Charles Millon : l’Europe ne doit pas rompre les liens avec la Russie

Charles Millon : l’Europe ne doit pas rompre les liens avec la Russie

Par Charles Millon

    • Publié le 07/03/2014 à 20:49
Flotte russe au large d'Istanbul, le 7 mars 2014.

FIGAROVOX – L’ancien ministre de la Défense, Charles Millon, analyse la crise Ukrainienne. Il y voit une chance pour que l’Europe développe une diplomatie enfin autonome.

Nous sommes en 14, mais de quel siècle? Face à l’affaire ukrainienne, on peut s’interroger: s’agit-il du XXème ou du XXIème? En effet, en 1914 l’Europe s’embrasait par un subtil et pervers jeu d’alliance à la suite d’une sombre affaire balkanique et se déclarait à elle-même cette première guerre qui avant d’être mondiale fut une dramatique guerre civile, dont le résultat fut l’effondrement des grandes puissances européennes, la perte de leur influence et de leur rayonnement, et l’émergence de l’imperium illimité des Etats-Unis. Aujourd’hui, c’est avec cette Russie dont l’histoire politique et culturelle, civile et religieuse témoigne de l’intégration dans la civilisation européenne que le Vieux continent menace de rompre des liens séculaires, par aveuglement ou par ineptie géopolitique. Il est de la responsabilité des grands dirigeants du monde européen d’y réfléchir à deux fois avant que de s’aligner uniment sur les positions de l’ONU et des Etats-Unis. L’histoire ne pardonne pas deux fois la même erreur – si tant est d’ailleurs qu’elle nous ait pardonné la première.

Le premier devoir des Européens, s’ils veulent exister en tant que puissance, est le discernement. Quel est aujourd’hui l’ennemi, celui qui menace intrinsèquement la stabilité, l’équilibre, l’harmonie et à terme l’existence de l’Europe, ce continent aux racines judéo-chrétiennes et à la double personnalité orientale et occidentale? Certainement pas les Russes ou Vladimir Poutine: aujourd’hui, l’ennemi de l’Europe, c’est évidemment d’abord l’islamisme radical dans son expression politique, démographique et surtout terroriste. Et sous un angle économique et civilisationnel, l’Inde ou la Chine dont la volonté d’expansion ne nous fera pas de quartier. Continuer à se battre sur le mauvais terrain, à jouer dans une pièce d’ombres en fabriquant du mélodrame là où il n’a pas lieu d’être, c’est assurément se donner les moyens de tout perdre à la fin. Les raisons de la crise ukrainienne touchent bien entendu aux difficultés de maturation d’une identité propre à un peuple, mais aussi à notre incapacité à nous mettre autour d’une table avec la puissance russe pour discuter diplomatiquement, sans recourir aux moulinets de bras du grand frère américain.

Le second devoir des Européens, en conséquence, consiste à se doter de politiques étrangères et de défense coordonnées et autonomes. Je me souviens de l’efficacité que démontra, autant d’ailleurs pour les Américains que pour les Européens, la Force de Réaction Rapide exclusivement européenne dont je supervisai la création en 1995 en tant que ministre de la défense lors de la guerre de Bosnie. Echafaudée presque ex nihilo et vouée à une mission particulière, elle découvrit à la face du monde la puissance des Européens lorsque, unis, ils se donnent un but à atteindre. Les institutions européennes actuelles restent pendantes sur les questions de politique étrangère et de défense. Chacun tire à hue et à dia, et manifestement, les intérêts immédiats de l’Allemagne ou de certains pays d’Europe centrale ne sont pas les mêmes que ceux de la France vis-à-vis de l’Ukraine et de la Russie. Est-ce une raison pour ne pas initier une politique européenne et attendre que finisse le face-à-face Poutine-Obama?

Non, l’Europe, du fait de sa proximité géographique et culturelle avec la Russie doit enfin devenir son premier interlocuteur dans ces «marches» que sont l’Ukraine ou la Biélorussie. Le sentiment antirusse développé par certaines de nos élites, au motif que la grande nation ouralienne ne répondrait pas aux stricts critères démocratiques n’a pas sa place dans cette politique et dans ces négociations. L’Europe doit participer activement à l’élaboration d’une fédération ukrainienne, solution qui s’impose évidemment. Conférer de l’autonomie à la Crimée comme à d’autres territoires, notamment en suivant les lignes de partage des langues maternelles des populations est notre affaire, avec la Russie, bien plus que celle de l’administration de la Maison blanche. L’Europe a beaucoup à partager avec son voisin russe, ne serait-ce qu’au point de vue de l’héritage culturel, religieux, littéraire et artistique qui nous est commun.

