Référendum européen : dix ans après, les États membres de l’UE la jouent toujours chacun pour soi

Référendum européen : dix ans après, les États membres de l’UE la jouent toujours chacun pour soi

Une tribune de Charles Millon, ancien ministre et membre de l’Avant-Garde, Charles Beigbeder, entrepreneur et membre de l’Avant-Garde, Christian Vanneste, ancien député et membre de l’Avant-Garde et Xavier Lemoine, maire de Montfermeil et membre de l’Avant-Garde.

10 ans après. 10 ans après quoi ? Après la mort de la démocratie française. Le 29 mai 2005 qui, on s’en souvient, avait signé le rejet par une majorité écrasante de Français (54,67%, soit plus de 15 millions de voix) du « traité établissant une constitution pour l’Europe » élaboré sous la houlette de Valéry Giscard d’Estaing, aurait dû ouvrir le millénaire dans la fanfare des peuples libres et souverains, prenant enfin en main leur destin.

 Il n’en fut rien. Il en fut tout au contraire : à peine trois ans plus tard, le président Sarkozy abolissait en un tournemain et en un tour de magie le verbe du peuple, en faisant voter au Congrès le Traité de Lisbonne.

Chant du cygne que ce référendum, fin de l’Histoire de France, enterrement de première classe d’une nation pluriséculaire, cage dorée pour patrie fatiguée ? Oui, mais seulement si nous le voulons et rendons les armes. Car ces dix années auront au moins prouvé ceci à la face du monde et des eurobéats, que la voie de l’Union technocratique est sans issue. On nous sert l’intégration forcée à coups de réglementations et de décrets pendant que les peuples, grecs mais pas seulement, meurent dans leur économie et aussi dans leur âme.

Cette UE ne sait protéger ni les intérêts de ses peuples, ni ceux de ses entreprises. Elle est ouverte aux quatre vents de la mondialisation et dans son intérieur même, par la pratique du dumping social, elle détruit les économies locales. Cette UE n’a pas de politique extérieure aboutie, ni la voix forte que le monde attend. Cette UE est incapable de trouver une solution humaine et raisonnable à la tragédie des migrants qui traversent la Méditerranée. Cette UE n’est plus un pont civilisationnel mais une bureaucratie opaque qui fait fermenter dans le secret des traités de libre-échange auxquels les élus mêmes des nations qui la composent n’ont pas accès. Bref, cette UE a vitrifié toutes les énergies européennes.

Mais son mal vient de plus loin, et il était déjà patent dans le projet de constitution qui biffait ses racines chrétiennes pour leur préférer les seules Lumières. Son mal est civilisationnel, culturel, tout le monde le sait mais nul n’ose le dire. L’Union européenne s’est édifiée sur des critères techniques, monétaires et juridiques qui ont changé une aspiration commune en une monstrueuse machine. Les patries ne vivent pas d’abstraction, elles vivent de symboles et d’histoire. C’est pourquoi cette Europe n’est aujourd’hui la patrie de personne et ses forces centrifuges se sont remises en marche, témoin la tentation du départ du Royaume-Uni. « Les peuples sans légende seront condamnés à mourir de froid« , savait le poète.

C’est ce qui nous attend si – et l’anniversaire de cette victoire à la Pyrrhus nous en donne l’occasion -, nous ne refondons pas l’Europe sur sa seule pierre d’angle, qui est son identité culturelle. Dire qui nous sommes non pour nous gargariser nostalgiquement du passé, mais pour savoir où nous allons. Et pour le faire savoir. L’Europe qui fut grande était celle des projets industriels, énergétiques, écologiques transnationaux dans quoi chacun trouvait son compte. L’Europe qui fut grande était celle qui ensemençait le monde de sa mesure, de sa sagesse née du long travail des siècles, cette Europe ‘voie romaine » qu’a décrite Rémi Brague. Cette Europe du souci des plus faibles, cette Europe qui apaisait les douleurs du monde.

