Charles Millon: « La politique étrangère d’Emmanuel Macron est illisible »

Mondafrique. Comment expliquez vous l’échec de l’intervention française au Mali ?

Charles Millon. Pour comprendre la situation actuelle, il faut revenir à la double erreur historique qui a été commise par tous les gouvernements maliens. La première est d’avoir toujours refusé de prendre réellement en compte les problèmes des minorités, qu’il s’agisse des peuls ou des touaregs.

Amadou Toumani Touré, dit ATT, le président malien entre 2002 et 2012 que j’ai bien connu et toujours apprécié avait l’obsession d’un État unitaire. Sur ce sujet, il était têtu comme une mule. . Pas question pour le pouvoir à Bamako d’envisager la moindre autonomie régionale, alors que le Nord Mali couvre une surface égale aux deux tiers du pays.

La seconde erreur aura été la cécité de la classe politique malienne à prendre en compte la terrible conjonction entre les djihadistes et les trafiquants qui transportaient la drogue à travers le Mali depuis la Guinée Bissau jusqu’au Niger ou au Burkina. Il y a eu une sorte d’alliance objective entre les mouvements irrédentistes et les groupes armés. Hélas, le pouvoir malien a toujours fermé les yeux sur ces multiples trafics qui ont financé le terrorisme

Mondafrique. La France a-t-elle commis des erreurs graves d’appréciation durant ces neuf années de présence au Mali?

Charles Millon. La première erreur dramatique aura été la guerre que Nicolas Sarkozy a mené en Libye. Lors de la chute de Khadafi, les touaregs qui avaient été enrôlés dans l’armée libyenne ont rejoint, lourdement armés, leur pays d’origine. Ils ont constitué, surtout dans le Nord du Mali, le noyau dur des groupes djihadistes.

Autre dommage collatéral, la fin brutale du régime libyen a permis Vladimir Poutine de remettre les pieds en Afrique.   La Russie possède aujourd’hui des champs de pétrole importants en Libye !

Ce n’est pas la seule erreur française. Si notre armée a eu raison d’intervenir pour éteindre l’incendie djihadiste, elle aurait du agir en pompier et très vite préparer sa sortie. En restant sur place, les soldats français qui avaient été accueillis en 2013 comme des libérateurs, ont été perçus neuf ans plus tard comme une armée d’occupation. Nos militaires ont été des boucs émissaires commodes pour des armées locales qui décampaient face aux groupes armés tandis que nos soldats étaient tués. C’est un peu comme ce qui s’est passé en Afghanistan pour les Américains. . .

Certains patrons de l’armée française réfléchissent d’ailleurs à de nouveaux modes d’intervention via des forces de réaction rapides et aéroportées qui ne s’enliseraient pas sur place. Les bases militaires, on l’a vu, deviennent des cibles pour les terroristes..

Mondafrique. On entend souvent qu’en Libye comme au Mali la France a privilégié la seule logique militaire. Est ce qu’il aurait fallu intervenir plus vigoureusement dans la vie politique malienne et imposer une gouvernance plus conforme à nos propres valeurs?

Charles Millon. Le temps de l’immixtion dans la politique intérieure des États africains est dépassé. En revanche il aurait fallu lancer, dans la foulée de l’opération militaire, des projets de développement confiés, dans le cadre d’une aide liée, à des entreprises françaises. Les populations locales doivent réaliser que les hôpitaux et les lycées construits au Mali et au Sahel sont financés par la France. C’est ainsi que l’influence française auprès de nos amis africains renaîtra dans des jours meilleurs.

Mondafrique. Le président ivoirien Ouattara a déclaré jeudi matin sur RFI et France 24 qu’il demandait « à ses frères maliens de faire un effort, de rentrer dans les rangs ». Est ce que vous lui donnez raison ?

Charles Millon Il faudrait rappeler à Monsieur Ouattara qui remet en cause la légitimité de la junte militaire à Bamako qu’il bénéficie d’un troisième mandat illégitime et non constitutionnel. Qu’il nettoie devant sa porte avant de donner des conseils aux autres.

Mondafrique. Que pensez vous de la politique étrangère d’Emmanuel Macron et de Jean Yves Le Drian, son ministre des Affaires Etrangères ?

Charles Millon. Le Drian est surtout médiocre et il n’a pas l’air de s’intéresser aux Africains et à l’Afrique. Sans doute n’est-il pas facile de travailler avec un Emmanuel Macron qui veut toujours prendre la lumière.

Ce que je reproche au Président français au Mali comme au Liban ou en Ukraine, c’est de faire une politique de coups, sans suivi, ni constance. Cette fâcheuse habitude est totalement contre productive. La diplomatie se joue dans la durée et dans des liens de confiance avec nos interlocuteurs étrangers. C’est long, très long.

La politique d’Emmanuel Macron et de Jean Yves Le Drian est finalement illisible. Comment en même temps, selon l’expression consacrée du président français, dénoncer les coups d’état en Guinée ou au Mali et apporter un soutien total au fils du président Déby qui prend le pouvoir par la force après le décès brutal de son père ?

