Revue politique Charles numéro 17 du 5 avril 2016

Propos recueillis par Arnaud Viviant
Portraits Nadège Abadie

RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX
Interview d’un Charles
Tu parles…

Charles MILLON
Charles Millon est ordolibéral, personnaliste, mutualiste, fédéraliste et chrétien. Il se réfère aussi bien à Péguy qu’à Proudhon. En 1998, l’ancien ministre de la Défense provoque un schisme en se faisant élire à la présidence du conseil régional de Rhône-Alpes avec le soutien du Front national. Il va alors éprouver la violence en politique, comme il le raconte sans fard dans cet entretien Charles.

C’est amusant, vous avez été ministre de la Défense alors que vous avez été exempté du service militaire.

En effet. Mais je ne suis pas sûr d’être le seul ministre de la Défense dans ce cas. J’ai été exempté car je fais partie d’une classe d’âge, 1945, où il y avait trop d’appelés à cause du boom de natalité. Je voulais faire la coopération, mais on a pris le prétexte d’une infection bénigne pour m’écarter.

Comment êtes-vous devenu ministre de la Défense.
Etiez-vous spécialiste de ces questions ?

Vous savez, un homme politique n’est pas un spécialiste. Il a une vision du monde, une vision de la France. J’ai été élu pour la première fois en 1978. Le dossier de la défense fait partie de ceux que tout parlementaire travaille de façon particulière. Quand Jacques Chirac m’a proposé le ministère de la Défense, qu’il voulait que je prenne compte tenu des réformes qu’il désirait engager et de la confiance qu’il plaçait en moi, ce qui me flattait bien sûr, j’ai accepté. Ce ministère était à un tournant, puisqu’il s’agissait de mettre en place la suspension du service national et l’armée professionnelle. Il y avait besoin en outre d’engager la restructuration territoriale, si bien qu’il m’a fallu discuter de la fermeture de casernes avec un certain nombre de maires. Ce fut aussi le moment de la guerre en Bosnie, avec l’implication de la Force de Réaction Rapide de la France. Mais aussi les derniers essais nucléaires qui ont abouti à la construction du simulateur qui se trouve à côté de Bordeaux et qui permet à la France de garder son indépendance en matière de défense. Bref, un certain nombre de dossiers extrêmement intéressants pour un homme politique, et qui font que j’ai vécu là un moment extraordinaire de ma vie.

Comment s’est passée cette fin du service militaire ? Comme une lettre à la poste ?
Il faut savoir qu’à l’époque, sur une classe d’appelés, 15% étaient exemptés parce qu’ils ne maîtrisaient pas le français, n’étaient pas intégrés et se trouvaient tout en bas de l’échelle sociale. Puis vous aviez 15% de planqués, pour dire les choses comme elles étaient.
Les 70% restants avaient ce qu’on appelait une affectation rapprochée. Vous aviez donc une armée qui n’arrivait pas à être professionnelle puisque ses crédits étaient affectés à la gestion de ces appelés, lesquels ne vivaient pas la vie militaire comme dans d’autres périodes de l’histoire de France. Beaucoup d’officiers, de militaires de carrière souhaitaient une vraie réforme. Auraient-ils aimé qu’on maintienne un service militaire minimal ? Certains oui. Mais il n’y a pas eu un très long débat. Personnellement, quand j’ai pris mes fonctions comme ministre, j’étais favorable au maintien de la conscription. C’est après avoir étudié le dossier avec un certain nombre d’officiers et de spécialistes qu’on a décidé de suspendre le service militaire. Car je vous rappelle qu’il n’est pas abrogé, mais seulement suspendu. On se rend compte aujourd’hui que notre choix était judicieux, car on s’aperçoit que l’armée française ne pourrait pas effectuer des interventions telles qu’au Mali, en Centrafrique ou au Tchad aujourd’hui si elle supportait encore le poids des appelés.

Ce n’est pas très noble mais je me rappelle avoir voté pour Mitterrand en 1981 parce qu’il promettait de mettre fin au service militaire que je n’avais, à dire vrai, pas le cœur de faire.
En revanche, je n’ai pas souvenir que Chirac en ait, de son coté, fait une promesse de campagne.

Effectivement, il souhaitait le faire mais il n’en a pas fait un thème de campagne. En revanche, quand il m’a appelé, il m’a dit : »Il faudra que tu étudies ce dossier-là ». Comme je vous l’ai dit, je n’y étais pas favorable, mais je me suis incliné devant la réalité.

Revenons en arrière. Jeune, vous aviez créé le Cercle Charles Péguy. Qu’étais-ce ?

C’est quelque chose que nous avons créé en 1965, à Lyon, pour permettre à des jeunes s’acquérir une formation politique. On invitait des conférenciers, que ce soit des spécialistes du droit, de la politique, de la géopolitique, des intellectuels, des écrivains.
On proposait à peu près deux conférences par semaine. Cela s’adressait à des personnes qui faisaient partie de ce qu’on appelle traditionnellement la droite. C’était très large. On organisait des universités, même si on ne les appelait pas comme ça à l’époque. On étudiait des sujets comme : « Quelle économie pour la France » ou « Faut-il développer la construction européenne ? » Cela allait assez loin puisqu’à une époque où l’écologie n’était pas à la mode, je me souviens d’avoir écouté un homme qui m’a beaucoup marqué, le philosophe Gustave Thibon.
Il était venu nous expliquer qu’il fallait respecter la nature. C’est le premier écologiste que j’ai connu.

Mais pourquoi l’avoir appelé le Cercle Charles Péguy ?
C’est d’abord un écrivain extraordinaire. Mais une personne qui était aussi très attachée, au sens noble du terme, à la France. C’était un patriote, quelqu’un d’enraciné, historiquement et géographiquement. C’est un homme qui a chanté la cathédrale de Chartes, notre histoire de France à travers Jeanne d’Arc. Pour nous, il était l’auteur qui incarnait le mieux notre pays. C’est vrai qu’il a eu des tendances, et même plus que ça, des options socialistes du point de vue économique. Mais je vais vous dire : un homme comme Proudhon est aussi un des auteurs que j’affectionne. Car Proudhon est fédéraliste. Car est pour que la personne humaine retrouve sa place dans la société. Il a été classé à gauche parce qu’il était pour la coopération et la mutualité. Mais vous savez, la gauche et la droite, à travers l’histoire, elles changent, hein !

Est-ce qu’à ce moment-là, vous envisagiez déjà une carrière politique ?
Oui. Dès l’âge de 15, j’ai eu envie d’action politique, de réformer mon pays, de vivre les évènements.

Vos parents faisaient de la politique ?
Mon père était un industriel. Il était certes adjoint de sa mairie, mais non, il ne faisait pas de politique.

Et c’est dans ce cercle Péguy que vous rencontrez votre femme…
Oui, en 1968. A ce moment-là, nous fondons le MADEL, le Mouvement autonome des étudiants de Lyon. Ma future femme y était, moi aussi. On était favorables à l’instauration d’universités autonomes, face au mammouth de l’Education nationale. On était donc des précurseurs…

Oui, c’est ce que Sarkozy a fait !
Je dirais plutôt : c’est ce qu’il a essayé d’entreprendre, parce que ce n’est pas fini, il reste beaucoup à faire !
Donc, on était très, très en avance. Pendant Mai 68, il y avait, d’un côté, les conservateurs qui sont allés défiler sur les Champs-Elysées et, de l’autre, ce qu’on appelait à l’époque les gauchistes, Cohn-Bendit et consorts. Mais nous, nous n’étions ni d’un côté ni de l’autre. Nous étions déjà, tout comme nous le sommes aujourd’hui, personnalistes, fédéralistes, pour une autonomie et une évolution des structures sociales telles qu’elles existaient à l’époque.

