Combattre vraiment Daech

Voilà plus d’un an que Daech a proclamé le Califat ; voilà plus d’un an qu’une coalition internationale, sous la houlette des Etats‐Unis, bombarde la région. Avec quel succès ?

Pour l’instant, la paix s’éloigne un peu plus chaque jour.

Viols, esclavage, mutilation, destructions de monuments sans prix, déplacement de population, brimades, mise en scène de torture : on pourra dire que l’Etat islamique se sera donné du mal pour être à la hauteur de son rôle de « monstre absolu », renvoyant au deuxième rang les Shebabs, les GIA, les talibans et al Qaeda.

Daech donc occupe aujourd’hui un vaste territoire, à cheval sur au moins deux pays, l’Irak et la Syrie, et le monde assiste, presque impuissant, à ses exactions et à l’extension de son domaine de nuisance.

Aussi la question se pose aujourd’hui, plus que jamais : qu’attendons‐ nous pour agir vraiment ?

Attendons‐nous que ces pays se soient définitivement vidés de leurs populations chrétienne, yézidie, ismaélienne, alévie, alaouite et même chiite ?

Attendons‐nous que ne demeure plus que le sunnisme à front de taureau, sous sa forme la plus bornée, avec ses femmes sous tente portative, ses interdits odieux et sans limite, sa haine du reste du monde ?

Attendons‐nous que l’Irak et que la Syrie tombent entièrement entre leurs mains, au prétexte qu’il ne faudrait pas traiter avec le tyran Assad, ni avec les méchants iraniens, ni avec le Hezbollah, ni même avec Poutine ?

Préférons‐nous fermer les yeux sur les sempiternelles attaques turques contre les Kurdes ? Ou sur les bombardements inhumains du Yémen par nos alliés saoudiens et consort ?

Personne ne fait la guerre de gaieté de cœur, sauf les imbéciles. Sauf peut‐être ceux qui décident un beau jour de faire tomber un dictateur sans prendre garde aux suites mortelles, pour l’Europe elle‐même, de leur mini‐guerre sans risque.

Mais aujourd’hui, il s’agit de prendre des risques, et certainement pas inutiles, car il en va peut‐être de notre survie, mais certainement de celle d’antiques civilisations et communautés du Proche‐Orient.

La France a déjà envoyé ses hommes, seuls, au Mali et en Centrafrique. Ils y sont toujours et sont sans doute les derniers gardiens de la dernière porte avant le chaos en Afrique de l’ouest.

Mais ce qui se joue entre la Méditerranée et l’Euphrate est, comme mille fois auparavant dans l’histoire des hommes, déterminant pour la physionomie du monde dans les décennies qui viennent.

L’Etat islamique est un problème géopolitique, un cancer qui se répand en Libye, en Somalie, au Sinaï, qui passe des accords avec Boko Haram ou les talibans.

Mais c’est plus généralement un monstre dont la barbarie est sans limite. Une sorte, disons‐le, de totalitarisme vert, qui ne le cède en rien aux deux totalitarismes du XXème siècle.

Né de l’islam, il est conduit maintenant par une idéologie autonome qui fait redouter le pire.

Comme l’a remarqué Renaud Girard dans les pages du Figaro, on ne peut prendre le risque de répéter notre faiblesse des années 30 face à la montée du nazisme. C’est maintenant qu’il faut agir, avant qu’il ne soit trop tard.

En ce sens, il faut que la France en tant que membre permanent du Conseil de sécurité obtienne une résolution de l’ONU autorisant une intervention au sol à fin de mettre un terme à ces crimes contre l’humanité.

La France doit prendre l’initiative de réunir une conférence internationale dont l’objet sera la constitution d’une vraie coalition, non plus seulement aérienne, mais appuyée sur une force d’intervention.

Il faut réunir les nations alliées : celles qui sont prêtes à intervenir militairement, celles qui apporteront leur soutien, et celles qui participeront au financement.

L’objectif premier étant de permettre à ces pays, Irak et Syrie d’abord, de recouvrer leur souveraineté et d’empêcher la poursuite de ces crimes, qui dépassent le seul cadre de la guerre et s’apparentent de plus en plus à des crimes contre l’humanité.

Cette conférence internationale devra aussi déterminer le type d’accompagnement qu’il faudra prodiguer à ces pays par la suite pour empêcher qu’ils ne retombent dans l’anarchie et la misère.

L’Europe, fidèle à son histoire, s’honorerait de prendre la responsabilité de ces opérations de reconstruction et d’accompagnement.

Le temps n’est plus aux lamentations devant les horreurs perpétrées par Daech.

Le temps est à l’action déterminée pour garantir la Dignité des personnes, le droit des minorités et le respect des croyances dans cette région du monde où notre civilisation a ses racines.

Le Figaro du 8/09/2015
Charles MILLON
Ancien Ministre de la Défense Président de l’Avant‐Garde