École Thomas More, école de l’engagement

Chers amis,

Vous le savez, j’ai consacré toute ma vie politique au service de la France et du bien commun. Il est un projet qui me tient particulièrement à cœur et qui doit être ma contribution la plus importante pour l’avenir de notre pays. Je le prépare depuis des années. 

C’est avec une grande émotion que je vous le présente aujourd’hui.

Plus que jamais, la France a besoin de personnes décidées, engagées et soudées ; la France a besoin d’une nouvelle élite.

Cette nouvelle élite doit être formée. Pour cela, avec une équipe d’amis engagés dans la vie civique, je lance l’école de l’engagement, l’École Thomas More. Elle proposera à tous ceux qui souhaitent prendre des responsabilités dans la vie publique une formation intellectuelle et opérationnelle de haut niveau, pour renforcer leurs convictions, approfondir leur engagement et développer leur réseau.

Pour découvrir cette initiative, je vous invite à la réunion d’information qui aura lieu en ligne sous forme de webinaire le mardi 28 novembre à 19h.

Au cours de cette réunion, nous vous présenterons l’ambition de cette formation, son programme, ses intervenants et ses modalités pratiques. Vous pourrez bien sûr poser vos questions en direct.

N’hésitez pas à vous inscrire ici : https://www.helloasso.com/associations/formation-et-civilisation/evenements/webinaire-d-information/

Je compte sur vous,

Charles Millon




Côte d’Ivoire · Un pays entre vulnérabilités et besoin de réconciliation

Dans un contexte sécuritaire des plus fragiles en Afrique et face aux velléités françaises, plus ou moins affichées, de se désengager de la zone subsahélienne, les élections législatives du 6 mars prochain en Côte d’Ivoire s’annoncent sous haute tension. Le pouvoir en place doit oser affronter l’opposition, unie pour la première fois, le faire à la loyale et prouver au peuple qu’il est encore souverain. A la veille d’élections cruciales, cette note souligne les fragilités du pays et montre la nécessité d’un scrutin au déroulement exemplaire, au risque de voir cette grande puissance d’Afrique de l’Ouest s’embraser à nouveau. Avec des conséquences qu’on ne mesure pas.


Longtemps les observateurs ont soutenu que le djihadisme et la menace islamiste se limitaient à l’Afrique du Nord et au Sahel, les pays tropicaux se croyant protégés par la barrière de la forêt. Or, force est de constater que c’était une erreur, que l’Islam d’abord, l’islamisme ensuite, le djihadisme enfin ont passé cette barrière et maintenant concernent l’Afrique tropicale et par là même tout le continent.

Alors que le pouvoir algérien avait réussi à l’éliminer après « la décennie de sang », elle est réapparue avec la chute de Mouammar Kadhafi en Libye, dont les puissances occidentales demeurent coupables. La menace djihadiste a pu se répandre aisément dans la zone sahélo-sahélienne dès lors que le seul régime fort de la zone était tombé et que les armements et les financements pouvaient transiter dans le Sahel en toute impunité et se répartir entre l’ensemble des groupes islamistes et terroristes.

Une menace terroriste qui s’étend toujours  plus vers le sud

Au nord Mali, où il a implanté ses premières bases, le terrorisme islamique s’est greffé sur des groupes aux revendications autonomistes anciennes, généralement Touareg mais aussi Peuls, et surtout il s’est métastasé. De la Mauritanie au Tchad et du Mali au nord Cameroun, il prend des formes diverses qui se nomme AQMI (Al Quaida au Maghreb Islamique), État islamique au grand Sahara, Boko Haram ou Daech… Et qu’il soit strictement religieux ou lié au grand banditisme avec des trafics de toute sorte : armes, femmes et jeunes filles, drogues, etc.

Il est préoccupant de constater que le trafic de drogues en provenance d’Amérique latine, qui jusque-là arrivait en Afrique par Bissau et remontait par le Mali avant d’aller vers le nord de l’Europe et le Moyen Orient, cherche à emprunter un nouvel itinéraire en arrivant dans le golfe de Guinée : c’est ainsi qu’il y a dix jours plus d’une tonne de cocaïne en provenance du Paraguay ont été interceptées en Côte d’Ivoire.

Quand on sait que trafic de drogue et terrorisme s’alimentent l’un l’autre, tout cela est alarmant et surtout après avoir entendu AQMI et Daech affirmer que leur prochain objectif était d’atteindre l’océan et en particulier les ports du golfe de Guinée : Cotonou au Bénin et San Pedro en Côte d’Ivoire.

Un défi lancé à tous les pays du continent

Aujourd’hui, une zone grande comme l’Europe et qui s’étend sur le Mali, le Niger, le Burkina Faso est écumé par les groupes djihadistes (Figure 1). Si ces derniers mois, l’armée française et celles des pays africains du G5 Sahel ont multiplié les offensives, en particulier dans la zone dite des trois frontières (Mali, Niger, Burkina Faso), si de bons résultats dans la lutte contre le terrorisme ont été enregistrés avec la mort de l’émir d’AQMI, le bilan est toutefois mitigé. L’attentat du 9 août 2020 à Niamey a jeté le doute et chacun s’interroge sur la capacité du Niger à contrer ce terrorisme.

Lors du sommet de N’Djamena des 15 et 16 février dernier, réunissant les chefs d’État du G5 Sahel et leurs partenaires, au premier rang desquels figure la France, Emmanuel Macron a reconnu qu’il ne s’agissait pas de traquer tous les groupes armés de la région, sans quoi « ce serait une guerre infinie », mais de cibler les têtes djihadistes.

Figure 1 • Une menace terroriste qui s’étend

Source • The Economist, juillet 2020

Le fait que la France ait évoqué un redimensionnement de son engagement laisse entendre en termes diplomatiques, qu’elle envisage un retrait de la région à court ou moyen terme… qui obligera les pays concernés par le terrorisme islamique à mobiliser leur population tout entière contre l’ensemble de la menace djihadiste. Car celle-ci a toujours profité pour s’infiltrer des divisions politiques, des désordres économiques et des tensions sociales, comme on a pu le constater au Mali ou au Burkina Faso. Le défi est donc lancé à tous les pays du continent et notamment à la Côte d’Ivoire, cible toute désignée : une grande frontière commune avec le Burkina, un pays déjà largement gangréné par le terrorisme et deux ports riches et puissants, Abidjan et San Pedro (Figure 2).

Côte d’Ivoire : un pays au bord de la rupture

La Côte d’Ivoire doit d’urgence engager la réconciliation de tous ses habitants pour retrouver la paix civile et la capacité de mobilisation afin de faire face à la menace djihadiste qui se profile de plus en plus sûrement. Or, voilà plus de vingt ans que la Côte d’Ivoire est déstabilisée, tant sur le plan politique que social. En deux décennies, le pays a subi deux coups d’État et vécu une quasi-guerre civile.

