Géopolitique et Arabie Saoudite

Le royaume des Séoud est revenu depuis deux ans au cœur des grandes manœuvres géopolitiques mondiales.

En réalité, l’Arabie saoudite est en conflit, sur tous les plans.

Tout d’abord sur le plan économique, elle mène une « sorte de guerre du pétrole » elle a engagé une partie de bras de fer non seulement avec les Etats-Unis, mais aussi avec le Canada, l’Iran et la Russie.

Elle a délibérément laissé grand ouvert le robinet du pétrole et du gaz pour étouffer toute concurrence, notamment celle venue des gaz et pétrole de schiste en Amérique.

Elle y a en partie réussi.

Alors que la demande baisse, à cause notamment de la chute de la production chinoise, l’Arabie saoudite surproduit.
Peu lui chaut, elle a encore les reins solides, et même si la chute des cours représente pour elle-même une baisse conséquente de ses revenus, menaçant à moyen terme son système social qui repose entièrement sur les ressources d’hydrocarbures, elle dispose pour le moment de liquidités suffisantes pour se maintenir.

Mais les conséquences de cet « anti-choc pétrolier » se font ressentir dans le monde entier.

Certains producteurs significatifs comme le Nigéria ou le Vénézuela souffrent.
Et ils disposent de très peu de moyens d’influence sur le géant arabe.

Conflit militaire, ensuite, particulièrement celui qu’elle mène avec quelques alliés sunnites, de façon tout à fait illégale d’ailleurs, sans que personne ne s’en émeuve, au Yémen contre les Houthis, dont le seul tort est d’être soutenus par l’Iran.

D’ailleurs dans ce conflit sunnites/chiites, l’Arabie saoudite avait participé il y a quelques années à la répression menée à Bahrein dans le plus grand silence médiatique, Bahrein où la famille sunnite régnante doit composer avec un peuple majoritairement chiite.

Enfin, c’est une nouvelle politique d’influence que développe l’Arabie saoudite.

Elle s’est traduit récemment par son refus de financer l’armement des forces libanaises, et ce pour protester contre l’intervention du Hezbollah aux côtés du régime de Bachar El Assad en Syrie.

Elle s’est concrétisée au travers d’investissements massifs – à hauteur de plusieurs milliards de dollars – chez le voisin égyptien, dont le président, le maréchal Sissi, est remercié pour avoir chassé les Frères musulmans du pouvoir.

Frères musulmans qui, tout comme l’Etat islamique, contestent la suprématie du pouvoir wahhabite saoudien sur les lieux saints.

En fait, l’Arabie Saoudite est aujourd’hui en conflit feutré ou déclaré avec à peu près tout le monde, sauf bien entendu avec les pays qu’elle a vassalisés, ou avec les Occidentaux à qui elle vend du pétrole, et chez qui elle place les dividendes de ses rentes financières colossales.

En conflit bien entendu avec tout ce qui est chiite, ou suspect d’hétérodoxie pour ces sunnites ultraconservateurs : Iran, Yémen, Syrie alaouite, Hezbollah libanais, forces irakiennes chiites…

En conflit avec les Frères musulmans, qu’elle a aidé à écarter du pouvoir en Tunisie et en Egypte.

En conflit contre les salafistes-djihadistes de l’Etat islamique, en Irak-Syrie comme en Libye.

En rivalité constante avec les émirats du Golfe, le Qatar en tête.

Seule alliance nouvelle, et particulièrement inquiétante sur le plan géopolitique, celle que l’Arabie saoudite a nouée avec la Turquie de M. Erdogan.

Une alliance née de la situation syrienne, où chacun des deux grands pays compte avancer ses pions, la Turquie pour bénéficier d’une profondeur stratégique, et prête à annexer de facto une partie du territoire, mais surtout pour empêcher la constitution d’un véritable Etat kurde ; l’Arabie saoudite pour contrer l’influence grandissante de l’Iran qui organise, aux côtés des Russes, la reconquête du pays par les forces du régime, ralliant alaouites, kurdes, chrétiens et Hezbollah libanais.

Cette alliance de circonstance peut néanmoins achopper sur quelques points : la Turquie soutient les Frères musulmans, et ne considère toujours pas le Maréchal Sissi comme un interlocuteur valable en Egypte.

Par ailleurs, une alliance anti-chiite risquerait de l’emmener trop loin, alors qu’elle a besoin de garder des rapports apaisés avec son voisin iranien, qui partage des centaines de kilomètres de frontière avec elle.

Quoiqu’il en soit, face à la situation syrienne, Turquie et Arabie saoudite collaborent sur le terrain, envisageant même d’envoyer des troupes au sol.

L’incohérence des chancelleries occidentales ne fait qu’ajouter au chaos qui menace tout le Proche-Orient.

La France notamment, dont le président François Hollande a décoré discrètement un prince saoudien récemment, ne dit rien devant l’ingérence grandissante du royaume dans la région, et en particulier sur la « guerre sale » du Yémen qui aurait fait déjà plus de 6000 morts.

Ceci s’explique en partie par ses liens commerciaux avec les pétromonarchies du Golfe.

Ainsi donc, ces tensions qui embrasent le Proche-Orient et dans tout le monde arabe, risquent de provoquer plus qu’une guerre régionale, un conflit international où se trouvent impliquer déjà la Russie, Les Etats Unis, la France et la Grande Bretagne.

Entre Arabie saoudite, Iran et Turquie, bien malin qui saura dire aujourd’hui qui prendra le leadership de la région.

Mais l’on est en tout cas forcé de constater que le royaume protecteur de Médine et de La Mecque s’est aventuré depuis quelques années dans une politique extrêmement agressive.

Pour l’instant l’Arabie saoudite a été peu touchée par le terrorisme.

Pourtant tiendra-t-elle longtemps économiquement avec des cours du pétrole si bas ?

Sa population est-elle prête à accepter la diminution de ses allocations et subventions ?

Les rigoureuses lois wahhabites, notamment vis-à-vis des femmes, des homosexuels ou des « blasphémateurs » satisferont-elles longtemps encore ce peuple ?

Ces questions se posent. Enfin, à se faire haïr ainsi par la moitié de la planète, le royaume saoudien s’est aventuré sur une mauvaise pente.

D’autant qu’il partage avec les USA certaine responsabilité dans la création et le développement de mouvements salafistes ou djihadistes.

Un retournement de situation, pourrait faire que des terroristes frappent un jour sur son sol.

Enfin, la politique générale de l’Arabie saoudite se caractérise par son repli sur soi.