Cette Europe-ci n’a pas besoin de commissaires anonymes, ni de grands banquiers indépendants, ni de juges hors sol. Elle a besoin du génie propre de ses dizaines de patries, accordées dans une même symphonie. C’est en quoi aujourd’hui, fédéralistes ou souverainistes, élèves de Schumann ou de de Gaulle, nous pouvons nous retrouver pour brûler enfin les cous de l’hydre bruxelloise et reconquérant nos frontières, notre identité, nos économie, réveiller l’âme commune qui nous fait Européens.

Atlantico 29/05/2015




Afrique et migrants

Le problème de la sécurité en Méditerranée, avec ses deux rives religieusement opposées, n’est pas neuf. Il est même très ancien.

N’oublions pas que la colonisation de l’Algérie par la France en 1830 a commencé comme ça, pour détruire enfin la piraterie qui infestait la Mare nostrum depuis des siècles, avec son cortège d’esclaves et de trafics.

Bien entendu, les termes ne sont pas les mêmes aujourd’hui, et il ne saurait s’agir de recoloniser l’Afrique du nord.

Cependant, les vagues de migrants dont l’intensité a crû ces derniers mois, en partance de Libye principalement et vers les côtes italiennes, repose avec acuité la question des rapports intra-méditerranéen et, plus loin, celle des rapports de l’Europe avec l’Afrique.

Selon le ministère de l’Intérieur italien, le trafic de migrants en ­Méditerranée rapporterait plusieurs milliards d’euros chaque année.

L’OIM (Organisation internationale pour les migrations) explique que 500.000 personnes pourraient tenter la traversée de la Méditerranée cette année.

Et en 2014, année déjà exceptionnelle, ils étaient 175.000 à avoir débarqué sur les côtes italiennes. La presse italienne assure aujourd’hui qu’un million de migrants attendraient en Libye de prendre la mer.

Mais ce à quoi l’on assiste en Libye, où se conjoignent les intérêts terroristes des djihadistes et les intérêts pécuniaires des passeurs ne représente qu’un déplacement géographique de la vague de migration.

Jusqu’il y a peu, c’était par le Sahara occidental, les Canaries et les enclaves espagnoles au Maroc que débarquaient les clandestins. Si la situation a changé, c’est outre le chaos libyen, qu’il existe des solutions pour endiguer le flux, au moins localement.

Ainsi, dès le début des années 2000, l’Espagne a signé des accords de coopération avec le Maroc et d’autres pays africains du littoral atlantique et mis en place des patrouilles en mer communes.

Un succès : aujourd’hui, il y a moins de 200 migrants par an qui prennent encore cette route de Méditerranée occidentale.

Ainsi, un apprenti clandestin malien, Moussa, interrogé par des journalistes, explique pourquoi il a choisi la filière libyenne : « On m’a également proposé la filière mauritanienne qui transite par Nouadhibou, sur la frontière entre la Mauritanie et le Sahara occidental, pour aller ensuite aux îles Canaries, donc en territoire espagnol. »

Mais des amis lui ont conseillé d’aller en Libye : « Ils sont à Nouadhibou depuis bientôt deux ans sans pouvoir embarquer pour l’Espagne», raconte-t-il.

Il existe quatre voies principales d’entrée en Libye pour les clandestins : la région de Madama, au Niger; celle de Ghadamès, à la frontière algérienne ; celle de ­Koufra, dans l’extrême sud du pays; l’Égypte.

Les deux premières sont empruntées par les Africains de l’Ouest, les deux autres par les migrants de la Corne de l’Afrique. Les réseaux de trafiquants libyens reposent principalement sur les tribus, les Toubous côté Niger, les Touaregs côté Algérie.

Pour convoyer les clandestins du Sud ­libyen vers le nord, ce sont des tribus présentes dans les deux régions, comme les Arabes Ouled Slimane, qui sont actives.

Les migrants sont ensuite disséminés le long du littoral, mais c’est dans la région de Zouara, à l’ouest de Tripoli, que le gros des départs se fait.