Vous n’étiez pas donc comme ceux qui allaient devenir plus tard vos amis- je pense par exemple à Alain Madelin qui, vers 68, faisait partie du groupuscule d’extrême droite Occident-, dans la bagarre ?
Jeune, j’étais favorable à l’Algérie française mais je n’étais pas dans des mouvements, comment dirais-je, de droite déclarée. J’étais au cercle Charles Péguy et au MADEL. Ensuite quand je suis entré dans la vie politique, je suis allé au CNPI, le Centre des national des indépendants et paysans, dont Antoine Pinay était l’ancêtre. Ensuite, je suis devenu républicain indépendant. En 1978, nous formons l’UDF avec les radicaux et le CDS. Je faisais partie de ce courant et j’y assumé des responsabilités, puisque j’ai été président du groupe UDF durant six ans à l’Assemblée nationale. Je faisais partie des libéraux sociaux si je puis utiliser cette expression. Historiquement, je ne fais pas partie de la tradition gaulliste.

Centriste, ça vous va ?
Non, je fais partie de la droite libérale et sociale.

Giscardien ?
Ah oui. J’étais dans ses comités de soutien en 1981, ce qui n’a pas donné le résultat attendu, mais bon. Ce fut ensuite la traversée du désert. Puis j’ai créé Le Cercle avec des RPR, Philippe Seguin et Michel Noir, et des UDF comme François Daubert. Après quoi, je me suis beaucoup engagé avec le Parti républicain. Puis en 1989, j’ai créé les Rénovateurs, avec des RPR et des CDS. On a tout fait pour rénover le paysage politique, on eu du mal. Puis en 1995, puisque l’UDF n’était pas présente à cette à cette élection présidentielle et qu’on avait le choix entre deux RPR, j’ai choisi Jacques Chirac.

Pourquoi ?

Parce que Jacques Chirac défendait une politique de rupture et que je pensais qu’elle était ce qu’il fallait pour la France. Les réformes ne suffisaient plus. Il fallait lutter contre la fracture sociale, ce qui était le thème de la campagne de Jacques Chirac. On n’a pas réussi puisqu’il y a eu la dissolution et qu’on a perdu les élections. Mais je pense que c’était un peu prémonitoire par rapport à la situation actuelle. On se rend bien compte qu’il faut faire des réformes fondamentales dans les domaines de l’éducation, de la fiscalité, de la réforme du territoire.
Aujourd’hui, on ne peut envisager simplement de mener une politique de gestion. C’est une politique de rupture qu’il faut faire.

Quand en 1995, vous soutenez Chirac, Giscard était d’accord ?
J’étais très proche de Giscard à cette époque et j’ai fait ce choix avec lui. Et je vous rappelle que Giscard a soutenu Chirac dès le premier tour.

Quels étaient vos rapports avec Alain Juppé lorsque vous étiez ministre de la Défense et lui Premier ministre ?

Oh, j’étais très proche de Chirac parce qu’un ministre de la Défense dépend plus du président de la république que du Premier ministre.

Et aujourd’hui, vous avez de bons rapports avec Alain Juppé ?
Vous savez, je suis plutôt d’un caractère cordial. Je le revois très peu puisque nos itinéraires se sont séparés à un moment donné. Mais quand je le vois, on a les meilleurs rapports du monde …

Souhaiteriez-vous qu’il gagne la primaire ?
Pour le moment, je regarde. Je suis observateur de la vie politique. Je pense juste qu’avant de parler de primaire et de candidature, il faudrait parler de programme.

Vous parliez de fédéralisme tout à l’heure. Pourtant, à cette époque, on était à droite, plus étatiste que fédéraliste.
Je n’ai jamais été étatiste. J’ai toujours voulu que l’état crée des conditions favorables, mais ne prenne pas toutes les décisions. On faisait partie de ce courant des ordolibéraux qui s’est exprimé après la guerre avec le miracle allemand, à travers des gens comme Adenauer ou Schuman. Ce mouvement faisait confiance aux gens. L’État n’est pas là pour tout faire. Il est là pour faire faire.

Vous étiez très minoritaires en ce temps-là ?

Oui, très doucement nous sommes devenus de moins en moins, et je pense que maintenant, on est devenus quasiment majoritaires.

Vous êtes pour un Europe fédéraliste, donc ?
Je suis pour la vraie Europe Fédérale. Parce que très souvent on présente l’Europe fédérale comme une Europe centralisatrice alors qu’elle est l’inverse. Je suis pour une Europe qui ne prenne que des compétences essentielles. Je pense qu’une Europe à 28, ce n’est pas possible, il nous faut une Europe qu’avec quelques pays. En ce cas, il faudrait que l’Europe dispose des compétences essentielles, et laisse aux nations, aux régions, aux régions, aux communes, la plupart des compétences.
Tout ce qui peut être fait au plus proche de la personne doit l’être. Le principe qui est à la base de même de toute vie politique, c’est celui de la subsidiarité.
Autrement dit : tout ce qui peut être fait dans la commune doit rester au niveau de la commune. Tout ce qui peut être fait dans la région doit rester à l’échelle de la région. Et tout ce qui peut être fait dans la nation doit rester de la compétence de la nation. Au niveau européen, on ne peut pas centraliser comme on le fait malheureusement aujourd’hui. Ceci crée ce problème entre l’Europe et les nations.

On en arrive aux élections régionales de 1998 où vous faites alliance avec le Front national.
Je n’ai jamais fait alliance avec le FN. Il y a un parti qui s’appelle le Front national, qui est reconnu par la République puisqu’il peut présenter des candidats. Ceux-ci siègent dans une assemblée et décident de vous soutenir. Selon une jurisprudence inventée par la gauche, on n’aurait pas le droit d’accepter leurs voix. Mais qu’est ce ça veut dire ?!

Mais en 1992, vous disiez le contraire.

Non. J’ai dit que je n’étais pas favorable à une alliance avec le Front national. Mais encore une fois en 1998, je ne fais pas alliance. J’accepte le soutien de conseillers régionaux qui ont été élus en toute régularité. Si je n’ai pas voulu céder, c’est que je considérais qu’il s’agissait d’une atteinte à la démocratie. Ma position est la suivante : soit on considère que le Front nationale est un parti anormal et dans ce cas il faut l’interdire. Soit on considère qu’il est normal et, dans ce cas je vois pas, toujours pas pourquoi il n’aurait pas le droit de faire des alliances ici ou là. Il faudra me l’expliquer.

Est-ce que cette histoire vous a blessé ?
Bien sûr ! Si je disais le contraire, je ne serais pas normal. Voir des amis de toujours me tourner le dos parce qu’ils avaient peur qu’on les accuse… Ça vous fait mal. Mes enfants, on ne les saluait plus à cause de ça, et moi, on me jetait des pierres quand je sortais ! J’ai connu la violence en politique. Les gens ont oublié, mais le Maire de Briançon s’est fait casser la jambe à coup de barre de fer parce qu’il me soutenait.

Vous venez de fonder un think tank avec Charles Beigbeder. De quoi s’agit-il exactement ?

Avec la manif pour tous, on a vu des centaines de milliers de personnes s’éveiller à la politique. Un certain nombre de cercles comme les Veilleurs, rassemblant une nouvelle génération se sont créés. Certains d’entre eux ont souhaité réfléchir à la politique et même aller un peu plus loin.
C’est ce qui nous a amenés à fonder l’avant-garde, un réseau participatif où l’on travaille sur les lois qu’on aimerait voir mise en œuvre par le futur président de la République.
On va essayer de réunir assez de monde pour que le futur candidat retienne nos propositions.
Au fond, ce réseau ressemble au cercle Péguy dont nous parlions au début de notre conversation. Il s’inscrit dans sa continuité.