Figure 2 • Une menace terroriste qui s’étend

Source • Adobe Stock, sous licence

Le bel ordonnancement que le premier président Félix Houphouët-Boigny avait réussi à mettre en place et à maintenir a été mis à bas après sa mort. Le pays qui était prospère en étant devenu notamment le premier producteur mondial de cacao, voit aujourd’hui la misère augmenter : près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, le pays souffre d’une immigration non contrôlée et des tensions se maintiennent entre le sud chrétien et le nord musulman. Déjà des milices font régner dans certaines régions un climat de terreur.

Il est donc urgent de garantir la paix civile en favorisant la réconciliation entre tous les Ivoiriens.

Malheureusement, les élections présidentielles du mois d’octobre dernier ont montré combien la démocratie ivoirienne était fragile et captée par des forces aux intérêts autres que nationaux. En se présentant pour un troisième mandat, au mépris de la constitution, Alassane Ouattara a instillé le doute sur la démocratie et le respect des droits de chaque citoyen.

Élections législatives du 6 mars : un rendez-vous capital pour la Côte d’Ivoire et pour l’Afrique de l’Ouest

Muée peut-être par le principe de réalité, une nouveauté historique est apparue avec l’alliance entre les deux grands partis d’opposition (le PDCI présidé par Henri Konan Bédié et l’EDS, le parti de Laurent Gbagbo) : ils ont institué une plateforme commune pour présenter un front uni de l’opposition au pouvoir en place avec des candidats uniques dans la majorité des circonscriptions, et offrir ainsi une alternance crédible, permettant aux Ivoiriens de choisir librement et sereinement entre deux politiques.

Cette alliance pose comme préalable la réconciliation nationale, la libération de tous les prisonniers politiques, la veille rigoureuse sur la transparence et la sécurité du scrutin législatif du 6 mars prochain. C’est ainsi que la Côte d’Ivoire pourra rejoindre les démocraties « adultes » d’Afrique telles que le Niger où le Président Issoufou a refusé de briguer un troisième mandat et a ainsi permis l’élection de son dauphin, Mohamed Bezoum.

Mais maintenant que les deux anciens présidents de la République, au travers des deux principales formations politiques d’opposition, ont décidé de présenter des candidats uniques dans la majorité des circonscriptions et de participer soudés aux échéances démocratiques, il est impératif que le scrutin du 6 mars se déroule dans la sécurité et la transparence. Il revient donc à Alassane Ouattara et à la communauté internationale de veiller à la bonne tenue des élections et de s’opposer à d’éventuelles fraudes.

Il est fondamental que des observateurs internationaux soient invités à veiller de près à la transparence du scrutin. Si, comme on le dit, le président Macron recevait Alassane Ouattara cette semaine à Paris, cette demande devrait prendre une forme impérative.

Les élections législatives du 6 mars sont capitales pour la Côte d’Ivoire, bien sûr, mais au-delà pour toute l’Afrique de l’Ouest. Le bon déroulement du scrutin redonnerait force et espoir à une population taraudée par la montée de la pauvreté et inquiète des violences et de l’insécurité grandissantes. Et sans l’adhésion des peuples, la bataille contre l’hydre djihadiste restera infructueuse.

Charles Millon, ancien ministre de la Défense, co-fondateur et administrateur de l’Institut Thomas More

Mars 2021 • Note d’actualité 74 •  de l’Institut Thomas More




Afrique de l’ouest : nouveau front du djihadisme africain Charles Millon, ancien ministre de la Défense (France), cofondateur de l’Institut Thomas More (www.institut-thomas-more.org)

Le 9 mai dernier, la mort de deux soldats français dans une opération de sauvetage de deux touristes enlevés au nord du Bénin huit jours plus tôt a ouvert les yeux à tous ceux qui ne voulaient pas le voir : le cancer djihadiste se propage désormais à l’Afrique de l’ouest. Sénégal, Mali, Niger, Bénin, Togo, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Nigeria, Ghana, Cameroun : tous ces pays sont désormais menacés.

 

Le Burkina Faso en première ligne

Initialement centrée sur le nord du Mali, l’action des groupes djihadistes a progressivement glissé vers le sud, au point que le centre du pays est devenu le théâtre principal des violences – fruit également de tensions ethniques hors de contrôle. L’ONU a ainsi recensé en 2017 plus de 1  000 incidents dans la seule région de Mopti et, durant l’année 2018, cette région est celle dans laquelle ont été enregistrés le plus grand nombre d’actions attribuées aux groupes djihadistes contre les forces de défense maliennes, la MINUSMA, les groupes armés signataires et l’opération française Barkhane.

Parallèlement à cette extension vers le centre du Mali, les groupes djihadistes se sont implantés au Burkina Faso, au point que l’état d’urgence a été déclaré le 1er janvier 2019 dans quatorze provinces frontalières du Mali et du Niger. Cette expansion a été préparée dès le début des années 2010, mais c’est en 2015 que les premières attaques commencent. Mais c’est surtout le nord qui est frappé, avec plusieurs attaques contre des représentants de l’État et des membres de la société civile. En décembre 2016, le groupe Ansaroul Islam est créée par Ibrahim Dicko. Composée principalement de Rimaïbés et de Peuls, cette entité entretient des liens avec d’autres groupes au Mali. En 2018, les incidents augmentent dans le nord sans pour autant cesser dans l’ouest. Parallèlement, la situation sécuritaire se dégrade considérablement dans l’est du pays avec une quinzaine d’attaques (engins explosifs ou accrochages) entre janvier et août. Il s’agit très probablement d’éléments de l’État islamique dans le Grand Sahara et d’Ansaroul Islam, qui ont noué des alliances avec des membres influents des communautés locales ayant étudié le Coran au Mali.

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette extension au Burkina. D’abord, comme l’affirmait l’ex-chef rebelle touareg malien Iyad Ag Ghali dans une interview datée de 2017, la nouvelle stratégie proclamée des groupes terroristes est l’extension de la lutte à de nouveaux espaces. Si cette orientation s’explique par la pression militaire qui pèse sur les groupes djihadistes dans le nord Mali, où les Français ont remporté plusieurs succès tactiques en 2018 et où le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) progresse, elle fait écho également au caractère transnational de l’idéologie djihadiste et aux circulations des idées et des personnes. Ensuite, les groupes djihadistes ont su trouver des relais parmi les populations locales pour s’implanter et mener leurs actions. Enfin, ils ont bénéficié de la désorganisation de l’appareil sécuritaire et des services de renseignement résultant de la révolution de 2014.

