Afrique et migrants

Le problème de la sécurité en Méditerranée, avec ses deux rives religieusement opposées, n’est pas neuf. Il est même très ancien.

N’oublions pas que la colonisation de l’Algérie par la France en 1830 a commencé comme ça, pour détruire enfin la piraterie qui infestait la Mare nostrum depuis des siècles, avec son cortège d’esclaves et de trafics.

Bien entendu, les termes ne sont pas les mêmes aujourd’hui, et il ne saurait s’agir de recoloniser l’Afrique du nord.

Cependant, les vagues de migrants dont l’intensité a crû ces derniers mois, en partance de Libye principalement et vers les côtes italiennes, repose avec acuité la question des rapports intra-méditerranéen et, plus loin, celle des rapports de l’Europe avec l’Afrique.

Selon le ministère de l’Intérieur italien, le trafic de migrants en ­Méditerranée rapporterait plusieurs milliards d’euros chaque année.

L’OIM (Organisation internationale pour les migrations) explique que 500.000 personnes pourraient tenter la traversée de la Méditerranée cette année.

Et en 2014, année déjà exceptionnelle, ils étaient 175.000 à avoir débarqué sur les côtes italiennes. La presse italienne assure aujourd’hui qu’un million de migrants attendraient en Libye de prendre la mer.

Mais ce à quoi l’on assiste en Libye, où se conjoignent les intérêts terroristes des djihadistes et les intérêts pécuniaires des passeurs ne représente qu’un déplacement géographique de la vague de migration.

Jusqu’il y a peu, c’était par le Sahara occidental, les Canaries et les enclaves espagnoles au Maroc que débarquaient les clandestins. Si la situation a changé, c’est outre le chaos libyen, qu’il existe des solutions pour endiguer le flux, au moins localement.

Ainsi, dès le début des années 2000, l’Espagne a signé des accords de coopération avec le Maroc et d’autres pays africains du littoral atlantique et mis en place des patrouilles en mer communes.

Un succès : aujourd’hui, il y a moins de 200 migrants par an qui prennent encore cette route de Méditerranée occidentale.

Ainsi, un apprenti clandestin malien, Moussa, interrogé par des journalistes, explique pourquoi il a choisi la filière libyenne : « On m’a également proposé la filière mauritanienne qui transite par Nouadhibou, sur la frontière entre la Mauritanie et le Sahara occidental, pour aller ensuite aux îles Canaries, donc en territoire espagnol. »

Mais des amis lui ont conseillé d’aller en Libye : « Ils sont à Nouadhibou depuis bientôt deux ans sans pouvoir embarquer pour l’Espagne», raconte-t-il.

Il existe quatre voies principales d’entrée en Libye pour les clandestins : la région de Madama, au Niger; celle de Ghadamès, à la frontière algérienne ; celle de ­Koufra, dans l’extrême sud du pays; l’Égypte.

Les deux premières sont empruntées par les Africains de l’Ouest, les deux autres par les migrants de la Corne de l’Afrique. Les réseaux de trafiquants libyens reposent principalement sur les tribus, les Toubous côté Niger, les Touaregs côté Algérie.

Pour convoyer les clandestins du Sud ­libyen vers le nord, ce sont des tribus présentes dans les deux régions, comme les Arabes Ouled Slimane, qui sont actives.

Les migrants sont ensuite disséminés le long du littoral, mais c’est dans la région de Zouara, à l’ouest de Tripoli, que le gros des départs se fait.

Jakob, un Camerounais, explique comment se passe l’organisation de la traversée : « Comme la ville de Zouara dispose d’un port de pêche où il y a de vieux chalutiers destinés à la casse, les passeurs contactent les propriétaires de ces embarcations hors service. Certains squattent carrément la coque.

Ensuite, le chalutier est emmené à un atelier faisant office de chantier naval où on lui installe un moteur d’occasion en mesure d’assurer sa dernière traversée.

C’est ce qu’ils prétendent du moins. L’essentiel, c’est qu’il quitte les eaux libyennes et s’approche du littoral italien. »

Il affirme que  « les mécanos et les marins sont Tunisiens ou Egyptiens, alors que les passeurs sont plutôt Libyens. »

Sans compter la mafia italienne que l’on soupçonne de plus en plus fortement de se servir au passage.