Emmanuel Macon a des réactions d’adolescent. Ce n’est pas ainsi qu’on doit construire la politique étrangère d’un pays comme la France.

By Nicolas Beau -17 février 2022

MONDAFRIQUE




Afrique de l’ouest : nouveau front du djihadisme africain Charles Millon, ancien ministre de la Défense (France), cofondateur de l’Institut Thomas More (www.institut-thomas-more.org)

Le 9 mai dernier, la mort de deux soldats français dans une opération de sauvetage de deux touristes enlevés au nord du Bénin huit jours plus tôt a ouvert les yeux à tous ceux qui ne voulaient pas le voir : le cancer djihadiste se propage désormais à l’Afrique de l’ouest. Sénégal, Mali, Niger, Bénin, Togo, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Nigeria, Ghana, Cameroun : tous ces pays sont désormais menacés.

 

Le Burkina Faso en première ligne

Initialement centrée sur le nord du Mali, l’action des groupes djihadistes a progressivement glissé vers le sud, au point que le centre du pays est devenu le théâtre principal des violences – fruit également de tensions ethniques hors de contrôle. L’ONU a ainsi recensé en 2017 plus de 1  000 incidents dans la seule région de Mopti et, durant l’année 2018, cette région est celle dans laquelle ont été enregistrés le plus grand nombre d’actions attribuées aux groupes djihadistes contre les forces de défense maliennes, la MINUSMA, les groupes armés signataires et l’opération française Barkhane.

Parallèlement à cette extension vers le centre du Mali, les groupes djihadistes se sont implantés au Burkina Faso, au point que l’état d’urgence a été déclaré le 1er janvier 2019 dans quatorze provinces frontalières du Mali et du Niger. Cette expansion a été préparée dès le début des années 2010, mais c’est en 2015 que les premières attaques commencent. Mais c’est surtout le nord qui est frappé, avec plusieurs attaques contre des représentants de l’État et des membres de la société civile. En décembre 2016, le groupe Ansaroul Islam est créée par Ibrahim Dicko. Composée principalement de Rimaïbés et de Peuls, cette entité entretient des liens avec d’autres groupes au Mali. En 2018, les incidents augmentent dans le nord sans pour autant cesser dans l’ouest. Parallèlement, la situation sécuritaire se dégrade considérablement dans l’est du pays avec une quinzaine d’attaques (engins explosifs ou accrochages) entre janvier et août. Il s’agit très probablement d’éléments de l’État islamique dans le Grand Sahara et d’Ansaroul Islam, qui ont noué des alliances avec des membres influents des communautés locales ayant étudié le Coran au Mali.

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette extension au Burkina. D’abord, comme l’affirmait l’ex-chef rebelle touareg malien Iyad Ag Ghali dans une interview datée de 2017, la nouvelle stratégie proclamée des groupes terroristes est l’extension de la lutte à de nouveaux espaces. Si cette orientation s’explique par la pression militaire qui pèse sur les groupes djihadistes dans le nord Mali, où les Français ont remporté plusieurs succès tactiques en 2018 et où le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) progresse, elle fait écho également au caractère transnational de l’idéologie djihadiste et aux circulations des idées et des personnes. Ensuite, les groupes djihadistes ont su trouver des relais parmi les populations locales pour s’implanter et mener leurs actions. Enfin, ils ont bénéficié de la désorganisation de l’appareil sécuritaire et des services de renseignement résultant de la révolution de 2014.

 

L’extension aux pays côtiers d’Afrique de l’ouest

Les récentes attaques au Burkina Faso, à proximité des frontières avec la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin, ainsi que l’arrestation en décembre 2018 de personnes préparant une opération à Bamako, Ouagadougou et Abidjan pour le Nouvel an, témoignent de la menace croissante qui pèse sur les pays du golfe de Guinée. Les premiers signes d’action de groupes djihadistes dans ces pays datent cependant du milieu des années 2010. Dans le parc transfrontalier du W, des combattants originaires du Mali auraient mené en 2014-2015 une reconnaissance en poussant jusqu’au Bénin. De même, en 2015, plusieurs membres d’une cellule du JNIM actifs dans la forêt de Sama, à la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Mali, étaient arrêtés, sans pour autant que les survivants cessent leurs activités. Ce sont d’ailleurs des membres de cette unité qui seraient à l’origine de l’enlèvement d’une none colombienne dans la région de Sikasso en février 2017, et qui ont été arrêtés à côté de Koutiala le 6 décembre 2018.

Les groupes armés djihadistes ont également recruté dans les pays côtiers ces dernières années. Le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) comptait parmi ses membres des ressortissants de plusieurs pays dont des Guinéens, des Ghanéens et des Béninois. Après le départ du nigérien Bilal Hicham de la katiba Ousmane Dan Fodio, c’est même un Béninois originaire du sud du pays et Yorouba, surnommé Abdoullah, qui prend la tête de l’unité. Et le MUJAO n’est pas isolé : selon les autorités libyennes, plusieurs dizaines de ressortissants du Ghana, du Sénégal et de la Gambie auraient rejoint l’organisation État islamique en Libye.