 

L’extension aux pays côtiers d’Afrique de l’ouest

Les récentes attaques au Burkina Faso, à proximité des frontières avec la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin, ainsi que l’arrestation en décembre 2018 de personnes préparant une opération à Bamako, Ouagadougou et Abidjan pour le Nouvel an, témoignent de la menace croissante qui pèse sur les pays du golfe de Guinée. Les premiers signes d’action de groupes djihadistes dans ces pays datent cependant du milieu des années 2010. Dans le parc transfrontalier du W, des combattants originaires du Mali auraient mené en 2014-2015 une reconnaissance en poussant jusqu’au Bénin. De même, en 2015, plusieurs membres d’une cellule du JNIM actifs dans la forêt de Sama, à la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Mali, étaient arrêtés, sans pour autant que les survivants cessent leurs activités. Ce sont d’ailleurs des membres de cette unité qui seraient à l’origine de l’enlèvement d’une none colombienne dans la région de Sikasso en février 2017, et qui ont été arrêtés à côté de Koutiala le 6 décembre 2018.

Les groupes armés djihadistes ont également recruté dans les pays côtiers ces dernières années. Le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) comptait parmi ses membres des ressortissants de plusieurs pays dont des Guinéens, des Ghanéens et des Béninois. Après le départ du nigérien Bilal Hicham de la katiba Ousmane Dan Fodio, c’est même un Béninois originaire du sud du pays et Yorouba, surnommé Abdoullah, qui prend la tête de l’unité. Et le MUJAO n’est pas isolé : selon les autorités libyennes, plusieurs dizaines de ressortissants du Ghana, du Sénégal et de la Gambie auraient rejoint l’organisation État islamique en Libye.

Le premier électrochoc est cependant l’attaque de Grand-Bassam, en Cote d’Ivoire, commanditée par l’Arabe Ould Nouini et menée par un commando suicide en mars 2016. Selon les auteurs d’un rapport interne du Secrétariat du Conseil national de sécurité ghanéen, « le Ghana et le Togo sont les prochaines cibles après les attaques au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire ». Deux mois plus tard, une note adressée aux forces armées béninoises était rendue publique, dans laquelle il était demandé aux unités de « renforcer la sécurité sur les différentes zones menacées d’attaques terroristes » et de faire preuve de « plus de vigilance dans les fouilles aux frontières ». De fait, les attaques se sont depuis multipliées dans toute la zone, notamment au Niger où des groupes terroristes ont mené des attaques dans la région de Diffa (sud du pays) en février et en avril. Au mois de mai, pas moins de vingt-huit soldats ont été tués dans la région de Tillabéri, à l’ouest du pays.

Certes, ces derniers mois ont été marqués par plusieurs mesures pour renforcer la sécurité aux frontières dans certains pays. Le Togo et le Bénin ont notamment déployé des unités supplémentaires dans le nord afin de renforcer le maillage du territoire. Parallèlement, des opérations conjointes ont été organisées. En mai 2018, le Bénin, le Burkina Faso, le Ghana et le Togo ont déployé près de 2 000 membres des forces de défense et de sécurité dans le cadre de l’opération Koudalgou, pour un bilan de 200 arrestations dont deux personnes soupçonnées d’être liées aux groupes jihadistes. Si cette mobilisation témoigne d’une certaine prise de conscience et d’une volonté de publiciser cette dernière, elle n’est pas sans susciter plusieurs interrogations.

D’abord, on le sait, la coopération reste difficile entre les acteurs de la sous-région. Certes, l’opération contre une cellule à Ouagadougou, en mai 2018, est issue d’une collaboration entre services burkinabè et maliens avec un appui technique français. Certes également, dans le domaine judiciaire, l’initiative WACAP (réseau des autorités centrales et procureurs de l’Afrique de l’Ouest qui regroupe les pays de la CEDEAO et la Mauritanie), portée par l’ONUDC, a permis de renforcer les échanges entre magistrats de la sous-région. Cependant, la coopération reste entravée par une culture de la méfiance entre États, entre administrations d’un même État, et au sein d’une même administration. Ensuite, le contrôle des flux sur les frontières septentrionales est limité par des pratiques anciennes de contournement, la corruption des agents de l’État, ou encore les limites en matière d’état civil. Cette surveillance est d’autant plus difficile que les groupes djihadistes s’appuient sur les savoirs de contrebandiers et de trafiquants.

 

Tensions religieuses, vulnérabilités sociales et aveuglement politique

L’intensité des échanges entre les États côtiers et l’hinterland sahélien, la répartition des communautés, les mobilités multiples – que cela soit pour s’installer durablement dans un autre pays ou au gré de circulation plus temporaires –, les flux marchands, les outils de communication, sont autant de facteurs pouvant encourager les « plugs » régionaux et internationaux autour de convergences religieuses ou politiques. De nouvelles « solidarités » djihadistes se créent à travers toute l’Afrique de l’ouest.

Les tensions internes de ces pays constituent une autre source de vulnérabilité : tensions ethniques, politiques, économiques et sociales. Divers facteurs peuvent favoriser le développement de l’extrémisme violent dans ces pays : frustration des jeunes à l’égard d’aînés qui monopolisent le pouvoir politique et économique ; disparités entre espaces urbains et ruraux ; taux d’illettrisme ; prégnance de nouvelles idéologies religieuses comme le revivalisme sunnite. Dans le nord du Bénin par exemple, de nombreuses mosquées ont été construites, accompagnées d’une introduction du port du voile par les jeunes filles et les femmes. De même, le Ghanaian National Peace Council a dû intervenir à plusieurs reprises à la suite de prêches radicales et de sermons antimusulmans.

L’importation de courants religieux venus du golfe Arabo-persique ne suffit pas à expliquer l’engagement dans un groupe armé djihadiste. Plusieurs études (PNUD, ISS ou IFRI) ont montré le rôle majeur du sentiment d’injustice, des conflits locaux, et du comportement des forces de défense et de sécurité dans la bascule dans la violence et sa continuation. La progression d’un islam rigoriste sur le continent africain constitue néanmoins, pour des acteurs prônant la violence au nom de la religion, un levier afin d’obtenir une audience, une oreille complaisante, des soutiens, des financements, voire recruter des combattants en s’appuyant sur le sentiment anti-occidental et la colère d’une partie de la population.