Elle ne prend ainsi que très peu part à l’accueil des réfugiés de Syrie et d’Irak, leur préférant les travailleurs migrants du sud-est asiatique.

Aujourd’hui la politique menée par l’Arabie Saoudite est source d’instabilité permanente et provoque un climat de tension préoccupant pour la Région toute entière.

Charles Millon
Ancien Ministre de la Défense
Président de l’Avant Garde




Communiqué de presse: Saint-Etienne-du-Rouvray

La guerre est totale entre les terroristes musulmans et notre civilisation judéo-chrétienne.

Hier à Saint-Etienne-du-Rouvray, ils ont montré une nouvelle facette de son visage : l’ennemi pour eux, c’est la chrétienté.

Avant hier, nous avons fêté le premier martyr apôtre avec Saint Jacques, aujourd’hui nous avons sur la terre de France le premier martyr de cette guerre engagée par DAECH.

À nous de prendre nos responsabilités pour que cette guerre ne se généralise pas. À nous d’engager toutes les mesures pour que cette nouvelle idéologie totalitaire qu’est l’islamisme radical ne puisse avoir de nouveaux adeptes prêts à donner leur vie pour tuer et semer la terreur révolutionnaire.

À nous d’expulser ou d’interner tous les imams qui prêchent cette idéologie dans les mosquées, les écoles coraniques ou les centres culturels musulmans.

À nous de demander des explications et si nécessaire de suspendre nos relations diplomatiques avec tous les pays qui financent directement ou indirectement cette bête immonde qu’est DAECH.

À nous de faire pression sur Recep Tayyp Erdogan pour qu’il ferme effectivement la frontière avec la Syrie, sans quoi il se rend gravement complice du terrorisme islamique.

À nous de conclure une vraie alliance au travers d’un pacte avec tous les pays qui subissent aujourd’hui l’agression armée de DAECH ou de ses filiales telles que Boko Haram, au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie.

À nous d’offrir à ces pays non seulement un soutien militaire, comme le fait d’une manière admirable la France au Mali et dans toute cette région d’Afrique.

Mais aussi un programme de développement économique, social et culturel. A nous de demander aux responsables musulmans français de condamner solennellement ces horreurs et tout texte appelant à la violence et au meurtre.

À nous d’interdire la vente d’ouvrages appelant au djihad et de fermer les sites djihadistes en libres accès sur le territoire.

À nous d’engager d’une manière extraordinaire un soutien aux chrétiens d’Orient qui sont aux avant-postes pour défendre notre civilisation et nos convictions spirituelles.

Sur le plan national, à nous de prendre toutes les mesures qui s’imposent :

  • le rétablissement urgent des frontières nationales et la sortie de l’espace Schengen,
  • le renforcement du renseignement de proximité,
  • l’internement préventif de tous ceux qui sont complices de l’ennemi,
  • le renforcement d’une réserve qui prêtera main forte à nos forces armées et en particulier à la gendarmerie dans sa lutte contre le terrorisme islamiste,
  • la réforme du code de la nationalité par la suppression du droit du sol, de l’acquisition de la nationalité française par mariage et par la déchéance de nationalité des terroristes binationaux.

Aujourd’hui ce n’est plus l’heure du débat et de l’hésitation. Nous avons dénommé l’ennemi, nous lui avons déclaré la guerre, maintenant prenons les moyens pour la gagner. Il en va de la survie de notre civilisation.

Nous croyons profondément en la force des valeurs qui ont fondé l’Occident chrétien et dans ce combat civilisationnel qui est engagé, nous sommes persuadés qu’elles triompheront de la barbarie islamiste.

Car la vie aura toujours le dessus sur l’instinct de mort et l’espérance vaincra les puissances des ténèbres.

Charles Millon
Ancien Ministre de la Défense
Président de l’Avant Garde



Nommer l’ennemi ?

Tout le monde est aujourd’hui d’accord avec l’axiome que nous défendions il y a des années déjà, selon lequel « il faut nommer l’ennemi », et chacun le répète à l’envi.
Mais peut-être ne comprennent-ils pas ce qu’implique cette capacité à nommer : une fois que l’on a parlé du terrorisme islamiste, de la radicalisation d’habitants du territoire français sous l’emprise d’imams dégénérés, et de l’État islamique comme agent extérieur, il s’agit surtout de comprendre comment cet ennemi agit, pour lui couper les ailes et à terme le détruire entièrement.
Il faut bien entendu poursuivre la guerre, la vraie, celle qui se déroule sur le théâtre du Proche-Orient, en Syrie et en Irak, mais aussi en Libye – où trois sous-officiers viennent de tomber pour la France – au Mali toujours, enfin sur cet axe gigantesque qui s’étend du Nigéria au Pakistan.
Cette mission admirable, la France l’accomplit, quasiment seule en Europe, aux côtés des Etats-Unis, et le monde entier devrait lui en être redevable.
Cependant, la protection du territoire national est naturellement la première des priorités.
A ce défi, et face aux actes de barbarie qui s’y déroulent régulièrement depuis quatre ans, depuis les assassinats commis par Mohamed Merah, les gouvernements successifs ont trop mal répondu.
La désorganisation des services de renseignement par Nicolas Sarkozy en 2008 est l’une des causes fondamentales des erreurs de jugement qui ont permis la prolifération de ces actes.
De même, la baisse du nombre de policiers et de militaires engagée sous son quinquennat résonne douloureusement aujourd’hui. Sans oublier la fin de la double peine.
La gauche au pouvoir depuis quatre ans n’est pas en reste : par idéologie, elle a dépouillé la justice de ses moyens, laissant passer entre les mailles du filet punitif ces condamnés de droit commun que sont tous les terroristes.
Elle s’est refusée, encore par idéologie de soumission, à fermer les mosquées signalées pour leurs prêches radicaux, s’est refusée à expulser des imams réputés pour leurs appels à la haine, n’a pas pris les mesure de contrôle des frontières qui s’imposaient, non seulement devant la vague immense de réfugiés, mais de manière générale contre une immigration structurellement incontrôlée.
Elle a désarmé moralement la France, culpabilisant ses citoyens et empêchant la moindre remise en cause d’une religion devenue folle, l’islam.
Enfin, la destruction systématique de l’éducation, nationale et populaire, de la culture française, entreprise depuis quarante ans, ne pouvait que laisser pantelants et honteux des Français à qui l’on inflige aujourd’hui la double peine : la mort et le déshonneur.
Il n’est pas encore trop tard pour réagir, quoique la colère monte chez nos compatriotes contre ces hommes passés du côté de l’inhumanité et de la barbarie. Mais nommer l’ennemi voudra toujours dire aussi : ne pas lui ressembler.
La France possède la force de se défendre. Elle doit le faire dans l’ordre, l’intelligence et la justice. Car le désordre et la vengeance n’engendrent qu’eux-mêmes.
Les réponses ne manquent pas et il faut les appliquer avec la sévérité qu’exigent les circonstances : fermeture de toutes les mosquées dites radicales, expulsion des imams qui prêchent la guerre et le fanatisme, contrôle des frontières avec suspension de Schengen si nécessaire, limitation de l’immigration légale, fin de l’immigration illégale, révision du code de la nationalité, déchéance de celle-ci pour les binationaux convaincus de projets d’entreprise terroriste, rétablissement de la double peine.
Mais encore et surtout dans le fond : sortie du Conseil de l’Europe pour se soustraire aux arrêts iniques de la CEDH ; réarmement de la justice ; reconstruction de l’école et de l’éducation populaire ; enfin, renouveau de l’éducation populaire pour refaire des Français.
Un long travail et une lourde tâche, auxquels nous ne pourrons nous dérober.
Charles Millon
Ancien ministre de la défense