Le premier électrochoc est cependant l’attaque de Grand-Bassam, en Cote d’Ivoire, commanditée par l’Arabe Ould Nouini et menée par un commando suicide en mars 2016. Selon les auteurs d’un rapport interne du Secrétariat du Conseil national de sécurité ghanéen, « le Ghana et le Togo sont les prochaines cibles après les attaques au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire ». Deux mois plus tard, une note adressée aux forces armées béninoises était rendue publique, dans laquelle il était demandé aux unités de « renforcer la sécurité sur les différentes zones menacées d’attaques terroristes » et de faire preuve de « plus de vigilance dans les fouilles aux frontières ». De fait, les attaques se sont depuis multipliées dans toute la zone, notamment au Niger où des groupes terroristes ont mené des attaques dans la région de Diffa (sud du pays) en février et en avril. Au mois de mai, pas moins de vingt-huit soldats ont été tués dans la région de Tillabéri, à l’ouest du pays.

Certes, ces derniers mois ont été marqués par plusieurs mesures pour renforcer la sécurité aux frontières dans certains pays. Le Togo et le Bénin ont notamment déployé des unités supplémentaires dans le nord afin de renforcer le maillage du territoire. Parallèlement, des opérations conjointes ont été organisées. En mai 2018, le Bénin, le Burkina Faso, le Ghana et le Togo ont déployé près de 2 000 membres des forces de défense et de sécurité dans le cadre de l’opération Koudalgou, pour un bilan de 200 arrestations dont deux personnes soupçonnées d’être liées aux groupes jihadistes. Si cette mobilisation témoigne d’une certaine prise de conscience et d’une volonté de publiciser cette dernière, elle n’est pas sans susciter plusieurs interrogations.

D’abord, on le sait, la coopération reste difficile entre les acteurs de la sous-région. Certes, l’opération contre une cellule à Ouagadougou, en mai 2018, est issue d’une collaboration entre services burkinabè et maliens avec un appui technique français. Certes également, dans le domaine judiciaire, l’initiative WACAP (réseau des autorités centrales et procureurs de l’Afrique de l’Ouest qui regroupe les pays de la CEDEAO et la Mauritanie), portée par l’ONUDC, a permis de renforcer les échanges entre magistrats de la sous-région. Cependant, la coopération reste entravée par une culture de la méfiance entre États, entre administrations d’un même État, et au sein d’une même administration. Ensuite, le contrôle des flux sur les frontières septentrionales est limité par des pratiques anciennes de contournement, la corruption des agents de l’État, ou encore les limites en matière d’état civil. Cette surveillance est d’autant plus difficile que les groupes djihadistes s’appuient sur les savoirs de contrebandiers et de trafiquants.

 

Tensions religieuses, vulnérabilités sociales et aveuglement politique

L’intensité des échanges entre les États côtiers et l’hinterland sahélien, la répartition des communautés, les mobilités multiples – que cela soit pour s’installer durablement dans un autre pays ou au gré de circulation plus temporaires –, les flux marchands, les outils de communication, sont autant de facteurs pouvant encourager les « plugs » régionaux et internationaux autour de convergences religieuses ou politiques. De nouvelles « solidarités » djihadistes se créent à travers toute l’Afrique de l’ouest.

Les tensions internes de ces pays constituent une autre source de vulnérabilité : tensions ethniques, politiques, économiques et sociales. Divers facteurs peuvent favoriser le développement de l’extrémisme violent dans ces pays : frustration des jeunes à l’égard d’aînés qui monopolisent le pouvoir politique et économique ; disparités entre espaces urbains et ruraux ; taux d’illettrisme ; prégnance de nouvelles idéologies religieuses comme le revivalisme sunnite. Dans le nord du Bénin par exemple, de nombreuses mosquées ont été construites, accompagnées d’une introduction du port du voile par les jeunes filles et les femmes. De même, le Ghanaian National Peace Council a dû intervenir à plusieurs reprises à la suite de prêches radicales et de sermons antimusulmans.

L’importation de courants religieux venus du golfe Arabo-persique ne suffit pas à expliquer l’engagement dans un groupe armé djihadiste. Plusieurs études (PNUD, ISS ou IFRI) ont montré le rôle majeur du sentiment d’injustice, des conflits locaux, et du comportement des forces de défense et de sécurité dans la bascule dans la violence et sa continuation. La progression d’un islam rigoriste sur le continent africain constitue néanmoins, pour des acteurs prônant la violence au nom de la religion, un levier afin d’obtenir une audience, une oreille complaisante, des soutiens, des financements, voire recruter des combattants en s’appuyant sur le sentiment anti-occidental et la colère d’une partie de la population.

L’expansionnisme sunnite génère aussi des compétitions porteuses de violence avec des formes plus traditionnelles de l’islam africain. En Guinée par exemple, les tensions entre jeunes wahhabites et érudits soufis traditionnels a conduit en 2014 à la destruction de la mosquée wahhabite dite « Tata 1 » dans le quartier Donghol. Financée par une association du golfe Arabo-persique, via une association guinéenne, elle avait été prise en main par un imam wahhabite autoproclamé.

