« Le rôle de l’État est de faire faire et non pas de faire » : entretien avec Charles Millon

Notre pays a besoin de valoriser les missions premières de l’État.

L’ancien ministre, député et maire, Charles Millon, nous livre les fruits de ses réflexions sur l’Etat qui, selon lui, devrait rester focalisé sur ses premières missions et abandonner certaines prérogatives au profit des collectivités territoriales.


Ancien ministre de la Défense sous Jacques Chirac, entre 1995 et 1997, après avoir longtemps exercé comme maire de Belley et comme député de l’Ain, Charles Million possède un parcours politique riche. Fort de cette expérience d’élu local et national, il nous livre sa vision de l’État français et de la politique française. En particulier, il plaide pour un retour au principe de subsidiarité en France ainsi qu’un renforcement de l’ancrage local des élus. 

Causeur. Vous appelez de vos vœux depuis plusieurs années à une réforme profonde de l’État et de la pratique du pouvoir en France. Quelles sont les priorités à remettre en avant ?

Charles Millon. Notre pays a besoin de valoriser les missions premières de l’État : garantir la sécurité de tous, pour permettre à chacun de s’épanouir. Cela implique que l’État ait en charge essentiellement la sécurité intérieure et extérieure et la diplomatie. Lorsque vous étudiez l’histoire, vous constatez que les prérogatives de l’État étaient concentrées autour de ces trois domaines : la diplomatie et les relations avec les autres états ; la défense et la sécurité extérieure ; l’ordre public et la sécurité intérieur.

De quand dateriez-vous donc le début de l’État providence sous la forme que nous connaissons aujourd’hui ?

Les guerres ont toujours permis à l’Etat d’accroître son pouvoir et son rôle. Au XXe siècle, la France et toute l’Europe ont connu deux guerres. Au lendemain de ces deux conflits, l’État a accru ses prérogatives, pour défendre d’abord et reconstruire ensuite le pays, mais sans jamais s’en départir par la suite. Les crises économiques participent aussi à l’augmentation des interventions de l’État. L’exemple le plus connu est la crise de 1929, qui a provoqué l’émergence de l’État-Providence avec l’adoption de l’analyse keynésienne et la relance de la demande par la dépense publique.

Quelles prérogatives pourraient être dévolues aux collectivités territoriales ?

Certains domaines en crise, en particulier la santé et l’hôpital, pourraient parfaitement être gérés par les collectivités locales et des organismes privés. D’une région à une autre, les besoins diffèrent beaucoup en la matière. Prenons aussi l’exemple de l’école : aux États-Unis, la politique de l’éducation est réservée aux États et non pas au gouvernement fédéral, ce qui permet d’instaurer une liberté éducative très importante, qu’il est particulièrement difficile à promouvoir en France. Dans ces deux domaines, l’éducation et la santé, le poids de l’État central serait allégé considérablement si un gouvernement avait le courage de renoncer à cette obsession jacobine, en reconnaissant l’autonomie des hôpitaux et des établissements scolaires et universitaires. Il faut convaincre les Français qu’il y a d’autres modèles que celui que nous connaissons depuis les années 1950. J’ai cité le modèle américain, mais nous pourrions aussi prendre en exemple les Länder en Allemagne, dont les prérogatives sont également considérables, ou la Suisse, qui respecte de manière scrupuleuse le principe de subsidiarité. N’oublions pas que le rôle de l’État est de faire faire et non pas de faire.

La suppression de la taxe d’habitation par le gouvernement d’Élisabeth Borne paraît plutôt aller dans le sens contraire de ce que vous prônez…

Absolument. Cette réforme, dont les visées sont purement électoralistes, appauvrit considérablement les communes et les empêche de disposer librement de ressources qui seront, une fois de plus, concentrées dans les mains de l’État central. Ne parlons même pas des hausses de la taxe foncière, que de nombreuses communes ont déjà commencé à effectuer pour compenser cette suppression de la taxe d’habitation.

Parlons de la situation politique de notre pays. Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron et son ascension fulgurante, l’on tend à admirer les « parvenus » ceux qui se sont passés des carrières politiques traditionnelles pour se faire élire directement. Était-ce si positif en fin de compte ?