A quand un nouveau Yalta ? par Charles Millon

La Libye est devenue le nouveau refuge de Daech, sa base de repli éventuel. C’est une réalité qui crève les yeux, mais que nous faisons semblant de ne pas voir.

Comme pour l’Irak-Syrie, sans doute découvrirons-nous demain, ébahis, qu’il y a fait son nid, creusé son sillon, s’y est fermement installé et que l’en déloger coûtera une guerre de plus – dont, semble-t-il, l’on parle déjà dans les états-majors occidentaux – une guerre dans un pays en proie à tous les chaos, toutes les anarchies, tel enfin que l’ont laissé MM. Sarkozy et Cameron, après leur intervention calamiteuse et opportuniste.

Mais, au-delà même du cas libyen, il faut intégrer le fait que, Daech ou tout autre nom dont elle se pare, cette idéologie est un cancer qui continuera de se déplacer et d’enfanter les guerres dans le monde.

Déjà, outre la Libye, Sinaï, Nigéria, Sahel, Afghanistan, et même Europe sont le terrain de jeu de cette guerre qui ne fera pas de prisonniers.

La radicalité, comme l’on dit, de notre ennemi est telle, sa haine à notre endroit – à l’endroit d’ailleurs de tout ce qui n’est pas lui – est telle qu’on voit mal comment négocier et trouver un accord de paix avec lui.

D’ailleurs, le voudrait-il, qui accepterait que nous vivions côte-à-côte avec un Etat, ou des Etats, qui pratiquent cette forme de charia, asservissant les femmes et généralement tous les non-musulmans, détruisant globalement tout ce qui nous paraît constituer l’humanité ?

La question, outre le fait de politique intérieure qui veut qu’on lutte au sein de nos nations européennes elles-mêmes, tient en ceci finalement : l’occident peut-il intervenir partout ?

Précisons : l’occident et ses alliés, puisqu’il faut intégrer dans cette lutte maintenant planétaire la Russie, l’Iran et certains pays de la péninsule arabique – les pays africains, eux, quoi qu’ils en aient la volonté, étant dans l’impossibilité financière et technique de combattre efficacement cette forme de guerre terroriste.

Nul doute qu’une grande conférence sous l’égide des Nations-Unies aurait dû avoir lieu il y a longtemps déjà : une sorte de Yalta qui consiste non à se partager le monde pour le dominer, mais à répartir les zones d’interventions entre les différentes forces, de façon à les stabiliser et les libérer.

Ce serait un projet à dix ans au moins, voire vingt.

Mais un projet nécessaire, requis par le nouvel ennemi protéiforme qui défie l’humanité entière.

Une nouvelle coopération mondiale tendue vers un but précis, comme cela existe, tout différemment, sur le plan écologique.

La zone à couvrir est gigantesque, et en sus, elle se trouve comme au milieu du monde. Du Pakistan à la Centrafrique, en passant par l’Irak-Syrie, l’Egypte, la Libye, le Mali, la Somalie et le Nigéria, c’est un arc immense qui recouvre grosso modo les pays à majorité musulmane .

Si l’on tente de le découper en pièces de puzzle, ce serait à la France dans la logique de ses interventions au Mali et en Centrafrique (dont les motifs furent différents cependant) de poursuivre sur sa lancée en sécurisant tout l’ouest africain, le Nigéria au premier chef.

Mais la zone est évidemment bien trop vaste, et l’on n’est plus au temps des empires coloniaux.

On peut regretter deux choses dans cette région : l’indifférence de l’ancien colonisateur anglais vis-à-vis du Nigéria, et la mollesse du soutien européen à la politique militaire de la France qui a pourtant stabilisé des lieux stratégiques et coupé court à une expansion rapide du djihad dans le Sahara-Sahel.

La France dispose là-bas d’un allié unique : le Tchad, seule armée opérationnelle dans cette partie du continent.

Les autres nations stables, comme le Burkina, le Bénin ou le Sénégal sont malheureusement ou mal armée ou trop fragiles intérieurement.

On pourrait néanmoins imaginer à moyen terme la création d’une force de réaction rapide africaine autonome, capable de cautériser les plaies nouvelles à temps.

L’Europe surtout, si elle a un sens, devrait prêter main forte à la France, au moins d’un point de vue financier et matériel.

En Libye, la situation est plus confuse que jamais, avec deux gouvernements recouvrant à peu près d’un côté la Tripolitaine, de l’autre la Cyrénaïque, et que l’on a jusqu’ici échoué à se fondre en un troisième.

Entre généraux fantoches et islamistes purs et durs, les opérations secrètes occidentales, françaises, américaines et anglaises, semblent pour le moment destinées uniquement à contenir le raz de marée de Daech.

La situation est telle, et les forces modérées ou tribales ayant été marginalisées, que ‘lon se retrouve selon l’analyse de Bernard Lugan, le grand africaniste, à s’allier avec les frères musulmans et Al Qaeda contre l’Etat islamique.

Charybde ou Sylla, telle semble l’alternative.

D’autant que les voisins de la Libye sont tout, sauf fiables : la Tunisie demeure sous la menace de ses propres islamistes, à peine écartés du pouvoir, et qui ne désespèrent pas d’y revenir bientôt.

En Egypte, malgré la grande figure du maréchal Sissi, soutenu par les Etats-Unis et le voisin saoudien,  la population sunnite reste sensible aux sirènes des Frères musulmans.

