau de l’Avant-Garde, il est à l’origine d’une formation pour les candidats aux municipales.

Il a répondu aux questions du Salon Beige. 

Monsieur le Ministre, pourquoi pensez-vous qu’il faille s’investir dans ces élections qui auront lieu en 2020 ?

Avec l’élection d’Emmanuel Macron, notre pays a signé pour cinq nouvelles années de déconstruction. La situation peut sembler sans issue mais à l’échelle locale, il est possible de reconstruire des communautés de destin, comme Gustave Thibon les définissait. Si à l’échelle nationale, nos élites politiques ne partagent plus matériellement ni spirituellement une existence commune, le maire, lui, est soumis aux mêmes risques et poursuit les mêmes buts que ses électeurs. Il vit dans une sorte de coude à coude quotidien avec eux. Les communes peuvent être donc de véritables laboratoires pour mettre en place une politique au service du bien commun.

Les élections de 2020 sont une très belle opportunité pour permettre à une nouvelle génération politique de s’emparer des rênes de plusieurs dizaines de communes, d’acquérir ainsi, une expérience et une légitimité politiques pour, pourquoi pas, un jour prendre les rênes de notre pays !

Cet été, l’opinion publique a été alertée par le nombre important de maires qui préfèrent démissionner. Cette situation ne révèle-t-elle pas les difficultés croissantes d’un tel mandat ?

Il est vrai que, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, 386 maires ont démissionné. C’est un chiffre record dont la tendance depuis 2014 ne cesse de s’accélérer. Une des raisons principales de cette situation est le sentiment des élus locaux d’être méprisés par l’Etat. Il faut aussi ajouter la contribution croissante des finances locales aux politiques publiques nationales et plus récemment la loi NOTRE, portant sur la nouvelle organisation territoriale.

Il est vrai que la responsabilité des maires est devenue plus difficile ces dernières années mais cela ne doit pas faire oublier que le maire est un homme aux quarante métiers, soit autant de possibilités d’agir pour améliorer la vie de ses concitoyens. Je pense à ce jeune élu, Philibert Marquis, conseiller municipal dans la ville Belley, que j’ai administrée pendant plus de vingt ans, je pense à son enthousiasme. Architecte, il a mis ses compétences au service de sa ville : actuellement, il réfléchit à la reconversion des bâtiments de l’ancien hôpital.

Mais être maire ou même simplement conseiller municipal demande certaines compétences. Tout le monde ne semble pas fait pour assumer cette responsabilité.

Je ne suis pas du tout d’accord. Chacun d’entre nous doit être acteur de la reconstruction de notre pays et la bataille municipale doit concerner tout le monde. Habiter un territoire, ce n’est pas simplement y vivre, c’est aussi contribuer à son développement, à sa vie sociale… Si nous sommes mus par la volonté que le bien commun régisse la France, alors nous avons le devoir de nous mobiliser pour ces élections.

Regardez, en 2014, une toute petite poignée d’anciens militants de La Manif Pour Tous a été élue aux fonctions municipales. Ces militants n’étaient pas d’anciens piliers de la vie politique, ils ne dépendaient pas des systèmes d’allégeance des partis politiques. Pourtant, ils ont, à ce jour, un bilan peu connu mais incroyable. L’une a mis en place des patronages laïcs dans sa ville, tandis que l’autre a travaillé à la mise en place d’une préparation au mariage civil. Un autre exemple est celui de Robert Ménard qui a instauré une mutuelle municipale dans sa ville de Béziers, la quatrième ville la plus pauvre de France ! Croyez-vous qu’il était un spécialiste de l’assurance maladie ? Le travail de ces quelques élus montre qu’à l’échelle locale, il n’est pas nécessaire d’être un expert dans tel ou tel secteur pour réaliser des actions publiques utiles.

Avec l’Avant-Garde, vous organisez une formation pour les candidats aux municipales. N’est-ce pas contradictoire ?

Ce n’est pas parce qu’il n’est pas nécessaire d’être un expert qu’il ne faut pas se préparer. Mener une campagne et la gagner demandent d’être assuré dans ses convictions, dans ses fondements anthropologiques pour porter un programme qui soit cohérent. Les candidats doivent aussi acquérir des techniques indispensables comme apprendre à parler en public, constituer son équipe, user des médias, des réseaux sociaux… On ne peut s’improviser dans une campagne électorale : il y a une temporalité à respecter et une réflexion stratégique à avoir. L’objectif de notre formation est donc d’accompagner les candidats, les membres de leur liste et les membre de leur équipe de campagne sur toute cette démarche afin qu’ils soient des candidats crédibles. Mais s’engager dans la bataille des municipales ne s’arrête pas au soir des élections. Une fois élu, il faut pouvoir administrer, mettre en place ce qui a été énoncé. L’autre objectif de cette formation est donc de préparer les candidats à leurs responsabilités.

Concrètement, comment se déroulera cette formation ?

La formation se déroulera sur six week-ends d’octobre 2018 à septembre 2019, du samedi matin au dimanche milieu d’après-midi, afin de faciliter le retour des participants venus de province. C’est une formation qui s’adresse à tous tant que les participants partagent notre vision du bien commun, une vision fondée sur la pensée personnaliste. La question des étiquettes politiques ne nous intéresse pas. D’ailleurs, c’est un problème mineur pour les élections municipales. En effet, à l’exception des très grandes villes, chaque commune a son équilibre politique propre, loin des équilibres nationaux.

Nous avons réuni une trentaine d’intervenants : des élus, des journalistes, des politologues, des experts des collectivités territoriales… pour une formation à l’ensemble de enjeux : la construction d’un projet pour sa commune, la préparation de la campagne et la gestion de la commune.

Pour toute information, les lecteurs du Salon Beige peuvent prendre contact avec France Andrieux : france.andrieux@lavant-garde.fr

Quel serait le conseil principal que vous adresseriez à un lecteur du Salon Beige qui serait tenté par l’engagement électoral dans sa commune ?

Si vous vous souhaitez devenir maire ou conseiller municipal, c’est parce que vous avez le désir d’être au service des habitants de votre territoire. Il est fini le temps où l’ambition politique suffisait à justifier un mandat électoral. Aujourd’hui, les Français ont besoin de cohérence et d’engagement. La priorité est donc que vos lecteurs acquièrent une légitimité en se mettant dès aujourd’hui au service de leurs concitoyens. Il faut qu’ils se rendent utiles, qu’ils se retroussent les manches et agissent dans les lieux où les habitants se sentent négligés, abandonnés. En 2020, les Français n’éliront que les candidats qui auront su être crédibles par des actions menées pour la population et non pour leur notoriété personnelle.

Calendrier de la formation :

  • 20-21 octobre 2018 : La commune, un territoire d’action politique
  • 1er-2 décembre 2018 : La commune, des électeurs à convaincre et mobiliser
  • 26-27 janvier 2019 : La commune, une collectivité territoriale à administrer
  • 30-31 mars 2019 : La commune, une communauté à construire et préserver
  • 15-16 juin : 2019 : La commune, un territoire à faire aimer
  • Septembre : 2019 : Bilan de la formation : initiatives et témoignages d’élus.

https://www.lesalonbeige.fr/charles-millon-les-communes-peuvent-etre-de-veritables-laboratoires-pour-une-politique-au-service-du-bien-commun/