L’expansionnisme sunnite génère aussi des compétitions porteuses de violence avec des formes plus traditionnelles de l’islam africain. En Guinée par exemple, les tensions entre jeunes wahhabites et érudits soufis traditionnels a conduit en 2014 à la destruction de la mosquée wahhabite dite « Tata 1 » dans le quartier Donghol. Financée par une association du golfe Arabo-persique, via une association guinéenne, elle avait été prise en main par un imam wahhabite autoproclamé.

Ces tensions religieuses sont d’autant plus dangereuses qu’elles prennent place dans des pays secoués par des tensions ethniques (que les groupes terroristes savent attiser en particulier entre nomades et sédentaires), des conflits autour de la terre, du bétail, des ressources du sous-sol et de leur exploitation, une remise en cause des hiérarchies sociales par les jeunes et dans lesquels l’arène politique est rarement apaisée. En Côte d’Ivoire, le pouvoir est focalisé sur l’échéance électorale de 2020, les déceptions sont grandes à l’égard du mandat de Ouattara et l’intégration de ses combattants a laissé des traces dans l’appareil sécuritaire. Au Bénin, les heurs politiques ne retombent pas entre le pouvoir et l’opposition depuis les élections législatives du 28 avril dernier. Au Cameroun, des velléités indépendantistes de la partie anglophone au nord-ouest du pays se manifestent depuis 2016. Plusieurs attentats ont été commis. Le 1er octobre 2017, des séparatistes annoncent une indépendance symbolique des deux régions anglophones, et provoquent des manifestations. La dispersion violente de ces rassemblements cause au moins dix-sept morts parmi les manifestants. En trois ans, le conflit aurait fait 1 850 morts et forcé plus de 530 000 personnes à fuir leur domicile, d’après les Nations unies.

Le plus inquiétant se situe peut-être à ce niveau : la défaillance de régimes politiques qui semblent n’avoir toujours pas compris la multiplicité des facteurs qui nourrissent l’hydre djihadiste, facteurs à la fois ethniques, économiques, politiques et géographiques. Sur chacun de ces leviers, il est urgent d’agir.

 

Que faire ?

La question ethnique est sensible mais peut-être la plus déterminante. Si l’on s’en tient au cas du Mali, les tensions entre Touaregs, Peuls, Bambaras et Dogon ne doivent pas être sous-estimées. Il ne saurait y avoir de solution politique à long terme sans la prise en compte de cette pluralité ethnique qui réclame le développement, le respect et la garantie d’une décentralisation franche et d’autonomies locales larges. Face aux heurs qui peuvent exister entre sédentaires et nomades, c’est la mission des autorités publiques et des chefs locaux de garantir une coexistence pacifique en organisant concrètement la répartition des terres, la transhumance des troupeaux, etc.

Sur le plan économique, une lutte impitoyable contre les trafiquants en tous genres (drogue, médicaments, enlèvements et rançons, armes) doit être conduite et coordonnées entre les différents pays de la zone. Ces trafics nourrissent le djihadisme : s’en prendre à eux, c’est affaiblir l’hydre terroriste. Bien sûr, on sait que dans certains pays, des fonctionnaires et des responsables politiques sont complices de ces trafics.

C’est pourquoi le facteur politique est également majeur. Les populations comprennent mal qu’un jeune désœuvré soit envoyé pour cinq ou dix ans en prison parce qu’il a fait de la contrebande quand tel ministre ou tel directeur des douanes n’est pas inquiété alors qu’il fait la même chose à grande échelle… La question de l’exemplarité des élites, de la lutte contre la corruption et du respect de l’État de droit est également prégnante. Les bailleurs de fonds internationaux devraient être bien plus exigeants.

Il y a enfin le facteur géographique, qu’il ne faut pas sous-évaluer. Les espaces à surveiller et contrôler sont souvent immenses (le Mali fait plus de 1,2 millions de kilomètres carrés) et en tout cas trop grands pour les moyens dont disposent ces pays. Pourtant, le contrôle des frontières est un enjeu prioritaire. Une coordination accrue entre pays, le soutien des pays occidentaux et les nouvelles technologies (radars, drones, etc.) sont indispensables.

Publié en langue anglaise le 13/09/2019 sur Geopolitical Intelligence Service




Le pacte de Marrakech

Christian Vanneste, assisté de Nathalie, reçoit : Charles Millon, ancien ministre André Coustou, général Jean-Yves Le Gallou, président de Polémia Fabre Bernadac, rédacteur à Boulevard Voltaire Drieu Godefridi, essayiste libéral belge Antoine Martinez, général, essayiste, président de Volontaires pour la France Jean-Paul Gourevitch, essayiste, expert international en ressources humaines, spécialiste de l’immigration, consultant international Laurent […]




La dissolution serait la seule alternative

La lumière froide de l’hiver est
cruelle pour Emmanuel Macron et fait couler le fard avec lequel il s’était grimé
depuis 18 mois.

Les hérauts de la bien-pensance ont
maquillé le résultat de son élection en triomphe.

Triomphe de la jeunesse et de la
modernité face aux partis cacochymes, triomphe de la France des startsup contre
la France ringarde ou obsolète, triomphe de la famille « tendance »
contre la famille traditionnelle, triomphe du citadin contre les B.O.F de
province… !!!

Cette cosmétique a, un temps, un
temps seulement, fait oublier qu’Emmanuel Macron ne disposait que d’un socle de
23% des votants, guère plus ; 23% qui ont, aujourd’hui, rétrécis comme peau de
chagrin. Et que donc plus de 75% des Français ne se sentaient pas engagés par
ce vote.

Rappelons quand même que la
victoire de 2017 ne découlait pas d’un choix raisonnable mais d’un choix fabriqué
: une justice utilisée pour abattre l’adversaire – François Fillon –  et une diabolisation constante du FN rendaient,
une fois passé le premier tour,  l’issue
du scrutin sans surprise.

L’Assemblée Nationale, élue dans
la foulée des élections présidentielles, est à l’image de ce scrutin : en
trompe l’œil. En passant du septennat au quinquennat et en faisant ainsi
concorder les élections législatives et les élections présidentielles, on a insidieusement
bouleversé, et notre vie institutionnelle et les fondements même de la Vème
République.

Une élection par défaut ne vaut
pas adhésion à un programme ou à un homme : depuis deux mois l’explosion
de la crise des gilets jaunes en fait la démonstration. Celle-ci restera un
marqueur intransigeant et féroce pour le pouvoir en place, bien à la peine
aujourd’hui dans la guerre de mouvement imposée par les contestataires, pour
toute la suite du quinquennat.

Et la consultation nationale
annoncée pour répondre à la colère du peuple n’est qu’un faux semblant, un
artifice qui provoquera, à coup sûr, l’insatisfaction des citoyens tant ils se
sentiront encore une fois bernés ; car le pouvoir ne changera pas sa
politique. Emmanuel Macron l’a clairement affirmé lors de ses vœux.