Ces tensions religieuses sont d’autant plus dangereuses qu’elles prennent place dans des pays secoués par des tensions ethniques (que les groupes terroristes savent attiser en particulier entre nomades et sédentaires), des conflits autour de la terre, du bétail, des ressources du sous-sol et de leur exploitation, une remise en cause des hiérarchies sociales par les jeunes et dans lesquels l’arène politique est rarement apaisée. En Côte d’Ivoire, le pouvoir est focalisé sur l’échéance électorale de 2020, les déceptions sont grandes à l’égard du mandat de Ouattara et l’intégration de ses combattants a laissé des traces dans l’appareil sécuritaire. Au Bénin, les heurs politiques ne retombent pas entre le pouvoir et l’opposition depuis les élections législatives du 28 avril dernier. Au Cameroun, des velléités indépendantistes de la partie anglophone au nord-ouest du pays se manifestent depuis 2016. Plusieurs attentats ont été commis. Le 1er octobre 2017, des séparatistes annoncent une indépendance symbolique des deux régions anglophones, et provoquent des manifestations. La dispersion violente de ces rassemblements cause au moins dix-sept morts parmi les manifestants. En trois ans, le conflit aurait fait 1 850 morts et forcé plus de 530 000 personnes à fuir leur domicile, d’après les Nations unies.

Le plus inquiétant se situe peut-être à ce niveau : la défaillance de régimes politiques qui semblent n’avoir toujours pas compris la multiplicité des facteurs qui nourrissent l’hydre djihadiste, facteurs à la fois ethniques, économiques, politiques et géographiques. Sur chacun de ces leviers, il est urgent d’agir.

 

Que faire ?

La question ethnique est sensible mais peut-être la plus déterminante. Si l’on s’en tient au cas du Mali, les tensions entre Touaregs, Peuls, Bambaras et Dogon ne doivent pas être sous-estimées. Il ne saurait y avoir de solution politique à long terme sans la prise en compte de cette pluralité ethnique qui réclame le développement, le respect et la garantie d’une décentralisation franche et d’autonomies locales larges. Face aux heurs qui peuvent exister entre sédentaires et nomades, c’est la mission des autorités publiques et des chefs locaux de garantir une coexistence pacifique en organisant concrètement la répartition des terres, la transhumance des troupeaux, etc.

Sur le plan économique, une lutte impitoyable contre les trafiquants en tous genres (drogue, médicaments, enlèvements et rançons, armes) doit être conduite et coordonnées entre les différents pays de la zone. Ces trafics nourrissent le djihadisme : s’en prendre à eux, c’est affaiblir l’hydre terroriste. Bien sûr, on sait que dans certains pays, des fonctionnaires et des responsables politiques sont complices de ces trafics.

C’est pourquoi le facteur politique est également majeur. Les populations comprennent mal qu’un jeune désœuvré soit envoyé pour cinq ou dix ans en prison parce qu’il a fait de la contrebande quand tel ministre ou tel directeur des douanes n’est pas inquiété alors qu’il fait la même chose à grande échelle… La question de l’exemplarité des élites, de la lutte contre la corruption et du respect de l’État de droit est également prégnante. Les bailleurs de fonds internationaux devraient être bien plus exigeants.

Il y a enfin le facteur géographique, qu’il ne faut pas sous-évaluer. Les espaces à surveiller et contrôler sont souvent immenses (le Mali fait plus de 1,2 millions de kilomètres carrés) et en tout cas trop grands pour les moyens dont disposent ces pays. Pourtant, le contrôle des frontières est un enjeu prioritaire. Une coordination accrue entre pays, le soutien des pays occidentaux et les nouvelles technologies (radars, drones, etc.) sont indispensables.

Publié en langue anglaise le 13/09/2019 sur Geopolitical Intelligence Service




Renforcer la francophonie, c’est accroître le rayonnement de la France et la paix dans le monde

La Francophonie doit retrouver toute sa place dans la politique étrangère de la France.

II s’agit d’une politique certes culturelle mais aussi économique.  Le partage de cette belle langue française, enrichie des apports de tous ceux qui l’utilisent de par le monde a créé une profonde communauté de destin parfois mal comprise ou dévoyée.

II y a aujourd’hui en Afrique une forte solidarité et une grande coopération entre les pays parlant le français, et cette relation privilégiée existe aussi entre tous ces partenaires et Ia France.

C’est dans le cadre de Ia Francophonie que la France doit mener une vraie politique de reconquête dans les systèmes éducatifs et la recherche, en étroite liaison avec ses partenaires francophones.

L’Afrique sera demain la plus vaste zone de croissance et d’innovation du monde.

La France se doit donc d’impulser un renouveau de la francophonie, en facilitant par exemple l’uniformisation du droit commercial des pays francophones pour faciliter les échanges entre les entreprises françaises et les entreprises de nos partenaires francophones.

La France doit de manière efficace mettre en place un vaste programme de formations en langue française à destination des jeunes africains en fonction des besoins de chaque pays et plus particulièrement dans les métiers essentiels de I ‘artisanat et du bâtiment qui ont besoin d’une main d’œuvre qualifiée qui leur fait souvent défaut.

