Tunisie :les élections législatives qui viennent, le 26 octobre prochain, seront déterminantes pour le pays.

Malgré sa constitution modérée adoptée en janvier dernier, pèse encore sur la Tunisie l’épée de Damoclès de l’islamisme.

Les élections législatives qui viennent, le 26 octobre prochain, seront déterminantes pour le pays.

En effet, Ennahda, le parti lié aux Frères musulmans, qui avait hérité du pouvoir après la chute de Ben Ali, avant d’en concéder une partie à un « gouvernement de technos » il y a quelques mois, est en embuscade.

Rached Ghannouchi, son président, est en tournée promotionnelle actuellement en occident, notamment aux Etats-Unis, où il vante un islam modéré.

Familier du double discours depuis de longues années, celui qui il y a un an demandait aux salafistes « encore un peu de patience » avant de s’ébattre en liberté dans le pays, est prêt aujourd’hui à envisager une alliance avec les anciens partisans de Ben Ali.

C’est dire si la possibilité que le pouvoir lui échappe l’effraie.

Contre ces partis qu’il qualifie d’extrême-gauche, comme celui de Beji Caïd Essebsi, Nida Tounes, le mouvement islamiste ne recule devant rien.

Son bilan économique reste désespérément creux ?

Il feint de laisser entrer au gouvernement des experts issus de la société civile, tel Mehdi Jomaa, l’actuel Premier ministre, dont il est en réalité très proche.

La guerre contre le terrorisme ? En paroles, il la pratique et se propose comme médiateur avec la Libye ou le Yémen.

Dans les faits, il demeure proche du Hamas, de l’Arabie saoudite ou du Qatar, suivant les jours.

Or, à l’heure où le terrorisme islamique prend des proportions effrayantes, où la Libye est en proie à l’anarchie, que rien n’a été réglé dans le Sahel, pas même au Mali où se reforment les anciens groupes séparatistes ; alors que l’avenir de l’Algérie est imprévisible, puisque les jours de son président sont manifestement comptés, la France et plus généralement l’Europe ont besoin d’un allié sûr dans la région, pour que les dernières digues ne sautent pas.

Une Tunisie chaotique ou même islamiste est un luxe que la France ne peut se payer.

La Tunisie, malgré les impérities de la dictature de Ben Ali, fut sans doute le pays le plus avancé de la région en matière de libération des femmes et d’éducation des peuples, héritage de l’ère Bourguiba.

Son économie elle-même semblait presque prospère, bien que l’intérieur du pays, ferment de la révolution ait été oublié au profit des côtes touristiques.

Aujourd’hui, l’exode rural crée un nouveau lumpenprolétariat urbain à qui l’on ne promet aucun avenir, l’Etat incapable de protéger ses frontières en a fait une passoire pour migrants subsahariens à destination de l’Europe et de ses marches mêmes un terrain de jeu pour groupes terroristes.

Les beaux discours de M. Ghannouchi et de ses alliés ne parviennent plus à masquer l’échec patent de la politique des Frères, même au point de vue social : habiles pour choyer les pauvres quand ils ne sont pas au pouvoir et se créer une clientèle, ils se révèlent incapables de mener une politique véritable à la tête d’un Etat.

L’Egypte de Morsi en a administré une bonne preuve.

Ni la France ni l’Europe ne peuvent ni ne doivent intervenir dans le processus d’élections démocratiques en cours.

Il est cependant de leur devoir autant que de leur intérêt d’avertir les populations tunisiennes du désastre qu’elles se préparent si elles votent une fois encore pour le parti islamiste.

Du Proche-Orient à l’Afrique sahélienne, ce monde est une poudrière. Et la Tunisie est au milieu.

Charles Millon




L’Algérie à la croisée des chemins

Même si la démocratie est loin d’y briller, même si la vertu de ses dirigeants est sujette à caution, l’Algérie demeure aujourd’hui, alors que le Sahel s’est embrasé et que les printemps arabes ont déstabilisé tout le nord du continent, un havre de stabilité pour l’Afrique et le versant méridional de la Méditerranée.

Mais les quinze dernières années de paix relative qu’a connues le pays, après la « décennie de sang » où la lutte féroce de l’armée contre les islamistes fit des dizaines de milliers de morts, pourraient dans les temps qui viennent n’être plus qu’un heureux souvenir.

Des forces contradictoires s’agitent dans ce grand pays qui n’arrive toujours pas à trouver son équilibre interne.

L’état du pays, pourtant riche en hydrocarbures et en minerais, demeure économiquement désastreux.