Sans un réveil rapide et réaliste de sa politique étrangère, l’Europe se condamne à demeurer un nain à côté des puissances américaines et russes.




Charles Millon. Vers un come-back aux régionales de 2015 ?

Charles Millon. Vers un come-back aux régionales de 2015 ?

Millon ouverture

Mars 2006, Charles Millon en plein exil romain. Photos © Jean-Luc Mège

Par Benjamin Solly et Marc Polisson

Le think-tank « Passionnément Rhône-Alpes » a vu le jour en fin d’année 2012. Son ambition ? Réunir, dans les huit départements de la région, tous les rhônalpins que l’avenir régional intéresse. Parmi ses administrateurs, d’anciens compagnons de route de Charles Millon. Préparent-ils le retour de l’ancien Président de Rhône-Alpes pour les régionales de 2015 ?

Le site internet aurait du ouvrir le 17 décembre dernier. Mais la page d’accueil n’affiche pour l’instant qu’un contact. Il s’agit de Denys Aguettant. L’homme n’est pas un inconnu sur la place de Lyon. En 2001, alors directeur de la fondation Canal+, il fait partie des quelques irréductibles qui soutiennent la candidature de Charles Millon aux municipales lyonnaises. Mais Millon est déjà pestiféré entre Saône et Rhône et porte en pénitence la chape de celui qui a transigé avec le FN aux élections régionales de 1998.

« Notre démarche est assez simple. Nous aimons notre région, et nous voulons être utile en apportant nos idées et notre expérience », explique Denys Aguettant, délégué général du think-tank « Passionnément Rhône-Alpes. » Parmi les administrateurs de l’entité, le secrétaire général Olivier de Seyssel n’est pas un impétrant. L’homme avait remplacé Étienne Blanc, alors fraichement élu député, au Conseil régional de Rhône-Alpes en 2002. Le président de la Mutualité sociale agricole de l’Ain est aujourd’hui son suppléant sur la 3e circonscription du département.

Les anciens soutiens de Charles Millon se mettent-ils en ordre de bataille pour préparer le retour de celui qui avait du abandonner la présidence de la Région en janvier 1999, voyant son élection invalidée devant le Conseil d’État en décembre 1998 suite à un recours d’Étienne Tête ? « Attention, il ne faut pas confondre les étapes, nous sommes aujourd’hui au stade de la réflexion », recadre Denys Aguettant, qui ne veut pas pour l’instant faire du projet « Passionnément Rhône-Alpes » un tremplin politicien mais un laboratoire d’idées.

La mise en place opérationnelle est assez simple. Trois groupes thématiques type « commissions » ont été mis en place. Le premier gravite autour des questions économiques, de l’entreprise, de l’emploi et de la formation. Le second sur l’aménagement et le développement des territoires. Le troisième sur l’acte III de la décentralisation. Un groupe de travail plus spécifique a également été constitué autour du rayonnement européen et international de Rhône-Alpes. Ouvert à tous, le think-tank refuse toutefois l’adhésion aux membres du FN.

Broliquier Millon

La Région plutôt que la Métropole

« On pense à tort que l’acte III de la décentralisation concerne uniquement les métropoles, mais c’est faux, il redessine également les compétences propres à chaque entité administrative, les Régions en particulier », rappelle Denys Aguettant. Avec comme point saillant la gestion directe par les Régions de feu les Fonds structurels européens (FSE, FEDER et Fonds de Cohésion), dorénavant dénommés Fonds du cadre stratégique commun, et qui s’élèvent à 1,2 milliards d’euros pour Rhône-Alpes sur la période 2014-2020. Mais également l’ensemble des attributions qui sont encore celles de l’État en matière de formation professionnelle, d’orientation et de mise en cohérence des politiques d’accompagnement vers l’emploi au niveau territorial.

C’est donc sur cet outil d’administration qu’ils veulent s’appuyer pour développer leur réflexion. Subséquemment, les membres du think-tank ne sont pas de grands fans de l’Euro-métropole sauce CollombMercier. « J’ai parfois l’impression qu’on revient à la méthode politique du XIXe siècle », tacle Denys Aguettant. L’homme oppose aux accords de couloir la voie de la concertation. Et prend l’exemple de la future Collectivité Territoriale d’Alsace qui fusionnera via une structure unique les départements du Bas-Rhin (67) et du Haut-Rhin (68) avec la Région. Les résidents de ces territoires seront invités à valider cette démarche via un grand référendum le 7 avril prochain.

