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Migrants, traiter le problème à la source

Migrants, traiter le problème à la source

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Valeurs actuelles 21 mai 2015

« Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde ».

Evidemment. Personne n’a les capacités de le faire.

S’il est parfois bon de rappeler des évidences, cette lapalissade-ci emprisonne toutes réflexions et tous débats sur le drame de l’immigration clandestine depuis des années.

Des généreux d’un bien qui ne leurs appartient pas aux hâbleurs tartuffes, nos gouvernants surfent sur le sujet, se gardant bien de sortir de cette ligne garante de leurs étiquettes idéologiques périmées.

Ce problème ne peut se poser en ces termes et encore moins se résoudre d’un claquement de doigts.

Ces naufrages nous révoltent tous mais ces embarcations funèbres ne sont pas les premières et risquent de ne pas s’estomper si l’on dédaigne de s’attarder sur les racines de cette tragédie.

Le problème de la sécurité en Méditerranée, avec ses deux rives religieusement opposées, n’est pas neuf. Il est même très ancien.

La colonisation de l’Algérie par la France en 1830 a commencé comme ça, pour détruire enfin la piraterie qui infestait la Mare nostrum depuis des siècles, avec son cortège d’esclaves et de trafics.

Si les termes ne sont pas les mêmes aujourd’hui, et il ne saurait s’agir de recoloniser l’Afrique du nord.

Cependant, les vagues de migrants dont l’intensité a crû ces derniers mois, en partance de Libye principalement et vers les côtes italiennes, reposent avec acuité la question des rapports intra-méditerranéens et, plus loin, celle des rapports de l’Europe avec l’Afrique.

Ce à quoi l’on assiste en Libye, où se conjoignent les intérêts terroristes des djihadistes et les intérêts pécuniaires des passeurs ne représente qu’un déplacement géographique de la vague de migration.

Jusqu’il y a peu, c’était par le Sahara occidental, les Canaries et les enclaves espagnoles au Maroc que débarquaient les clandestins.

Si la situation a changé, c’est outre le chaos libyen unanimement décidé par nos gouvernant, qu’il existe des solutions pour endiguer le flux, au moins localement. Ainsi, dès le début des années 2000, l’Espagne a signé des accords de coopération avec le Maroc et d’autres pays africains du littoral atlantique et mis en place des patrouilles en mer communes.

Un succès : aujourd’hui, il y a moins de 200 migrants par an qui prennent encore cette route de Méditerranée occidentale.

En réalité, si les naufrages nous touchent, les trois quarts des clandestins en Europe arrivent par avion, le plus souvent munis d’un visa. Une fois celui-ci expiré, les personnes restent sur le sol européen. Il y a donc des flux continus, et c’est à leur source même qu’il convient de les tarir.

Deux questions conjointes se posent donc à l’Europe : comment rétablir des structures politiques dans les pays pourvoyeurs de migrants, de façon à y stabiliser les populations ?

Et comment refondre la politique d’accueil de l’Europe même, qui fonctionne aussi comme une pompe aspirante, laissant croire aux migrants qu’ils y gagneront le paradis ?

Certains réclament une politique de défense plus agressive de la part de l’Union européenne, notamment pour bloquer les bateaux dès les ports libyens. Pourquoi pas ?

Mais l’on ne fera que retarder la solution du problème, dont les racines sont bien plus lointaines.

Elles se trouvent en Afrique noire où de fait, l’Europe a abandonné toute politique de coopération cohérente et structurée.

Et un à un, les pays de la bande sahélo-saharienne, depuis le Mali jusqu’à la Somalie, basculent dans le chaos ou sous la botte islamiste.

Partout, faisant fonds sur la fragilité des régimes locaux, les fondamentalistes musulmans  utilisent la même technique de terreur, qui consiste à dépeupler à terme les provinces, pour qu’il n’y reste que les musulmans, créant donc les conditions favorables à l’exil vers une terre plus accueillante.

Le terrorisme musulman vient donc se superposer à la pauvreté économique déjà présente dans nombre de ces pays. Et en tous lieux, les chrétiens sont les premières victimes : depuis ces migrants qui auraient été passés par-dessus bord par leurs compagnons d’infortune, au motif qu’ils étaient chrétiens jusqu’à ces Ethiopiens exécutés par Daesh en Libye pour le même motif, après les Coptes qui avaient subi le même sort.

Au Kenya, le 2 avril, le massacre de Garissa est venu confirmer cette triste réalité : les Chebabs venus de Somalie ou recrutés dans la population locale déshéritée ont trié les étudiants, mettant d’un côté les musulmans, de l’autre les chrétiens. Le but est atteint : les chrétiens fuient Garissa. Selon le porte-parole des Chebabs, l’attaque de l’université se justifiait parce que « c’est un plan pour répandre le christianisme et l’infidélité ». Le discours est clair.

Au Niger, une attaque du groupe islamiste Boko Haram samedi 25 avril aurait coûté la vie à une cinquantaine de soldats basés près du lac Tchad.

Au Tchad même, le président pourtant puissant Idriss Déby se montre très inquiet.

Alors qu’il a déjà affaire à la Libye et à Boko Haram, des troubles dans le sud du pays, notoirement dominé par le nord, mais où se trouve le pétrole, ont fait récemment un mort.

Alors que le régime d’Idriss Déby assure un semblant de stabilité dans la région, il serait dramatique qu’une rébellion se déclenche à l’intérieur du pays.

Au Soudan du Sud, depuis un an et demi, une guerre tribale sévit qui plonge le jeune pays dans une situation humanitaire dramatique.

En Erythrée, dont le terrifiant régime, qui ne peut être comparé aujourd’hui qu’à celui de la Corée du nord pour l’usage de la torture, la population sous les armes et la coupure avec le reste du monde, d’après le Haut Commissariat aux réfugiés, ils sont plus de 220.000 à avoir fui depuis 2011, soit 5% de la population. Chaque mois, 3000 jeunes Erythréens, garçons et filles, traversent la frontière éthiopienne.

Un évêque local a récemment parlé de « dépeuplement ».

Ainsi se conjuguent misère, instabilité politique et terrorisme islamique pour mettre à feu et à sang la moitié de l’Afrique.

Il est temps que le monde, et l’Europe au premier rang, s’en préoccupe et prenne les moyens nécessaires avant que la Méditerranée ne devienne la patrie de la misère humaine.

Charles Millon, ancien ministre,

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