Jakob, un Camerounais, explique comment se passe l’organisation de la traversée : « Comme la ville de Zouara dispose d’un port de pêche où il y a de vieux chalutiers destinés à la casse, les passeurs contactent les propriétaires de ces embarcations hors service. Certains squattent carrément la coque.

Ensuite, le chalutier est emmené à un atelier faisant office de chantier naval où on lui installe un moteur d’occasion en mesure d’assurer sa dernière traversée.

C’est ce qu’ils prétendent du moins. L’essentiel, c’est qu’il quitte les eaux libyennes et s’approche du littoral italien. »

Il affirme que  « les mécanos et les marins sont Tunisiens ou Egyptiens, alors que les passeurs sont plutôt Libyens. »

Sans compter la mafia italienne que l’on soupçonne de plus en plus fortement de se servir au passage.

Une internationale du crime donc, de nouveaux négrier, qu’il s’agit de détruire, mais sans oublier que c’est la demande qui a créé l’offre.

En réalité, comme le relève François Gemenne, spécialiste des flux migratoires à l’institut français du Ceri, l’arrivée des migrants illégaux par mer n’est qu’un signal d’alerte vis-à-vis de ce qui se passe plus globalement : « Les naufrages des ­bateaux ont un effet de loupe sur cette forme d’immigration mais elle reste minoritaire ».

Les trois quarts des illégaux, selon lui, arrivent par avion, le plus souvent munis d’un visa. Une fois celui-ci expiré, les personnes restent sur le sol européen.

Il y a donc des flux continus, et c’est à leur source même qu’il convient de les tarir.

Deux questions conjointes se posent donc à l’Europe : comment rétablir des structures politiques dans les pays pourvoyeurs de migrants, de façon à y stabiliser les populations ?

Et comment refondre la politique d’accueil de l’Europe même, qui fonctionne aussi comme une pompe aspirante, laissant croire aux migrants qu’ils y gagneront le paradis ?

Certains réclament une politique de défense plus agressive de la part de l’Union européenne, notamment pour bloquer les bateaux dès les ports libyens. Pourquoi pas ?

Mais l’on ne fera que retarder la solution du problème, dont les racines sont bien plus lointaines.

Elles se trouvent en Afrique noire où de fait, l’Europe a abandonné toute politique de coopération cohérente et structurée.

Et un à un, les pays de la bande sahélo-saharienne, depuis le Mali jusqu’à la Somalie, basculent dans le chaos ou sous la botte islamiste.

Partout, faisant fonds sur la fragilité des régimes locaux, les fondamentalistes musulmans  utilisent la même technique de terreur, qui consiste à dépeupler à terme les provinces, pour qu’il n’y reste que les musulmans, créant donc les conditions favorables à l’exil vers une terre plus accueillante.

Le terrorisme musulman vient donc se superposer à la pauvreté économique déjà présente dans nombre de ces pays.

Et en tous lieux, les chrétiens sont les premières victimes : depuis ces migrants qui auraient été passés par-dessus bord par leurs compagnons d’infortune, au motif qu’ils étaient chrétiens jusqu’à ces Ethiopiens exécutés par Daesh en Libye pour le même motif, après les Coptes qui avaient subi le même sort.

Au Kenya, le 2 avril, le massacre de Garissa est venu confirmer cette triste réalité : les Chebabs venus de Somalie ou recrutés dans la population locale déshéritée ont trié les étudiants, mettant d’un côté les musulmans, de l’autre les chrétiens.

Cent quarante-huit de ceux-ci ont été tués au fusil d’assaut.

Et là aussi, comme au Nigéria sous la botte de Boko Haram, la lenteur de la réaction des troupes d’élite pose la question de la manipulation des événements par le gouvernement.

Mais de toute manière, le but est atteint : les chrétiens fuient Garissa.

Selon le porte-parole des Chebabs, l’attaque de l’université se justifiait parce que « c’est un plan pour répandre le christianisme et l’infidélité ».

Le discours est clair. Au Niger, une attaque du groupe islamiste Boko Haram samedi 25 avril aurait coûté la vie à une cinquantaine de soldats nigériens basée sur l’île de Karamga, sur le lac Tchad.