L’absence d’ancrage territorial des élus est une grande erreur. Dans ma carrière, comme bon nombre de mes pairs d’ailleurs, j’ai débuté dans ma commune de Belley, dans l’Ain, où j’ai été maire pendant presque vingt-quatre ans, avant de devenir député, en 1978. C’est dans mon mandat local que j’ai appris à comprendre ce qu’un Français vit au quotidien et quelles sont ses préoccupations. Le risque avec cette nouvelle sorte d’élus, qui n’ont pas d’expérience politique au niveau local, est de tomber facilement dans une approche technocratique du pouvoir, où les solutions sont détachées des réalités concrètes. C’est d’ailleurs ce qu’ont ressenti les Gilets jaunes en 2019 dans les réformes menées par Emmanuel Macron, avec l’augmentation de la taxe sur les carburants notamment. Ils avaient le sentiment que le gouvernement ne comprenait pas leur situation.

Nous observons depuis une dizaine d’années un éclatement des partis politiques traditionnels et la montée de tendances plus radicales, aussi bien à gauche qu’à droite, qui ne parviennent pas pour autant à fédérer largement. À qui la faute ?

Il est toujours difficile de mettre le doigt sur une cause unique pour expliquer la situation politique actuelle. Pour autant, une réforme de notre système électoral pourrait faciliter la revitalisation de nos structures politiques et les rendre capables de fédérer le plus grand nombre de tendances idéologiques. En établissant par exemple, pour les élections législatives, un mode de scrutin uninominal à un tour, comme en Grande Bretagne, les partis seraient obligés de se regrouper pour gagner l’élection. Cela permettrait qu’une majorité se dégage. De plus, ces partis auraient la responsabilité de traiter en leur sein la question des extrêmes et ainsi le pouvoir en place ne pourrait plus se servir de ces extrêmes comme épouvantail pour se maintenir artificiellement au pouvoir.

La proportionnelle ne m’apparaît certainement pas la solution, parce qu’elle provoque au contraire des divisions accrues. C’est d’ailleurs celles-ci qui ont fait chuter la IVe République.

Ne confondons pas engagement politique et engagement partisan.

Vous prônez un engagement renouvelé des jeunes en politique aujourd’hui. Quel message leur adressez-vous plus précisément ?

L’engagement politique est essentiel car c’est à travers lui que l’on participe à la vie de la cité, à la définition des équipements nécessaires à la vie commune, à la création des conditions favorables à l’épanouissement de chacun. Ne confondons pas engagement politique et engagement partisan.

L’engagement politique est plus large ; il inclut la vie associative, l’animation culturelle, le système éducatif, la politique sanitaire… Par l’engagement politique, le citoyen participe à la définition du cadre dans lequel les individus pourront prendre des initiatives au service de la collectivité. C’est pourquoi je souhaite que nombreux soient les jeunes qui s’investissent au service des autres.

Causeur 27/12/2023




Charles Millon : « J’appelle Le Pen, Zemmour et Pécresse à construire un programme commun »

L’ex-ministre a un plan : enjamber la présidentielle et construire « l’union de la droite » aux législatives, pour pousser Emmanuel Macron à la cohabitation. Un voeu pieux ?

Les politiques ont l’art de voir dans les situations les plus désespérées des opportunités. Charles Millon, ministre de la Défense de Jacques Chirac entre 1995 et 1997, n’a plus de mandat depuis vingt ans mais il a toujours le virus. Et le septuagénaire a une idée pour « redonner de l’espoir » à l’électorat de la droite : ignorer la défaite probable à la présidentielle… et tout miser sur les élections législatives qui auront lieu, sauf dissolution de dernière minute, les 12 et 19 juin 2022.  

Sur le papier, le « plan Millon » est implacable : Marine Le Pen, Eric Zemmour et Valérie Pécresse élaborent un programme commun « dans les trois semaines qui viennent », se répartissent les circonscriptions et font mordre la poussière à Emmanuel Macron, dont les députés, pense-t-il, manquent d’implantation. Ainsi, même réélu, le président serait acculé à la cohabitation. Les idées de droite gouverneraient à nouveau.