L’ordre règne, mais la prospérité reste confinée dans les cercles étroits de la clientèle des hommes de pouvoir.

Le taux de chômage des jeunes dépasse toujours les 20% selon les chiffres officiels, qui ne sont pas toujours fiables. Il pourrait être largement supérieur.

Dans un pays dont la population a plus que triplé en cinquante ans, et même si le taux d’accroissement naturel a tendance à diminuer ces dernières années, le logement, les infrastructures routières, scolaires ou hospitalières sont toujours trop rares, désuets ou défectueux.

Surtout, 98% des exportations du pays sont le fait des seuls hydrocarbures, une manne qui, si elle a permis à l’Algérie de se désendetter et de rétablir ses comptes, a tendance à diminuer avec le temps.

Les autres secteurs, comme l’agriculture, les industries ou les services, restent peu compétitifs.

Le pays qui du temps de la colonisation française était exportateur de matières premières alimentaires, doit maintenant importer 60% de sa consommation.

Enfin, l’administration qui fut longtemps le principal employeur du pays a été décimée avec le passage à l’économie de marché acté durant la décennie 90.

La corruption continue d’y régner et les divers blocages et pots‐de‐vin découragent les investisseurs extérieurs ou intérieurs.

Alors que ses deux voisins, le Maroc et la Tunisie, ont réussi depuis longtemps à développer une industrie du tourisme florissante, l’Algérie est encore balbutiante dans ce domaine et souffre toujours de son image de pays peu sûr, en état de guerre civile larvée.

Sur le plan purement géopolitique, l’Algérie aurait pourtant les moyens de jouer son rôle de grande puissance régionale.

Il lui faudrait déjà commencer par régler ses différends territoriaux avec le Maroc et envisager de créer une véritable union du Maghreb dont elle constituerait le centre.

Mais les rivalités nationales ne semblent pas s’apaiser avec le temps.

L’Algérie est surtout aujourd’hui en contact direct avec les régions sahéliennes où couve le feu islamiste.

Si elle a appris de sa malheureuse expérience avec les GIA à maîtriser sur son territoire le terrorisme, il lui reste à sécuriser les grands espaces désertiques du sud où prolifèrent les cellules nomades djihadistes nouvelle manière.

La chute de Kadhafi ayant entraîné la constitution de nombreuses cellules djihadistes dans la région, le risque de chaos n’est jamais loin.

Témoigne aussi de cette inquiétude du gouvernement algérien l’autorisation donnée aux avions français lors de l’intervention au Mali de survoler le territoire national, une exception pour un pays jaloux de sa souveraineté, surtout vis‐a‐vis de l’ancienne puissance coloniale.

Malgré elle, l’Algérie se retrouve aujourd’hui au centre du jeu complexe de l’Afrique du nord où ces trois dernières années toutes les cartes ont été rebattues, depuis l’Egypte jusqu’au Mali, en passant par la Libye et la Tunisie.

Si son gouvernement donne le moindre signe de faiblesse, nul doute que ses ennemis, intérieurs comme les autonomistes kabyles ou les islamistes, ou extérieurs comme les djihadistes, en profiteront pour rallumer la mèche du conflit.

L’Union européenne comme d’ailleurs toutes les autres puissances du monde qui y ont des intérêts, particulièrement les Etats‐Unis et la Chine, seront avisées de garder sur le pays un œil vigilant, sous peine de voir le chaos se répandre un peu plus.

Seul pôle puissant et stable de la région, avec le Maroc, l’Algérie demeure la clef d’une Afrique du nord et sahélienne apaisée.

Charles Millon




Religions et géopolitique méditerranéenne

L’implantation et la croissance de l’islam en Europe occidentale, généralement le fait de lourds mouvements de population, sont aujourd’hui très connues et documentées.

L’immigration massive qui a lieu depuis une quarantaine d’années contribue à changer le visage religieux des grandes métropoles européennes et de leurs banlieues, imposant des défis de taille aux autorités des nations concernées, à propos notamment de l’expression publique de la nouvelle religion.

On ignore cependant que les équilibres immémoriaux sont bouleversés des deux côtés de la Méditerranée : les pays culturellement musulmans, ceux du Maghreb ou de la péninsule arabique, sont confrontés eux aussi à un nouveau paramètre, le développement du christianisme derrière leurs frontières, qu’il soit le fait de populations autochtones converties ou d’une fraîche immigration de masse.