Une internationale du crime donc, de nouveaux négrier, qu’il s’agit de détruire, mais sans oublier que c’est la demande qui a créé l’offre.

En réalité, comme le relève François Gemenne, spécialiste des flux migratoires à l’institut français du Ceri, l’arrivée des migrants illégaux par mer n’est qu’un signal d’alerte vis-à-vis de ce qui se passe plus globalement : « Les naufrages des ­bateaux ont un effet de loupe sur cette forme d’immigration mais elle reste minoritaire ».

Les trois quarts des illégaux, selon lui, arrivent par avion, le plus souvent munis d’un visa. Une fois celui-ci expiré, les personnes restent sur le sol européen.

Il y a donc des flux continus, et c’est à leur source même qu’il convient de les tarir.

Deux questions conjointes se posent donc à l’Europe : comment rétablir des structures politiques dans les pays pourvoyeurs de migrants, de façon à y stabiliser les populations ?

Et comment refondre la politique d’accueil de l’Europe même, qui fonctionne aussi comme une pompe aspirante, laissant croire aux migrants qu’ils y gagneront le paradis ?

Certains réclament une politique de défense plus agressive de la part de l’Union européenne, notamment pour bloquer les bateaux dès les ports libyens. Pourquoi pas ?

Mais l’on ne fera que retarder la solution du problème, dont les racines sont bien plus lointaines.

Elles se trouvent en Afrique noire où de fait, l’Europe a abandonné toute politique de coopération cohérente et structurée.

Et un à un, les pays de la bande sahélo-saharienne, depuis le Mali jusqu’à la Somalie, basculent dans le chaos ou sous la botte islamiste.

Partout, faisant fonds sur la fragilité des régimes locaux, les fondamentalistes musulmans  utilisent la même technique de terreur, qui consiste à dépeupler à terme les provinces, pour qu’il n’y reste que les musulmans, créant donc les conditions favorables à l’exil vers une terre plus accueillante.

Le terrorisme musulman vient donc se superposer à la pauvreté économique déjà présente dans nombre de ces pays.

Et en tous lieux, les chrétiens sont les premières victimes : depuis ces migrants qui auraient été passés par-dessus bord par leurs compagnons d’infortune, au motif qu’ils étaient chrétiens jusqu’à ces Ethiopiens exécutés par Daesh en Libye pour le même motif, après les Coptes qui avaient subi le même sort.

Au Kenya, le 2 avril, le massacre de Garissa est venu confirmer cette triste réalité : les Chebabs venus de Somalie ou recrutés dans la population locale déshéritée ont trié les étudiants, mettant d’un côté les musulmans, de l’autre les chrétiens.

Cent quarante-huit de ceux-ci ont été tués au fusil d’assaut.

Et là aussi, comme au Nigéria sous la botte de Boko Haram, la lenteur de la réaction des troupes d’élite pose la question de la manipulation des événements par le gouvernement.

Mais de toute manière, le but est atteint : les chrétiens fuient Garissa.

Selon le porte-parole des Chebabs, l’attaque de l’université se justifiait parce que « c’est un plan pour répandre le christianisme et l’infidélité ».

Le discours est clair. Au Niger, une attaque du groupe islamiste Boko Haram samedi 25 avril aurait coûté la vie à une cinquantaine de soldats nigériens basée sur l’île de Karamga, sur le lac Tchad.

Au Tchad même, le président pourtant puissant Idriss Déby se montre très inquiet.

Alors qu’il a déjà affaire à la Libye et à Boko Haram, des troubles dans le sud du pays, notoirement dominé par le nord, mais où se trouve le pétrole, ont fait récemment un mort.

Alors que le régime d’Idriss Déby assure un semblant de stabilité dans la région, il serait dramatique qu’une rébellion se déclenche à l’intérieur du pays.

Au Soudan du Sud, depuis un an et demi, une guerre tribale sévit qui plonge le jeune pays dans une situation humanitaire dramatique.

En Erythrée, dont le terrifiant régime, qui ne peut être comparé aujourd’hui qu’à celui de la Corée du nord pour l’usage de la torture, la population sous les armes et la coupure avec le reste du monde, d’après le Haut Commissariat aux réfugiés, ils sont plus de 220.000 à avoir fui depuis 2011, soit 5% de la population.