Le mariage homosexuel a été une blessure pour vous ?
Une blessure, non. Mais je pense que c’est une faute. Le mariage, c’est entre un homme et une femme, pour avoir des enfants. Sinon, il faut appeler ça « convention », pas mariage. Sauf si on veut fabriquer artificiellement des enfants. Mais là, c’est Prométhée ! Et l’homme devient fou.

Pour finir, que pensez-vous du pape François ?

Ah, il secoue bien ! Il pose le problème de la charité, le problème de la miséricorde.
On peut pécher mais on peut être pardonné. Tout n’est pas loi et règlement. Jean Paul II était un grand pape, mais un pape pastoral. Ensuite, Benoit XVI a remis d’équerre un certain nombre de points de doctrine, ce qu’il fallait absolument faire. Une fois son œuvre accomplie, il a démissionné pour laisser sa place à un pape charismatique. François restera dans l’histoire comme le pape de la miséricorde qui est la principale dimension de la religion chrétienne. On fait des fautes. Il faut nous pardonner.



Le piège de la Turquie par Charles Millon

Une nouvelle fois, l’Europe se sera couchée devant les menaces de l’un de ses voisins.

En l’occurrence il s’agit de la Turquie de M. Erdogan, personnage arrogant, si prêt à tout qu’il n’a pas hésité, on s’en souvient, à abattre un avion russe il y a quelques mois, prenant le risque d’une escalade militaire extrêmement dangereuse.

Dans le petit jeu des hommes forts face aux démocraties paralysées, le président turc ne le cède en rien au président russe : qui en Ukraine et en Géorgie, qui à Chypre et en Syrie, les deux chefs d’Etat ont les mêmes ambitions impérialistes.

Mais aujourd’hui, à la faveur de la crise des migrants, c’est Erdogan qui nous dame le pion.

Dans l’accord conclu le 18 mars avec l’Union Européenne, accord négocié par Angela Merkel qui se comporte comme la véritable présidente de l’Europe, la France étant portée disparue, le président turc ne lâche rien et obtient tout.

Dans l’ordre : 6 milliards d’euros sur deux ans ; la « réinstallation » de 72 000 réfugiés syriens sur le sol européen ; l’exemption, à court terme, de visa pour les Turcs voyageant en Europe ; enfin, l’ouverture de nouveaux chapitres d’adhésion à l’UE.

En échange, la Turquie n’accomplira que son devoir de base : empêcher les migrants de se rendre illégalement en Grèce par la mer Egée. En gros, ce que fait la France à Calais.

Ce fut en vérité un sommet de la honte, qui est venu annihiler toutes les belles paroles précédentes de l’Europe donneuse de leçons.

Car si l’on retourne un peu en arrière, au moment des « printemps arabes », l’Europe a commencé par annoncer qu’elle allait débarrasser le monde des dictateurs, en faisant tomber Kadhafi, en prenant le parti de la rébellion contre Assad.

Puis, devant la déferlante de réfugiés, demandeurs d’asile ou migrants, elle a clamé qu’elle les recevrait tous.

Ensuite, elle a proposé de mettre au piquet tous les gouvernements rétifs  qui comme ceux de Hongrie ou de Pologne refusaient d’appliquer les quotas de répartition des migrants élaborés par l’Allemagne et imposés par l’Europe.

Et maintenant, dans une palinodie digne de Daladier, elle sacrifie toutes ses valeurs sur l’autel d’une politique de dernier recours, sous-traitant à des pays comme la Turquie la gestion des réfugiés.

Des pays qui non seulement ne respectent pas les droits de l’homme mais encore nous font payer très cher leur collaboration.

L’Union Européenne, en marchandant avec la Turquie afin d’endiguer le flot des réfugiés, laisse Erdogan piétiner les droits de l’Homme, le respect des minorités et la liberté d’informer.

Pire, l’Union Européenne envoie un message de « désespoir » à ces populations qui fuient la guerre, les massacres et l’absence d’avenir pour leurs enfants.

A réfléchir à très court-terme, pour vouloir la paix et une bonne conscience, nous avons récolté la guerre et le déshonneur.

Charles Millon

Ancien ministre de la défense

Président de l’Avant-Garde




Charles Millon: « les partis ·politiques sont maintenant des ·machines électorales »