Au Tchad même, le président pourtant puissant Idriss Déby se montre très inquiet.

Alors qu’il a déjà affaire à la Libye et à Boko Haram, des troubles dans le sud du pays, notoirement dominé par le nord, mais où se trouve le pétrole, ont fait récemment un mort.

Alors que le régime d’Idriss Déby assure un semblant de stabilité dans la région, il serait dramatique qu’une rébellion se déclenche à l’intérieur du pays.

Au Soudan du Sud, depuis un an et demi, une guerre tribale sévit qui plonge le jeune pays dans une situation humanitaire dramatique.

En Erythrée, dont le terrifiant régime, qui ne peut être comparé aujourd’hui qu’à celui de la Corée du nord pour l’usage de la torture, la population sous les armes et la coupure avec le reste du monde, d’après le Haut Commissariat aux réfugiés, ils sont plus de 220.000 à avoir fui depuis 2011, soit 5% de la population.

Chaque mois, 3000 jeunes Erythréens, garçons et filles, traversent la frontière éthiopienne. Un évêque local a récemment parlé de « dépeuplement ».

Ainsi se conjuguent misère, instabilité politique et terrorisme islamique pour mettre à feu et à sang la moitié de l’Afrique. Il est temps que le monde, et l’Europe au premier rang, s’en préoccupe et prenne les moyens nécessaires.




Migrants, traiter le problème à la source

Valeurs actuelles 21 mai 2015

« Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde ».

Evidemment. Personne n’a les capacités de le faire.

S’il est parfois bon de rappeler des évidences, cette lapalissade-ci emprisonne toutes réflexions et tous débats sur le drame de l’immigration clandestine depuis des années.

Des généreux d’un bien qui ne leurs appartient pas aux hâbleurs tartuffes, nos gouvernants surfent sur le sujet, se gardant bien de sortir de cette ligne garante de leurs étiquettes idéologiques périmées.

Ce problème ne peut se poser en ces termes et encore moins se résoudre d’un claquement de doigts.

Ces naufrages nous révoltent tous mais ces embarcations funèbres ne sont pas les premières et risquent de ne pas s’estomper si l’on dédaigne de s’attarder sur les racines de cette tragédie.

Le problème de la sécurité en Méditerranée, avec ses deux rives religieusement opposées, n’est pas neuf. Il est même très ancien.

La colonisation de l’Algérie par la France en 1830 a commencé comme ça, pour détruire enfin la piraterie qui infestait la Mare nostrum depuis des siècles, avec son cortège d’esclaves et de trafics.

Si les termes ne sont pas les mêmes aujourd’hui, et il ne saurait s’agir de recoloniser l’Afrique du nord.

Cependant, les vagues de migrants dont l’intensité a crû ces derniers mois, en partance de Libye principalement et vers les côtes italiennes, reposent avec acuité la question des rapports intra-méditerranéens et, plus loin, celle des rapports de l’Europe avec l’Afrique.

Ce à quoi l’on assiste en Libye, où se conjoignent les intérêts terroristes des djihadistes et les intérêts pécuniaires des passeurs ne représente qu’un déplacement géographique de la vague de migration.

Jusqu’il y a peu, c’était par le Sahara occidental, les Canaries et les enclaves espagnoles au Maroc que débarquaient les clandestins.

Si la situation a changé, c’est outre le chaos libyen unanimement décidé par nos gouvernant, qu’il existe des solutions pour endiguer le flux, au moins localement. Ainsi, dès le début des années 2000, l’Espagne a signé des accords de coopération avec le Maroc et d’autres pays africains du littoral atlantique et mis en place des patrouilles en mer communes.

Un succès : aujourd’hui, il y a moins de 200 migrants par an qui prennent encore cette route de Méditerranée occidentale.

En réalité, si les naufrages nous touchent, les trois quarts des clandestins en Europe arrivent par avion, le plus souvent munis d’un visa. Une fois celui-ci expiré, les personnes restent sur le sol européen. Il y a donc des flux continus, et c’est à leur source même qu’il convient de les tarir.

