École Thomas More, école de l’engagement

Chers amis,

Vous le savez, j’ai consacré toute ma vie politique au service de la France et du bien commun. Il est un projet qui me tient particulièrement à cœur et qui doit être ma contribution la plus importante pour l’avenir de notre pays. Je le prépare depuis des années. 

C’est avec une grande émotion que je vous le présente aujourd’hui.

Plus que jamais, la France a besoin de personnes décidées, engagées et soudées ; la France a besoin d’une nouvelle élite.

Cette nouvelle élite doit être formée. Pour cela, avec une équipe d’amis engagés dans la vie civique, je lance l’école de l’engagement, l’École Thomas More. Elle proposera à tous ceux qui souhaitent prendre des responsabilités dans la vie publique une formation intellectuelle et opérationnelle de haut niveau, pour renforcer leurs convictions, approfondir leur engagement et développer leur réseau.

Pour découvrir cette initiative, je vous invite à la réunion d’information qui aura lieu en ligne sous forme de webinaire le mardi 28 novembre à 19h.

Au cours de cette réunion, nous vous présenterons l’ambition de cette formation, son programme, ses intervenants et ses modalités pratiques. Vous pourrez bien sûr poser vos questions en direct.

N’hésitez pas à vous inscrire ici : https://www.helloasso.com/associations/formation-et-civilisation/evenements/webinaire-d-information/

Je compte sur vous,

Charles Millon




« Le rôle de l’État est de faire faire et non pas de faire » : entretien avec Charles Millon

Notre pays a besoin de valoriser les missions premières de l’État.

L’ancien ministre, député et maire, Charles Millon, nous livre les fruits de ses réflexions sur l’Etat qui, selon lui, devrait rester focalisé sur ses premières missions et abandonner certaines prérogatives au profit des collectivités territoriales.


Ancien ministre de la Défense sous Jacques Chirac, entre 1995 et 1997, après avoir longtemps exercé comme maire de Belley et comme député de l’Ain, Charles Million possède un parcours politique riche. Fort de cette expérience d’élu local et national, il nous livre sa vision de l’État français et de la politique française. En particulier, il plaide pour un retour au principe de subsidiarité en France ainsi qu’un renforcement de l’ancrage local des élus. 

Causeur. Vous appelez de vos vœux depuis plusieurs années à une réforme profonde de l’État et de la pratique du pouvoir en France. Quelles sont les priorités à remettre en avant ?

Charles Millon. Notre pays a besoin de valoriser les missions premières de l’État : garantir la sécurité de tous, pour permettre à chacun de s’épanouir. Cela implique que l’État ait en charge essentiellement la sécurité intérieure et extérieure et la diplomatie. Lorsque vous étudiez l’histoire, vous constatez que les prérogatives de l’État étaient concentrées autour de ces trois domaines : la diplomatie et les relations avec les autres états ; la défense et la sécurité extérieure ; l’ordre public et la sécurité intérieur.

De quand dateriez-vous donc le début de l’État providence sous la forme que nous connaissons aujourd’hui ?

Les guerres ont toujours permis à l’Etat d’accroître son pouvoir et son rôle. Au XXe siècle, la France et toute l’Europe ont connu deux guerres. Au lendemain de ces deux conflits, l’État a accru ses prérogatives, pour défendre d’abord et reconstruire ensuite le pays, mais sans jamais s’en départir par la suite. Les crises économiques participent aussi à l’augmentation des interventions de l’État. L’exemple le plus connu est la crise de 1929, qui a provoqué l’émergence de l’État-Providence avec l’adoption de l’analyse keynésienne et la relance de la demande par la dépense publique.

Quelles prérogatives pourraient être dévolues aux collectivités territoriales ?

Certains domaines en crise, en particulier la santé et l’hôpital, pourraient parfaitement être gérés par les collectivités locales et des organismes privés. D’une région à une autre, les besoins diffèrent beaucoup en la matière. Prenons aussi l’exemple de l’école : aux États-Unis, la politique de l’éducation est réservée aux États et non pas au gouvernement fédéral, ce qui permet d’instaurer une liberté éducative très importante, qu’il est particulièrement difficile à promouvoir en France. Dans ces deux domaines, l’éducation et la santé, le poids de l’État central serait allégé considérablement si un gouvernement avait le courage de renoncer à cette obsession jacobine, en reconnaissant l’autonomie des hôpitaux et des établissements scolaires et universitaires. Il faut convaincre les Français qu’il y a d’autres modèles que celui que nous connaissons depuis les années 1950. J’ai cité le modèle américain, mais nous pourrions aussi prendre en exemple les Länder en Allemagne, dont les prérogatives sont également considérables, ou la Suisse, qui respecte de manière scrupuleuse le principe de subsidiarité. N’oublions pas que le rôle de l’État est de faire faire et non pas de faire.

La suppression de la taxe d’habitation par le gouvernement d’Élisabeth Borne paraît plutôt aller dans le sens contraire de ce que vous prônez…

Absolument. Cette réforme, dont les visées sont purement électoralistes, appauvrit considérablement les communes et les empêche de disposer librement de ressources qui seront, une fois de plus, concentrées dans les mains de l’État central. Ne parlons même pas des hausses de la taxe foncière, que de nombreuses communes ont déjà commencé à effectuer pour compenser cette suppression de la taxe d’habitation.

Parlons de la situation politique de notre pays. Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron et son ascension fulgurante, l’on tend à admirer les « parvenus » ceux qui se sont passés des carrières politiques traditionnelles pour se faire élire directement. Était-ce si positif en fin de compte ?