VA-Dg (2)
Par Nicolas Bernard et Jean-Marc Perrat
Cette semaine, nous inaugurons une nouvelle rubrique politique.
« Que sont-ils devenus ? » a pour ambition de retrouver ceux et celles qui ont fait l’actualité politique de ce Département, puis qui se sont éclipsé des lumières du devant de la scène. Retraite, reconversion, action de l’ombre… Nous inaugurons ce rendez-vous avec Charles Million, ancien ministre-de la Défense, ancien député-maire de Belley, ancien président du Conseil régional…
Charles Million, vous vous faites discret sur la scène politico-médiatique depuis un certain temps maintenant. Notre première question se fait donc l’écho d’une interrogation commune : que devenez-vous ?
Je continue à participer à la vie politique, mais d’une autre manière. ]’ai lancé en 2004, avec un certain nombre d’acteurs belges et français, l’institut Thomas­ More, pour réfléchir aux grands défis de notre temps : la construction européenne, la montée de l’islamisme radical, la faim dans le monde, en Afrique …Suite à mon poste d’ambassadeur auprès de la FAO, je me suis investi en Afrique et j’y vais régulièrement pour participer à des problèmes développement et de sécurité. Enfin, je continue à réfléchir à la relève politique et c’est dans cet esprit que j’ai lancé un réseau participatif qui s’appelle l’avant-garde. Ce réseau permet de réunir sur la toile un certain nombre de gens qui partagent des convictions, personnalistes, ordo-libérales, anticonformistes… Et on essaie de réunir toutes ces personnes pour réfléchir à la réponse à donner aux défis de notre temps et d’influencer ‘les femmes et les hommes politiques pour qu’ils disent ce qu’ils ont promis qu’ils fassent ce qu’ils ont dit
Dimanche, Jean Louis Debré, l’ex-président du conseil constitutionnel qui a retrouvé sa liberté de parole a dit : « Quand je vois ces émissions politiques, je n’ai plus l’impression d’entendre les politiques, ce n’est plus mon monde ». Vous… Vous le trouvez comment le monde politique français d’aujourd’hui ?
C’est un monde qui vit dans l’éphémère et dans l’immédiat. Il ne répond plus aux problèmes graves de l’époque. Que ce soit en France ou dans le Monde. En France, c’est par exemple la question de l’islamisme radical qui a été ignorée parce qu’on n’a pas voulu aborder le problème au fond depuis des années. Les hommes politiques sont très fautifs. Les questions de migrations n’ont par exemple pas été anticipées. Je connais le problème, parce qu’en 1970, avec Pierre Cormorèche et Michel Paramelle, nous avions lancé l’association ALATFA qui est devenu ALPHA 3 A en 2003. On avait commencé à mettre en œuvre, des foyers, des centres d’études, des colonies… Des outils d’action sociale et éducative pour permettre cette assimilation des gens qui venaient de l’extérieur.
Avec l’Avant-garde, vous avez planché sur la question de la famille. De l’immigration peut être aussi… C’est aujourd’hui un défi qui est lancé aux peuples européens. En 2016, des murs se sont construits, des frontières ont été réactivées. Est-ce la fin de Schengen ?
C’est une évidence. Schengen est mort ! Il va falloir réfléchir à une autre construction de l’Europe. Je pense que l’élargissement de l’Europe a été le début de la mort de l’Europe. On a oublié l’approfondissement en Europe. Et c’est grave, car on est en train de désespérer la jeunesse. Il va falloir que les hommes politiques se reprennent et retrouvent les raisons de l’engagement politique. On ne s’engage pas en politique pour vivre un mandat.
En ce début de semaine, il y avait le sommet Europe-Turquie. La-question de la Turquie est aujourd’hui centrale. Doit-on reprendre le dialogue avec la Turquie et entretenir la promesse d’Europe qui leur a été faite ?
Pour dialoguer avec quelqu’un, il faut­ d’abord savoir qui on est. Je suis par exemple partisan de l’inscription des racines judéo chrétiennes de l’Europe dans la constitution européenne. Et même française… Pas pour entretenir une querelle idéologique, mais simplement pour rappeler qui on est !
Je veux bien négocier avec la Turquie mais sur ces bases.
On a parlé de l’avant-garde comme un réseau participatif, mais n’est-ce pas un outil de reconquête politique ?
Oui, au niveau des convictions et des idées. Dans ce réseau, il y a des gens qui viennent de courants très différents : des chrétiens-démocrates, des conservateurs, la droite libérale, des anciens indépendants et paysans, des membres des anciennes UMP, UDF… Le constat que nous faisons, c’est que les partis poli­tiques sont devenus des machines électorales. Leur objectif est de faire élire des personnes. Donc, on parle de moins en moins d’idées et de plus en plus de tactiques. Je suis effaré quand je vois la bataille des primaires à droite. On ne parle plus des problèmes de fond, on cherche comment se placer devant. De fait, on réagit sur l’immédiat. C’est la politique de l’émotion. Il n’y a plus de débats sur les projets de société. Je suis très inquiet de cette dérive de la démocratie française.
En politique on parle de moins en moins d’idées et de plus en plus de tactiques. Face à ce constat, on a souhaité faire un réseau participatif. Et grâce au web, les gens vont pouvoir discuter et se dire ce qu’ils voudraient pour ce pays.
Vous évoquez les primaires à droite, est-ce que vous irez voter ?
Oui, j’irai probablement…
Vous avez choisi ?
Chacun connait ma proximité avec Hervé Mariton (député de la Drôme) C’est quelqu’un avec qui j’ai siégé à l’Assemblée Régionales et qui a été un de mes vice-présidents à la Région. Mais ce sera un geste d’affirmation de conviction car je crois que ces primaires remettent en cause l’élection au suffrage universel direct du président. Je n’ai jamais été favorable à l’élection au suffrage universel direct du président. Je l’avais dit il y a 20 ans, dans l’émission « l’heure de vérité ». Je crois que c’est une dérive de la Ve République. Je souhaite que l’on revienne à un réel équilibre des pouvoirs et je suis favorable à un régime parlementaire. D’ailleurs, de tous les grands pays démocratiques évolués, la France est le seul à avoir ce régime.
Quand vous voyez ce qui se passe aujourd’hui avec -le Front national et notamment lors des dernières élections régionales, est-ce que vous ne pensez pas, avec le recul, qu’en 1998, vous aviez eu raison trop tôt ?
Non, je ne dirai pas ça. Mais, la situation n’a pas changé. Lors des dernières élections régionales, il y a quand même eu des manœuvres politiques qui peuvent étonner tout le monde. Soit le FN est infréquentable et dans ce cas-là, il faut l’interdire. Soit c’est un parti Républicain et alors, on crée les conditions favorables, comme en Italie, en Autriche, dans les pays Nordiques, pour qu’une coopération politique ait lieu. Et s’ils sont vrai­ ment extrémistes, la réalité les pliera. Mais enfermer près du tiers des électeurs dans un ghetto, cela ne me semble pas être les signes d’une démocratie en forme.
En 1998, vous avez été forcé de quitter la présidence de la Région. Pourtant Blanc dans le Midi, Soisson en Bourgogne sont restés président. Pourquoi ?
Il y a eu une cabale… Je regrette presque qu’on ait pas filmé ce moment, car les gens n’ont pas idée de ce qui s’est passé à ce moment-là !
Laurent Wauquiez, le nouveau président de la Région a fait campagne avec un discours que l’on a qualifié de « très à droite ». C’était selon vous le bon positionnement politique ?
Je l’avais vu avant les élections et je lui avais conseillé de faire une campagne sur des thèmes régionaux. Je pense que l ‘on peut faire une campagne nationale et internationale sur des thèmes régionaux. Par exemple, l’écologie. Une Région a un rôle essentiel dans ce domaine. Elle peut prendre des décisions qui peuvent modifier les choses. On l’a fait à une époque avec le canal du Rhône. Ce que j’ai regretté dans ces élections, c’est qu’on a finalement beaucoup parlé de politique nationale et très peu de régionale.
Au nom de la loi sur le cumul des mandats, Étienne Blanc devra choisir entre son mandat de député et de maire. Cette réflexion réveille des vocations, notamment celle d’Olivier de Seyssel, candidat déclaré à la députation. Est-ce que vous le soutenez dans sa démarche ?
Olivier fait partie de l’élite politique, économique et sociale de l’Ain et de la Région il commence à avoir une envergure nationale il est à la tête de la Mutualité sociale agricole. Il s’est toujours intéressé à la politique nationale et régionale. C’est avec lui que j’ai créé Bugey, perspective et rayonnement pour pouvoir reconquérir les cantons du Bugey et la ville de Belley. Je crois qu’il a toutes les qualités pour siéger à l’Assemblée nationale.
Et vous, est-ce que vous avez encore des envies ?
Lorsque l’on a atteint un certain âge, on essaie d’aider les autres plutôt que de se mettre devant. Je suis prêt à continuer à participer à la vie politique locale, régionale et nationale pour aider la nouvelle génération à arriver aux affaires. C’est la raison pour laquelle j’ai aidé Christian Jimenez et toute l’équipe à arriver aux affaires à Belley, les jeunes à arriver au Département.
Vous êtes toujours Barriste ?
Pour ce qui est de la conception d’une politique enracinée, oui. Pour ce qui est de l’analyse constitutionnelle, je ne le suis plus.
Vous avez été conseiller général. Que pensez-vous de la politique que mène aujourd’hui le jeune président du Conseil départemental, Damien Abad ?
Il faut qu’il y ait des garçons comme lui qui remettent en cause les choses. Parfois, il le fera avec un peu trop de brutalité. Parfois, il se trompera. Mais la politique, ça ne peut pas être que la gestion au fil de l’eau de la collectivité. On l’a trop fait !
Ferait-il un bon ministre … On parle beaucoup de lui en 2017?
Oui. Dans la vie politique, il ne faut pas trop se précipiter. Vous êtes meilleur si vous avez acquis une certaine expérience. Donc si j’avais un conseil, ce serait de lui dire: Prépare-toi à être ministre et acquiers de l’expérience à la tête du Département. Le Département est une excellente école.
Voix de l’Ain Vendredi 11 mars 2016



Video : Le clivage droite-gauche est-il toujours opérant ?

Le clivage droite-gauche est-il toujours opérant ?

– Charles Millon ( Ancien ministre de la défense, ancien président de la région Rhône-Alpes et président de l’Avant-Garde )
– Karim Ouchikh (Président du SIEL)
– Jean-Frédéric Poisson (Député des Yvelines et président du PCD) – Xavier Lemoine (Maire de Montfermeil)
– Guillaume de Prémare (Délégué général d’ICHTUS)

Les conférences de l’Avant Garde
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=ewCHr9lfnCM]




Mes vœux pour 2016

La nation française est fragilisée par la déchirure de son tissu social et la paix sociale est menacée. On le constate dans nos banlieues, avec la confrontation sourde entre natifs et migrants, avec le chômage endémique qui provoque de plus en plus de marginaux, avec des tensions raciales et religieuses qui malheureusement surgissent ici et là.

C’est pourquoi nous appelons de nos vœux l’affirmation d’une vraie politique familiale, car nous savons que la famille est le premier lieu d’éducation et le dernier lieu de solidarité.