Quand on lui rappelle que Valérie Pécresse a exclu plusieurs fois et sans la moindre ambiguïté cette hypothèse, Charles Millon ne se démonte pas. Il en appelle immédiatement à Bruno Retailleau, François-Xavier Bellamy et Eric Ciotti, qu’il estime plus sensibles à « l’union de la droite » qu’il veut monter. L’ancien ministre, qui reste en contact à la fois avec Eric Zemmour et avec Marine Le Pen, se propose de jouer les entremetteurs entre ces droites qui ne se parlent pas ou plus. Ou alors « la droite n’est pas prête de revenir au pouvoir », prophétise-t-il. 

L’Express : En fin d’année 2021, on vous a annoncé proche d’Eric Zemmour. Qu’en est-il aujourd’hui ?  

Charles Millon : Je soutiens l’union de la droite. Nous sommes face à une situation inédite et paradoxale : les Français n’ont jamais été autant à droite et pourtant nous pourrions perdre l’élection présidentielle. J’appelle donc Eric Zemmour, Marine Le Pen et Valérie Pécresse à se parler avant le premier tour, afin d’élaborer un programme commun en vue des élections législatives….

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Propos recueillis par Étienne Girard
Publié le 21/03/2022 à 17:24
 

 

 

 

 




Charles Millon : « Eric Zemmour est arrivé au moment où il fallait »

Figure de la droite hors les murs, l’ancien ministre de la Défense porte un regard bienveillant sur le polémiste. Il juge que la recomposition politique n’est pas terminée.

Il a le sentiment d’avoir été un précurseur. Pionnier de l’union des droites aux régionales de 1998, Charles Millon avait été exclu de l’UDF pour avoir emporté la présidence de Rhônes-Alpes grâce aux voix du Front national. 23 ans plus tard, Eric Zemmour tente d’opérer l’union des droites par la base, agrégeant des anciens électeurs de François Fillon et de Marine Le Pen

Soutien de l’ancien Premier ministre en 2017, Charles Millon n’avait pas appelé à voter Emmanuel Macron au second tour de scrutin. L’ancien ministre de la Défense, apôtre d’une droite libérale et conservatrice, porte un regard bienveillant sur la candidature d’Eric Zemmour. Cette figure de la « droite hors les murs », fondateur de L’Avant-Garde en 2015, ne lui apporte pas (encore) son soutien. « Je suis en phase avec le point central du discours d’Eric Zemmour », confie-t-il toutefois. Son regard est plus sévère sur les trois favoris du Congrès LR, incarnation d’une « droite conformiste ». Entretien. 

L’Express : Les adhérents LR choisiront en décembre leur candidat à l’élection présidentielle. Vous avez soutenu la candidature de François Fillon en 2017. Que vous inspire cette compétition ? 

Charles Millon : Tout cela est terne. Le discours des candidats LR est convenu. Ils incarnent une droite institutionnelle, qui a peur d’elle-même et des mots. Cette droite manque de convictions, elle est conformiste. Ils commencent à peine à parler d’immigration car les Français le réclament, alors que le sujet est posé depuis près de trente ans. Je défendais le concept d’assimilation dès les années 70.  

Lors du premier débat télévisé, Éric Ciotti est toutefois sorti du lot. C’est le seul qui dit ce qu’il pense au lieu de dire ce qui est « convenable ». Les autres ne parlent pas assez de la France. 

Vous venez de Rhône-Alpes, la candidature de Michel Barnier ne vous emballe pas ? 

Il est tellement lisse. Il a opéré un revirement récent sur l’immigration et l’Europe. Ce n’est pas crédible. Il a été au coeur des institutions européennes pendant dix ans. Cette politique est aujourd’hui contestée par les électeurs, y compris par les autres candidats de droite. Sans juger de sa sincérité, on ne peut pas être un personnage multiple. 

Vous incarnez une droite libérale et conservatrice. Le congrès LR est-il orphelin de cette ligne, portée au sein de LR par Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau ? 

Je ne comprends pas leur renoncement. C’était leur heure, surtout celle de Wauquiez. Il a dirigé Les Républicains avant d’être mis sur la touche en raison des idées qu’il professait. Mais ces idées sont devenues centrales à droite ! En conséquence, Éric Ciotti préempte cette ligne politique. Il n’a pas le même statut que les trois favoris, mais son discours parle à la droite. 