Ne parlons pas du Soudan, au sud, plus fauteur de troubles qu’autre chose.

Quant à l’Algérie, elle attend frémissante le changement de pouvoir intérieur avant que d’intervenir éventuellement.

Mais la grande guerre qui a embrasé la moitié du monde musulman a aussi des répercussions, dont l’on parle moins dans les chancelleries occidentales de crainte de froisser nos alliés, jusque dans la péninsule arabique.

En effet, le conflit atroce du Yémen se poursuit, terrain de substitution pour la guerre larvée que se mènent l’Iran et l’arabie saoudite, emportant derrière eux respectivement le monde chiite et le monde sunnite tout entier.

De même, la révolte continue de gronder à Bahrein, pays majoritairement chiite dirigé par une monarchie sunnite.

Enfin, le soutien indirect des pétromonarchies à l’Etat islamique, relayées en cela aujourd’hui par la Turquie qui s’en cache de moins en moins, réclame une explication avec les régimes sunnites.

L’occident ne peut pas continuer indéfiniment sa politique qui consiste à éteindre là le feu qu’il a allumé ici.

Il faut malheureusement remarquer qu’aujourd’hui, seule la Russie, quoiqu’on puisse reprocher à son régime intérieur, a une politique cohérente sur ce plan-là.

Dans une grande conférence internationale qui se chargerait de mettre au point un plan pour régler ces conflits, sur une décennie au moins, l’Europe aurait une mission particulière.

Qui serait moins d’intervenir au coup par coup que d’établir un contrat pour former les armées de pays amis.

Il s’agit de coordonner les pays entre eux, sur cet arc entier qui va de l’Afrique noire à l’Irak.

Car nous sommes face à une guerre idéologique-type. Pour filer le parallèle avec le communisme, il est remarquable qu’elle s’étende partout en même temps, comme au temps de la guerre froide.

Face à cela, s’il veut seulement survivre, l’occident doit développer une vraie stratégie et une vraie tactique. Qui requerra toutes ses forces.

Charles Millon

Ancien ministre de la défense

Président de l’Avant-Garde




Charles Millon : la guerre se gagnera aussi dans les têtes

Charles Millon : la guerre se gagnera aussi dans les têtes

Soldats patrouillant à Saint-Denis le 18 novembre

FIGAROVOX/TRIBUNE – Au lendemain des attentats de Paris, l’ancien ministre de la Défense appelle à la prise de conscience sur les dangers de l’islam radical et à une guerre réelle menée contre l’Etat islamique.

 

Charles Millon a été ministre de la Défense du gouvernement Alain Juppé, de 1995 à 1997.


En semant la mort dans les rues de Paris, l’Etat islamique a confirmé que la France et – au-delà d’elle, l’Occident – était son ennemi. Tous les Français, le président de la République au premier rang d’entre eux, en ont pris acte. Il était temps car l’ennemi nous avait désignés comme cible depuis longtemps. Dans son esprit, nous représentons cette civilisation repue et matérialiste où se conjoindraient étrangement la perversion post-moderniste et le christianisme.

Pour combattre efficacement cet «islam radical» il faut enfin arrêter de se bander les yeux par mauvaise conscience ou snobisme intellectuel. Il faut prendre la mesure de la nature de l’ennemi et lui déclarer la guerre totale.

L’Etat Islamique contrôle des milliers de km2 en Irak et en Syrie, dispose de ressources propres considérables avec lesquelles il finance ses actions soit de conquêtes au Moyen-Orient soit de terreur en Europe ou dans le monde.

Nous avons affaire à un Etat islamique qui a adopté une démarche idéologique totalitaire, internationale et universaliste comme le communisme qui était, pour le sociologue Jules Monnerot, l’Islam du XXème siècle.

Cet islam radical profane les dogmes religieux en les traduisant en organisation politique, social et militaire. Cet Islam radical génère, nourrit et manifeste des tendances totalitaires qui ont une vocation universaliste et s’appuient sur des fanatiques déterminés à combattre notre civilisation et à imposer leurs «croyances» au monde entier.

Cet islam radical, en semant la terreur, provoque les conditions de véritables guerres civiles où, comme à Paris, vendredi dernier, des Français tirent sur d’autres Français.

Il est important que nos gouvernants aient compris que l’ennemi qui se dénomme aujourd’hui Daech ou l’Etat Islamique, continuera de mener sa guerre qui est «idéologique» demain sous d’autres noms, avec d’autres moyens. Oui, la France doit s’engager résolument dans la guerre totale contre l’islamisme radical.

Cette guerre se déroule sur de multiples terrains:

D’abord au Moyen Orient par le bombardement des places tenues par Daech et ce, avec le soutien au sol des combattants Kurdes, Syriens ou Irakiens, car l’Etat islamique y a installé ses bases arrières pour conquérir le monde.

Aujourd’hui Daech est notre seul adversaire: fini le temps des fignolages, des pas de deux, des tergiversations ou des conditions. C’est pour nous un impératif politique que d’être présent dans la coalition contre Daech, mais il nous revient d’interpeller tous nos alliés ou partenaires – Arabie Saoudite et Quatar entre autres – pour qu’ils s’engagent aussi solennellement , matériellement et financièrement contre Daech.

Il est de notre responsabilité de tout entreprendre aussi pour que l’Etat Islamique soit bloqué dans ses initiatives en Afrique où il profite des désordres instaurés par des interventions irréfléchies (Libye) ou par des réseaux de trafics en tout genre (Sahel).

C’est ensuite la guerre sur notre sol contre les ennemis de l’intérieur, qu’ils soient Français ou étrangers. Il convient de recourir à tous les moyens juridiques que doit conférer l’état de guerre pour les neutraliser. La récente prise de conscience du Président de la République ne peut faire oublier ce discours d’impuissance – sinon de démission – que nos dirigeants ont trop longtemps tenu face à ces expressions multiples du fanatisme islamique. Il convient de rétablir et de renforcer l’exercice de l’autorité par les responsables politiques. Car c’est à ces derniers que revient la responsabilité de fermer les mosquées où cet islam est diffusé, de contrôler le financement des associations cultuelles et culturelles qui se réfèrent à cet islam radical, d’expulser les prêcheurs de haine étrangers, d’incarcérer les Français en intelligence avec l’ennemi qu’est l’Etat islamique.

Enfin, la troisième guerre est certainement la plus importante et donc, probablement la plus difficile. Elle est culturelle, identitaire et idéologique et c’est celle qui permettra de vaincre le djihadisme.

