UNE ILE QUI ETONNERA L’EUROPE

Le tandem Talamoni-Simeoni a gagné. Et la France avec.

Sous sa houlette, les Corses vont tenter de démontrer sans hargne, avec calme et détermination, qu’autonomie régionale et République peuvent rimer ; qu’il est possible de tester des expériences sans pour autant tout détruire et qui plus est, si ces expériences s’avéraient positives, elles pourraient être étendues à d’autres.

Qu’un territoire à l’identité si puissante puisse se ré approprier la gestion de sa culture, de son urbanisme ou de ses infrastructures est sain et permettra peut-être à notre Etat centralisateur de renoncer enfin à son attitude tutélaire , pour adopter une attitude contractuelle à l’heure où la mondialisation impose des structures plus souples et moins pesantes, pour aller de l’avant.
Cette France des autonomies à laquelle les Corses viennent d’ouvrir la porte pourrait signifier que le pays sort de l’adolescence ; qu’il est en route vers l’âge adulte ; qu’enfin il prêt à garantir une société de confiance.

Une route qu’avait déjà souhaité ouvrir, en 1969, le général de Gaulle avec son referendum sur la régionalisation. On connaît la suite : le dégagisme soixante-huitard ambiant a balayé et le vieil homme, et ses idées neuves.

Le témoin était repris par Gaston Deferre en 1981, tout juste nommé Ministre de l’Intérieur, qui dira de ses lois de décentralisation qu’elles accompagnaient un mouvement « irréversible ».

Plus tard, Michel Rocard enfoncera le coin en signant les accords de Nouméa dont nous verrons l’année prochaine qu’ils pourraient bien aboutir aussi à l’autonomie de la Nouvelle Calédonie.

Ce processus engagé il y a 50 ans va enfin porter ces fruits et notre système centralisateur parisianiste et étatique craqueler un peu plus…
Que ce coup porté émane de la Corse a quelque chose de savoureux :
De la Corse les Continentaux, au fond, aujourd’hui, ne connaissent plus grand chose.
Prosper Mérimée et sa Vendetta de Colomba, Astérix et ses flemmards ramasseurs de châtaignes ou Charles Pasqua et ses réseaux border line qui faisaient flirter politique et banditisme, ont fini par forger dans le subconscient national, l’image d’une Corse vengeresse, paresseuse et mafieuse…

Seul Bonaparte échappe à la règle et pour cause : son île était par trop petite pour assouvir son ambition démesurée et son encombrante famille y était, pour tout dire, presque persona non grata.…
Même plus, il est encensé.

Pourquoi, peut-être parce qu’il a participé à renforcer cette France monolithique et pyramidale tant prisée de l’iconographie républicaine !

Ainsi, on a oublié qu’au XVIIIè siècle la Corse était un modèle pour la France d’abord et pour l’Europe ensuite.
Que sa Constitution pensée, écrite, appliquée par Pasquale Paoli et qui a valu jusqu’en 1769 est plus ancienne que celle des Etats Unis d’Amérique, dont les pères fondateurs se sont largement inspirés.

Que les philosophes des lumières si prisés de la bien pensance citaient l’île comme la forme la plus aboutie de démocratie.

Jean-Jacques Rousseau écrivait « La valeur et l’insistance avec laquelle ce peuple a pu recouvrer et défendre sa liberté, mériterait bien que quelque homme sage lui apprit à la conserver.
J’ai le pressentiment qu’un jour cette île étonnera l’Europe »
Et si, pour une fois, il disait vrai ?
Charles Millon
Ancien Ministre de la Défense