Il y a un décalage entre l’offre politique de LR et les attentes de l’électorat de droite. En outre, on ne comprend plus ce mur installé entre ce que l’on appelle « l’extrême droite » et la droite classique. Ce mur n’existe dans aucun pays au monde, sauf en France. Il a été installé par François Mitterrand puis Jacques Chirac. Il n’a pourtant jamais été institué entre le PS et le Parti communiste, allié à une époque avec l’URSS. Il y a des idées inacceptables que l’on entend parfois au RN, mais établir un mur absolu n’a pas de sens.

Eric Zemmour tente aujourd’hui de casser ce mur. Près d’un quart des électeurs de François Fillon en 2017 sont tentés par un vote en faveur du polémiste. C’est votre cas ? 

Eric Zemmour répond à un besoin : celui de l’expression d’un certain nombre de jugements et d’analyses qui correspondent à la réalité. Quand il dit que la France doit rester une communauté nationale avec les mêmes idéaux et convictions, il a raison. Il est contre une société communautarisée, moi aussi. Je suis en phase avec le point central du discours d’Eric Zemmour. 

Sur le plan économique et social, il a repris un discours de la responsabilité et d’autonomie de la personne. C’est le discours classique des conservateurs sociaux-libéraux. Mais ce discours était étouffé par un discours technocratique en France et en Europe. 

Quand il affirme que la France est menacée de guerre civile, vous souscrivez à son analyse ? 

Le mot est un peu fort. Le pays est menacé de tensions intracommunautaires qui sont préoccupantes. On le voit dans un certain nombre de quartiers et de cités. Il faut une assimilation dans la communauté nationale de ceux qui viennent sur notre territoire. A défaut, la France va se morceler. Cela ne correspond pas à notre histoire.

Vous voterez pour Eric Zemmour en 2022 ?

On est à six mois de l’élection présidentielle, c’est trop tôt. Je suis avec intérêt ce qui se passe. Le moment venu, je prendrai position. J’ai plus le profil d’un joueur que d’un arbitre. 

En 2016, vous disiez sur TV Libertés; : « Il faut que le FN accepte de s’ouvrir aux dialogues avec d’autres formations politiques. [Et que] les autres formations politiques acceptent de dialoguer avec le Front national. ». Eric Zemmour n’est-il pas en train d »opérer cette union des droites, mais par la base ? 

Oui. C’est d’ailleurs la raison de son succès. Il est respectueux de tous les courants de la droite. Il expose les idées, mais n’a pas d’a priori. Certains candidats à la présidentielle disent « ça, jamais! » mais pourquoi ? Quand une idée est portée par un parti classique, on l’accepte. Quand elle est portée par le RN ou par Eric Zemmour, on la rejette par principe.  

Aujourd’hui, les électeurs de Fillon, du FN, de la droite hors les murs réalisent cette union des droites que les appareils ne veulent pas faire. Cela oxygène la vie politique et on va sortir d’un système qui favorise les extrêmes. Quand on rejette les gens par principe, on les extrémise naturellement. Prenez la Grande-Bretagne, pays avec un mode de scrutin à un tour. Il y a la gauche et la droite. Ces deux camps ont absorbé l’extrême gauche et l’extrême droite. Ce pays est un pays d’équilibre depuis des décennies. Nous faisons l’inverse : on cajole les extrêmes en les excluant au lieu de dialoguer avec eux pour prendre ce qu’ils ont de bon et enlever ce qui est mauvais. 

Certaines idées portées par Eric Zemmour ou le RN vous semblent inacceptables ? 

D’une façon générale, dans ma vie politique j’ai toujours refusé l’outrance et celle-ci n’a jamais été de mon fait. J’ai toujours rejeté tout ce qui touche à la dignité de la personne. Si tel était le cas un jour, je le ferais savoir

Après votre exclusion de l’UDF, vous avez fondé le mouvement « La droite », devenu « La Droite libérale-chrétienne. » Dans son ouvrage « Le livre noir de la droite », Eric Zemmour le décrivait ainsi : « Le premier parti de l’ère moderne, car bâti non plus contre les patrons, ni contre les ouvriers, mais contre les médias. Leur dictature moralisatrice, leur mépris de classe, leur unanimisme érigé en tyrannie du prêt-à-penser. ». Établissez-vous un parallèle entre vos parcours ? 