Cette guerre passera par la réaffirmation dans nos discours, dans nos modes d’expression culturelle, dans notre système éducatif de notre attachement à notre civilisation fondée spirituellement et historiquement sur le christianisme.

C’est une nécessité absolue. Nous savons que face à l’islamisme ce ne sont pas le consumérisme, l’hédonisme et le matérialisme qui nous donneront la volonté de combattre et de résister.

Nous savons que face au fanatisme idéologique, le réarmement moral et spirituel s’impose.

Charles Millon



Charles Millon : qui est vraiment Daech ?

FIGAROVOX/TRIBUNE – Au lendemain des attentats de Paris, l’ancien ministre de la Défense Charles Millon pose les enjeux de la lutte contre l’Etat islamique. Quelle est son étendue ? Quels sont ses alliés ? Des questions auxquelles il faudra répondre pour le combattre.

 

Charles Millon a été ministre de la Défense du gouvernement Alain Juppé, de 1995 à 1997.


Il existe aujourd’hui un consensus général et véritable autour de la nécessité pour la communauté internationale d’intervenir en Irak et en Syrie afin de mettre Daech hors d’état de nuire. Il n’était que temps.

Cependant, on ne peut que remarquer que les gouvernants des grandes nations du monde, parties prenantes des coalitions – Etats-Unis, France, Russie, Royaume-Uni – s’interrogent plus sur les modalités, sur la dimension à donner à ces interventions, sur les alliances à nouer ou à respecter, que sur l’objectif même de l’opération et sur la nature de l’ennemi.

Or, de nombreuses questions, dont les réponses devraient être des préalables se posent: s’agit-il d’une reconquête du territoire pris par Daech? Quelle négociation avec tous les groupes qui interviennent en Syrie et en Irak pour envisager à terme l’instauration d’une paix civile? Quelle est la dimension de la coalition? Va-t-elle se constituer sous l’égide de l’ONU? Y aura-t-il un pays coordonnateur de cette coalition? Qui la financera? Qui en assurera le commandement tactique? Est-il envisagé une conférence internationale pour définir les dimensions politique, économique et militaire de cette intervention? Et si oui, quel en sera le pays organisateur? Toutes ces questions sont pour l’heure en suspens, dans ce qui paraît une guerre artisanale, échafaudée au jour le jour, sans pensée stratégique.

Mais, avant même d’envisager cette phase, une autre interrogation, beaucoup plus profonde, se présente: celle de la définition de notre ennemi. Car l’objectif n’est au fond pas territorial, mais idéologique. A-t-on réellement mesuré ce qu’est Daech: un groupe religieux qui porterait des ambitions territoriales (à ce jour près de 300.000Km2 contrôlés en Irak et en Syrie), ou un groupe religieux qui porterait internationalement une idéologie totalitaire? A-t-on de surcroît analysé vraiment les liens que ce groupe a tissé avec d’autres idéologies ou d’autres familles de pensées proches? A ce sujet, il ne serait pas inintéressant de relire les textes de sociologues qui soulignaient dans les années 90 une certaine proximité idéologique entre l’islamisme révolutionnaire et le marxisme ; non plus que de se repencher sur les liens troublants qu’ont entretenus un certain nombre d’islamistes avec l’Allemagne nazie (cf. Jihad et haine des juifs. Mathieu Küntzel Editions du Toucan Septembre 2015).

Dans un cadre plus contemporain, on ne peut oublier les racines sunnites de Daech, qui expliquent l’inertie de l’Arabie saoudite autant que celle du Qatar, et leur répugnance à mener une action au sol contre l’Etat terroriste. Pis, l’Arabie saoudite, le Qatar et un certain nombre d’autres pays du Golfe persique ont constitué parallèlement une coalition contre les Houthistes chiites du Yémen, alors qu’ils sont totalement absents du combat contre Daech. Comment envisager la poursuite des relations commerciales sereines avec l’Arabie saoudite, le Qatar ou les EAU, tant que ne seront pas éclaircis les rapports qu’ils entretiennent directement ou indirectement avec Daech?

On ne peut non plus oublier l’attitude ambiguë de la Turquie sunnite qui privilégie les bombardements des Kurdes aux bombardements des positions de Daech.

Il faut ensuite penser plus largement, à l’échelle du monde, ces relations que Daech a nouées, non seulement avec les Frères musulmans, mais aussi avec les mouvements de Libye, du Nigéria, ou de Somalie.

Il ne s’agit pas d’être alarmiste. De toute façon, la guerre est déjà là. Mais la considérer seulement dans un cadre régional, la Syrie, et militaire, les bombardements, on prend le risque de s’aveugler sans voir s’organiser une nouvelle internationale porteuse d’une idéologie totalitaire qui ne craint pas à Palmyre ou ailleurs de faire sienne la formule des révolutionnaires Français «du passé faisons table rase».




Le devoir d’ingérence

Depuis la chute de l’Union soviétique, la situation internationale aura rarement été aussi troublée, en tant de points différents et pour des raisons si diverses.

De l’Afghanistan à la Centrafrique, la moitié du monde brûle.

Les pays sans Etat se multiplient : Somalie, Libye, Irak, Syrie, Liban, Centrafrique ou Mali, et cette situation qui ne semble pas passagère mais dure favorise tous les extrémismes, tous les irrédentismes.

Les Shebabs somaliens qui se livrent à la piraterie depuis deux décennies, l’Etat islamique qui s’étend au Proche-Orient, l’Etat islamique encore qui prend pied aux côtés d’Al Qaeda en Libye et trafique du pétrole : les tensions tribales en Centrafrique sur fond de guerre des diamants.

Cette situation favorise aussi tous les trafics, le Sahel et le Sahara n’étant plus qu’un vaste champ de passage pour la drogue et les migrants traités comme des bêtes.

Tout ceci favorise encore l’extension de l’islamisme radical et c’est sur terreau que Daech se développe.

Face à cet immense défi, que doit faire la communauté internationale ?

Non pas tenter de revenir à l’état antérieur, avec des Etats construits à l’occidentale, centralisés et tout-puissants mais aller vers le respect des identités tribales, géographiques.

L’exemple des trois régions de Libye, la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan que tout oppose et que seule la lourde main de Kadhafi faisait tenir ensemble est parlant.

La solution serait de donner un mandat international à une entité, pays, ensemble de pays ou groupement régional, pour rétablir l’ordre et faire cesser la guerre civile.

Mais à qui donner ce mandat ?

Les volontaires ne se précipitent pas aujourd’hui. D’autant qu’au niveau international, ce type d’ingérence n’est pas réellement défini.