L’absence d’ancrage territorial des élus est une grande erreur. Dans ma carrière, comme bon nombre de mes pairs d’ailleurs, j’ai débuté dans ma commune de Belley, dans l’Ain, où j’ai été maire pendant presque vingt-quatre ans, avant de devenir député, en 1978. C’est dans mon mandat local que j’ai appris à comprendre ce qu’un Français vit au quotidien et quelles sont ses préoccupations. Le risque avec cette nouvelle sorte d’élus, qui n’ont pas d’expérience politique au niveau local, est de tomber facilement dans une approche technocratique du pouvoir, où les solutions sont détachées des réalités concrètes. C’est d’ailleurs ce qu’ont ressenti les Gilets jaunes en 2019 dans les réformes menées par Emmanuel Macron, avec l’augmentation de la taxe sur les carburants notamment. Ils avaient le sentiment que le gouvernement ne comprenait pas leur situation.

Nous observons depuis une dizaine d’années un éclatement des partis politiques traditionnels et la montée de tendances plus radicales, aussi bien à gauche qu’à droite, qui ne parviennent pas pour autant à fédérer largement. À qui la faute ?

Il est toujours difficile de mettre le doigt sur une cause unique pour expliquer la situation politique actuelle. Pour autant, une réforme de notre système électoral pourrait faciliter la revitalisation de nos structures politiques et les rendre capables de fédérer le plus grand nombre de tendances idéologiques. En établissant par exemple, pour les élections législatives, un mode de scrutin uninominal à un tour, comme en Grande Bretagne, les partis seraient obligés de se regrouper pour gagner l’élection. Cela permettrait qu’une majorité se dégage. De plus, ces partis auraient la responsabilité de traiter en leur sein la question des extrêmes et ainsi le pouvoir en place ne pourrait plus se servir de ces extrêmes comme épouvantail pour se maintenir artificiellement au pouvoir.

La proportionnelle ne m’apparaît certainement pas la solution, parce qu’elle provoque au contraire des divisions accrues. C’est d’ailleurs celles-ci qui ont fait chuter la IVe République.

Ne confondons pas engagement politique et engagement partisan.

Vous prônez un engagement renouvelé des jeunes en politique aujourd’hui. Quel message leur adressez-vous plus précisément ?

L’engagement politique est essentiel car c’est à travers lui que l’on participe à la vie de la cité, à la définition des équipements nécessaires à la vie commune, à la création des conditions favorables à l’épanouissement de chacun. Ne confondons pas engagement politique et engagement partisan.

L’engagement politique est plus large ; il inclut la vie associative, l’animation culturelle, le système éducatif, la politique sanitaire… Par l’engagement politique, le citoyen participe à la définition du cadre dans lequel les individus pourront prendre des initiatives au service de la collectivité. C’est pourquoi je souhaite que nombreux soient les jeunes qui s’investissent au service des autres.

Causeur 27/12/2023




Charles Millon : « J’appelle Le Pen, Zemmour et Pécresse à construire un programme commun »

L’ex-ministre a un plan : enjamber la présidentielle et construire « l’union de la droite » aux législatives, pour pousser Emmanuel Macron à la cohabitation. Un voeu pieux ?

Les politiques ont l’art de voir dans les situations les plus désespérées des opportunités. Charles Millon, ministre de la Défense de Jacques Chirac entre 1995 et 1997, n’a plus de mandat depuis vingt ans mais il a toujours le virus. Et le septuagénaire a une idée pour « redonner de l’espoir » à l’électorat de la droite : ignorer la défaite probable à la présidentielle… et tout miser sur les élections législatives qui auront lieu, sauf dissolution de dernière minute, les 12 et 19 juin 2022.  

Sur le papier, le « plan Millon » est implacable : Marine Le Pen, Eric Zemmour et Valérie Pécresse élaborent un programme commun « dans les trois semaines qui viennent », se répartissent les circonscriptions et font mordre la poussière à Emmanuel Macron, dont les députés, pense-t-il, manquent d’implantation. Ainsi, même réélu, le président serait acculé à la cohabitation. Les idées de droite gouverneraient à nouveau.

Quand on lui rappelle que Valérie Pécresse a exclu plusieurs fois et sans la moindre ambiguïté cette hypothèse, Charles Millon ne se démonte pas. Il en appelle immédiatement à Bruno Retailleau, François-Xavier Bellamy et Eric Ciotti, qu’il estime plus sensibles à « l’union de la droite » qu’il veut monter. L’ancien ministre, qui reste en contact à la fois avec Eric Zemmour et avec Marine Le Pen, se propose de jouer les entremetteurs entre ces droites qui ne se parlent pas ou plus. Ou alors « la droite n’est pas prête de revenir au pouvoir », prophétise-t-il. 

L’Express : En fin d’année 2021, on vous a annoncé proche d’Eric Zemmour. Qu’en est-il aujourd’hui ?  

Charles Millon : Je soutiens l’union de la droite. Nous sommes face à une situation inédite et paradoxale : les Français n’ont jamais été autant à droite et pourtant nous pourrions perdre l’élection présidentielle. J’appelle donc Eric Zemmour, Marine Le Pen et Valérie Pécresse à se parler avant le premier tour, afin d’élaborer un programme commun en vue des élections législatives….

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Propos recueillis par Étienne Girard
Publié le 21/03/2022 à 17:24
 

 

 

 

 




Charles Millon: « La politique étrangère d’Emmanuel Macron est illisible »

Mondafrique. Comment expliquez vous l’échec de l’intervention française au Mali ?

Charles Millon. Pour comprendre la situation actuelle, il faut revenir à la double erreur historique qui a été commise par tous les gouvernements maliens. La première est d’avoir toujours refusé de prendre réellement en compte les problèmes des minorités, qu’il s’agisse des peuls ou des touaregs.