Les chiffres parlent pourtant d’eux‐mêmes : en Arabie saoudite, terre sacrée de l’islam et par là particulièrement répressive au point de vue de la liberté religieuse, où aucun autre culte public que musulman n’est autorisé, on compte pourtant 1,5 million de chrétiens, majoritairement catholiques, soit 4% de la population.

Ce sont principalement des travailleurs immigrés, qui gardent le statut d’étrangers, mais dont la présence, renforcée par celle des expatriés occidentaux, se fait de plus en plus embarrassante pour la dynastie régnante.

Celle‐ci envoie depuis une dizaine d’années des signes contradictoires : ainsi le roi d’Arabie a rencontré le Pape Benoît XVI au Vatican en 2007, à la suite de quoi l’on évoquait la construction d’une église à Riyad.

Mais début 2012, le grand mufti d’Arabie saoudite a réclamé le destruction de toutes les églises de la région, rappelant que la tradition islamique interdisait qu’on tolère quelque culte que ce soit à proximité des lieux saints que sont Médine et La Mecque, villes dans lesquelles les chrétiens n’ont d’ailleurs pas le droit d’entrer.

Reste que la population chrétienne est bien présente, fournissant une main‐d’œuvre bon marché dont le pays aurait du mal à se passer.

L’Église orthodoxe russe a obtenu elle le droit de bâtir sur le territoire de son ambassade une église qui arbore croix et autres signes chrétiens ostensibles.

Les chiffres des micro‐États du Golfe sont à l’avenant : à Bahreïn on compte 5% de chrétiens, aux Emirats arabes unis près de 10%, au Koweit 8%, à Oman 2,5 et au Qatar 5%, pour la plupart des expatriés et surtout des travailleurs immigrés venus des Philippines ou d’Inde participer aux pharaoniques projets qu’ont initiés les pétromonarchies ces dernières décennies.

Même si les modalités d’acquisition de la nationalité de ces Etats sont très restrictives, ces travailleurs étant donc destinés à demeurer des étrangers, les communautés chrétiennes qu’ils fondent  constituent  tout de même un potentiel danger  social  pour les dirigeants.

L’Égypte, on  le sait, compte  depuis  toujours une grosse minorité copte, antérieure à l’islamisation du pays, estimée aujourd’hui à 11% de la population et dont la chute de Moubarak a rendu la situation plus précaire encore. La poussée islamique que le président Morsi tente de maîtriser et d’utiliser à son profit risque de poser de manière plus brûlante encore la question du statut des non‐musulmans dans le pays.

Si la Libye compte, elle, une infime minorité chrétienne, la situation est plus complexe dans les pays du Maghreb, surtout en Algérie et au Maroc.

Même si les chiffres varient grandement – pour l’Algérie, ils vont ainsi selon les sources de 50 000 à 200 000 conversions au christianisme – il est impossible de nier qu’il se passe quelque chose dans ces pays, une ouverture à d’autres confessions, que l’on tenait pour inimaginable depuis mille ans.

Les conversions au christianisme sont, autant qu’on puisse en juger, d’abord le fait de la communauté amazighe (kabyle, ou berbère) qui a, depuis l’invasion arabe, conservé des traits culturels distinctifs, notamment l’usage d’une langue propre et à qui l’islam, en tant que transmis par le Coran, demeure linguistiquement étranger.

La Kabylie est en outre la seule région d’Algérie où du temps de la colonisation française une tentative d’évangélisation ait eu lieu, sous la houlette du Cardinal Lavigerie.

Reste que le réveil de la communauté berbère, en Algérie et au Maroc singulièrement, s’est  opéré synchroniquement avec la vague  de conversion au christianisme depuis vingt ans.

Les légendes les plus abracadabrantes courent sur les méthodes prosélytes des églises évangéliques, comme le fait qu’elles distribueraient visas et dollars contre une adhésion, mais elles n’ont jamais été prouvées.

Le gouvernement algérien, même si le satisfait à l’évidence le colportage de ces ragot, est pourtant forcé de reconnaître depuis peu l’évolution des chiffres : quand il faisait état de 0,06% de chrétiens en 2002, il en admet aujourd’hui 0,7%. La CIA avance, elle, 1% de chrétiens et de Juifs dans tout le pays.

Quoique tous ces chiffre soient apprendre avec précaution, l’augmentation demeure Quoique tous ces chiffres soient à prendre avec précaution, l’augmentation demeure significative et si un petit pour cent de population ne risque pas en soi de bouleverser l’identité ’un pays ni son équilibre, les signes sont là que les Algériens sont nombreux à aspirer aujourd’hui à autre chose qu’à la religion de leurs pères, surtout quand elle a tendance à se durcir comme dans l’époque actuelle.