C’est pourquoi nous souhaitons que la loi garantisse la pérennité des « communes », qui sont  les collectivités où se tisse le lien social, où des milliers de conseillers municipaux « bénévoles » se dévouent pour le bien commun. Ce qui explique que nous sommes opposés à ces fusions et concentrations que le législateur tente d’imposer pour des raisons « techniques » qui ignorent totalement la dimension humaine de ces communautés.

C’est pourquoi nous espérons qu’enfin soit mise en œuvre une politique offrant à chacun un vrai parcours éducatif, que soit valorisés l’apprentissage et l’alternance, que surtout soit respecté de manière scrupuleuse le libre choix des parents pour l’éducation de leurs enfants. Même sans évoquer le point de vue moral, d’un simple point de vue pragmatique, une éducation réussie c’est un chômeur de moins.

C’est pourquoi nous demandons une révision de notre fiscalité : qu’elle privilégie l’investissement, qu’elle facilité l’entreprenariat, qu’elle garantisse la pérennité du patrimoine familial. Le chômage reculera essentiellement par la création et le développement d’entreprises familiales, à l’instar de ce qui se passe en Allemagne et en Italie.

La France est confrontée à une nouvelle idéologie totalitaire : « l’islamisme radical », qui menace la paix civile tant sur le plan intérieur que sur le plan international. Les tenants de cette idéologie ont déclaré la guerre à la civilisation judéo-chrétienne. Nos gouvernants, pour y faire face, doivent faire preuve de courage et de lucidité.

Cette idéologie se nourrit bien sur d’un chômage endémique, d’une marginalisation sociale qui amène les jeunes à la désespérance. Elle exerce son emprise sur des jeunes français de deuxième et troisième génération qui n’ont pas trouvé leur place dans notre communauté. Elle se nourrit aussi de cette approche matérialiste et consumériste qui est prônée par trop de médias et de supports commerciaux.

C’est pourquoi nous souhaitons que soit privilégiée une politique respectueuse de la « personne », qui garantisse dans le domaine de l’éducation, de la culture, des médias… une vraie pluralité avec des moyens nouveaux tels que le « bon scolaire » et le « chèque culture ».

C’est pourquoi nous appelons de nos vœux une vraie politique favorisant l’éducation populaire, par le soutien donné aux mouvements éducatifs (qu’ils soient sportifs ou éducatifs, laïcs ou religieux). C’est là une condition essentielle de l’assimilation des migrants qui souhaitent devenir français. C’est ainsi qu’ils découvriront la culture qui fonde l’identité de notre pays.

Sur le plan international, bien sur nous saluons l’engagement de nos forces militaires pour combattre cette idéologie, et nous soutiendrons nos gouvernants pour qu’en aucun cas la garde ne soit baissée. Mais nous souhaitons qu’ils soient lucides dans leurs alliances et refusent de cautionner des pays qui tergiversent pour condamner cette nouvelle idéologie.

Depuis des années la démocratie française offre le paysage affligeant d’une classe politique qui se dispute, qui se déchire, qui exclut sans motif, qui condamne sans raison, et ce sans offrir une espérance à sa jeunesse et sans proposer un projet pour notre pays.

Les dirigeants ressassent les mêmes discours, les mêmes constats, les mêmes solutions. Ils se refusent à constater que les Français veulent des gouvernants qui gouvernent et non des techniciens qui administrent. Si on les mobilise, les Français sont capables de porter des vraies réformes et même de vivre des vraies ruptures.

Pour ce faire nous souhaitons qu’émerge une nouvelle élite politique qui soit enracinée et qui soit à même de provoquer l’enthousiasme.

Nous appelons de nos vœux que les responsables politiques, obsédés par l’élection présidentielle, sortent de leurs petits jeux pré-électoraux, qu’ils fassent connaître leurs convictions, et qu’ils témoignent au lieu de discourir.
Notre pays est confronté à des défis qui affectent l’existence même de l’homme. On le constate au travers des débats dits sociétaux. – PMA, GPA, transhumanisme, eugénisme.

Que les hommes politiques soient à la hauteur de ces enjeux, et aient le courage de faire connaître leur engagement dans ce domaine.

Notre pays est confronté à une crise de l’emploi exceptionnelle. Qu’enfin les hommes politiques acceptent de revenir sur des structures dépassées, sur des situations acquises, sur des corporatismes égoïstes, et proposent des solutions innovantes.

Notre pays a à faire face à une querelle idéologique. Que les partis politiques institutionnels prennent conscience qu’en se construisant un ennemi intérieur, en désignant à la vindicte un parti politique qui aujourd’hui obtient entre 30 et 40% des suffrages, ils créent les conditions d’une confrontation civile insupportable dans une démocratie.

Nos gouvernants, au lieu d’exclure et d’excommunier, doivent rechercher les conditions de la paix civile au travers des réformes institutionnelles et du respect des opinions de chacun.

Le printemps de nos consciences a commencé, nous le porterons à l’Avant-Garde.

Très belle année 2016 à vous toutes et vous tous, qu’elle vous soit heureuse et nous permette de nous rassembler tous,

Charles Millon

http://blog.lavant-garde.fr/mes-voeux-pour-2016-charles-millon/




Charles Millon : la guerre se gagnera aussi dans les têtes

Charles Millon : la guerre se gagnera aussi dans les têtes

Soldats patrouillant à Saint-Denis le 18 novembre

FIGAROVOX/TRIBUNE – Au lendemain des attentats de Paris, l’ancien ministre de la Défense appelle à la prise de conscience sur les dangers de l’islam radical et à une guerre réelle menée contre l’Etat islamique.

 

Charles Millon a été ministre de la Défense du gouvernement Alain Juppé, de 1995 à 1997.


En semant la mort dans les rues de Paris, l’Etat islamique a confirmé que la France et – au-delà d’elle, l’Occident – était son ennemi. Tous les Français, le président de la République au premier rang d’entre eux, en ont pris acte. Il était temps car l’ennemi nous avait désignés comme cible depuis longtemps. Dans son esprit, nous représentons cette civilisation repue et matérialiste où se conjoindraient étrangement la perversion post-moderniste et le christianisme.

Pour combattre efficacement cet «islam radical» il faut enfin arrêter de se bander les yeux par mauvaise conscience ou snobisme intellectuel. Il faut prendre la mesure de la nature de l’ennemi et lui déclarer la guerre totale.

L’Etat Islamique contrôle des milliers de km2 en Irak et en Syrie, dispose de ressources propres considérables avec lesquelles il finance ses actions soit de conquêtes au Moyen-Orient soit de terreur en Europe ou dans le monde.

Nous avons affaire à un Etat islamique qui a adopté une démarche idéologique totalitaire, internationale et universaliste comme le communisme qui était, pour le sociologue Jules Monnerot, l’Islam du XXème siècle.

Cet islam radical profane les dogmes religieux en les traduisant en organisation politique, social et militaire. Cet Islam radical génère, nourrit et manifeste des tendances totalitaires qui ont une vocation universaliste et s’appuient sur des fanatiques déterminés à combattre notre civilisation et à imposer leurs «croyances» au monde entier.

Cet islam radical, en semant la terreur, provoque les conditions de véritables guerres civiles où, comme à Paris, vendredi dernier, des Français tirent sur d’autres Français.

Il est important que nos gouvernants aient compris que l’ennemi qui se dénomme aujourd’hui Daech ou l’Etat Islamique, continuera de mener sa guerre qui est «idéologique» demain sous d’autres noms, avec d’autres moyens. Oui, la France doit s’engager résolument dans la guerre totale contre l’islamisme radical.

Cette guerre se déroule sur de multiples terrains:

D’abord au Moyen Orient par le bombardement des places tenues par Daech et ce, avec le soutien au sol des combattants Kurdes, Syriens ou Irakiens, car l’Etat islamique y a installé ses bases arrières pour conquérir le monde.