Le devoir d’ingérence, qui désigne l’obligation morale faite à chacun d’intervenir, même en violant la souveraineté d’un Etat lorsque celui-ci se rend coupable de violations répétées des droits fondamentaux, n’est hélas pas un concept juridiquement défini au niveau international.

Et ceci alors que la mondialisation, notamment des communications, met sous le nez de tous en permanence ce qui se passe à l’autre bout du globe.

Si Grotius avait déjà évoqué en 1625, de façon abstraite, un « droit accordé à la société humaine » pour intervenir dans le cas où un tyran « ferait subir à ses sujets un traitement que nul n’est autorisé à faire », c’est au XIXè siècle que l’idée commence réellement à prendre forme concrète à travers ce que l’on appelait « l’intervention d’humanité ».

Après la Seconde Guerre mondiale, c’est le conflit atroce du Biafra qui, à partir de 1967, réveille les consciences et l’idée, engendrant notamment la création de nombreuses ONG comme Médecins sans frontières.

C’est le philosophe français Jean-François Revel qui parlera le premier de « devoir d’ingérence » en 1979 à propos des dictatures africaines de Bokassa et Amin Dada. Reprise dans le monde entier, variant de « devoir » à « droit » d’ingérence, l’expression connaîtra une belle fortune. Cependant, rien encore aujourd’hui n’en vient définir les contours juridiquement.

Il se heurte à plusieurs arguments : d’abord, le vieil ordre westphalien, défini en 1648, qui stipule que nul ne peut s’ingérer dans les affaires d’un Etat souverain. Ensuite, de nombreux juristes soutiennent que les conventions internationales, comme les Conventions de Genève et la Convention contre le Génocide, disposent déjà d’un droit contraignant.

Le Chapitre VII de la Charte des nations Unies permettrait lui aussi d’intervenir dans les affaires intérieures d’un État en cas de « menace contre la paix », et les interventions récentes de la communauté internationale (Golfe, Irak, Rwanda, Somalie, Bosnie, etc.) auraient d’ailleurs été menées pour la plupart en référence à ces outils traditionnels de la justice internationale.

Benoît XVI lors de son discours aux Nations unies, le 18 avril 2008, déclarait ceci :

« Tout État a le devoir primordial de protéger sa population contre les violations graves et répétées des droits de l’homme, de même que des conséquences de crises humanitaires liées à des causes naturelles ou provoquées par l’action de l’homme. S’il arrive que les États ne soient pas en mesure d’assurer une telle protection, il revient à la communauté internationale d’intervenir avec les moyens juridiques prévus par la Charte des Nations unies et par d’autres instruments internationaux. L’action de la communauté internationale et de ses institutions, dans la mesure où elle est respectueuse des principes qui fondent l’ordre international, ne devrait jamais être interprétée comme une coercition injustifiée ou comme une limitation de la souveraineté. À l’inverse, c’est l’indifférence ou la non-intervention qui causent de réels dommages. »

L’occident en général, qui est aujourd’hui quoi qu’on en ait, le seul bloc capable et doué de la volonté d’intervenir dans le monde entier pour faire respecter les droits de l’homme et nonobstant les non-dits impérialistes qui peuvent sous-tendre ses actions, est depuis quelques années tétanisé, se refusant à de réelles interventions, pour plusieurs raisons, parfois contradictoires d’ailleurs.

La guerre d’Irak, qui l’avait lui-même divisé, la France et l’Allemagne notamment déniant toute légitimité à l’assaut sous égide américaine, a causé trop de morts dans les rangs de la coalition, traumatisant les opinions publiques.

De plus, cette opération, comme celle d’Afghanistan, n’a pas eu les effets escomptés, laissant des populations et des gouvernements faibles à la merci de groupes tribaux, politiques ou religieux plus puissants, dans une situation de quasi guerre civile.

A ceci, il faut ajouter le fiasco de la Somalie en 1992 et surtout la calamiteuse intervention sous pavillon français en Libye en 2011 qui a précipité le pays dans le chaos.

D’où l’on pourrait déduire ceci : s’il y a devoir d’ingérence, il entraîne avec lui d’autres devoirs que la simple intervention militaire destinée à faire tomber le dictateur, comme l’établissement d’un gouvernement fort, stable et digne de ce nom, la reconstruction du pays, enfin son insertion dans le jeu de la communauté internationale.

Seulement, quel pays seul aujourd’hui sera capable de se plier, ne serait-ce qu’économiquement, à tel exercice ? En général, les opinions auxquelles veulent plaire les gouvernements démocratiquement élus d’occident se satisfont de la première partie du plan et une fois que l’ennemi désigné a été éradiqué, souhaitent qu’au plus vite leurs enfants rentrent à la maison.

La solution serait que passant outre aux vieilles lunes westphaliennes, sur le plan des droits de l’homme comme sur celui de l’économie et de l’écologie, ainsi que l’Eglise catholique notamment l’a rappelé ces dernières années, la communauté internationale puisse se saisir de dossiers qui ne concernent pas seulement un Etat reclus derrière ses murs mais une bonne partie du monde.

Ainsi, la situation de la Libye, avec ses flots de migrants et de passeurs mafieux, n’est plus un problème de souveraineté locale, mais un problème général. Reconstruire un pays, en prenant en compte ses particularités et sans arrière-pensée impérialiste, réclamerait en sus d’une intervention militaire, la mise en place d’une administration neutre, internationale, pendant au moins une décennie.

Mais il faut pour cela du courage politique et de l’imagination.

Charles Millon

Publié par Charles Millon · 13 octobre 2015, 18:44




Combattre vraiment Daech

Voilà plus d’un an que Daech a proclamé le Califat ; voilà plus d’un an qu’une coalition internationale, sous la houlette des Etats‐Unis, bombarde la région. Avec quel succès ?

Pour l’instant, la paix s’éloigne un peu plus chaque jour.

Viols, esclavage, mutilation, destructions de monuments sans prix, déplacement de population, brimades, mise en scène de torture : on pourra dire que l’Etat islamique se sera donné du mal pour être à la hauteur de son rôle de « monstre absolu », renvoyant au deuxième rang les Shebabs, les GIA, les talibans et al Qaeda.

Daech donc occupe aujourd’hui un vaste territoire, à cheval sur au moins deux pays, l’Irak et la Syrie, et le monde assiste, presque impuissant, à ses exactions et à l’extension de son domaine de nuisance.

Aussi la question se pose aujourd’hui, plus que jamais : qu’attendons‐ nous pour agir vraiment ?