Il faut aussi favoriser les accords universitaires, appuyer l’édition scolaire et particulièrement Ia publication de manuels numériques.

Les grandes écoles et universités françaises doivent être aidées pour s‘implanter en Afrique ou la demande de formations francophone de qualité est exponentielle.

La France dispose d’une longue tradition de l’Etat et de la décentralisation.

Elle doit utiliser cette compétence au profit de ses partenaires africains qui le souhaitent dans le cadre d’un renforcement des capacités de Ia coopération décentralisée.

La Francophonie participe au rayonnement de la France à l’étranger, mais la France est souvent plus frileuse que ses partenaires dans ce domaine.

II faut y remédier dans les plus brefs délais avec Ia création par exemple d’un Ministère d’Etat en charge de la Francophonie, du Développement international et des Relations avec l’Afrique.

Un plus grand rôle à la Francophonie parlementaire est également nécessaire afin d’améliorer les relations entre les Etats qui ont le français en partage ; cela participe au renforcement des capacités de l’Etat de droit dans les pays partenaires.

II ne s’agit pas d’un combat d’arrière-garde, mais bien au contraire d’un combat moderne pour conserver la variété du monde, sa richesse, et protéger les cultures diverses contre une uniformisation mondialiste appauvrissante.

Pour mener ces politiques, il est nécessaire de :

  • Favoriser un projet d’uniformisation du droit commercial pour accroitre les échanges et la stabilité.
    (Renforcer le partenariat avec l’OHADA et les Communautés régionales (CEDEAO, CEMAC, UEMOA…)
  • Aider les autorités en charge de la gestion foncière dans les pays francophones
    au travers de coopérations décentralisées renforcées pour l’établissement de cadastres, et la formation de géomètres.
  • Créer un Ministère d’Etat en charge de la Francophonie, du Développement international et des Relations avec I ‘Afrique
  • Lancer des programmes de formations des jeunes africains francophones pour lutter contre le chômage et la pauvreté
  • Renforcer les moyens de la Francophonie parlementaire pour améliorer les capacités de l’état de droit

La francophonie n’est pas un héritage encombrant et honteux comme les chantres de la repentance permanente voudraient le faire croire.

La francophonie représente une force et une solidarité pour tous les pays francophones mais également une richesse et une chance pour l’équilibre du monde.




La sécurité de l’Europe est conditionnée au développement de l’Afrique

Le réchauffement climatique, l’insécurité et la pauvreté incitent des millions d’Africains à quitter leur pays.

Ils ne le font pas de gaieté de cœur… Mais dans l’espoir de trouver une vie meilleure.

Pour beaucoup d’entre eux, ils n’ont plus rien à perdre et confient leur vie aux mains de passeurs sans scrupule, véritables esclavagistes modernes.

Le totalitarisme islamiste et le terrorisme ne font qu’aggraver des situations déjà dramatiques dans de nombreux pays.

La France, partenaire historique de l’Afrique se doit de trouver les moyens d’améliorer cette situation pour limiter le flux migratoire de l’Afrique vers l’Europe, et la France.

L’aide française au développement doit augmenter et avoir pour but essentiel et prioritaire d’améliorer véritablement les conditions de vie des Africains en Afrique : sécurité, accès à l’énergie, formations, emplois, santé.

Nous devons lutter contre le terrorisme en inventant avec nos partenaires africains un nouveau contrat social et un nouveau modèle de société, plus solidaire et plus constructif qui ne tourne pas seulement autour de la valeur argent.

Il convient également d’accueillir plus et mieux nos voisins africains en imaginant une nouvelle forme de « contrat » qui permette à la fois de répondre aux aspirations des jeunes africains, mais aussi de faire en sorte qu’ils participent au développement de leurs pays d’origine tout en en profitant d’un emploi décent.

Sur le modèle de ce qui s’est fait entre 2006 et 2012 avec les accords de gestion concertée des flux migratoires, ces nouveaux accords permettront de faciliter la circulation entre pays d’origine et la France. En contrepartie, le pays d’origine s’engagera à lutter efficacement contre l’immigration clandestine de ses ressortissants vers la France.

Dans ces nouveaux contrats encadrant un partenariat gagnant-gagnant avec nos partenaires africains, la France pourra s’engager à faire en sorte que les entreprises françaises transforment une partie importante des matières premières sur place.

L’Europe doit aussi participer davantage au Co-développement des Etats d’Afrique car ils constitueront demain un espace de croissance majeur pour l’économie européenne.

Sur le plan européen comme sur le plan national, les dépenses de l’aide au développement doivent être ciblées sur les secteurs les plus sensibles pour être efficaces : emplois, santé, éducation.

En outre les aides au développement doivent être centrées sur les personnes et non sur les états en facilitant le retour de migrants dans leur pays par une aide sous forme de subventions ou de microcrédits destinés à la création d’emplois sur place.

La France doit développer des systèmes de formation (franchises de grandes écoles et d’universités) partout où cela est possible afin d’améliorer les niveaux de qualifications et de multiplier les futures embauches.