Chaque mois, 3000 jeunes Erythréens, garçons et filles, traversent la frontière éthiopienne. Un évêque local a récemment parlé de « dépeuplement ».

Ainsi se conjuguent misère, instabilité politique et terrorisme islamique pour mettre à feu et à sang la moitié de l’Afrique. Il est temps que le monde, et l’Europe au premier rang, s’en préoccupe et prenne les moyens nécessaires.




Boko Haram

Aboubakar Shekau, le chef de Boko Haram, déclarait le 24 août dernier, après la prise de la ville de Gwoza, où vivent 200 000 habitants : « Nous sommes dans le califat islamique. Nous n’avons rien à faire avec le Nigeria. »

Le 13juillet, il avait déjà apporté son soutien à El-Baghdadi, le calife autoproclamé de l’État islamique.

Daech semble faire des émules africains, chez Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) comme chez Boko Haram, notamment dans l’utilisation des moyens de médiatisation.

Cependant, ces groupes terroristes,et particulièrement Boko Haram, ont-ils les moyens financiers et l’emprise territoriale suffisants pour atteindre à la dangerosité de leur modèle qui sévit à la frontière de l’Irak et de la Syrie ?

Fondée en 2002 dans le nord du Nigeria musulman par Mohamed Yusuf – qui a été éliminée n 2009 par la police – la secte Boko Haram s’est taillé depuis un fief dans l’État de Borno, grand comme la Suisse, à l’extrémité septentrionale du pays.

Il y contrôlerait actuellement 20 000 km2.

Ce qui s’y passe reste mystérieux : on évoque des fuites de la population dans la brousse, des tueries, des pillages et de recrutements forcés de garçons pour faire la guerre et de filles pour les marier.

Les femmes et les filles enlevées par le groupe islamiste Boko Haram, contraintes de se marier et de se convertir et sont victimes d’abus physiques et psychologiques, de travail forcé et de viol en captivité, selon un rapport d’Human Rights Watch publié le 27 octobre 2014.

Le groupe a enlevé plus de 500femmes et filles depuis 2009 et a intensifié les enlèvements depuis mai 2013,période à laquelle le Nigeria a imposé un état d’urgence dans les zones où Boko Haram est particulièrement actif.

On évoque aussi l’utilisation de femmes kamikazes.

Une guerre civile qui aurait déjà fait 5000 morts et 750 000 déplacés.

Ces dernières semaines, la secte a revendiqué deux attentats à Maiduguri et un à Kano, qui ont fait plus de 200 morts.

AKano, c’est la mosquée, dont le recteur avait appelé à prendre les armes contre le Nigeria, qui a été attaquée.

Le 1er décembre, ses combattants avaient lancé une vaste offensive sur le Damaturu, dans l’État de Yobé, tuant plus de 150 personnes, dont 44 membres des forces de sécurité.

En avril dernier, le rapt de 200 lycéennes à Chibok avait ému la communauté internationale.

Elles n’ont pourtant toujours pas été libérées.

De plus, la guerre s’étend : ces derniers temps, le groupe extrémiste tente de plus en plus de déstabiliser aussi l’extrême nord du Cameroun voisin.

Ainsi le 28 décembre, au moins trente personnes ont perdu la vie dans l’attaque par le groupe islamiste extrémiste Boko Haram d’un village dans le nord du Cameroun.

Paul Biya, le président camerounais, a mis du temps à sortir de son apathie.

Il a fallu que la femme de son vice-président se fasse enlever il y a quelques mois dans le nord pour qu’il commence à réagir.

L’armée camerounaise affirmait ainsi fin décembre que sa force aérienne avait bombardé un camp d’entraînement de Boko Haram situé dans la région frontalière et que 53 membres de l’organisation y auraient perdu la vie.

Le Cameroun a récemment envoyé de nombreux soldats et des unités spéciales à la frontière avec le Nigeria afin de stopper l’avancée de la secte islamiste.

Mais le véritable problème vient du Nigeria lui-même, pays divisé ethniquement et religieusement, mais surtout géographiquement.