Seule une dissolution et
l’annonce de nouvelles élections législatives permettront de redonner du
souffle à notre démocratie et d’en arrêter la dérive autocratique.

Elle seule permettra de débattre, programme contre programme, et d’envoyer au Parlement une représentation nationale conforme à l’état réel du pays. 

Charles MILLON
Ancien Ministre de la Défense

                                                                                 




Les deux guerres du Mali

Comme souvent en Afrique, les élections présidentielles maliennes du 29 juillet dernier risquent de ne rien changer à la situation du pays.

L’élection contestée d’Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK », et la perspective des élections législatives prévue le 28 octobre prochain vont plus sûrement fracturer encore la société malienne que permettre de relever les défis urgents du pays : lutte contre la pauvreté (le Mali est le 17e pays le plus pauvre du monde), lutte contre la corruption endémique ou contre les trafics mais surtout le divorce chaque jour plus profond entre le nord et le sud du pays.

La France, présente sur le terrain et qui porte le régime à bout de bras, est prise au piège d’une situation de plus en plus sans issue.

Le 11 juin dernier, un mois avant l’élection présidentielle, le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian expliquait pourtant que « dans les accords d’Alger, il y a tout ce qu’il faut pour retrouver la paix au Mali et plus globalement au Sahel ». A quoi il ajoutait, sur un ton moins diplomatique : « Encore faut-il avoir la volonté politique de transformer ces accords en réalité. Ce n’est pas encore le cas, je souhaite que ce soit le cas après l’élection présidentielle ».

De fait, plus de cinq ans après l’opération militaire qui avait consisté à repousser la progression fulgurante de groupes armés dans le pays, rien n’est réglé dans ce pays immense (1,2 millions de km2), composite et fragile. Ce que révèlent ces cinq années sans résultats politiques probants, c’est la divergence croissante des objectifs et des agendas entre Paris (et plus globalement la communauté internationale) et Bamako.

2013 : Paris « sauve » Bamako

Sans revenir en détails sur les événements passés, il faut rappeler que la France était intervenue en janvier 2013 pour « sauver » Bamako de divers groupes armés, au premier rang desquels le mouvement salafiste Ansar Dine (allié de circonstance du Mouvement national pour la libération de l’Azawad, MNLA), venus du Nord sahélien, de la région de l’Azawad (qui correspond aux trois régions maliennes de Kidal, Tombouctou et Gao).

Les 3 500 hommes de l’opération Serval stoppèrent net leur progression et les repoussèrent vers le nord.

Devenue l’opération Barkhane en août 2014 et intégrant des forces de pays voisins, l’action de France a consisté à éliminer au maximum les groupes djihadistes mais surtout à les éparpiller au maximum, pour les affaiblir, sur le territoire immense de l’Azawad.

Dans le même temps, il a fallu sécuriser la frontière nigérienne pour stopper les flux d’hommes et d’armes provenant en particulier de la Libye. Aujourd’hui, 1 600 soldats français sont encore présents au Mali, mais plus de 4 000 sont actifs au Sahel (Mauritanie, Burkina Faso, Niger et Tchad). Sur le plan tactique, ils réalisent des frappes ponctuelles et ciblées sur des groupes, des convois ou des sites djihadistes.

L’immensité du territoire interdit de le contrôler totalement. C’est pourquoi Paris demande à Bamako de prendre le relais sur le terrain en déployant son armée mais, surtout, d’enclencher le processus politique prévu par l’accord d’Alger signé en juin 2015 entre les autorités maliennes et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
Le vieux « problème touareg »

Car le nœud du problème est là : dans la méfiance séculaire qui oppose, schématiquement, les Touaregs du nord et les Bambaras du sud. Si la France mène depuis cinq ans une « guerre contre le terrorisme », on peut dire que Bamako mène une guerre politique, économique et sociale contre les revendications autonomistes des groupes du Nord – non seulement touaregs mais aussi peuls. Une partie importante de la situation malienne s’explique en effet dans la cohabitation dans le même pays de populations ethniquement et culturellement très différentes.

Les Touaregs, qui sont des Berbères nomades, ne se sentent rien de commun avec les populations du sud.

Historiquement, les « hommes bleus », aussi appelés les « hommes des espaces infinis », ont toujours vécu dans les vastes zones désertiques du Sahel.

Les frontières souvent artificielles, tracées lors de la décolonisation, ne signifient rien pour eux qui commercent et mènent leurs troupeaux sans s’en soucier.

Bien sûr, l’époque a changé et le peuplement touareg s’est peu à peu dilué parmi la population des agriculteurs noirs et des nomades peuls. Pour autant, sa spécificité a demeuré et le « problème touareg » n’a jamais trouvé de solution depuis l’indépendance du Mali en 1960. Pour preuve, en cinquante ans, quatre conflits ont opposé Bamako au Nord : en 1963-1964 (avec des massacres de civiles importants), en 1990-1996, en 2006, en 2007-2009.

Des conflits qui ont créé de très lourds contentieux entre les deux parties. Des décennies pendant lesquels l’État malien ne s’est que très peu soucié du développement du Nord.

Les accords d’Alger : solution ou problème ?

Et c’est dans ce contexte qu’a éclaté un cinquième conflit, en janvier 2012, qui opposait l’armée malienne aux rebelles touaregs du MNLA et à Ansar Dine, alliés à d’autres mouvements islamistes.

Le MNLA revendiquait l’autodétermination et l’indépendance de l’Azawad – que refusait le gouvernement malien, au nom de l’intégrité du territoire. Tout en intervenant militairement en 2013, la France poussa beaucoup les parties à négocier, ce qui aboutit aux accords d’Alger de 2015, auxquels le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian a rappelé son attachement.

Pourtant, force est de reconnaître que ces accords n’ont pas produit beaucoup de résultats.

Et pour cause : stipulant l’intégrité du Mali et n’ouvrant aucune voie à une plus grande autonomie des régions du Nord, ils se contentaient de reconnaître en termes vagues la spécificité de l’Azawad.

Ils ne contenaient pas d’avancées par rapport aux accords de 1992 et de 2006, suite aux précédents conflits, qui avaient déjà concédé la création d’assemblées régionales et la responsabilité d’une partie de la sécurité au niveau local.

La France prise au piège

Face à ce blocage, la France, et derrière elle la communauté internationale, piétinent. Les forces sur le terrain sont dans une situation impossible, incapables d’agir sur un conflit ethno-régional qui les dépasse.