Amadou Toumani Touré, dit ATT, le président malien entre 2002 et 2012 que j’ai bien connu et toujours apprécié avait l’obsession d’un État unitaire. Sur ce sujet, il était têtu comme une mule. . Pas question pour le pouvoir à Bamako d’envisager la moindre autonomie régionale, alors que le Nord Mali couvre une surface égale aux deux tiers du pays.

La seconde erreur aura été la cécité de la classe politique malienne à prendre en compte la terrible conjonction entre les djihadistes et les trafiquants qui transportaient la drogue à travers le Mali depuis la Guinée Bissau jusqu’au Niger ou au Burkina. Il y a eu une sorte d’alliance objective entre les mouvements irrédentistes et les groupes armés. Hélas, le pouvoir malien a toujours fermé les yeux sur ces multiples trafics qui ont financé le terrorisme

Mondafrique. La France a-t-elle commis des erreurs graves d’appréciation durant ces neuf années de présence au Mali?

Charles Millon. La première erreur dramatique aura été la guerre que Nicolas Sarkozy a mené en Libye. Lors de la chute de Khadafi, les touaregs qui avaient été enrôlés dans l’armée libyenne ont rejoint, lourdement armés, leur pays d’origine. Ils ont constitué, surtout dans le Nord du Mali, le noyau dur des groupes djihadistes.

Autre dommage collatéral, la fin brutale du régime libyen a permis Vladimir Poutine de remettre les pieds en Afrique.   La Russie possède aujourd’hui des champs de pétrole importants en Libye !

Ce n’est pas la seule erreur française. Si notre armée a eu raison d’intervenir pour éteindre l’incendie djihadiste, elle aurait du agir en pompier et très vite préparer sa sortie. En restant sur place, les soldats français qui avaient été accueillis en 2013 comme des libérateurs, ont été perçus neuf ans plus tard comme une armée d’occupation. Nos militaires ont été des boucs émissaires commodes pour des armées locales qui décampaient face aux groupes armés tandis que nos soldats étaient tués. C’est un peu comme ce qui s’est passé en Afghanistan pour les Américains. . .

Certains patrons de l’armée française réfléchissent d’ailleurs à de nouveaux modes d’intervention via des forces de réaction rapides et aéroportées qui ne s’enliseraient pas sur place. Les bases militaires, on l’a vu, deviennent des cibles pour les terroristes..

Mondafrique. On entend souvent qu’en Libye comme au Mali la France a privilégié la seule logique militaire. Est ce qu’il aurait fallu intervenir plus vigoureusement dans la vie politique malienne et imposer une gouvernance plus conforme à nos propres valeurs?

Charles Millon. Le temps de l’immixtion dans la politique intérieure des États africains est dépassé. En revanche il aurait fallu lancer, dans la foulée de l’opération militaire, des projets de développement confiés, dans le cadre d’une aide liée, à des entreprises françaises. Les populations locales doivent réaliser que les hôpitaux et les lycées construits au Mali et au Sahel sont financés par la France. C’est ainsi que l’influence française auprès de nos amis africains renaîtra dans des jours meilleurs.

Mondafrique. Le président ivoirien Ouattara a déclaré jeudi matin sur RFI et France 24 qu’il demandait « à ses frères maliens de faire un effort, de rentrer dans les rangs ». Est ce que vous lui donnez raison ?

Charles Millon Il faudrait rappeler à Monsieur Ouattara qui remet en cause la légitimité de la junte militaire à Bamako qu’il bénéficie d’un troisième mandat illégitime et non constitutionnel. Qu’il nettoie devant sa porte avant de donner des conseils aux autres.

Mondafrique. Que pensez vous de la politique étrangère d’Emmanuel Macron et de Jean Yves Le Drian, son ministre des Affaires Etrangères ?

Charles Millon. Le Drian est surtout médiocre et il n’a pas l’air de s’intéresser aux Africains et à l’Afrique. Sans doute n’est-il pas facile de travailler avec un Emmanuel Macron qui veut toujours prendre la lumière.

Ce que je reproche au Président français au Mali comme au Liban ou en Ukraine, c’est de faire une politique de coups, sans suivi, ni constance. Cette fâcheuse habitude est totalement contre productive. La diplomatie se joue dans la durée et dans des liens de confiance avec nos interlocuteurs étrangers. C’est long, très long.

La politique d’Emmanuel Macron et de Jean Yves Le Drian est finalement illisible. Comment en même temps, selon l’expression consacrée du président français, dénoncer les coups d’état en Guinée ou au Mali et apporter un soutien total au fils du président Déby qui prend le pouvoir par la force après le décès brutal de son père ?

Emmanuel Macon a des réactions d’adolescent. Ce n’est pas ainsi qu’on doit construire la politique étrangère d’un pays comme la France.

By Nicolas Beau -17 février 2022

MONDAFRIQUE




Présidentielle 2022 : Barnier trop « lisse », « en phase » avec Zemmour, Charles Millon distribue ses bons points à droite

Interviewé ce samedi par l’Express, l’ancien président de la Région Rhône-Alpes devait notamment analyser le parcours d’Eric Zemmour afin de déterminer si l’essayiste n’est pas finalement son digne successeur en tentant de rassembler derrière lui des électeurs des Républicains et du Rassemblement national.

« Eric Zemmour répond à un besoin : celui de l’expression d’un certain nombre de jugements et d’analyses qui correspondent à la réalité. Quand il dit que la France doit rester une communauté nationale avec les mêmes idéaux et convictions, il a raison. Il est contre une société communautarisée, moi aussi. Je suis en phase avec le point central du discours d’Eric Zemmour », indique Charles Millon.