Deux questions conjointes se posent donc à l’Europe : comment rétablir des structures politiques dans les pays pourvoyeurs de migrants, de façon à y stabiliser les populations ?

Et comment refondre la politique d’accueil de l’Europe même, qui fonctionne aussi comme une pompe aspirante, laissant croire aux migrants qu’ils y gagneront le paradis ?

Certains réclament une politique de défense plus agressive de la part de l’Union européenne, notamment pour bloquer les bateaux dès les ports libyens. Pourquoi pas ?

Mais l’on ne fera que retarder la solution du problème, dont les racines sont bien plus lointaines.

Elles se trouvent en Afrique noire où de fait, l’Europe a abandonné toute politique de coopération cohérente et structurée.

Et un à un, les pays de la bande sahélo-saharienne, depuis le Mali jusqu’à la Somalie, basculent dans le chaos ou sous la botte islamiste.

Partout, faisant fonds sur la fragilité des régimes locaux, les fondamentalistes musulmans  utilisent la même technique de terreur, qui consiste à dépeupler à terme les provinces, pour qu’il n’y reste que les musulmans, créant donc les conditions favorables à l’exil vers une terre plus accueillante.

Le terrorisme musulman vient donc se superposer à la pauvreté économique déjà présente dans nombre de ces pays. Et en tous lieux, les chrétiens sont les premières victimes : depuis ces migrants qui auraient été passés par-dessus bord par leurs compagnons d’infortune, au motif qu’ils étaient chrétiens jusqu’à ces Ethiopiens exécutés par Daesh en Libye pour le même motif, après les Coptes qui avaient subi le même sort.

Au Kenya, le 2 avril, le massacre de Garissa est venu confirmer cette triste réalité : les Chebabs venus de Somalie ou recrutés dans la population locale déshéritée ont trié les étudiants, mettant d’un côté les musulmans, de l’autre les chrétiens. Le but est atteint : les chrétiens fuient Garissa. Selon le porte-parole des Chebabs, l’attaque de l’université se justifiait parce que « c’est un plan pour répandre le christianisme et l’infidélité ». Le discours est clair.

Au Niger, une attaque du groupe islamiste Boko Haram samedi 25 avril aurait coûté la vie à une cinquantaine de soldats basés près du lac Tchad.

Au Tchad même, le président pourtant puissant Idriss Déby se montre très inquiet.

Alors qu’il a déjà affaire à la Libye et à Boko Haram, des troubles dans le sud du pays, notoirement dominé par le nord, mais où se trouve le pétrole, ont fait récemment un mort.

Alors que le régime d’Idriss Déby assure un semblant de stabilité dans la région, il serait dramatique qu’une rébellion se déclenche à l’intérieur du pays.

Au Soudan du Sud, depuis un an et demi, une guerre tribale sévit qui plonge le jeune pays dans une situation humanitaire dramatique.

En Erythrée, dont le terrifiant régime, qui ne peut être comparé aujourd’hui qu’à celui de la Corée du nord pour l’usage de la torture, la population sous les armes et la coupure avec le reste du monde, d’après le Haut Commissariat aux réfugiés, ils sont plus de 220.000 à avoir fui depuis 2011, soit 5% de la population. Chaque mois, 3000 jeunes Erythréens, garçons et filles, traversent la frontière éthiopienne.

Un évêque local a récemment parlé de « dépeuplement ».

Ainsi se conjuguent misère, instabilité politique et terrorisme islamique pour mettre à feu et à sang la moitié de l’Afrique.

Il est temps que le monde, et l’Europe au premier rang, s’en préoccupe et prenne les moyens nécessaires avant que la Méditerranée ne devienne la patrie de la misère humaine.

Charles Millon, ancien ministre,




La Russie de Vladimir Poutine

La Russie de Vladimir Poutine n’est pas morte, elle n’est pas non plus à genoux comme on le prévoyait.
Grand bien lui fasse.