Elles continuent leurs opérations ponctuelles de « nettoyage » contre les cibles jihadistes mais sont sans moyens structurels et pérennes pour agir sur les racines de la situation : l’irrédentisme touareg sur lequel est venu se greffer l’islamo-terrorisme.

La présence militaire française a donc de moins en moins de sens dans un contexte où le gouvernement qu’elle est venue soutenir, poursuit des objectifs divergents, voire contradictoires, des siens. Pourquoi la France reste-t-elle au Mali ? Quels sont les objectifs de sa mission aujourd’hui ?

Quel est son calendrier à moyen terme ?

Ces questions, que posent en off de plus en plus d’officiers généraux, embarrassent les responsables politiques qui ne veulent manifestement pas mettre la pression sur IBK pour qu’il envisage de respecter enfin des accords d’Alger.

La clé institutionnelle

Ce serait pourtant la clé du problème. Dans un pays réunissant des populations si différentes et animées par une méfiance réciproque séculaire, le centralisme pyramidal hérité de l’administration coloniale française est voué à l’échec.

Seul un fédéralisme intelligent et adapté aux réalités locales permettrait de rouvrir le jeu et de débloquer un processus de paix au point mort.

La solution au problème malien est donc institutionnelle.

Mais, gêné par son passé colonial et redoutant par-dessus tout d’être accusé d’ingérence, Paris n’ose pas pousser sur cette voie. Et Bamako ne voit aucune raison de s’engager sur un chemin qui aboutirait à l’amoindrissement de son pouvoir.

Il est vrai aussi que l’ampleur des difficultés auxquelles le Mali a à faire face ne l’incitent pas à ouvrir un pareil chantier. Les tensions ethniques apparues début 2018 dans le centre du pays où les Dogons (sédentaires) qui accusent les Peuls (nomades) de liens avec des groupes terroristes, compliquent encore l’équation.

Il n’en reste pas moins qu’au Mali, comme dans d’autres pays de la région, la question institutionnelle, aussi taboue soit-elle, est incontournable.

Charles Millon, ancien ministre de la Défense (France) (www.charlesmillon.com) ,
cofondateur de l’Institut Thomas More (www.institut-thomas-more.org)



Europe : les leçons de l’Italie

Après une semaine de crise, le gouvernement d’alliance entre la Ligue du nord et le Mouvement 5 étoiles (MSS) a finalement été nommé le 1er juin, avec à sa tête Giuseppe Conte.
Pendant plusieurs jours, qui succédaient déjà à des semaines de tractation, le président de la république italienne Sergio Mattarella a refusé d’approuver la nomination de l’ économiste Paolo Savona, hostile à la monnaie unique, au poste de ministre de l’ économie.
La crise s’est dénoué quand la Ligue et le MSS ont accepté de présenter l’économiste Giovanni Tria à ce poste. Mais ces quelques jours, à n’en pas douter, auront encore un peu plus creuser l’écart entre le peuple italien et l’Europe.
Ce n’est certes pas la première fois que des élections nationales heurtent le cours du « fleuve tranquille » européen, et que le second prime finalement sur le résultat des premières : il suffit de se souvenir des référendums danois en 2000, irlandais en 2001 et 2008, néerlandais et français de 2005.
Dans chacun de ces cas, on trouva des arrangements institutionnels ou juridiques pour contourner la réticence des peuples.
Mais, avec le coup d’éclat du 27 mai du président de la république refusant la nomination de Paolo Savona et demandant à Carlo Cottarelli, figure indépendante et ancien du FMI de former un gouvernement, on a atteint un nouveau palier.
En effet, alors qu’au Danemark, aux Pays-Bas ou en France , seuls un ou deux des ingrédients de la crise démocratique qui frappent nos pays européens étaient identifiables, dans le cas italien, ils sont tous réunis : angoisse identitaire face aux flux migratoires massifs; inquiétudes sociales devant un modèle économique qui ne crée plus de richesses et les redistribue encore moins; rejet massif des élites politiques qui, malgré les alternances, se partagent le pouvoir depuis trois ou quatre décennies ; déni démocratique de ces élites de plus en plus décrédibilisées.
C’est ce carré magique de la défiance qu’il faut analyser pour saisir l’enjeu de ce qui se passe actuellement en Italie.

L’angoisse face aux flux migratoires

C’est peu dire que l’Italie a été aux avant-postes de la crise migratoire qu’a connu l’Europe ces dernières années.
Depuis 2014, elle a accueilli plus de 600 000 migrants, dont une majorité d’Africains. Certes, avec les accords signés avec les pays de transit (en particulier la Libye), le chiffre des entrées a commencé à décroître en 2017 (avec 119 000 nouveaux migrants contre 180 000 l’année précédente).
Mais la pression reste importante. Conséquence : la question migratoire qui ne préoccupait que 4% des Italiens en 2013 en inquiète 33% aujourd’hui (Eurobaromètre, novembre 2017).
Face à cette « ruée vers l’Europe » (titre du best-seller du journaliste français Stephen Smith paru en février 2018), les Italiens se sont sentis bien seuls et il est vrai que leurs partenaires n’ont pas fait preuve de beaucoup de solidarité.
Mais si les États-membres ont fait preuve d’égoïsme, il est également vrai que l’Union européenne n’a pas fait montre d’une grande volonté é de stopper les flux.
En 2016, Jean-Claude Junker invitait les peuples européens à « être plus accueillants ».
Le 27 mai dernier, il prévenait que la Commission veillerait « à la sauvegarde des droits des Africains en Italie ».
De telles déclarations ne peuvent que créer ressentiments et colères parmi les peuples européens.
Comme les autres habitants du continent, « les Italiens ne veulent pas être pauvres et étrangers dans leur pays », a averti l’ancien Premier ministre français Dominique de Villepin.

La peur du déclassement économique

Si la question migratoire a lourdement pesé dans les élections italiennes, c’est sur la question de l’euro que le bras de fer s’est engagé entre le président de la république et la Ligue du nord et le MSS, sortis vainqueurs des élections du 4 mars.
En arrière-plan, c’est toute la politique que ses adversaires appellent « de Bruxelles », « d’austérité », « néolibérale» ou de« l’Europe allemande » qui est en jeu.
Son rejet constituait le principal point de convergence de la Ligue du nord et le M5S.
Sans pour autant accorder un trop grand crédit aux propositions économiques de ces deux formations, il est permis de constater, dix ans après le collapse de 2008, que les politiques menées depuis sur le continent n’ont pas permis de ramener la croissance, l’emploi ni la prospérité.
De fait, 23% des Italiens risquent aujourd’hui de passer sous le seuil de pauvreté, une hausse de 3,5% en deux ans malgré le retour timide de la croissance (étude Bankltalia, mars 2018).
Retraités, étudiants, classe moyenne : comme ailleurs en Europe, le déclassement et la précarisation sont l’horizon de millions d’italiens.
La popularité de la proposition phare du M5S visant à créer un revenu citoyen (780 euros par mois) ne s’explique pas autrement. Et l’Union européenne est mise au banc des accusés – ainsi que Berlin.