Il considère également que « Zemmour profite de ce que Fillon a commencé » en 2017, précédent scrutin présidentiel durant lequel Charles Millon avait soutenu l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy.

Quid des Républicains qui organiseront bientôt leur congrès afin de choisir leur candidat ? Charles Millon en veut encore aux dirigeants d’avoir évincé Laurent Wauquiez et sa tentative de droitiser fortement le parti : « Je ne comprends pas leur renoncement. C’était leur heure, surtout celle de Wauquiez. (…) Mais ces idées sont devenues centrales à droite ! En conséquence, Éric Ciotti préempte cette ligne politique. Il n’a pas le même statut que les trois favoris, mais son discours parle à la droite ».

A choisir, on devine que Charles Millon est plutôt attiré par les profils d’Eric Zemmour et d’Eric Ciotti. Et pas du savoyard Michel Barnier ? « Il est tellement lisse. Il a opéré un revirement récent sur l’immigration et l’Europe. Ce n’est pas crédible. Il a été au coeur des institutions européennes pendant dix ans. Cette politique est aujourd’hui contestée par les électeurs, y compris par les autres candidats de droite. Sans juger de sa sincérité, on ne peut pas être un personnage multiple ».

Lyon Mag du 13/11/2021




Charles Millon : « Eric Zemmour est arrivé au moment où il fallait »

Figure de la droite hors les murs, l’ancien ministre de la Défense porte un regard bienveillant sur le polémiste. Il juge que la recomposition politique n’est pas terminée.

Il a le sentiment d’avoir été un précurseur. Pionnier de l’union des droites aux régionales de 1998, Charles Millon avait été exclu de l’UDF pour avoir emporté la présidence de Rhônes-Alpes grâce aux voix du Front national. 23 ans plus tard, Eric Zemmour tente d’opérer l’union des droites par la base, agrégeant des anciens électeurs de François Fillon et de Marine Le Pen

Soutien de l’ancien Premier ministre en 2017, Charles Millon n’avait pas appelé à voter Emmanuel Macron au second tour de scrutin. L’ancien ministre de la Défense, apôtre d’une droite libérale et conservatrice, porte un regard bienveillant sur la candidature d’Eric Zemmour. Cette figure de la « droite hors les murs », fondateur de L’Avant-Garde en 2015, ne lui apporte pas (encore) son soutien. « Je suis en phase avec le point central du discours d’Eric Zemmour », confie-t-il toutefois. Son regard est plus sévère sur les trois favoris du Congrès LR, incarnation d’une « droite conformiste ». Entretien. 

L’Express : Les adhérents LR choisiront en décembre leur candidat à l’élection présidentielle. Vous avez soutenu la candidature de François Fillon en 2017. Que vous inspire cette compétition ? 

Charles Millon : Tout cela est terne. Le discours des candidats LR est convenu. Ils incarnent une droite institutionnelle, qui a peur d’elle-même et des mots. Cette droite manque de convictions, elle est conformiste. Ils commencent à peine à parler d’immigration car les Français le réclament, alors que le sujet est posé depuis près de trente ans. Je défendais le concept d’assimilation dès les années 70.  

Lors du premier débat télévisé, Éric Ciotti est toutefois sorti du lot. C’est le seul qui dit ce qu’il pense au lieu de dire ce qui est « convenable ». Les autres ne parlent pas assez de la France. 

Vous venez de Rhône-Alpes, la candidature de Michel Barnier ne vous emballe pas ? 

Il est tellement lisse. Il a opéré un revirement récent sur l’immigration et l’Europe. Ce n’est pas crédible. Il a été au coeur des institutions européennes pendant dix ans. Cette politique est aujourd’hui contestée par les électeurs, y compris par les autres candidats de droite. Sans juger de sa sincérité, on ne peut pas être un personnage multiple. 

Vous incarnez une droite libérale et conservatrice. Le congrès LR est-il orphelin de cette ligne, portée au sein de LR par Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau ? 

Je ne comprends pas leur renoncement. C’était leur heure, surtout celle de Wauquiez. Il a dirigé Les Républicains avant d’être mis sur la touche en raison des idées qu’il professait. Mais ces idées sont devenues centrales à droite ! En conséquence, Éric Ciotti préempte cette ligne politique. Il n’a pas le même statut que les trois favoris, mais son discours parle à la droite. 

Il y a un décalage entre l’offre politique de LR et les attentes de l’électorat de droite. En outre, on ne comprend plus ce mur installé entre ce que l’on appelle « l’extrême droite » et la droite classique. Ce mur n’existe dans aucun pays au monde, sauf en France. Il a été installé par François Mitterrand puis Jacques Chirac. Il n’a pourtant jamais été institué entre le PS et le Parti communiste, allié à une époque avec l’URSS. Il y a des idées inacceptables que l’on entend parfois au RN, mais établir un mur absolu n’a pas de sens.

Eric Zemmour tente aujourd’hui de casser ce mur. Près d’un quart des électeurs de François Fillon en 2017 sont tentés par un vote en faveur du polémiste. C’est votre cas ? 

Eric Zemmour répond à un besoin : celui de l’expression d’un certain nombre de jugements et d’analyses qui correspondent à la réalité. Quand il dit que la France doit rester une communauté nationale avec les mêmes idéaux et convictions, il a raison. Il est contre une société communautarisée, moi aussi. Je suis en phase avec le point central du discours d’Eric Zemmour. 

Sur le plan économique et social, il a repris un discours de la responsabilité et d’autonomie de la personne. C’est le discours classique des conservateurs sociaux-libéraux. Mais ce discours était étouffé par un discours technocratique en France et en Europe. 

Quand il affirme que la France est menacée de guerre civile, vous souscrivez à son analyse ? 