Aujourd’hui Daech est notre seul adversaire: fini le temps des fignolages, des pas de deux, des tergiversations ou des conditions. C’est pour nous un impératif politique que d’être présent dans la coalition contre Daech, mais il nous revient d’interpeller tous nos alliés ou partenaires – Arabie Saoudite et Quatar entre autres – pour qu’ils s’engagent aussi solennellement , matériellement et financièrement contre Daech.

Il est de notre responsabilité de tout entreprendre aussi pour que l’Etat Islamique soit bloqué dans ses initiatives en Afrique où il profite des désordres instaurés par des interventions irréfléchies (Libye) ou par des réseaux de trafics en tout genre (Sahel).

C’est ensuite la guerre sur notre sol contre les ennemis de l’intérieur, qu’ils soient Français ou étrangers. Il convient de recourir à tous les moyens juridiques que doit conférer l’état de guerre pour les neutraliser. La récente prise de conscience du Président de la République ne peut faire oublier ce discours d’impuissance – sinon de démission – que nos dirigeants ont trop longtemps tenu face à ces expressions multiples du fanatisme islamique. Il convient de rétablir et de renforcer l’exercice de l’autorité par les responsables politiques. Car c’est à ces derniers que revient la responsabilité de fermer les mosquées où cet islam est diffusé, de contrôler le financement des associations cultuelles et culturelles qui se réfèrent à cet islam radical, d’expulser les prêcheurs de haine étrangers, d’incarcérer les Français en intelligence avec l’ennemi qu’est l’Etat islamique.

Enfin, la troisième guerre est certainement la plus importante et donc, probablement la plus difficile. Elle est culturelle, identitaire et idéologique et c’est celle qui permettra de vaincre le djihadisme.

Cette guerre passera par la réaffirmation dans nos discours, dans nos modes d’expression culturelle, dans notre système éducatif de notre attachement à notre civilisation fondée spirituellement et historiquement sur le christianisme.

C’est une nécessité absolue. Nous savons que face à l’islamisme ce ne sont pas le consumérisme, l’hédonisme et le matérialisme qui nous donneront la volonté de combattre et de résister.

Nous savons que face au fanatisme idéologique, le réarmement moral et spirituel s’impose.

Charles Millon



Charles Millon : qui est vraiment Daech ?

FIGAROVOX/TRIBUNE – Au lendemain des attentats de Paris, l’ancien ministre de la Défense Charles Millon pose les enjeux de la lutte contre l’Etat islamique. Quelle est son étendue ? Quels sont ses alliés ? Des questions auxquelles il faudra répondre pour le combattre.

 

Charles Millon a été ministre de la Défense du gouvernement Alain Juppé, de 1995 à 1997.


Il existe aujourd’hui un consensus général et véritable autour de la nécessité pour la communauté internationale d’intervenir en Irak et en Syrie afin de mettre Daech hors d’état de nuire. Il n’était que temps.

Cependant, on ne peut que remarquer que les gouvernants des grandes nations du monde, parties prenantes des coalitions – Etats-Unis, France, Russie, Royaume-Uni – s’interrogent plus sur les modalités, sur la dimension à donner à ces interventions, sur les alliances à nouer ou à respecter, que sur l’objectif même de l’opération et sur la nature de l’ennemi.

Or, de nombreuses questions, dont les réponses devraient être des préalables se posent: s’agit-il d’une reconquête du territoire pris par Daech? Quelle négociation avec tous les groupes qui interviennent en Syrie et en Irak pour envisager à terme l’instauration d’une paix civile? Quelle est la dimension de la coalition? Va-t-elle se constituer sous l’égide de l’ONU? Y aura-t-il un pays coordonnateur de cette coalition? Qui la financera? Qui en assurera le commandement tactique? Est-il envisagé une conférence internationale pour définir les dimensions politique, économique et militaire de cette intervention? Et si oui, quel en sera le pays organisateur? Toutes ces questions sont pour l’heure en suspens, dans ce qui paraît une guerre artisanale, échafaudée au jour le jour, sans pensée stratégique.

Mais, avant même d’envisager cette phase, une autre interrogation, beaucoup plus profonde, se présente: celle de la définition de notre ennemi. Car l’objectif n’est au fond pas territorial, mais idéologique. A-t-on réellement mesuré ce qu’est Daech: un groupe religieux qui porterait des ambitions territoriales (à ce jour près de 300.000Km2 contrôlés en Irak et en Syrie), ou un groupe religieux qui porterait internationalement une idéologie totalitaire? A-t-on de surcroît analysé vraiment les liens que ce groupe a tissé avec d’autres idéologies ou d’autres familles de pensées proches? A ce sujet, il ne serait pas inintéressant de relire les textes de sociologues qui soulignaient dans les années 90 une certaine proximité idéologique entre l’islamisme révolutionnaire et le marxisme ; non plus que de se repencher sur les liens troublants qu’ont entretenus un certain nombre d’islamistes avec l’Allemagne nazie (cf. Jihad et haine des juifs. Mathieu Küntzel Editions du Toucan Septembre 2015).

Dans un cadre plus contemporain, on ne peut oublier les racines sunnites de Daech, qui expliquent l’inertie de l’Arabie saoudite autant que celle du Qatar, et leur répugnance à mener une action au sol contre l’Etat terroriste. Pis, l’Arabie saoudite, le Qatar et un certain nombre d’autres pays du Golfe persique ont constitué parallèlement une coalition contre les Houthistes chiites du Yémen, alors qu’ils sont totalement absents du combat contre Daech. Comment envisager la poursuite des relations commerciales sereines avec l’Arabie saoudite, le Qatar ou les EAU, tant que ne seront pas éclaircis les rapports qu’ils entretiennent directement ou indirectement avec Daech?

On ne peut non plus oublier l’attitude ambiguë de la Turquie sunnite qui privilégie les bombardements des Kurdes aux bombardements des positions de Daech.

Il faut ensuite penser plus largement, à l’échelle du monde, ces relations que Daech a nouées, non seulement avec les Frères musulmans, mais aussi avec les mouvements de Libye, du Nigéria, ou de Somalie.

Il ne s’agit pas d’être alarmiste. De toute façon, la guerre est déjà là. Mais la considérer seulement dans un cadre régional, la Syrie, et militaire, les bombardements, on prend le risque de s’aveugler sans voir s’organiser une nouvelle internationale porteuse d’une idéologie totalitaire qui ne craint pas à Palmyre ou ailleurs de faire sienne la formule des révolutionnaires Français «du passé faisons table rase».




Le devoir d’ingérence

Depuis la chute de l’Union soviétique, la situation internationale aura rarement été aussi troublée, en tant de points différents et pour des raisons si diverses.

De l’Afghanistan à la Centrafrique, la moitié du monde brûle.

Les pays sans Etat se multiplient : Somalie, Libye, Irak, Syrie, Liban, Centrafrique ou Mali, et cette situation qui ne semble pas passagère mais dure favorise tous les extrémismes, tous les irrédentismes.

Les Shebabs somaliens qui se livrent à la piraterie depuis deux décennies, l’Etat islamique qui s’étend au Proche-Orient, l’Etat islamique encore qui prend pied aux côtés d’Al Qaeda en Libye et trafique du pétrole : les tensions tribales en Centrafrique sur fond de guerre des diamants.

Cette situation favorise aussi tous les trafics, le Sahel et le Sahara n’étant plus qu’un vaste champ de passage pour la drogue et les migrants traités comme des bêtes.

Tout ceci favorise encore l’extension de l’islamisme radical et c’est sur terreau que Daech se développe.

Face à cet immense défi, que doit faire la communauté internationale ?

Non pas tenter de revenir à l’état antérieur, avec des Etats construits à l’occidentale, centralisés et tout-puissants mais aller vers le respect des identités tribales, géographiques.