Quoi que l’on pense de ce régime, de la direction qu’il prend, de ses tares visibles ou de sa fragilité, l’Europe est obligée, plus que jamais, de prendre en compte l’existence de ce pays-continent qui est redevenu un acteur majeur du jeu géopolitique ces dix dernières années.

Du Cap Nord au Détroit d’Ormuz, son influence se fait sentir et il est à prédire que sans son accord et son influence, les innombrables conflit qui parsèment le monde et particulièrement le Proche et le Moyen Orients ne trouveront pas de résolution heureuse.

La chute du rouble en novembre dernier, à travers laquelle on nous prédisait l’effondrement de l’économie russe, a été stoppée net, et la monnaie est au contraire remontée ces dernières semaines de façon extraordinaire.

De même, les cours du pétrole, encore bas, ont cependant cessé de baisser.

De bonnes nouvelles pour la santé de l’économie russe qui repose principalement sur l’exportation de ressources naturelles, même si les capitaux continuent de fuir le pays. Mais ceux qui donnaient Poutine pour mort en sont pour leurs frais.

C’est pourtant d’abord sur le plan diplomatique et militaire que la Russie triomphe. L’annexion de la Crimée, quoiqu’elle n’ait pas été reconnue par l’ensemble de la communauté internationale, est admise de fait, à l’image de l’Ossétie du sud.

En Ukraine, la trêve mise en place depuis le 15 février, après les accords de Minsk 2 signés trois jours auparavant, est certes régulièrement rompue par des accrochages sporadiques, les belligérants se faisant porter naturellement les uns les autres la responsabilité, mais le cessez-le-feu est globalement respecté.

Pour l’instant, Kiev a entériné le fait que les régions sécessionnistes de l’est échappaient à son contrôle.

Et, alors que le pouvoir de Poutine est plus assuré que jamais, son ennemi ukrainien doit faire face à des divisions internes : « Un nouveau Maїdan sera bien différent des précédents.

Les gens ont tellement d’armes dans les mains que personne ne va pas attendre un mois ou deux dans les tentes, en chantant et en agitant des lampes de poche.

Et c’est bien ce que nous voulons éviter », déclarait récemment Dimitri Iaroch, le leader de Secteur droit et président de la Rada. Kiev, qui tient sous perfusion occidentale, n’a cependant pas remisé son idée de revanche.

Ainsi, l’on apprenait ces dernières semaines que 300 parachutistes américains entraîneraient les 900 membres de la Garde nationale ukrainienne.

De l’autre côté, on soupçonne fortement au moins deux brigades parachutistes russes d’avoir participé à la guerre en soutien des séparatistes, et d’être toujours présentes sur le terrain.

Si dans ce conflit qui a fait 6000 morts en un an, les armes se sont tues, c’est certainement très momentané.
Elles n’attendent qu’un incident pour parler à nouveau.

Partout en Europe, ainsi les incidents ou provocations se multiplient depuis des semaines entre militaires russes et forces de l’OTAN.

Les Etats-Unis ont protesté contre l’interception « dangereuse » d’un avion de reconnaissance américain au-dessus de la Pologne.

La chasse au sous-marin nucléaire russe en Mer Baltique qui semble avoir été le fruit d’une paranoïa, rappelait celles de la guerre froide et mettait en colère la Suède.

L’interception de deux bombardiers russes survolant la Manche avait mis à cran le Royaume-Uni qui a intercepté ces vols.

Et en Méditerranée, la présence de navires russes s’est accrue. La Pologne a, en outre, construit ce mois-ci six miradors sur les 200 kilomètres de frontière avec l’enclave russe de Kaliningrad. Ils devraient être opérationnels en juin prochain.

L’Europe semble revenue au temps de la guerre froide, terrain de jeu inerte dans le conflit d’influence des grandes puissances.

L’Ukraine a augmenté ses dépenses militaires de 20% l’an dernier et prévoit de doubler cet effort cette année. Au palmarès des augmentations de budget de défense, la Pologne arrive deuxième avec 13%, juste devant la Russie avec 8% et la Lituanie qui accroît son budget d’armement de 6%.