Le mot est un peu fort. Le pays est menacé de tensions intracommunautaires qui sont préoccupantes. On le voit dans un certain nombre de quartiers et de cités. Il faut une assimilation dans la communauté nationale de ceux qui viennent sur notre territoire. A défaut, la France va se morceler. Cela ne correspond pas à notre histoire.

Vous voterez pour Eric Zemmour en 2022 ?

On est à six mois de l’élection présidentielle, c’est trop tôt. Je suis avec intérêt ce qui se passe. Le moment venu, je prendrai position. J’ai plus le profil d’un joueur que d’un arbitre. 

En 2016, vous disiez sur TV Libertés; : « Il faut que le FN accepte de s’ouvrir aux dialogues avec d’autres formations politiques. [Et que] les autres formations politiques acceptent de dialoguer avec le Front national. ». Eric Zemmour n’est-il pas en train d »opérer cette union des droites, mais par la base ? 

Oui. C’est d’ailleurs la raison de son succès. Il est respectueux de tous les courants de la droite. Il expose les idées, mais n’a pas d’a priori. Certains candidats à la présidentielle disent « ça, jamais! » mais pourquoi ? Quand une idée est portée par un parti classique, on l’accepte. Quand elle est portée par le RN ou par Eric Zemmour, on la rejette par principe.  

Aujourd’hui, les électeurs de Fillon, du FN, de la droite hors les murs réalisent cette union des droites que les appareils ne veulent pas faire. Cela oxygène la vie politique et on va sortir d’un système qui favorise les extrêmes. Quand on rejette les gens par principe, on les extrémise naturellement. Prenez la Grande-Bretagne, pays avec un mode de scrutin à un tour. Il y a la gauche et la droite. Ces deux camps ont absorbé l’extrême gauche et l’extrême droite. Ce pays est un pays d’équilibre depuis des décennies. Nous faisons l’inverse : on cajole les extrêmes en les excluant au lieu de dialoguer avec eux pour prendre ce qu’ils ont de bon et enlever ce qui est mauvais. 

Certaines idées portées par Eric Zemmour ou le RN vous semblent inacceptables ? 

D’une façon générale, dans ma vie politique j’ai toujours refusé l’outrance et celle-ci n’a jamais été de mon fait. J’ai toujours rejeté tout ce qui touche à la dignité de la personne. Si tel était le cas un jour, je le ferais savoir

Après votre exclusion de l’UDF, vous avez fondé le mouvement « La droite », devenu « La Droite libérale-chrétienne. » Dans son ouvrage « Le livre noir de la droite », Eric Zemmour le décrivait ainsi : « Le premier parti de l’ère moderne, car bâti non plus contre les patrons, ni contre les ouvriers, mais contre les médias. Leur dictature moralisatrice, leur mépris de classe, leur unanimisme érigé en tyrannie du prêt-à-penser. ». Établissez-vous un parallèle entre vos parcours ? 

Ce n’est pas un parallèle. C’est un prolongement. Eric Zemmour est arrivé au moment où il fallait. Le monde politique français est en train de nourrir l’abstention, car il est tombé dans l’entre-soi. Quand les gens évoquent leurs problèmes, on les taxe immédiatement d’extrémisme. On l’a vu avec les gilets jaunes, qui ont été injuriés. Eric Zemmour affirme la réalité à sa manière, cela explique son succès. C’est la suite logique de ce qui s’est passé en 1998.  

Eric Zemmour affirme publiquement vouloir coaliser un électorat populaire et bourgeois.
Cela vous semble possible ?
 

Je ne suis ni communautariste ni sociologue. Quand je me présente à une élection, je ne regarde pas le statut social des gens. Je présente mes diagnostics et mes solutions. Quand il dit cela, c’est le Zemmour journaliste qui ressort par rapport au Zemmour politique.  

Il fait le pari que le sujet économique ne sera pas central en 2022… 

L’économie est passée au second rang. Le problème de la France n’est pas économique, il est de savoir qui on est. C’est quoi être Français ? Quel est le rôle de la France ? A force d’avoir oublié ces questions, on ne s’est intéressé qu’aux problèmes de ces techniques économiques. Il y a une envie de récit national, à droite comme à gauche d’ailleurs.  

Lors des années 90, vous qualifiez Jean-Marie Le Pen de « fasciste des années vingt égarés dans notre temps ». Quand Zemmour dépeint Pétain en sauveur des juifs français ou jette le soupçon sur l’innocence du capitaine Dreyfus, vous n’avez pas envie de transposer cette analyse au polémiste ? 

La vie politique française n’est pas l’analyse sociologique ou philosophique de l’histoire de France. Je ne suis pas emballé par ces retours sur l’histoire. Des gens sont chargés de cela. Eric Zemmour a une démarche fine sur ces sujets, mais elle n’est pas faite pour le débat public.  

Vous êtes l’apôtre d’une droite libérale et conservatrice. Elle a été incarnée par François-Xavier Bellamy lors des européennes de 2019. Elle n’a récolté que 8,5% des voix… 

Elle n’était pas assez transgressive, notamment sur l’immigration. J’aime beaucoup François-Xavier Bellamy, mais c’est un intellectuel. Il faut en politique des gens qui cassent la baraque. Je ne tire pas de conclusions politiques à long terme de cet échec des Européennes. Le courant de la droite conservatrice, libérale et d’inspiration chrétienne occupe la moitié de l’espace.  

Vous souteniez François Fillon en 2017. Il n’a pas d’héritier politique à droite ? 