Le sud riche en pétrole et majoritairement chrétien se soucie peu du sort des régions du nord.

Le président chrétien Goodluck Jonathan semble, lui, plus préoccupé par sa réélection en 2015 que par les événements du nord.

Sa décision de se représenter a tendu la situation un peu plus dans le pays.

Logiquement, selon une règle non-écrite,c’est un musulman qui devrait succéder au chrétien.

La faiblesse de la réponse des armées gouvernementales au péril Boko Haram tiendrait selon les observateurs à trois causes : la corruption à tous les niveaux, qui fait qu’avec un budget gigantesque, et jamais vu dans ce pays, de 5 milliards de dollars affectés à la sécurité, les soldats de base restent mal payés et sous-équipés.

Une cour martiale a ainsi condamné à mort 54 soldats accusés de mutinerie pour avoir refusé de participer à une opération contre Boko Haram.

On peut aussi subodorer le machiavélisme du président que cela arrangerait que les États du nord ne puissent pas voter.

Mais encore pire une insoumission de fait de l’armée, dont les officiers sont corrompus, et qui attendrait de remplacer le président par un homme plus proche d’elle.

Boko Haram ne peut que profiter de ce manque de combativité pour monter en puissance.
D’autant que la chute des cours du pétrole ajoute un peu plus de désordre encore.

Le détournement de brut est déjà estimé à 25 millions de dollars par jour, dans un pays dont 80% du PIB sont constitués par la rente pétrolière.

Le désengagement des États-Unis comme partenaire commercial, remplacés par la Chine, l’Inde ou le Brésil, est de mauvais augure.

Désormais, après la décision de l’OPEP de ne pas diminuer sa production, et un baril de pétrole qui pourrait atteindre les 50 dollars seulement, ce sont les pays consommateurs et non plus les producteurs qui dictent leurs décisions.

Le Nigeria est ainsi dans la main des BRICS qui recourent à son pétrole.

Pays le plus peuplé d’Afrique, géant démographique, le Nigeria a besoin plus que jamais de stabilité et de croissance pour nourrir sa population.

Or,la présence de Boko Haram ne se limite pas à une rébellion régionale qui concernerait uniquement le Nigeria, elle s’inscrit dans un mouvement de déstabilisation géopolitique beaucoup plus large.

Outre le mimétisme déjà évoqué vis-à-vis de Daech, Boko Haram est fortement soupçonné de constituer un débouché pour les armes venues de Libye, qui depuis la chute de Kadhafi ont servi à tous les mouvements terroristes ou autonomistes du Sahel.

Ces armes passeraient par le Tchad, comme celles de la Séléka qui avait livré la Centrafrique à la guerre civile.

L’ironie étant que N’Djamena, l’un des centres de commandement de l’opération Barkhane qui, sous leadership français, tente de contenir le terrorisme dans la zone saharo-sahélienne, se trouve à 40 kilomètres à peine du territoire contrôlé par la secte islamiste.

On peut craindre que Boko Haram  ne poursuive un triple objectif dans les mois à venir :

  1. Étendre son emprise sur le Nord Cameroun que l’armée camerounaise ne peut sécuriser ;
  2. Menacer la capitale tchadienne ;
  3. Tenter d’assurer la jonction avec les djihadistes libyens

Cette redoutable hypothèse expliquerait la toute récente décision du gouvernement tchadien d’intervenir dans le nord du Cameroun.

Cependant, outre le fait que Barkhane peine déjà à couvrir le gigantesque territoire qui lui a été assigné, le gouvernement nigérian n’a fait appel à aucune aide internationale pour régler le problème Boko Haram.

Mais début décembre, la secte s’est aussi attaquée à une cimenterie du groupe français Lafarge, au Nigeria.

Et le Cameroun a payé cher pour délivrer certains otages faits par le groupe rebelle, lui donnant un peu plus de moyens de s’armer.

La communauté internationale doit-elle accepter que se constitue au centre de l’Afrique, dans une zone déjà fragilisée, un nouveau chancre où s’applique la charia, mais où ont lieu aussi toutes sortes de trafics ?

Il serait temps de prendre le taureau par les cornes, avant que toute la région ne s’embrase.

Charles Millon




Comment répondre réellement au défi de Daech ?