Mais les dépenses militaires ne sont pas le seul indicateur de la crainte des pays voisins à l’égard de la Russie. Après avoir interrompu toute coopération pratique avec la Russie, l’OTAN, l’organisation de défense des Occidentaux, a décidé au sommet de Newport en septembre 2014, de l’instauration d’une force rapide d’intervention, après l’annexion de la Crimée.

Des manœuvres de cette force de réaction ont eu lieu en République tchèque et aux Pays-Bas. Elles ont impliqué 900 soldats allemands, 200 néerlandais et 150 Tchèques dans leurs pays respectifs pour se rendre à un point d’embarquement dans les aéroports afin de tester un déploiement de force en quelques dizaines d’heures à destination des Pays Baltes.

Un autre exercice baptisé Noble Jump 2, est programmé en juin à une échelle plus grande, avec le déploiement de troupes alliées en Pologne.

Le président estonien réclamait même ce lundi une présence permanente de troupes de combat de l’OTAN dans les trois Pays Baltes.

Même l’Allemagne a décidé de réagir au relèvement de l’état d’alerte dans l’Alliance atlantique en réintégrant dans ses forces de l’armée de terre.

Une centaine de chars seront modernisés à partir de 2017 pour atteindre les 328 chars Léopard II prêts au service, au lieu des 225 actuels.

Kiev enfin a répété que sa stratégie prioritaire de défense était bien de rejoindre l’OTAN, malgré la réticence de pays comme l’Allemagne ou la France, qui y voient comme la Russie, un facteur d’aggravation des tensions.

Sur le plan économique, « l’Agence pour la modernisation de l’Ukraine », née sous l’impulsion de Bernard-Henri Lévy notamment, prévoit de réunir 300 milliards de dollars dans un fonds d’investissement.

Elle prévoit aussi de moderniser le système de santé du pays avec l’aide de l’inévitable French Doctor Bernard Kouchner.

Mais du côté russe aussi, on s’active : ainsi la politique d’investissement en Grèce, en cours d’élaboration avec Alexis Tsipras, renoue avec les fondamentaux de l’histoire longue, celle des peuples de culture orthodoxe.

Encore une fois, l’Europe paraît coupée en deux.

Il y a aussi Chypre, avec qui le président Vladimir Poutine entretient d’excellentes relations, notamment militaires.

Et aussi la Hongrie, à travers notamment le « Turkish Stream », nouveau gazoduc imaginé par la Russie pour remplacer le South Stream avorté, et contourner l’Ukraine et la Bulgarie : traversant la Mer noire, ce nouveau tracé rejoindrait la frontière gréco-turque, d’où il pourrait arroser l’Europe par le biais de la Serbie, de la Macédoine et de la Hongrie.

Enfin, au Proche Orient, la politique d’équilibre avec la Syrie et l’Iran que prônait Vladimir Poutine depuis des années, pour contrer le radicalisme sunnite commence à montrer son efficacité.

La levée des sanctions contre l’Iran laisse présager d’accords, officiels ou non, des puissances occidentales avec la Syrie de Bachar El Assad pour lutter contre l’Etat Islamique.

Les Russes préservent ainsi leur base de Tartous en Syrie, et s’apprêtent à honorer leurs anciens accords avec l’Iran en lui livrant des missiles S300.

Le drame vient encore une fois de l’inertie de la diplomatie européenne, qui semble toujours à la traîne.

Il aura fallu que les Etats-Unis décident de discuter avec l’Iran pour que l’Europe l’accepte.

De même, demain, les chancelleries de Paris, de Berlin et de Londres accepteront certainement de renouer avec Assad si le grand protecteur américain le juge bon.

Mais l’impossibilité du dialogue européo-russe est plus grave, parce qu’il s’agit de deux grandes civilisations contiguës, dont les histoires se recoupent.

Parce qu’on n’a pas fait hier l’Europe culturelle, on récolte des querelles économiques.

L’Europe doit revenir à une vraie hiérarchie de ses priorités. Il est temps de créer enfin des échanges culturels et universitaires avec la Russie, pour renouer le dialogue sur des bases sûres et équilibrées.