Il incarne le début ce que termine Zemmour. Il a commencé à réunir différentes droites qui étaient chacune dans leur couloir. Il ne s’est pas enfermé dans la droite gaulliste comme l’a fait Juppé ou bonapartiste comme l’a fait Sarkozy. Zemmour profite de ce que Fillon a commencé. 

La droite est aujourd’hui menacée de défaite à la présidentielle. Si elle se confirme, ne pourrait-on pas assiste au retour d’un nouvel « UDF macroniste » et d’un nouveau RPR qui engloberait une partie de LR et du RN ? Les deux partis seraient cette fois adversaires… 

Je ne crois pas. Je pense qu’on va aller vers une évolution à la britannique. Un grand parti conservateur pourrait intégrer toutes les sensibilités de droite et un grand parti de gauche. Si on ne va pas là, le débat politique continuera de se dégrader. Dans cette équation, je place Emmanuel Macron à gauche. C’est un homme de gauche. La droite, c’est l’enracinement, le respect de la dignité de la personne, l’équité… Macron n’est pas de droite. 

Paul Chaulet

L’Express du 13/11/2021




Podcast. Quelle défense pour la France ? C. Millon, G. Longuet

Podcast. Développement de la haute intensité, confrontation avec la Chine, renouvellement du matériel militaire, quelle peut-être la défense de demain pour la France ? Entretien avec deux anciens ministres de la Défense, Charles Millon et Gérard Longuet.

Émission présentée par Jean-Baptiste Noé et Hadrien Desuin.




Jeu, set et match : KAGAME

Le discours d’Emmanuel Macron à Kigali (Rwanda) fera date : il en restera l’image de la France, un genou à terre et le carnet de chèques à la main.

Retour en arrière

Dès les années 1980, à la tête d’un « Front patriotique rwandais » fabriqué de toute pièce, Paul Kagame à partir de l’Ouganda voisin où il s’est installé, organise la déstabilisation du pouvoir en place au Rwanda, suscitant de fait une première guerre civile et sa prise de contrôle d’une partie du pays.

Trois ans plus tard survient l’immonde boucherie qui a vu s’entretuer Hutus et Tutsi deux ethnies ancestralement installées au Rwanda, pays assez éloigné de la zone d’influence française, mais lié au nôtre par un accord de coopération et d’assistance militaire depuis 1975. Paul Kagame prend le pouvoir, et ne lâchera plus jamais.

Revisiter l’Histoire

On doit reconnaitre à l’inamovible Président du Rwanda, Paul Kagamé, une ténacité à nulle autre pareille et une persistance absolue à vouloir revisiter l’Histoire.

Révolutionnaire dans les années 80, il a endossé depuis le déguisement d’un redresseur de tort, qui dissimule sous sa cape de Zorro, l’uniforme du militaire/chef des services secrets qu’il a toujours été.

On connait bien maintenant la psychologie du Président Macron, banquier d’affaires de son état et comédien à ses heures perdues, qui a fait du « en même temps » sa marque de fabrique : dire un jour blanc et un autre jour noir et changer de pied quand le terrain devient hostile. Or l’Afrique de l’Ouest est aujourd’hui un terrain miné pour la France, en grande partie à cause d’une politique erratique (ou pire une non-politique) menée sous les quinquennats de Nicolas Sarkozy, puis de François Hollande et dont notre actuel Président a emboité les pas.

Tenter de s’ouvrir des portes en Afrique de l’Est où la mentalité colle mieux à la culture « davossienne » d’Emmanuel Macron est une belle esquive, à l’heure où l’Afrique francophone lui tourne le dos et où la France y est mal menée.

Un effet d’aubaine donc pour deux personnalités qui se sont trouvées : Paul Kagame termine avec brio son entreprise de révision de l’histoire depuis 20 ans qui tend à le dédouaner définitivement du génocide rwandais ;

Emmanuel Macron veut se désengluer d’un bourbier africain qui lui colle aux semelles en cherchant de nouvelles alliances sous domination anglo-saxonne.

Dont acte.

Mais de là à s’associer à la plus grande opération de désinformation de la fin du 20ème siècle, et à s’essuyer les pieds sur l’honneur de l’institution militaire, à lui imputer une responsabilité de massacres suscités par d’autres, il y avait un fossé jamais franchi. Le Président de la République, chef des armées, l’a fait en toute connaissance de cause. Allant même jusqu’à apporter une offrande de 500 millions d’euros, probablement au titre de dommages de guerre …

Cette affaire restera un cas d’école magistral d’une entreprise de désinformation totalement réussie.

Quelques filets de voix tentent de tempérer la doxa officielle martelée par des ONG, des rapports sortis opportunément pour balayer les jugements des tribunaux internationaux, des influenceurs, toutes et tous dédiés à la cause.

Jeu, set et match Kagame. Du travail de pro.

Charles Millon
Ancien ministre de la Défense
Le 28 mai 2021

 




TRIBUNES DE MILITAIRES : L’ANCIEN MINISTRE DE LA DÉFENSE CHARLES MILLON APPROUVE

Des deux tribunes de militaires publiées ces dernières semaines, l’ancien ministre de la Défense (1995-1997) Charles Millon considère que leurs auteurs ont eu raison de prendre publiquement la parole pour dénoncer le délitement de la société française. Entretien.

En tant qu’ancien ministre de la Défense, que pensez-vous de ces tribunes publiées par des militaires ? Cela vous choque-t-il ?