La France emploie d’ores et déjà plus de 500.000 personnes directement ou indirectement au travers des quelques 10.000 implantations d’entreprises françaises sur l’ensemble du continent. (Si l’on ne compte que les membres du CIAN (Conseil des investisseurs français en Afrique)

Ces entreprises y réalisent un chiffre d’affaire supérieur à 60 milliards d’euros, soit un niveau comparable à ceux réalisés avec l’Asie ou les Etats Unis.

Pour mener ces politiques, il est nécessaire de :

· Passer des accords avec nos partenaires afin que les migrants restent en Afrique

· Rendre notre aide au développement plus ciblée et plus efficace

· Créer davantage d’échanges, notamment scolaires et universitaires, dans un cadre légal avec un contrat pour les étudiants

· Arrêter l’exploitation directe des matières premières et investir dans des industries de transformation sur place

· Contrôler l’émigration en partenariat avec les Etats africains afin d’avoir moins de migrants illégaux

· Faciliter l’obtention des visas pour les étudiants, les hommes d’affaires, les scientifiques

En 2016, environ 173.000 migrants ont emprunté la route à travers la Méditerranée, dont 59.000 ressortissants du Nigeria, Niger, Ethiopie, Sénégal et Mali (UE). En Europe les migrants africains sont évalués à environ 7 millions.

Un sondage Gallup en 2016 indique que l’Afrique subsaharienne est la région où le souhait d’émigrer est le plus fort : 42% des jeunes (15 à 24 ans) et 32% des diplômés du supérieur.

Environ 25 millions de jeunes africains pourraient émigrer hors d’Afrique d’ici 2030.

La France ne peut plus se contenter d’une politique honteuse de l’urgence sur le continent africain.

Elle doit retrouver son leadership au sein de l’Europe et proposer de véritables politiques de Co-développements aux pays africains.

La future sécurité de notre continent est en partie conditionnée au développement et à la prospérité du continent africain.

Charles Millon
Ancien Ministre de la Défense



Afrique et migrants

Le problème de la sécurité en Méditerranée, avec ses deux rives religieusement opposées, n’est pas neuf. Il est même très ancien.

N’oublions pas que la colonisation de l’Algérie par la France en 1830 a commencé comme ça, pour détruire enfin la piraterie qui infestait la Mare nostrum depuis des siècles, avec son cortège d’esclaves et de trafics.

Bien entendu, les termes ne sont pas les mêmes aujourd’hui, et il ne saurait s’agir de recoloniser l’Afrique du nord.

Cependant, les vagues de migrants dont l’intensité a crû ces derniers mois, en partance de Libye principalement et vers les côtes italiennes, repose avec acuité la question des rapports intra-méditerranéen et, plus loin, celle des rapports de l’Europe avec l’Afrique.

Selon le ministère de l’Intérieur italien, le trafic de migrants en ­Méditerranée rapporterait plusieurs milliards d’euros chaque année.

L’OIM (Organisation internationale pour les migrations) explique que 500.000 personnes pourraient tenter la traversée de la Méditerranée cette année.

Et en 2014, année déjà exceptionnelle, ils étaient 175.000 à avoir débarqué sur les côtes italiennes. La presse italienne assure aujourd’hui qu’un million de migrants attendraient en Libye de prendre la mer.

Mais ce à quoi l’on assiste en Libye, où se conjoignent les intérêts terroristes des djihadistes et les intérêts pécuniaires des passeurs ne représente qu’un déplacement géographique de la vague de migration.

Jusqu’il y a peu, c’était par le Sahara occidental, les Canaries et les enclaves espagnoles au Maroc que débarquaient les clandestins. Si la situation a changé, c’est outre le chaos libyen, qu’il existe des solutions pour endiguer le flux, au moins localement.

Ainsi, dès le début des années 2000, l’Espagne a signé des accords de coopération avec le Maroc et d’autres pays africains du littoral atlantique et mis en place des patrouilles en mer communes.

Un succès : aujourd’hui, il y a moins de 200 migrants par an qui prennent encore cette route de Méditerranée occidentale.

Ainsi, un apprenti clandestin malien, Moussa, interrogé par des journalistes, explique pourquoi il a choisi la filière libyenne : « On m’a également proposé la filière mauritanienne qui transite par Nouadhibou, sur la frontière entre la Mauritanie et le Sahara occidental, pour aller ensuite aux îles Canaries, donc en territoire espagnol. »

Mais des amis lui ont conseillé d’aller en Libye : « Ils sont à Nouadhibou depuis bientôt deux ans sans pouvoir embarquer pour l’Espagne», raconte-t-il.

Il existe quatre voies principales d’entrée en Libye pour les clandestins : la région de Madama, au Niger; celle de Ghadamès, à la frontière algérienne ; celle de ­Koufra, dans l’extrême sud du pays; l’Égypte.

Les deux premières sont empruntées par les Africains de l’Ouest, les deux autres par les migrants de la Corne de l’Afrique. Les réseaux de trafiquants libyens reposent principalement sur les tribus, les Toubous côté Niger, les Touaregs côté Algérie.