Attendons‐nous que ces pays se soient définitivement vidés de leurs populations chrétienne, yézidie, ismaélienne, alévie, alaouite et même chiite ?

Attendons‐nous que ne demeure plus que le sunnisme à front de taureau, sous sa forme la plus bornée, avec ses femmes sous tente portative, ses interdits odieux et sans limite, sa haine du reste du monde ?

Attendons‐nous que l’Irak et que la Syrie tombent entièrement entre leurs mains, au prétexte qu’il ne faudrait pas traiter avec le tyran Assad, ni avec les méchants iraniens, ni avec le Hezbollah, ni même avec Poutine ?

Préférons‐nous fermer les yeux sur les sempiternelles attaques turques contre les Kurdes ? Ou sur les bombardements inhumains du Yémen par nos alliés saoudiens et consort ?

Personne ne fait la guerre de gaieté de cœur, sauf les imbéciles. Sauf peut‐être ceux qui décident un beau jour de faire tomber un dictateur sans prendre garde aux suites mortelles, pour l’Europe elle‐même, de leur mini‐guerre sans risque.

Mais aujourd’hui, il s’agit de prendre des risques, et certainement pas inutiles, car il en va peut‐être de notre survie, mais certainement de celle d’antiques civilisations et communautés du Proche‐Orient.

La France a déjà envoyé ses hommes, seuls, au Mali et en Centrafrique. Ils y sont toujours et sont sans doute les derniers gardiens de la dernière porte avant le chaos en Afrique de l’ouest.

Mais ce qui se joue entre la Méditerranée et l’Euphrate est, comme mille fois auparavant dans l’histoire des hommes, déterminant pour la physionomie du monde dans les décennies qui viennent.

L’Etat islamique est un problème géopolitique, un cancer qui se répand en Libye, en Somalie, au Sinaï, qui passe des accords avec Boko Haram ou les talibans.

Mais c’est plus généralement un monstre dont la barbarie est sans limite. Une sorte, disons‐le, de totalitarisme vert, qui ne le cède en rien aux deux totalitarismes du XXème siècle.

Né de l’islam, il est conduit maintenant par une idéologie autonome qui fait redouter le pire.

Comme l’a remarqué Renaud Girard dans les pages du Figaro, on ne peut prendre le risque de répéter notre faiblesse des années 30 face à la montée du nazisme. C’est maintenant qu’il faut agir, avant qu’il ne soit trop tard.

En ce sens, il faut que la France en tant que membre permanent du Conseil de sécurité obtienne une résolution de l’ONU autorisant une intervention au sol à fin de mettre un terme à ces crimes contre l’humanité.

La France doit prendre l’initiative de réunir une conférence internationale dont l’objet sera la constitution d’une vraie coalition, non plus seulement aérienne, mais appuyée sur une force d’intervention.

Il faut réunir les nations alliées : celles qui sont prêtes à intervenir militairement, celles qui apporteront leur soutien, et celles qui participeront au financement.

L’objectif premier étant de permettre à ces pays, Irak et Syrie d’abord, de recouvrer leur souveraineté et d’empêcher la poursuite de ces crimes, qui dépassent le seul cadre de la guerre et s’apparentent de plus en plus à des crimes contre l’humanité.

Cette conférence internationale devra aussi déterminer le type d’accompagnement qu’il faudra prodiguer à ces pays par la suite pour empêcher qu’ils ne retombent dans l’anarchie et la misère.

L’Europe, fidèle à son histoire, s’honorerait de prendre la responsabilité de ces opérations de reconstruction et d’accompagnement.

Le temps n’est plus aux lamentations devant les horreurs perpétrées par Daech.

Le temps est à l’action déterminée pour garantir la Dignité des personnes, le droit des minorités et le respect des croyances dans cette région du monde où notre civilisation a ses racines.

Le Figaro du 8/09/2015
Charles MILLON
Ancien Ministre de la Défense Président de l’Avant‐Garde




#ChristianBells, acte de solidarité avec nos frères Chrétiens d’Orient.

Demain quinze août retentiront les cloches de l’espérance pour les Chrétiens d’Orient dans les églises de France.

Geste symbolique mais surtout acte de solidarité avec nos frères Chrétiens d’Orient.

En s’associant à cette initiative portée par le Cardinal Barbarin, et partagée par plus de cinquante diocèses, nous venons rappeler que nos frères Chrétiens d’Orient sont les gardiens de nos racines.

Car c’est sur leur terre qu’est née notre civilisation et que pour la première fois dans l’histoire, des communautés ont proclamé leur foi chrétienne.

En venant affirmer notre solidarité avec les Chrétiens d’Orient, nous Français sommes fidèles aux engagements de nos dirigeants, rois et présidents, qui ont toujours réitéré la vocation de la France à garantir la protection de ces minorités chrétiennes.

Enfin, face à la menace du terrorisme vert, porté par Daesh, nous affirmons notre volonté de lutter pour la liberté d’expression et de culte, et pour le respect de la foi de chacun.

Charles Millon




Yémen, terrain de jeu des grandes puissances régionales

Islamistes contre islamistes ? Décidément, l’inventivité islamiste en matière de guerre dans les Proche et Moyen Orient et jusqu’en Afrique est sans limite.

On croyait que l’Etat islamique constituait le seuil ultime de barbarie et de dégradation des structures étatiques et traditionnelles, mais voilà qu’il est en train, non seulement de se métastaser, en Libye, au Sinaï égyptien, au Nigéria, mais plus, qu’il se fait concurrencer par de sympathiques mouvements comme celui des Chebabs somaliens qui ont frappé le Kenya en plein cœur, ou, plus inquiétant encore par les rebelles houthistes au Yémen.

L’offensive houthiste, milices de confession zaïdite, une variante du chiisme, a commencé réellement depuis l’automne dernier.

Après la démission forcée du président yéménite Hadi le 22 janvier 2015, sous la pression des rebelles, et la dissolution conséquente du parlement en février, il aura fallu attendre le 25 mars pour que le grand voisin, l’Arabie saoudite, forme une coalition dont elle a pris la tête, bombardant depuis ses avions selon la formule américaine, sans envoyer de troupes au sol.

L’ingérence de Riyad est saluée par toute la communauté internationale, et le jeune fils du nouveau roi, nouveau ministre de la Défense, acclamé comme un héros dans son pays. Seulement, la réalité est plus complexe.

Car il y a une autre puissance régionale, l’Iran.

Quand le pays des mollahs critique l’intervention saoudienne au Yémen, on l’accuse aussitôt, lui, d’aider en sous-main les rebelles. Ce qui est d’évidence vrai.