L’exemple des trois régions de Libye, la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan que tout oppose et que seule la lourde main de Kadhafi faisait tenir ensemble est parlant.

La solution serait de donner un mandat international à une entité, pays, ensemble de pays ou groupement régional, pour rétablir l’ordre et faire cesser la guerre civile.

Mais à qui donner ce mandat ?

Les volontaires ne se précipitent pas aujourd’hui. D’autant qu’au niveau international, ce type d’ingérence n’est pas réellement défini.

Le devoir d’ingérence, qui désigne l’obligation morale faite à chacun d’intervenir, même en violant la souveraineté d’un Etat lorsque celui-ci se rend coupable de violations répétées des droits fondamentaux, n’est hélas pas un concept juridiquement défini au niveau international.

Et ceci alors que la mondialisation, notamment des communications, met sous le nez de tous en permanence ce qui se passe à l’autre bout du globe.

Si Grotius avait déjà évoqué en 1625, de façon abstraite, un « droit accordé à la société humaine » pour intervenir dans le cas où un tyran « ferait subir à ses sujets un traitement que nul n’est autorisé à faire », c’est au XIXè siècle que l’idée commence réellement à prendre forme concrète à travers ce que l’on appelait « l’intervention d’humanité ».

Après la Seconde Guerre mondiale, c’est le conflit atroce du Biafra qui, à partir de 1967, réveille les consciences et l’idée, engendrant notamment la création de nombreuses ONG comme Médecins sans frontières.

C’est le philosophe français Jean-François Revel qui parlera le premier de « devoir d’ingérence » en 1979 à propos des dictatures africaines de Bokassa et Amin Dada. Reprise dans le monde entier, variant de « devoir » à « droit » d’ingérence, l’expression connaîtra une belle fortune. Cependant, rien encore aujourd’hui n’en vient définir les contours juridiquement.

Il se heurte à plusieurs arguments : d’abord, le vieil ordre westphalien, défini en 1648, qui stipule que nul ne peut s’ingérer dans les affaires d’un Etat souverain. Ensuite, de nombreux juristes soutiennent que les conventions internationales, comme les Conventions de Genève et la Convention contre le Génocide, disposent déjà d’un droit contraignant.

Le Chapitre VII de la Charte des nations Unies permettrait lui aussi d’intervenir dans les affaires intérieures d’un État en cas de « menace contre la paix », et les interventions récentes de la communauté internationale (Golfe, Irak, Rwanda, Somalie, Bosnie, etc.) auraient d’ailleurs été menées pour la plupart en référence à ces outils traditionnels de la justice internationale.

Benoît XVI lors de son discours aux Nations unies, le 18 avril 2008, déclarait ceci :

« Tout État a le devoir primordial de protéger sa population contre les violations graves et répétées des droits de l’homme, de même que des conséquences de crises humanitaires liées à des causes naturelles ou provoquées par l’action de l’homme. S’il arrive que les États ne soient pas en mesure d’assurer une telle protection, il revient à la communauté internationale d’intervenir avec les moyens juridiques prévus par la Charte des Nations unies et par d’autres instruments internationaux. L’action de la communauté internationale et de ses institutions, dans la mesure où elle est respectueuse des principes qui fondent l’ordre international, ne devrait jamais être interprétée comme une coercition injustifiée ou comme une limitation de la souveraineté. À l’inverse, c’est l’indifférence ou la non-intervention qui causent de réels dommages. »

L’occident en général, qui est aujourd’hui quoi qu’on en ait, le seul bloc capable et doué de la volonté d’intervenir dans le monde entier pour faire respecter les droits de l’homme et nonobstant les non-dits impérialistes qui peuvent sous-tendre ses actions, est depuis quelques années tétanisé, se refusant à de réelles interventions, pour plusieurs raisons, parfois contradictoires d’ailleurs.

La guerre d’Irak, qui l’avait lui-même divisé, la France et l’Allemagne notamment déniant toute légitimité à l’assaut sous égide américaine, a causé trop de morts dans les rangs de la coalition, traumatisant les opinions publiques.

De plus, cette opération, comme celle d’Afghanistan, n’a pas eu les effets escomptés, laissant des populations et des gouvernements faibles à la merci de groupes tribaux, politiques ou religieux plus puissants, dans une situation de quasi guerre civile.

A ceci, il faut ajouter le fiasco de la Somalie en 1992 et surtout la calamiteuse intervention sous pavillon français en Libye en 2011 qui a précipité le pays dans le chaos.

D’où l’on pourrait déduire ceci : s’il y a devoir d’ingérence, il entraîne avec lui d’autres devoirs que la simple intervention militaire destinée à faire tomber le dictateur, comme l’établissement d’un gouvernement fort, stable et digne de ce nom, la reconstruction du pays, enfin son insertion dans le jeu de la communauté internationale.

Seulement, quel pays seul aujourd’hui sera capable de se plier, ne serait-ce qu’économiquement, à tel exercice ? En général, les opinions auxquelles veulent plaire les gouvernements démocratiquement élus d’occident se satisfont de la première partie du plan et une fois que l’ennemi désigné a été éradiqué, souhaitent qu’au plus vite leurs enfants rentrent à la maison.

La solution serait que passant outre aux vieilles lunes westphaliennes, sur le plan des droits de l’homme comme sur celui de l’économie et de l’écologie, ainsi que l’Eglise catholique notamment l’a rappelé ces dernières années, la communauté internationale puisse se saisir de dossiers qui ne concernent pas seulement un Etat reclus derrière ses murs mais une bonne partie du monde.

Ainsi, la situation de la Libye, avec ses flots de migrants et de passeurs mafieux, n’est plus un problème de souveraineté locale, mais un problème général. Reconstruire un pays, en prenant en compte ses particularités et sans arrière-pensée impérialiste, réclamerait en sus d’une intervention militaire, la mise en place d’une administration neutre, internationale, pendant au moins une décennie.

Mais il faut pour cela du courage politique et de l’imagination.

Charles Millon

Publié par Charles Millon · 13 octobre 2015, 18:44




Quelle agriculture pour la France ?

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Après la très vive tension de la rentrée, les cris de détresse poussés par les agriculteurs et les échauffourées aux quatre coins de l’hexagone, la chape du silence est retombée ; la crise agricole est repassée à l’arrière plan, même si l’on entend encore gronder la base.

Quelques aides d’urgences ont bien été débloquées, des paroles de soutien prodiguées et des fonctionnaires diligentés à Bruxelles ont fait mine de tancer er d’autres fonctionnaires, autrement plus puissants qu’eux. Les cabinets ministériels soufflent de voir rentrés dans les campagnes ceux qu’ils ont une tendance à prendre pour des énergumènes vociférants,  aux réactions imprévisibles. Pour eux l’agriculture c’est bien, vu du marché bio. Et puis depuis de longues années, tous les pouvoirs en place ont droit à une jacquerie, alors il suffit  pense-t-on en haut lieu, de faire le dos rond…Le fait est qu’entre réforme de la PAC, découplage des aides au produit, recouplage environnemental, dérégulation du marché mondial… l’agriculture française souffre.

La politique agricole commune a été le creuset, puis le ciment de la construction européenne : elle se délite aujourd’hui, et laisse apparaître une ligne de fracture qu’elle a aidé – consciemment ou pas – à se creuser.Il existe maintenant en Europe bel et bien deux types d’agriculture qui se font face et se confrontent, celle du Nord et celle du Sud.

Au Sud, la nôtre et celles de nos  voisins d’Italie, d’Espagne ou du Portugal: une agriculture  de terroirs, orientée en priorité vers la qualité et  valorisant les spécificités régionales.

Le paysan y « cultive » ses terres et y« élève » ses bêtes.