La présence dans les postes de télévision de pas moins de dix chaines chrétiennes, émettant bien entendu de l’étranger, semble d’après les rares témoignages recueillis auprès des nouveaux convertis contribuer à cette ouverture au reste du monde.

Cependant, face à ce mouvement indéniable, les persécutions des autorités vont bon train depuis une dizaine d’années.

Si la constitution algérienne, héritée de sa fondation socialiste « moderne », reconnaît la liberté du culte, les entorses sont légion. Depuis 2005, l’enseignement de la charia est devenu obligatoire pour tous les élèves du secondaire ; parallèlement, le contrôle des prêches s’est étendu et la distribution de certains ouvrages religieux est interdite.

Toutes dispositions qui invoquées sous l’habituel argument de la lutte contre le terrorisme sont prises pour lutter contre les églises chrétiennes.

La loi de 2006, la plus sévère, qui réprime le prosélytisme et oblige de réclamer une approbation des autorités avant de prêcher, a conduit à de nombreuses fermetures de lieu de cultes, ainsi qu’à l’expulsion de dizaines de pasteurs protestants.

Au Maroc, au‐delà des chiffres ubuesques officiels – tout citoyen du pays, hors quelques milliers de Juifs, sont censés être musulmans ‐ on note aussi une très forte croissance des adhésions aux églises évangéliques, de l’ordre de 3% par an, ce qui porterait le nombre de chrétiens à plus de 100 000.

Il ne faut pas négliger aussi la venue de migrants subsahariens, qu’ils soient étudiants ou refoulés lors de leur tentative de passage vers l’Europe, qui gonfle les chiffres des disciples du Christ.

Ainsi, la géopolitique méditerranéenne actuelle doit‐elle prendre en compte ces deux facteurs inverses que sont la croissance de l’islam en Europe, des Balkans à la Scandinavie en passant par la France et le Royaume‐Uni, et la naissance d’un nouveau christianisme au sud du Bassin.

Si les législations européennes sont particulièrement tolérantes pour la liberté du culte, ce n’est pas encore le cas de tous les pays d’Afrique ou de la péninsule arabique, qui vont pourtant devoir répondre à la question dans les années qui viennent.

Charles Millon




L’EUROPE NE DOIT‐ELLE PAS AVOIR SA PROPRE DIPLOMATIE EN SYRIE ?

La guerre civile syrienne qui a commencé il y a maintenant plus de trois ans est bien encombrante pour les chancelleries occidentales.

Placée très lestement à ses débuts dans le panier global « printemps arabe » par les opinions publiques, elle révèle pourtant des contours autrement torturés et des soubassements plus dangereux à mesure que l’observation se fait plus fine et plus objective.

Au régime dictatorial de Bachar el Assad qu’après avoir célébré pendant quelques années, notamment en France, on conspue maintenant d’un seul cœur, il n’est plus guère possible d’opposer naïvement une révolte populaire et sans arrière‐ pensée, à l’image de celles qui ont renversé les pouvoirs tunisiens et égyptiens.

Le grand jeu qui se déroule là, sur la terre syrienne, recèle des ambitions régionales qui dépassent de loin la seule question de la liberté pour le peuple de Damas et de Homs.

Plusieurs rapports réalisés sous la houlette d’observateurs indépendants, qui dénonçaient « la libanisation fabriquée » de la Syrie ont été très vite enterrés, et la mission Annan a été déployée sans que quiconque semble y placer de grands espoirs.

Il paraît alors de plus en plus évident que la diplomatie occidentale, alliée aux monarchies arabes sunnites, n’a qu’un seul intérêt à l’affaire : que le régime d’Assad tombe.

La désinformation publique, orchestrée par des chaines de télévision comme al‐Jazeera ou Qatar TV commence à être éventée: on sait maintenant, malgré les dénégations du fantômatique Comité national syrien, que les djihadistes, salafistes ou wahhabites, sont nombreux dans les rangs de l’opposition militaire : la mort d’Abdelghani Jahwar, le terroriste le plus recherché du Liban, près de Homs le 20 avril 2012 en témoigne.

Ce ne sont décidément pas des enfants de chœur qui combattent le régime alaouite.

Ce n’est un secret pour personne : la stratégie américaine aux Proche et Moyen‐ Orient est gênée par ce que l’on appelle l’arc chiite, qui va de Téhéran aux terres libanaises du Hezbollah en passant par la Syrie et le nouvel Irak, où la chute inconsidérée de Saddam Hussein n’a fait qu’attiser les rancœurs de la population chiite majoritaire contre ses anciens maîtres sunnites.