Mais vérité en-deçà du Golfe persique, erreur au-delà ?

Que l’on sache, l’Arabie saoudite et ses alliés américains n’ont pas reçu, eux non plus, mandat de la communauté internationale pour intervenir en « Arabie heureuse ».

Ali Khamenei, le guide suprême iranien, a beau jeu ainsi de dénoncer « l’agression saoudienne », l’accusant de « génocide » contre un « peuple innocent ».

Le président Rohani a, lui, assuré que l’Arabie saoudite répétait les mêmes erreurs qu’au Liban, en Irak et en Syrie, attisant les rivalités entre chiites et sunnites.

Savoir qui a commencé, de l’Iran qui subventionne le Hezbollah libanais depuis quarante ans, ou des alliés sunnites des Etats-Unis, c’est une autre affaire.

Reste que la situation géopolitique locale évolue aussi favorablement, par un autre côté : la signature de l’accord de Lausanne le 2 avril entre l’Iran et le groupe des 5+1 sur la question de l’enrichissement d’uranium, même s’il ne résout pas tout et ne constitue qu’un premier pas vers un véritable accord, qui n’aura pas lieu avant l’été, tant le dossier est techniquement complexe, est de bon augure.

L’Iran est-il encore « le grand perturbateur » que l’on décrit communément ?

Rien n’est jamais certain dans les réactions de la puissance perse aux mains des mollahs, passés maîtres dans l’art de la dissimulation et du coup de billard à plusieurs bandes.

Néanmoins, sans céder à la candeur, on peut constater que son retour dans le jeu géopolitique et dans la communauté internationale s’impose, ne serait-ce que pour contrebalancer le poids pénible de l’Arabie saoudite et de ses alliés-rivaux émiratis ou égyptiens.

Le Yémen est ainsi le grand révélateur, le terrain de jeu idéal si l’on peut dire, de la « guerre de Trente ans » à la mode musulmane qui se déroule dans cette partie du monde, où chaque grand puissance avance ses pions dans les pays voisins réputés faibles.

Sinon Oman, seul pays musulman au monde à n’être ni sunnite ni chiite, et coincé entre les puissances rivales, qui reste neutre, tout le monde est embarqué dans la querelle des chiites et des sunnites.

Le chiisme bénéficie de cet avantage d’être une confession plus organisée, disposant d’un clergé, et presque entièrement incarné en un pays, l’Iran, qui n’ayant pas de rival interne, peut tirer souverainement les ficelles, avec le Hezbollah au Liban, défiant un jour Israël, l’autre jour intervenant en Syrie pour soutenir Bachar el-Assad.

Avec les houthistes, c’est un nouveau bras armé, pas loin du cœur du monde sunnite, dans la péninsule arabique elle-même, qu’il met en branle.

Mais d’un autre côté, l’Iran est épuisé économiquement par les sanctions américaines et européennes et, sous la houlette d’un Ali Khamenei vieillissant et sous la pression de sa jeunesse désireuse d’entrer dans la mondialisation, il lui faut bien négocier, notamment sur la question nucléaire, avec la communauté internationale, pour redevenir respectable.

Il engrange quelques succès dans l’Irak dévasté, en stoppant momentanément l’expansion de l’Etat islamique.

Mais le pouvoir d’attraction de celui-ci auprès des candidats au djihad du monde entier laisse sa puissance intacte, d’autant qu’il fait des émules, particulièrement dans le chaos libyen et qu’il a su ringardiser Al Qaeda, qui est en train de lui faire allégeance.

De l’autre côté, l’Arabie saoudite a su tirer parti de la très mauvaise réputation que son voisin et rival qatari a fini par se tailler dans le monde occidental, accusé de soutenir le terrorisme et notamment les Frères musulmans, pour reprendre le leadership régional, notamment en soutenant et en finançant le régime du Maréchal Sissi contre les Frères en Egypte.

Ayant renoué de bonnes relations avec les puissances européennes, notamment la France, la dynastie des Saoud, guidée par son nouveau roi, est ainsi à la manœuvre pour l’achat d’avions Rafale par l’Egypte, dont elle a garanti le paiement.

Le président égyptien Sissi espère que sa participation aux bombardements contre les houthistes yéménites lui vaudra en retour une aide substantielle de Riyad contre l’autre chancre qui menace la stabilité arabe, à l’ouest, cette Libye tombée dans le chaos depuis l’intervention occidentale, où l’Etat islamique, parmi d’autres factions cruelles, met en scène l’égorgement de Coptes égyptiens ou de migrants éthiopiens, accusés d’être chrétiens.

Le maréchal Sissi, en fin tacticien, s’est attiré les bonnes grâces de la communauté internationale en affichant immédiatement son soutien à sa forte minorité chrétienne copte, ce qu’aucun dirigeant Egyptien n’avait jamais fait auparavant.

Ainsi, le jeu est plus ouvert que jamais, et l’Occident va devoir enfin décider de la stratégie à adopter dans la région, qui ne peut être de soutien unilatéral à l’un des deux camps, sous peine de voir le conflit dégénérer en une guerre de cent ans.

Dans ce monde rongé par la tentation de l’extrémisme islamique, vu par les populations déshéritées comme la dernière chance, la dernière protection, on ne peut décemment se défaire des quelques puissances régionales stables.

Il faut, par une politique habile, les amener à la table des négociations, et leur faire comprendre qu’à entériner et continuer ce jeu pervers de soutien à des rébellions ou à des djihadismes dans les pays voisins, c’est leur existence même qu’elles mettent en péril.

Jusqu’ici, l’engrenage d’alliances non-dites et de subventions cachées n’a servi personne : depuis la guerre du Liban dont on célèbre ces temps-ci le funeste quarantième anniversaire jusqu’au chaos yéménite, en passant par l’Irak, la Syrie, l’Egypte, la Libye, enfin tous ces faux printemps arabes, ce sont seulement la mort et la désolation qui ont été semées dans la régions, sans que l’on voit la moindre promesse d’espoir poindre à l’horizon.

Mais pour parvenir à rétablir certaine stabilité, tous les concours seront nécessaires : autant la Russie, que l’occident est bêtement allé défier en Ukraine, que l’Europe et les Etats-Unis, doivent abandonner leur vision à court-terme et leurs coups fourrés pour élaborer un Yalta dans le Golfe persique et généralement dans le monde arabo-musulman.

Sans quoi, c’est leur propre destruction, en sus de celle de ce monde, qu’ils préparent, comme en témoigne l’immense tragédie des migrants de Méditerranée utilisés par la Libye contre l’Europe.

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