Certainement, la politique est l’art du possible.

Mais le possible, comme son nom l’indique, exige quelques limites.

La coalition qui agit actuellement en Irak et en Syrie contre l’EI a cru bon de nouer une alliance avec le Qatar et l’Arabie saoudite.

Le but avoué est sain : montrer qu’il ne s’agit pas d’une guerre de l’occident contre un monde arabo-musulman conçu comme un seul bloc monolithique.

Et il est vrai que les premières victimes de Daech sont les populations locales, qu’elles soient chrétiennes, yazidis ou de minorités musulmanes.

La longue apathie de la communauté internationale devant les crimes et massacres commis en Irak et en Syrie a été stupéfiante.

L’ONU, par exemple, qui avait dépêché une commission depuis 2011 pour enquêter sur les faits de guerre dans le conflit syrien, a attendu le 15 août pour adopter une position commune sur le sort fait aux minorités par l’Etat islamique, notamment les Yazidis et les chrétiens.

Les Américains sont intervenus en bombardant les positions ennemies pour soutenir des Kurdes débordés, de leur propre chef. Saine et nécessaire intervention, certes.

Mais un examen de conscience international serait nécessaire pour savoir qui finance et porte les idées de l’EI.

Il faut dénoncer le double jeu, celui des pétromonarchies du Golfe, mais pas seulement.

Les Américains notamment sont responsables : pour garantir leurs fournitures en pétrole, ils ont longtemps fait preuve d’une coupable mansuétude.

La France aussi est responsable, elle qui a vendu des armes sans se soucier de leur destination finale et qui pour obtenir des gros contrats avec le Qatar, sur le Rafale par exemple, a fermé les yeux sur les agissements louches de l’émirat.

En réalité, cette étrange situation ne concerne pas que l’Irak malheureusement, mais une grande part du monde arabe, jusqu’à la Libye, et même une partie de l’Afrique noire, avec les Shebabs de Somalie, et Boko Haram au Nigéria.

Il importe de dire haut et fort, enfin, que ces mouvements terroristes ne sont pas nés ex nihilo, ni ne se financent tout seuls.

Mais il faut que la coalition soit aussi enracinée : d’abord, il faut qu’elle ne soit pas simplement militaire. Mais aussi économique, politique et idéologique puisqu’elle fait face à un nouveau totalitarisme qui vise ces quatre desseins-là.

Pour remédier à cette situation, l’ONU et les instances internationales en général seraient avisées de se souvenir du précédent de l’apartheid d’Afrique du Sud : nombre de pays arabes actuels traitent leurs minorités exactement comme le faisait le régime d’apartheid.

A l’époque, l’ONU avait voté des déclarations et résolutions qui qualifiant le régime d’apartheid de « crime contre l’humanité » – comme l’adoption en 1973 de la Convention internationale pour l’élimination et la répression du crime d’apartheid – permirent d’isoler le pays sur la scène internationale pour provoquer son écroulement final.

Cette technique du boycott a fait ses preuves : on se demande ce que le monde attend pour l’appliquer aux trop nombreux régimes qui financent aujourd’hui le djihadisme.

Le « califat » est une barbarie. Mais l’Arabie saoudite, le Qatar, le Soudan, la Somalie, le Yémen, eux non plus ne tolèrent pas l’existence des chrétiens ni des autres minorités religieuses.

Au Maroc et en Algérie encore, quoique constitutionnellement il existe un droit des minorités, dans les faits, il est impossible d’y vivre en tant que chrétien.

Nous ne pouvons pas nous habituer à cette situation, ou alors nous ne sommes plus l’occident et nos valeurs n’ont aucun sens, et ne veulent rien dire.

Il y a un principe des minorités qu’il faut faire appliquer sans faiblir.

Il est d’ailleurs étonnant que le seul nom que l’on arrive à donner à ce territoire de terreur soit « l’Etat islamique ».

Comme il y avait une « Union des Républiques socialistes soviétiques » dont aucun terme n’indiquait la localisation géographique, cette dénomination témoigne de l’actualité de la pensée totalitaire.

Ces islamistes, qui ne reculent devant rien pour établir leur pouvoir, ni décapitation, ni assassinat des populations civiles, ni mutilation, s’inscrivent ainsi dans la suite de cette longue idée de territoire nettoyé de ses éléments « impurs » qui court dans le monde depuis au moins deux siècles.