De même que l’effondrement du régime de Kadhafi en Libye a entrainé une déstabilisation régionale complète, dont les effets se font sentir aujourd’hui jusqu’au Mali, si le pouvoir alaouite tombe, les conséquences seront incalculables pour tout le Moyen‐Orient.

D’une part, il n’est pas du tout certain qu’Israël, même confronté à la menace permanente de l’Iran, ait intérêt à l’établissement d’une guerre civile anarchique à ses portes qui viendra ajouter à la confusion entretenue au Liban depuis trente ans.

Un ennemi qu’on connaît est toujours préférable.

D’autre part, les ambitions des monarchies pétrolières ne se résument pas à l’établissement d’un sunnisme unifié: comme en Tunisie, comme en Egypte, les  Frères musulmans, longtemps muselés par le pouvoir, sont à l’affût.

Toutes les minorités du pays risquent de subir violemment l’établissement de la charia : alaouites, chrétiens, ismaéliens, juifs et arméniens que le régime des Assad, malgré son peu de scrupule, chérissait comme des alliés indispensables, se verront au mieux ravalés au rang de dhimmis, au pire victimes d’exactions et contraints à l’exil

‐ une exil qui a déjà commencé, malgré les objurgations de leurs patriarches et chefs religieux.

Mais le régime syrien, même s’il donne quelques gages, avec l’autorisation du multipartisme et l’organisation conséquente d’élections législatives, n’a pas du tout l’intention d’abandonner la répression.

Devant une population largement attentiste, il demeure solide, fort, bien armé et prêt à tout.

Les pays occidentaux et arabes sunnites n’ont ni l’envie, ni les moyens, empêtrés en Afghanistan et échaudés par  l’Irak, d’y  intervenir  militairement.

C’est donc  vers  une guerre civile à bas bruit que l’on se dirige.

Le nombre de morts, risque de continuer à croître dans les mois et les années qui viennent.

A moins d’un miracle, à moins que Bachar el Assad jette soudain l’éponge, la situation terrible que les occidentaux ont contribué à installer commence de devenir insoluble.

Comme dans le Liban des années 80, seront dans le meilleur des cas déployés des casques bleus, observateurs impuissants de la tragédie qui se déroulera sous leurs yeux.

L’Europe autant que les Etats‐ Unis porte une lourde responsabilité dans ce cauchemar.

La politique pro‐qatari de Nicolas Sarkozy que nul n’ignore plus aura jeté notamment la France dans un soutien aveugle à des révolutions, syrienne et libyenne, dont on refuse de voir qu’elles portent en elle l’islamisme le plus radical comme la nuée l’orage.

Il est grand temps que soit réorientée la politique étrangère française et européenne à l’égard du bloc arabo‐musulman.

L’élection de François Hollande, qui n’a cependant évoqué pour le moment qu’un retrait plus rapide des troupes françaises d’Afghanistan, peut être le déclic salvateur.

Car le vrai danger qui menace le Moyen‐Orient actuel ne vient pas des vieilles dictatures à la Assad, mais de la possible constitution de deux camps antagonistes chiites et sunnites, aussi radicaux l’un que l’autre, constitution qui ne servira à terme que les intérêts russes, chinois ou américains qui en ont fait leur terrain de confrontation de prédilection, notamment pour le contrôle des ressources d’hydrocarbures.

La France et l’Europe n’ont qu’un intérêt faible à y soutenir la stratégie américaine.

Non seulement elles risquent, en adoptant ce rôle supplétif, d’y être marginalisées, mais encore leur longue histoire avec ces pays où se décide l’avenir du monde sera passée par pertes et profits.

Elles n’ont aucun intérêt à ce que la prédiction du choc des civilisations s’auto‐réalise dans cette région du monde qui est à leurs portes.

Les populations, et les minorités au premier chef qui constituent encore le sel de ces nations, souffriront violemment de l’établissement de ce nouvel ordre islamiste, même repeint aux couleurs clinquantes de la modernité qatari.

Au‐delà des insupportables souffrances humaines, le scénario qui se profile est l’occasion pour l’Europe de montrer qu’elle dispose encore d’une diplomatie et d’une influence dans le monde dignes de ce nom, qui ne s’alignent sur aucun des grands blocs autoproclamés, mais qui s’investissent avec réalisme et humanité dans ce grand jeu.

Charles Millon