Je pense que les officiers, et les militaires en général, sont des citoyens comme les autres et que dans la période que nous vivons, ce sont même des citoyens plus avertis que les autres, parce qu’ils sont confrontés à des menaces, à des situations difficiles, et qu’ils peuvent donc porter un jugement beaucoup plus pointu que n’importe qui. Un militaire qui a participé à des combats en Afrique contre des islamistes radicaux, ou qui a patronné des opérations Sentinelle dans des quartiers très difficiles, a évidemment un point de vue éclairé. Il est bon qu’ils s’expriment parce qu’ils peuvent à leur tour éclairer les citoyens. La France est dans une période très difficile : ceux qui sont en charge de sa protection ont presque un devoir de parler – sauf à remettre en cause les institutions et le pouvoir politique. C’est ce qu’ont fait les signataires de la première pétition, et c’est pourquoi je ne comprends pas l’hystérie de la classe politique.

Nos responsables feraient mieux – au lieu de faire de l’ironie grinçante, comme le ministre de l’Intérieur, de proférer des menaces comme le ministre de la Défense, ou de lancer des invectives comme nombre d’autres – d’analyser la situation et d’y remédier

Pour ce qui est de la deuxième pétition, elle est la suite logique de la première, même si elle n’est hélas pas signée. Elle reflète en tout cas tout à fait la réalité, et je constate que les sondages révèlent que les trois-quarts des Français en approuvent l’analyse. Nos responsables feraient mieux – au lieu de faire de l’ironie grinçante, comme le ministre de l’Intérieur, de proférer des menaces comme le ministre de la Défense, ou de lancer des invectives comme nombre d’autres – d’analyser la situation et d’y remédier. Le constat que font les militaires sur le délitement est un constat partagé, et plutôt que de qualifier ces actes de rébellion, il faut une prise de conscience qui amènera peut-être à de bonnes décisions.

À votre avis, pourquoi ces militaires ont jugé utile de se dévoiler ainsi ?

D’abord peut-être parce que l’armée n’est pas assez considérée en France, alors que des milliers d’hommes luttent contre le radicalisme islamique en Afrique, que des milliers d’autres parcourent nos villes, nos banlieues, nos quartiers difficiles pour éviter que les tensions y augmentent. Mais une partie de l’opinion considère aujourd’hui que l’armée peut être une menace : je comprends donc que les militaires se soient émus de ce manque de considération. D’autant que concomitamment, le chef de l’État reçoit aujourd’hui le président du Rwanda, alors que deux rapports signés par des Français et un cabinet d’avocats américains essaient de faire porter la responsabilité des événements de 1994 sur l’armée française. Le grand scandale est là : que le Président et d’autres autorités françaises essaient de faire porter cette responsabilité aux troupes françaises, alors que c’est à des hommes politiques français qu’il faudrait éventuellement faire des reproches. […]

L’Incorrect le 17/05/2021




Côte d’Ivoire · Un pays entre vulnérabilités et besoin de réconciliation

Dans un contexte sécuritaire des plus fragiles en Afrique et face aux velléités françaises, plus ou moins affichées, de se désengager de la zone subsahélienne, les élections législatives du 6 mars prochain en Côte d’Ivoire s’annoncent sous haute tension. Le pouvoir en place doit oser affronter l’opposition, unie pour la première fois, le faire à la loyale et prouver au peuple qu’il est encore souverain. A la veille d’élections cruciales, cette note souligne les fragilités du pays et montre la nécessité d’un scrutin au déroulement exemplaire, au risque de voir cette grande puissance d’Afrique de l’Ouest s’embraser à nouveau. Avec des conséquences qu’on ne mesure pas.


Longtemps les observateurs ont soutenu que le djihadisme et la menace islamiste se limitaient à l’Afrique du Nord et au Sahel, les pays tropicaux se croyant protégés par la barrière de la forêt. Or, force est de constater que c’était une erreur, que l’Islam d’abord, l’islamisme ensuite, le djihadisme enfin ont passé cette barrière et maintenant concernent l’Afrique tropicale et par là même tout le continent.

Alors que le pouvoir algérien avait réussi à l’éliminer après « la décennie de sang », elle est réapparue avec la chute de Mouammar Kadhafi en Libye, dont les puissances occidentales demeurent coupables. La menace djihadiste a pu se répandre aisément dans la zone sahélo-sahélienne dès lors que le seul régime fort de la zone était tombé et que les armements et les financements pouvaient transiter dans le Sahel en toute impunité et se répartir entre l’ensemble des groupes islamistes et terroristes.

Une menace terroriste qui s’étend toujours  plus vers le sud

Au nord Mali, où il a implanté ses premières bases, le terrorisme islamique s’est greffé sur des groupes aux revendications autonomistes anciennes, généralement Touareg mais aussi Peuls, et surtout il s’est métastasé. De la Mauritanie au Tchad et du Mali au nord Cameroun, il prend des formes diverses qui se nomme AQMI (Al Quaida au Maghreb Islamique), État islamique au grand Sahara, Boko Haram ou Daech… Et qu’il soit strictement religieux ou lié au grand banditisme avec des trafics de toute sorte : armes, femmes et jeunes filles, drogues, etc.

Il est préoccupant de constater que le trafic de drogues en provenance d’Amérique latine, qui jusque-là arrivait en Afrique par Bissau et remontait par le Mali avant d’aller vers le nord de l’Europe et le Moyen Orient, cherche à emprunter un nouvel itinéraire en arrivant dans le golfe de Guinée : c’est ainsi qu’il y a dix jours plus d’une tonne de cocaïne en provenance du Paraguay ont été interceptées en Côte d’Ivoire.

Quand on sait que trafic de drogue et terrorisme s’alimentent l’un l’autre, tout cela est alarmant et surtout après avoir entendu AQMI et Daech affirmer que leur prochain objectif était d’atteindre l’océan et en particulier les ports du golfe de Guinée : Cotonou au Bénin et San Pedro en Côte d’Ivoire.