En mode conventionnel ou biologique, avec ou sans signes de qualité et de garantie d’origine, nos agriculteurs ont créé un modèle issu d’une vraie culture gastronomique, d’une histoire et de spécificités géographiques ou climatiques. Ils gardent la main dans la gouvernance des filières grâce à des cahiers des charges précis et des outils coopératifs.

Cette agriculture concerne toutes les productions,  tous les modes de mise en marché, du circuit court à l’export, elle fait vivre près d’un agriculteur français sur deux. Elle se doit d’être performante et compétitive et peine à maintenir la tête hors de l’eau tant elle est exposée aux distorsions de concurrence, aux charges administratives, règlementaires et normatives.

Au Nord, l’autre qui n’a plus d’agriculture que le nom, hors sol, hors nature : déracinée, au sens premier  du terme.

Elle prospère chez nos voisins Allemands ou Hollandais qui inondent les marchés avec une productivité frénétique. Une industrie exclusivement tournée vers des volumes de masse,  pilotée par des ingénieurs qui pousse le vice jusqu’à  baptiser  « minerai » leurs productions…

Des usines de milliers d’hectares qui ressemblent à de vastes entrepôts logistiques,  où les bêtes ne goûtent pas un brin d’herbe, ingurgitent des aliments douteux, et peinent à voir la lumière naturelle. Les règles et les conditions de compétition sont intenables pour nos agriculteurs et détestables pour le consommateur.

La demande croissante de qualité, d’authenticité et de traçabilité laisse encore un peu d’espoir à trois conditions :

Que Bruxelles accepte de rendre efficient ses soutiens financiers, en tenant compte des coûts de production et de la gestion des risques, au lieu de faire du saupoudrage,

Que Paris mette en place un plan conjoint de baisse des charges et de la fiscalité et fasse le pari de l’excellence, de l’innovation afin de restaurer notre vocation de leader agricole et agro-alimentaire.

Que l’on soit d’une extrême vigilance dans la négociation Traité transatlantique qui se prépare dans une totale opacité, car là où l’on peut encore espérer trouver un équilibre européen, il sera impossible de faire face à la déferlante de produits agricoles venant du continent américain.

Nos agriculteurs demandent des prix rémunérateurs et non des primes, ils ne demandent pas la charité mais l’équité.

Acteurs essentiels de l’économie et de la vitalité de nos territoires, leurs exploitations, petites, moyennes ou grandes, irriguent la France comme un immense système veineux au travers duquel coule notre identité.

La prolétarisation progressive de cette profession, si elle n’est pas stoppée, aura des conséquences irréversibles en terme d’aménagement du territoire et d’équilibre de la nation.

La crise agricole est emblématique des choix en face desquels nous nous trouvons aujourd’hui:

Voulons nous être enracinés ou déracinés ?

Voulons-nous être subsidiaires ou désincarnés ?

Voulons-nous être authentiques ou lyophilisés ?

Je connais ma réponse.

Charles Millon

http://lavant-garde.fr/quelle-agriculture-pour-la-france/




Combattre vraiment Daech

Voilà plus d’un an que Daech a proclamé le Califat ; voilà plus d’un an qu’une coalition internationale, sous la houlette des Etats‐Unis, bombarde la région. Avec quel succès ?

Pour l’instant, la paix s’éloigne un peu plus chaque jour.

Viols, esclavage, mutilation, destructions de monuments sans prix, déplacement de population, brimades, mise en scène de torture : on pourra dire que l’Etat islamique se sera donné du mal pour être à la hauteur de son rôle de « monstre absolu », renvoyant au deuxième rang les Shebabs, les GIA, les talibans et al Qaeda.

Daech donc occupe aujourd’hui un vaste territoire, à cheval sur au moins deux pays, l’Irak et la Syrie, et le monde assiste, presque impuissant, à ses exactions et à l’extension de son domaine de nuisance.

Aussi la question se pose aujourd’hui, plus que jamais : qu’attendons‐ nous pour agir vraiment ?

Attendons‐nous que ces pays se soient définitivement vidés de leurs populations chrétienne, yézidie, ismaélienne, alévie, alaouite et même chiite ?

Attendons‐nous que ne demeure plus que le sunnisme à front de taureau, sous sa forme la plus bornée, avec ses femmes sous tente portative, ses interdits odieux et sans limite, sa haine du reste du monde ?

Attendons‐nous que l’Irak et que la Syrie tombent entièrement entre leurs mains, au prétexte qu’il ne faudrait pas traiter avec le tyran Assad, ni avec les méchants iraniens, ni avec le Hezbollah, ni même avec Poutine ?

Préférons‐nous fermer les yeux sur les sempiternelles attaques turques contre les Kurdes ? Ou sur les bombardements inhumains du Yémen par nos alliés saoudiens et consort ?

Personne ne fait la guerre de gaieté de cœur, sauf les imbéciles. Sauf peut‐être ceux qui décident un beau jour de faire tomber un dictateur sans prendre garde aux suites mortelles, pour l’Europe elle‐même, de leur mini‐guerre sans risque.

Mais aujourd’hui, il s’agit de prendre des risques, et certainement pas inutiles, car il en va peut‐être de notre survie, mais certainement de celle d’antiques civilisations et communautés du Proche‐Orient.

La France a déjà envoyé ses hommes, seuls, au Mali et en Centrafrique. Ils y sont toujours et sont sans doute les derniers gardiens de la dernière porte avant le chaos en Afrique de l’ouest.

Mais ce qui se joue entre la Méditerranée et l’Euphrate est, comme mille fois auparavant dans l’histoire des hommes, déterminant pour la physionomie du monde dans les décennies qui viennent.

L’Etat islamique est un problème géopolitique, un cancer qui se répand en Libye, en Somalie, au Sinaï, qui passe des accords avec Boko Haram ou les talibans.

Mais c’est plus généralement un monstre dont la barbarie est sans limite. Une sorte, disons‐le, de totalitarisme vert, qui ne le cède en rien aux deux totalitarismes du XXème siècle.

Né de l’islam, il est conduit maintenant par une idéologie autonome qui fait redouter le pire.

Comme l’a remarqué Renaud Girard dans les pages du Figaro, on ne peut prendre le risque de répéter notre faiblesse des années 30 face à la montée du nazisme. C’est maintenant qu’il faut agir, avant qu’il ne soit trop tard.

En ce sens, il faut que la France en tant que membre permanent du Conseil de sécurité obtienne une résolution de l’ONU autorisant une intervention au sol à fin de mettre un terme à ces crimes contre l’humanité.

La France doit prendre l’initiative de réunir une conférence internationale dont l’objet sera la constitution d’une vraie coalition, non plus seulement aérienne, mais appuyée sur une force d’intervention.

Il faut réunir les nations alliées : celles qui sont prêtes à intervenir militairement, celles qui apporteront leur soutien, et celles qui participeront au financement.

L’objectif premier étant de permettre à ces pays, Irak et Syrie d’abord, de recouvrer leur souveraineté et d’empêcher la poursuite de ces crimes, qui dépassent le seul cadre de la guerre et s’apparentent de plus en plus à des crimes contre l’humanité.

Cette conférence internationale devra aussi déterminer le type d’accompagnement qu’il faudra prodiguer à ces pays par la suite pour empêcher qu’ils ne retombent dans l’anarchie et la misère.

L’Europe, fidèle à son histoire, s’honorerait de prendre la responsabilité de ces opérations de reconstruction et d’accompagnement.

Le temps n’est plus aux lamentations devant les horreurs perpétrées par Daech.

Le temps est à l’action déterminée pour garantir la Dignité des personnes, le droit des minorités et le respect des croyances dans cette région du monde où notre civilisation a ses racines.

Le Figaro du 8/09/2015
Charles MILLON
Ancien Ministre de la Défense Président de l’Avant‐Garde