Le rejet massif des élites politiques traditionnelles

Mais elle n’y est pas mise seule avec, troisième côté du carré magique de la défiance, le rejet massif des élites politiques traditionnelles.
En France, avec la quasi-disparition du Parti socialiste et l’effondrement de la droite à l’occasion de l’élection d’Emmanuel Macron, on a appelé ce mouvement le « dégagisme » : un coup de balais massif et brutal des responsables politiques qui gouvernaient le pays depuis des décennies (du moins en apparence…).
Partout en Europe, des partis nouveaux, que leurs adversaires qualifient de « populistes », émergent, sont aux portes du pouvoir ou l’exercent déjà. En Allemagne, avec 12,6% des voix, l’AfD a fait une entrée fracassante au Bundestag l’an passé.
En Italie, pays d’arrangements parlementaires et de combinazione entre partis, l’aspiration au changement était immense.
Malgré sa jeunesse et son énergie, Matteo Renzi, président du Conseil entre 2014 et 2016, n’avait pas réussi à faire oublier qu’il avait entamé sa carrière sous le parrainage du vieux Romano Prodi.
Silvio Berlusconi, trois fois président du Conseil, a 81 ans.
Et le terne Paolo Gentiloni gouvernait le pays depuis dix-huit mois à la tête d’un gouvernement de techniciens identifiés au « système » dont les gens ne veulent plus.
Matteo Salvini, patron de la Ligue du nord et nouveau ministre de l’intérieur, a 45 ans et Luigi Di Maio, tête d’affiche du M5S et désormais ministre du Développement économique, du Travail et des Politiques sociales, 31 ans.
Aussi incertaine qu’apparaisse leur alliance, le vent frais qu’ils font souffler sur la politique séduit un nombre croissant d’italiens.

Le déni démocratique de ces élites

Et cette séduction fonctionne d’autant mieux que les élites traditionnelles, largement décrédibilisées, osent des manœuvres qui entrent en contradiction flagrante avec le suffrage des citoyens.
En France en 2007, le vote par le Parlement du traité de Lisbonne, texte quasi-identique au traité constitutionnel rejeté par référendum deux ans auparavant, constitue assurément un « cancer » politique qui se prolonge et métastase.
En Italie, le coup de force du président Sergio Mattarella, vieux routier de la démocratie-chrétienne, quatre fois ministres ces trente dernières années, cherchant à faire nommer un président du Conseil dont les options diffèrent radicalement de ce qu’ont exprimé les urnes en mars dernier, s’apparente à ce déni.
Or, c’est donner de solides raisons aux citoyens de rompre définitivement avec l’élite qui ne l’écoute plus.
Quant au surplus un commissaire européen, l’Allemand Günther Oettinger en l’occurrence, se permet de déclarer que « les marchés vont apprendre aux Italiens à bien voter», il ne faut pas s’en étonner.
Charles Millon, ancien ministre de la Défense
Fondateur de l’Institut Thomas More (www.institut-thomas-more.org)
http://www.charlesmillon.org



Démographie française | L’urgence d’une politique familiale

L’INSEE vient de publier les dernières données démographiques disponibles sur la France : elles sont pour le moins préoccupantes. La tendance baissière, amorcée depuis 2012, se confirme pour les trois dernières années 2015, 2016 et 2017. Notre pays est passé d’une moyenne de 2 enfants par femme en 2012 à 1,88 en 2017, nous écartant ainsi chaque année un peu plus des 2,1 enfants requis pour satisfaire le renouvellement des générations.

Depuis des décennies, nous sommes un certain nombre à prôner une véritable politique familiale, à demander aux pouvoirs publics de promouvoir des mesures dans des domaines aussi divers que le logement, l’école, les modes de gardes, le travail des femmes, etc., à souhaiter que l’on ne revienne pas sur l’universalité des allocations familiales.

En vain.

Nous étions traité de conservateurs invétérés pour le moins et, pour le pire, de réactionnaires nostalgiques de la femme au foyer ! Pourtant des démographes des plus sérieux, des responsables politiques ou sociaux, des sociologues avisés, tiraient le signal d’alarme en soulignant qu’une nation qui voyait sa natalité baisser est une nation qui, non seulement ne pourrait plus garantir la solidarité nationale entre les générations mais, pire, ne pourrait porter un élan de dynamisme, de croissance et d’espoir.

Nous avons dénoncé la politique familiale de François Hollande qui avait abaissé le plafond du quotient familial, divisé par deux ou par quatre les allocations familiales pour les ménages considérés comme aisés, introduit des critères de sélection sévères pour les prestations d’accueil des jeunes enfants.

Malheureusement Emmanuel Macron a poursuivi cette politique notamment avec un abaissement des plafonds de ressources donnant droit au versement de l’allocation de base pour les parents de jeunes enfants. De plus, les collectivités locales ont toutes les peines du monde à développer l’accueil des jeunes enfants, à cause de la baisse de leurs dotations.

Aujourd’hui nous appelons les responsables politiques à mesurer les conséquences qu’une baisse de la natalité pourrait avoir tant sur la vigueur économique que sur la solidarité nationale. Nous leur demandons aussi de réfléchir à la mission essentielle qu’assument les familles pour la transmission, l’éducation, la solidarité entre les générations. C’est à eux de tout mettre en œuvre pour pérenniser l’exception démographique française.

N’oublions pas que les jeunes sans famille sont majoritairement ceux que l’on retrouve parmi les déscolarisés, les marginalisés sans emploi. N’oublions pas que ce sont les familles qui sont souvent le dernier refuge de ceux qui ont été blessés par la vie et qui cherchent bien souvent une aide, mais aussi un lieu d’affection et de soutien moral.

 

Charles Millon

Ancien Ministre de la Défense




UNE ILE QUI ETONNERA L’EUROPE

Le tandem Talamoni-Simeoni a gagné. Et la France avec.

Sous sa houlette, les Corses vont tenter de démontrer sans hargne, avec calme et détermination, qu’autonomie régionale et République peuvent rimer ; qu’il est possible de tester des expériences sans pour autant tout détruire et qui plus est, si ces expériences s’avéraient positives, elles pourraient être étendues à d’autres.