En face, nous autres occidentaux, continuons de croire que notre civilisation est immortelle.

Que nous ayons défait deux grands totalitarismes au cours du siècle dernier semble nous interdire de nous interroger sur les menaces extrêmement pressantes à quoi nous devons faire face aujourd’hui.

Sur une menace précisément, celle du djihadisme mondialisé.

Les événements actuels, dont l’Etat islamique est la figure la plus identifiable et la plus cruelle, n’ont pas que des ressorts politiques, ou économiques, contrairement à ce que l’on essaie de nous faire accroire souvent.

Le nouvel ennemi, que nous n’avons pas recherché mais qui nous a désignés comme tel, est pétri de fanatisme et d’idéologie : il combat pour des convictions certainement déformées ; pour une foi, sans doute dénaturée puisqu’on nous le dit, mais pour une foi tout de même.

Ce qui ne laisse de nous interroger sur notre capacité à y répondre.

Car l’engagement religieux de ces islamistes leur promet le paradis, par quoi ils n’ont pas peur devant  la mort.

Oh, l’on dira que nos armes supérieures nous protègent de leur vindicte.

On a vu cependant plusieurs fois dans l’histoire les faibles vaincre les forts, seulement parce qu’une croyance, religieuse ou politique, les animait.

En réalité, nous sommes entrés dans une guerre de religion, et le monde politique occidental parce qu’il n’est plus religieux n’arrive pas à comprendre ce qui se passe.

Avec l’Etat islamique, ou Daech, comme on voudra l’appeler, nous fait face un bloc géographique presque cohérent qui nous désigne comme ennemi et qui possède des relais idéologiques chez nous, des populations  sympathisantes de l’intérieur.

La France, par exemple, avec près de 1.000 départs recensés depuis 2012, constitue aujourd’hui le premier contingent de djihadistes occidentaux opérant en Syrie et en Irak.

L’Etat islamique, mais aussi toutes les cellules d’Al-Qaida, comme Khorasan, ou celle qui a enlevé l’otage français en Algérie, est travaillé par le millénarisme et l’universalisme de son combat.

Il n’y aura pas de trêve pour nous. Les têtes de l’hydre sont nombreuses et comme dans le mythe ont tendance à repousser plus nombreuses quand on les tranche.

Non seulement des populations, en Syrie et en Irak, souffrent déjà du joug barbare que leur imposent ces combattants venus du monde entier, et dont la drogue, semble-t-il, comme le captagon, redouble la ferveur meurtrière, mais c’est encore ici même, à l’intérieur des pays occidentaux que par le truchement de Français de fraîche date de culture musulmane, ou de convertis, que se profile le risque d’attentats ou d’attaques violentes.

Il ne s’agit pas de céder à la paranoïa ou à une quelconque loi des suspects, et il faut se garder de la tentation de faire de l’antiterrorisme une politique de contrôle général des populations.

Mais il faut dans le même temps comprendre que la guerre est déclarée et qu’elle ne sera sans doute pas moins longue que la guerre froide contre le bloc communiste.

Se pose donc aussi le problème de la défense que l’on met en œuvre face à des phénomènes comme l’EI, la Libye, ou Boko Haram.

Notre système de défense est actuellement inadapté. Il faut imaginer autre chose pour contrer ces phénomènes de guerre asymétrique.

La dissuasion nucléaire et les armements lourds ne sont pas d’un grand secours dans ces circonstances.

Ce sont principalement les forces spéciales et les moyens de surveillance qui doivent être développés.




DAECH: nous sommes entrés dans une guerre de religion

Nous autres occidentaux, continuons de croire que notre civilisation est immortelle.

Ce n’est pas parce que nous avons défait deux grands totalitarismes au cours du siècle dernier que nous devons nous interdire de nous interroger sur les menaces extrêmement pressantes auxquelles nous devons faire face aujourd’hui.

Et sur l’une d’entre elle, plus que les autres, celle du djihadisme mondialisé : le totalitarisme vert.

Les événements actuels, dont l’Etat Islamique (EI) est la figure la plus identifiable et la plus cruelle, n’ont pas que des ressorts politiques ou économiques, contrairement à ce que l’on essaie de nous faire croire.