Pour convoyer les clandestins du Sud ­libyen vers le nord, ce sont des tribus présentes dans les deux régions, comme les Arabes Ouled Slimane, qui sont actives.

Les migrants sont ensuite disséminés le long du littoral, mais c’est dans la région de Zouara, à l’ouest de Tripoli, que le gros des départs se fait.

Jakob, un Camerounais, explique comment se passe l’organisation de la traversée : « Comme la ville de Zouara dispose d’un port de pêche où il y a de vieux chalutiers destinés à la casse, les passeurs contactent les propriétaires de ces embarcations hors service. Certains squattent carrément la coque.

Ensuite, le chalutier est emmené à un atelier faisant office de chantier naval où on lui installe un moteur d’occasion en mesure d’assurer sa dernière traversée.

C’est ce qu’ils prétendent du moins. L’essentiel, c’est qu’il quitte les eaux libyennes et s’approche du littoral italien. »

Il affirme que  « les mécanos et les marins sont Tunisiens ou Egyptiens, alors que les passeurs sont plutôt Libyens. »

Sans compter la mafia italienne que l’on soupçonne de plus en plus fortement de se servir au passage.

Une internationale du crime donc, de nouveaux négrier, qu’il s’agit de détruire, mais sans oublier que c’est la demande qui a créé l’offre.

En réalité, comme le relève François Gemenne, spécialiste des flux migratoires à l’institut français du Ceri, l’arrivée des migrants illégaux par mer n’est qu’un signal d’alerte vis-à-vis de ce qui se passe plus globalement : « Les naufrages des ­bateaux ont un effet de loupe sur cette forme d’immigration mais elle reste minoritaire ».

Les trois quarts des illégaux, selon lui, arrivent par avion, le plus souvent munis d’un visa. Une fois celui-ci expiré, les personnes restent sur le sol européen.

Il y a donc des flux continus, et c’est à leur source même qu’il convient de les tarir.

Deux questions conjointes se posent donc à l’Europe : comment rétablir des structures politiques dans les pays pourvoyeurs de migrants, de façon à y stabiliser les populations ?

Et comment refondre la politique d’accueil de l’Europe même, qui fonctionne aussi comme une pompe aspirante, laissant croire aux migrants qu’ils y gagneront le paradis ?

Certains réclament une politique de défense plus agressive de la part de l’Union européenne, notamment pour bloquer les bateaux dès les ports libyens. Pourquoi pas ?

Mais l’on ne fera que retarder la solution du problème, dont les racines sont bien plus lointaines.

Elles se trouvent en Afrique noire où de fait, l’Europe a abandonné toute politique de coopération cohérente et structurée.

Et un à un, les pays de la bande sahélo-saharienne, depuis le Mali jusqu’à la Somalie, basculent dans le chaos ou sous la botte islamiste.

Partout, faisant fonds sur la fragilité des régimes locaux, les fondamentalistes musulmans  utilisent la même technique de terreur, qui consiste à dépeupler à terme les provinces, pour qu’il n’y reste que les musulmans, créant donc les conditions favorables à l’exil vers une terre plus accueillante.

Le terrorisme musulman vient donc se superposer à la pauvreté économique déjà présente dans nombre de ces pays.

Et en tous lieux, les chrétiens sont les premières victimes : depuis ces migrants qui auraient été passés par-dessus bord par leurs compagnons d’infortune, au motif qu’ils étaient chrétiens jusqu’à ces Ethiopiens exécutés par Daesh en Libye pour le même motif, après les Coptes qui avaient subi le même sort.

Au Kenya, le 2 avril, le massacre de Garissa est venu confirmer cette triste réalité : les Chebabs venus de Somalie ou recrutés dans la population locale déshéritée ont trié les étudiants, mettant d’un côté les musulmans, de l’autre les chrétiens.

Cent quarante-huit de ceux-ci ont été tués au fusil d’assaut.

Et là aussi, comme au Nigéria sous la botte de Boko Haram, la lenteur de la réaction des troupes d’élite pose la question de la manipulation des événements par le gouvernement.

Mais de toute manière, le but est atteint : les chrétiens fuient Garissa.

Selon le porte-parole des Chebabs, l’attaque de l’université se justifiait parce que « c’est un plan pour répandre le christianisme et l’infidélité ».

Le discours est clair. Au Niger, une attaque du groupe islamiste Boko Haram samedi 25 avril aurait coûté la vie à une cinquantaine de soldats nigériens basée sur l’île de Karamga, sur le lac Tchad.

Au Tchad même, le président pourtant puissant Idriss Déby se montre très inquiet.

Alors qu’il a déjà affaire à la Libye et à Boko Haram, des troubles dans le sud du pays, notoirement dominé par le nord, mais où se trouve le pétrole, ont fait récemment un mort.

Alors que le régime d’Idriss Déby assure un semblant de stabilité dans la région, il serait dramatique qu’une rébellion se déclenche à l’intérieur du pays.

Au Soudan du Sud, depuis un an et demi, une guerre tribale sévit qui plonge le jeune pays dans une situation humanitaire dramatique.