Millon, « le meilleur »

Si les thuriféraires discrets de Millon constituent la partie émergée de l’iceberg « Passionnément Rhône-Alpes », le think-tank a des origines encore plus larges. S’ils n’apparaissent pas comme membres du bureau, « Passionnément Rhône-Alpes » a des fondateurs notoires à Lyon. Parmi eux, Denis Broliquier, Jean-Jacques David ou encore le directeur de cabinet du maire du 6e arrondissement Cyrille Bouvat. Ce conseil d’orientation, élargi à « un certain nombre de parlementaires et d’universitaires » selon Denys Aguettant, n’a pas de pouvoir de décision. Il revient uniquement au conseil d’administration présidé par le notaire Pierre Bazaille, mais vient appuyer une réflexion plus générale.

Joint par Lyon People, le maire du 2e arrondissement prévient ceux qui seraient tentés de voir dans « Passionnément Rhône-Alpes » un outil pour le retour de Millon. « Attention, notre démarche n’est pas politicienne et nous ne sommes pas un fan club de Charles Millon. Mais il est vrai que le think-tank réunit des personnes qui ont été ou sont encore sensibles à l’idée régionale portée par Millon. » Et Broliquier d’ajouter au regard du calendrier électoral et des régionales repoussées à 2015 : « Millon aura alors 70 ans et s’il n’existe pas d’âge limite pour faire de la politique, je ne suis pas sûr que l’on puisse être et avoir été. »

Le son de cloche est différent du côté de Denys Aguettant. « J’ai cru comprendre qu’il pourrait être intéressé par notre démarche. Millon n’a pas perdu la flamme, bien au contraire. C’est le meilleur. » Denys Aguettant souhaite d’ailleurs s’impliquer pour les futures élections régionales où il se verrait bien occuper un mandat unique non renouvelable.

Mais le tempo est pour l’instant au débat d’idée. « Passionnément Rhône-Alpes » présentera et confrontera en mai les contributions des différentes commissions avant l’assemblée générale de juin réunissant l’ensemble de ses membres. C’est en septembre que le think-tank présentera son projet. Quoiqu’on en dise, le timing ressemble furieusement à un calendrier électoral.

Millon sourire

Qu’est devenu Charles Millon ?

Après son élection controversée à la tête de la Région en 1998, Charles Millon est exclu de l’UDF pour avoir transigé avec le Front National.

L’ancien ministre de la Défense (1995-1997) de Jacques Chirac fonde dans la foulée son parti, « La Droite » qui devient en octobre 1999 « La Droite libérale-chrétienne » (DLC). Le parti ne renouvelle pas ses trois députés aux législatives de 2002 et s’ensommeille lorsque le groupe milloniste au Conseil régional, « Oui à Rhône-Alpes » (ORA), fusionne avec le groupe UMP la même année.

Millon tente un retour à l’occasion des municipales de 2001 à Lyon , où il présente une liste DLC autonome. Il obtiendra plus de 25% des voix mais n’arrivera pas à s’entendre avec Michel Mercier puis Jean-Michel Dubernard, tour à tour tête de liste de l’union RPR-UDF. Une discorde qui portera le socialiste Gérard Collomb à l’Hôtel de Ville.

Charles Millon présidera jusqu’en 2008 les groupes « Unir pour Lyon » à la Ville et  « Unir pour la Communauté » au Grand Lyon.

En septembre 2003, il est nommé ambassadeur auprès de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Un poste qu’il occupe à Rome jusqu’au 31 août 2007. Lyon People l’avait retrouvé dans son exil .

Millon rejoint en septembre 2007 le conseil d’administration de l’institut Thomas More, un think-tank européen qui défend les « valeurs […] de notre culture occidentale […] inscrites dans l’histoire et dans la culture de l’Occident où plongent nos racines. »

L’ancien maire de Belley tente d’arracher un siège aux élections sénatoriales de l’Ain en 2008, mais voit ses ambitions réduites à peau de chagrin après que la droite décide de maintenir quatre candidats au second tour du scrutin pour lui barrer la route.

Charles Millon crée en mars 2003 la société Intelstrat basée à Paris. Une structure de conseil en affaires et en gestion, principalement tournée vers l’Afrique et dont la gérance est assurée par Christiane de Livonnière, son ancienne directrice de cabinet. En 2011, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 549 500 euros pour un résultat net de 50 500 euros.