Un défi lancé à tous les pays du continent

Aujourd’hui, une zone grande comme l’Europe et qui s’étend sur le Mali, le Niger, le Burkina Faso est écumé par les groupes djihadistes (Figure 1). Si ces derniers mois, l’armée française et celles des pays africains du G5 Sahel ont multiplié les offensives, en particulier dans la zone dite des trois frontières (Mali, Niger, Burkina Faso), si de bons résultats dans la lutte contre le terrorisme ont été enregistrés avec la mort de l’émir d’AQMI, le bilan est toutefois mitigé. L’attentat du 9 août 2020 à Niamey a jeté le doute et chacun s’interroge sur la capacité du Niger à contrer ce terrorisme.

Lors du sommet de N’Djamena des 15 et 16 février dernier, réunissant les chefs d’État du G5 Sahel et leurs partenaires, au premier rang desquels figure la France, Emmanuel Macron a reconnu qu’il ne s’agissait pas de traquer tous les groupes armés de la région, sans quoi « ce serait une guerre infinie », mais de cibler les têtes djihadistes.

Figure 1 • Une menace terroriste qui s’étend

Source • The Economist, juillet 2020

Le fait que la France ait évoqué un redimensionnement de son engagement laisse entendre en termes diplomatiques, qu’elle envisage un retrait de la région à court ou moyen terme… qui obligera les pays concernés par le terrorisme islamique à mobiliser leur population tout entière contre l’ensemble de la menace djihadiste. Car celle-ci a toujours profité pour s’infiltrer des divisions politiques, des désordres économiques et des tensions sociales, comme on a pu le constater au Mali ou au Burkina Faso. Le défi est donc lancé à tous les pays du continent et notamment à la Côte d’Ivoire, cible toute désignée : une grande frontière commune avec le Burkina, un pays déjà largement gangréné par le terrorisme et deux ports riches et puissants, Abidjan et San Pedro (Figure 2).

Côte d’Ivoire : un pays au bord de la rupture

La Côte d’Ivoire doit d’urgence engager la réconciliation de tous ses habitants pour retrouver la paix civile et la capacité de mobilisation afin de faire face à la menace djihadiste qui se profile de plus en plus sûrement. Or, voilà plus de vingt ans que la Côte d’Ivoire est déstabilisée, tant sur le plan politique que social. En deux décennies, le pays a subi deux coups d’État et vécu une quasi-guerre civile.

Figure 2 • Une menace terroriste qui s’étend

Source • Adobe Stock, sous licence

Le bel ordonnancement que le premier président Félix Houphouët-Boigny avait réussi à mettre en place et à maintenir a été mis à bas après sa mort. Le pays qui était prospère en étant devenu notamment le premier producteur mondial de cacao, voit aujourd’hui la misère augmenter : près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, le pays souffre d’une immigration non contrôlée et des tensions se maintiennent entre le sud chrétien et le nord musulman. Déjà des milices font régner dans certaines régions un climat de terreur.

Il est donc urgent de garantir la paix civile en favorisant la réconciliation entre tous les Ivoiriens.

Malheureusement, les élections présidentielles du mois d’octobre dernier ont montré combien la démocratie ivoirienne était fragile et captée par des forces aux intérêts autres que nationaux. En se présentant pour un troisième mandat, au mépris de la constitution, Alassane Ouattara a instillé le doute sur la démocratie et le respect des droits de chaque citoyen.

Élections législatives du 6 mars : un rendez-vous capital pour la Côte d’Ivoire et pour l’Afrique de l’Ouest

Muée peut-être par le principe de réalité, une nouveauté historique est apparue avec l’alliance entre les deux grands partis d’opposition (le PDCI présidé par Henri Konan Bédié et l’EDS, le parti de Laurent Gbagbo) : ils ont institué une plateforme commune pour présenter un front uni de l’opposition au pouvoir en place avec des candidats uniques dans la majorité des circonscriptions, et offrir ainsi une alternance crédible, permettant aux Ivoiriens de choisir librement et sereinement entre deux politiques.

Cette alliance pose comme préalable la réconciliation nationale, la libération de tous les prisonniers politiques, la veille rigoureuse sur la transparence et la sécurité du scrutin législatif du 6 mars prochain. C’est ainsi que la Côte d’Ivoire pourra rejoindre les démocraties « adultes » d’Afrique telles que le Niger où le Président Issoufou a refusé de briguer un troisième mandat et a ainsi permis l’élection de son dauphin, Mohamed Bezoum.

Mais maintenant que les deux anciens présidents de la République, au travers des deux principales formations politiques d’opposition, ont décidé de présenter des candidats uniques dans la majorité des circonscriptions et de participer soudés aux échéances démocratiques, il est impératif que le scrutin du 6 mars se déroule dans la sécurité et la transparence. Il revient donc à Alassane Ouattara et à la communauté internationale de veiller à la bonne tenue des élections et de s’opposer à d’éventuelles fraudes.

Il est fondamental que des observateurs internationaux soient invités à veiller de près à la transparence du scrutin. Si, comme on le dit, le président Macron recevait Alassane Ouattara cette semaine à Paris, cette demande devrait prendre une forme impérative.

Les élections législatives du 6 mars sont capitales pour la Côte d’Ivoire, bien sûr, mais au-delà pour toute l’Afrique de l’Ouest. Le bon déroulement du scrutin redonnerait force et espoir à une population taraudée par la montée de la pauvreté et inquiète des violences et de l’insécurité grandissantes. Et sans l’adhésion des peuples, la bataille contre l’hydre djihadiste restera infructueuse.

Charles Millon, ancien ministre de la Défense, co-fondateur et administrateur de l’Institut Thomas More

Mars 2021 • Note d’actualité 74 •  de l’Institut Thomas More