Qu’un territoire à l’identité si puissante puisse se ré approprier la gestion de sa culture, de son urbanisme ou de ses infrastructures est sain et permettra peut-être à notre Etat centralisateur de renoncer enfin à son attitude tutélaire , pour adopter une attitude contractuelle à l’heure où la mondialisation impose des structures plus souples et moins pesantes, pour aller de l’avant.
Cette France des autonomies à laquelle les Corses viennent d’ouvrir la porte pourrait signifier que le pays sort de l’adolescence ; qu’il est en route vers l’âge adulte ; qu’enfin il prêt à garantir une société de confiance.

Une route qu’avait déjà souhaité ouvrir, en 1969, le général de Gaulle avec son referendum sur la régionalisation. On connaît la suite : le dégagisme soixante-huitard ambiant a balayé et le vieil homme, et ses idées neuves.

Le témoin était repris par Gaston Deferre en 1981, tout juste nommé Ministre de l’Intérieur, qui dira de ses lois de décentralisation qu’elles accompagnaient un mouvement « irréversible ».

Plus tard, Michel Rocard enfoncera le coin en signant les accords de Nouméa dont nous verrons l’année prochaine qu’ils pourraient bien aboutir aussi à l’autonomie de la Nouvelle Calédonie.

Ce processus engagé il y a 50 ans va enfin porter ces fruits et notre système centralisateur parisianiste et étatique craqueler un peu plus…
Que ce coup porté émane de la Corse a quelque chose de savoureux :
De la Corse les Continentaux, au fond, aujourd’hui, ne connaissent plus grand chose.
Prosper Mérimée et sa Vendetta de Colomba, Astérix et ses flemmards ramasseurs de châtaignes ou Charles Pasqua et ses réseaux border line qui faisaient flirter politique et banditisme, ont fini par forger dans le subconscient national, l’image d’une Corse vengeresse, paresseuse et mafieuse…

Seul Bonaparte échappe à la règle et pour cause : son île était par trop petite pour assouvir son ambition démesurée et son encombrante famille y était, pour tout dire, presque persona non grata.…
Même plus, il est encensé.

Pourquoi, peut-être parce qu’il a participé à renforcer cette France monolithique et pyramidale tant prisée de l’iconographie républicaine !

Ainsi, on a oublié qu’au XVIIIè siècle la Corse était un modèle pour la France d’abord et pour l’Europe ensuite.
Que sa Constitution pensée, écrite, appliquée par Pasquale Paoli et qui a valu jusqu’en 1769 est plus ancienne que celle des Etats Unis d’Amérique, dont les pères fondateurs se sont largement inspirés.

Que les philosophes des lumières si prisés de la bien pensance citaient l’île comme la forme la plus aboutie de démocratie.

Jean-Jacques Rousseau écrivait « La valeur et l’insistance avec laquelle ce peuple a pu recouvrer et défendre sa liberté, mériterait bien que quelque homme sage lui apprit à la conserver.
J’ai le pressentiment qu’un jour cette île étonnera l’Europe »
Et si, pour une fois, il disait vrai ?
Charles Millon
Ancien Ministre de la Défense



Renforcer la francophonie, c’est accroître le rayonnement de la France et la paix dans le monde

La Francophonie doit retrouver toute sa place dans la politique étrangère de la France.

II s’agit d’une politique certes culturelle mais aussi économique.  Le partage de cette belle langue française, enrichie des apports de tous ceux qui l’utilisent de par le monde a créé une profonde communauté de destin parfois mal comprise ou dévoyée.

II y a aujourd’hui en Afrique une forte solidarité et une grande coopération entre les pays parlant le français, et cette relation privilégiée existe aussi entre tous ces partenaires et Ia France.

C’est dans le cadre de Ia Francophonie que la France doit mener une vraie politique de reconquête dans les systèmes éducatifs et la recherche, en étroite liaison avec ses partenaires francophones.

L’Afrique sera demain la plus vaste zone de croissance et d’innovation du monde.

La France se doit donc d’impulser un renouveau de la francophonie, en facilitant par exemple l’uniformisation du droit commercial des pays francophones pour faciliter les échanges entre les entreprises françaises et les entreprises de nos partenaires francophones.

La France doit de manière efficace mettre en place un vaste programme de formations en langue française à destination des jeunes africains en fonction des besoins de chaque pays et plus particulièrement dans les métiers essentiels de I ‘artisanat et du bâtiment qui ont besoin d’une main d’œuvre qualifiée qui leur fait souvent défaut.

Il faut aussi favoriser les accords universitaires, appuyer l’édition scolaire et particulièrement Ia publication de manuels numériques.

Les grandes écoles et universités françaises doivent être aidées pour s‘implanter en Afrique ou la demande de formations francophone de qualité est exponentielle.

La France dispose d’une longue tradition de l’Etat et de la décentralisation.

Elle doit utiliser cette compétence au profit de ses partenaires africains qui le souhaitent dans le cadre d’un renforcement des capacités de Ia coopération décentralisée.

La Francophonie participe au rayonnement de la France à l’étranger, mais la France est souvent plus frileuse que ses partenaires dans ce domaine.

II faut y remédier dans les plus brefs délais avec Ia création par exemple d’un Ministère d’Etat en charge de la Francophonie, du Développement international et des Relations avec l’Afrique.

Un plus grand rôle à la Francophonie parlementaire est également nécessaire afin d’améliorer les relations entre les Etats qui ont le français en partage ; cela participe au renforcement des capacités de l’Etat de droit dans les pays partenaires.

II ne s’agit pas d’un combat d’arrière-garde, mais bien au contraire d’un combat moderne pour conserver la variété du monde, sa richesse, et protéger les cultures diverses contre une uniformisation mondialiste appauvrissante.

Pour mener ces politiques, il est nécessaire de :

  • Favoriser un projet d’uniformisation du droit commercial pour accroitre les échanges et la stabilité.
    (Renforcer le partenariat avec l’OHADA et les Communautés régionales (CEDEAO, CEMAC, UEMOA…)
  • Aider les autorités en charge de la gestion foncière dans les pays francophones
    au travers de coopérations décentralisées renforcées pour l’établissement de cadastres, et la formation de géomètres.
  • Créer un Ministère d’Etat en charge de la Francophonie, du Développement international et des Relations avec I ‘Afrique
  • Lancer des programmes de formations des jeunes africains francophones pour lutter contre le chômage et la pauvreté
  • Renforcer les moyens de la Francophonie parlementaire pour améliorer les capacités de l’état de droit

La francophonie n’est pas un héritage encombrant et honteux comme les chantres de la repentance permanente voudraient le faire croire.

La francophonie représente une force et une solidarité pour tous les pays francophones mais également une richesse et une chance pour l’équilibre du monde.