En Erythrée, dont le terrifiant régime, qui ne peut être comparé aujourd’hui qu’à celui de la Corée du nord pour l’usage de la torture, la population sous les armes et la coupure avec le reste du monde, d’après le Haut Commissariat aux réfugiés, ils sont plus de 220.000 à avoir fui depuis 2011, soit 5% de la population.

Chaque mois, 3000 jeunes Erythréens, garçons et filles, traversent la frontière éthiopienne. Un évêque local a récemment parlé de « dépeuplement ».

Ainsi se conjuguent misère, instabilité politique et terrorisme islamique pour mettre à feu et à sang la moitié de l’Afrique. Il est temps que le monde, et l’Europe au premier rang, s’en préoccupe et prenne les moyens nécessaires.




L’Algérie à la croisée des chemins

Même si la démocratie est loin d’y briller, même si la vertu de ses dirigeants est sujette à caution, l’Algérie demeure aujourd’hui, alors que le Sahel s’est embrasé et que les printemps arabes ont déstabilisé tout le nord du continent, un havre de stabilité pour l’Afrique et le versant méridional de la Méditerranée.

Mais les quinze dernières années de paix relative qu’a connues le pays, après la « décennie de sang » où la lutte féroce de l’armée contre les islamistes fit des dizaines de milliers de morts, pourraient dans les temps qui viennent n’être plus qu’un heureux souvenir.

Des forces contradictoires s’agitent dans ce grand pays qui n’arrive toujours pas à trouver son équilibre interne.

L’état du pays, pourtant riche en hydrocarbures et en minerais, demeure économiquement désastreux.

L’ordre règne, mais la prospérité reste confinée dans les cercles étroits de la clientèle des hommes de pouvoir.

Le taux de chômage des jeunes dépasse toujours les 20% selon les chiffres officiels, qui ne sont pas toujours fiables. Il pourrait être largement supérieur.

Dans un pays dont la population a plus que triplé en cinquante ans, et même si le taux d’accroissement naturel a tendance à diminuer ces dernières années, le logement, les infrastructures routières, scolaires ou hospitalières sont toujours trop rares, désuets ou défectueux.

Surtout, 98% des exportations du pays sont le fait des seuls hydrocarbures, une manne qui, si elle a permis à l’Algérie de se désendetter et de rétablir ses comptes, a tendance à diminuer avec le temps.

Les autres secteurs, comme l’agriculture, les industries ou les services, restent peu compétitifs.

Le pays qui du temps de la colonisation française était exportateur de matières premières alimentaires, doit maintenant importer 60% de sa consommation.

Enfin, l’administration qui fut longtemps le principal employeur du pays a été décimée avec le passage à l’économie de marché acté durant la décennie 90.

La corruption continue d’y régner et les divers blocages et pots‐de‐vin découragent les investisseurs extérieurs ou intérieurs.

Alors que ses deux voisins, le Maroc et la Tunisie, ont réussi depuis longtemps à développer une industrie du tourisme florissante, l’Algérie est encore balbutiante dans ce domaine et souffre toujours de son image de pays peu sûr, en état de guerre civile larvée.

Sur le plan purement géopolitique, l’Algérie aurait pourtant les moyens de jouer son rôle de grande puissance régionale.

Il lui faudrait déjà commencer par régler ses différends territoriaux avec le Maroc et envisager de créer une véritable union du Maghreb dont elle constituerait le centre.

Mais les rivalités nationales ne semblent pas s’apaiser avec le temps.

L’Algérie est surtout aujourd’hui en contact direct avec les régions sahéliennes où couve le feu islamiste.

Si elle a appris de sa malheureuse expérience avec les GIA à maîtriser sur son territoire le terrorisme, il lui reste à sécuriser les grands espaces désertiques du sud où prolifèrent les cellules nomades djihadistes nouvelle manière.

La chute de Kadhafi ayant entraîné la constitution de nombreuses cellules djihadistes dans la région, le risque de chaos n’est jamais loin.

Témoigne aussi de cette inquiétude du gouvernement algérien l’autorisation donnée aux avions français lors de l’intervention au Mali de survoler le territoire national, une exception pour un pays jaloux de sa souveraineté, surtout vis‐a‐vis de l’ancienne puissance coloniale.

Malgré elle, l’Algérie se retrouve aujourd’hui au centre du jeu complexe de l’Afrique du nord où ces trois dernières années toutes les cartes ont été rebattues, depuis l’Egypte jusqu’au Mali, en passant par la Libye et la Tunisie.

Si son gouvernement donne le moindre signe de faiblesse, nul doute que ses ennemis, intérieurs comme les autonomistes kabyles ou les islamistes, ou extérieurs comme les djihadistes, en profiteront pour rallumer la mèche du conflit.

L’Union européenne comme d’ailleurs toutes les autres puissances du monde qui y ont des intérêts, particulièrement les Etats‐Unis et la Chine, seront avisées de garder sur le pays un œil vigilant, sous peine de voir le chaos se répandre un peu plus.

Seul pôle puissant et stable de la région, avec le Maroc, l’Algérie demeure la clef d’une Afrique du nord et sahélienne apaisée.

Charles Millon