Le nouvel ennemi qui nous déclare la guerre, sans que nous ne l’ayons cherché, est pétri de fanatisme religieux: il combat pour des convictions déformées; au nom d’une foi sans doute dénaturée, mais au nom d’une foi tout de même.

Nous sommes entrés dans une guerre de religion, et le monde politique occidental parce qu’il a évacué la dimension religieuse est dans l’incapacité de comprendre ce qui se passe.

Avec l’Etat islamique, nous fait face un bloc géographique presque cohérent qui nous désigne comme ennemi et qui possède des relais idéologiques chez nous, des populations sympathisantes de l’intérieur.

La France, avec près de 1.000 départs recensés depuis 2012, constitue aujourd’hui le premier contingent de djihadistes occidentaux opérant en Syrie et en Irak.

L’Etat islamique, mais aussi toutes les cellules d’Al‐Qaida, comme Khorasan, ou celle qui a enlevé l’otage français en Algérie,sont travaillées par le millénarisme et l’universalisme de leur combat.

Il n’y aura pas de trêve pour nous car le Djihad leur promet le paradis, et de ce fait ils n’ont pas peur devant la mort.

Les têtes de l’hydre sont nombreuses et comme dans le mythe ont tendance à repousser plus nombreuses quand on les tranche.

Non seulement les populations, en Syrie et en Irak,souffrent déjà du joug barbare que leur imposent ces combattants venus du monde entier, et dont la drogue, semble‐t‐il, comme le captagon, redouble la ferveur meurtrière, mais c’est encore ici même, à l’intérieur des pays occidentaux que par le truchement de Français de culture musulmane, ou de convertis, que se profile le risque d’attentats ou d’attaques violentes.

Ce qui nous amène à nous interroger sur notre capacité à répondre à ce défi.

Beaucoup pensent que nos armes supérieures nous protègent de la vindicte : on a vu plusieurs fois dans l’histoire les faibles mus par leur seule foi religieuse ou politique, vaincre les forts.

Il ne s’agit pas de céder à la paranoïa.

Mais il faut comprendre que la guerre est déclarée avec le totalitarisme vert : elle ne sera sans doute pas moins longue que la guerre froide contre le totalitarisme rouge…

Charles Millon




L’État islamique

L’apathie de la communauté internationale devant les crimes et massacres commis en Irak et en Syrie est stupéfiante.

L’ONU, par exemple, qui a dépêché une commission depuis 2011 pour enquêter sur les faits de guerre dans le conflit syrien, n’a par ailleurs toujours pas adopté de position commune sur le sort fait aux minorités par l’Etat islamique, notamment les Yazidis et les chrétiens.

Les Américains sont intervenus en bombardant les positions ennemies pour soutenir des Kurdes débordés, de leur propre chef.

Saine et nécessaire intervention, certes. Mais où sont les mandats de l’ONU ? Va-t-on attendre qu’il n’y ait plus un chrétien vivant dans ces terres-ci pour condamner et réagir ?

En réalité, cette étrange situation ne concerne pas que l’Irak malheureusement, mais une grande part du monde arabe, jusqu’à la Libye, et même une partie de l’Afrique noire, avec les Shebabs de Somalie, et Boko Haram au Nigéria.

Il importe de dire haut et fort,enfin, que ces mouvements terroristes ne sont pas nés ex nihilo, ni ne se financent tout seuls.

Pour remédier à cette situation,l’ONU et les instances internationales en général seraient avisées de se souvenir du précédent de l’apartheid d’Afrique du Sud : nombre de pays arabes actuels traitent leurs minorités exactement comme le faisait le régime d’apartheid.

A l’époque, l’ONU avait voté des déclarations et résolutions qui qualifiant le régime d’apartheid de « crime contre l’humanité » – comme l’adoption en 1973 de la Convention internationale pour l’élimination et la répression du crime d’apartheid – permirent d’isoler le pays sur la scène internationale pour provoquer son écroulement final.

Cette technique du boycott a fait ses preuves : on se demande ce que le monde attend pour l’appliquer aux trop nombreux régimes qui financent aujourd’hui le djihadisme.