Ce n’est pas un parallèle. C’est un prolongement. Eric Zemmour est arrivé au moment où il fallait. Le monde politique français est en train de nourrir l’abstention, car il est tombé dans l’entre-soi. Quand les gens évoquent leurs problèmes, on les taxe immédiatement d’extrémisme. On l’a vu avec les gilets jaunes, qui ont été injuriés. Eric Zemmour affirme la réalité à sa manière, cela explique son succès. C’est la suite logique de ce qui s’est passé en 1998.  

Eric Zemmour affirme publiquement vouloir coaliser un électorat populaire et bourgeois.
Cela vous semble possible ?
 

Je ne suis ni communautariste ni sociologue. Quand je me présente à une élection, je ne regarde pas le statut social des gens. Je présente mes diagnostics et mes solutions. Quand il dit cela, c’est le Zemmour journaliste qui ressort par rapport au Zemmour politique.  

Il fait le pari que le sujet économique ne sera pas central en 2022… 

L’économie est passée au second rang. Le problème de la France n’est pas économique, il est de savoir qui on est. C’est quoi être Français ? Quel est le rôle de la France ? A force d’avoir oublié ces questions, on ne s’est intéressé qu’aux problèmes de ces techniques économiques. Il y a une envie de récit national, à droite comme à gauche d’ailleurs.  

Lors des années 90, vous qualifiez Jean-Marie Le Pen de « fasciste des années vingt égarés dans notre temps ». Quand Zemmour dépeint Pétain en sauveur des juifs français ou jette le soupçon sur l’innocence du capitaine Dreyfus, vous n’avez pas envie de transposer cette analyse au polémiste ? 

La vie politique française n’est pas l’analyse sociologique ou philosophique de l’histoire de France. Je ne suis pas emballé par ces retours sur l’histoire. Des gens sont chargés de cela. Eric Zemmour a une démarche fine sur ces sujets, mais elle n’est pas faite pour le débat public.  

Vous êtes l’apôtre d’une droite libérale et conservatrice. Elle a été incarnée par François-Xavier Bellamy lors des européennes de 2019. Elle n’a récolté que 8,5% des voix… 

Elle n’était pas assez transgressive, notamment sur l’immigration. J’aime beaucoup François-Xavier Bellamy, mais c’est un intellectuel. Il faut en politique des gens qui cassent la baraque. Je ne tire pas de conclusions politiques à long terme de cet échec des Européennes. Le courant de la droite conservatrice, libérale et d’inspiration chrétienne occupe la moitié de l’espace.  

Vous souteniez François Fillon en 2017. Il n’a pas d’héritier politique à droite ? 

Il incarne le début ce que termine Zemmour. Il a commencé à réunir différentes droites qui étaient chacune dans leur couloir. Il ne s’est pas enfermé dans la droite gaulliste comme l’a fait Juppé ou bonapartiste comme l’a fait Sarkozy. Zemmour profite de ce que Fillon a commencé. 

La droite est aujourd’hui menacée de défaite à la présidentielle. Si elle se confirme, ne pourrait-on pas assiste au retour d’un nouvel « UDF macroniste » et d’un nouveau RPR qui engloberait une partie de LR et du RN ? Les deux partis seraient cette fois adversaires… 

Je ne crois pas. Je pense qu’on va aller vers une évolution à la britannique. Un grand parti conservateur pourrait intégrer toutes les sensibilités de droite et un grand parti de gauche. Si on ne va pas là, le débat politique continuera de se dégrader. Dans cette équation, je place Emmanuel Macron à gauche. C’est un homme de gauche. La droite, c’est l’enracinement, le respect de la dignité de la personne, l’équité… Macron n’est pas de droite. 

Paul Chaulet

L’Express du 13/11/2021




Podcast. Quelle défense pour la France ? C. Millon, G. Longuet

Podcast. Développement de la haute intensité, confrontation avec la Chine, renouvellement du matériel militaire, quelle peut-être la défense de demain pour la France ? Entretien avec deux anciens ministres de la Défense, Charles Millon et Gérard Longuet.

Émission présentée par Jean-Baptiste Noé et Hadrien Desuin.




Notre État est caduc

L’État qui se mêle de tout nous a menés au bord du précipice. Pour redresser la France il nous faut un nouvel État fondé sur l’autonomie et les libertés des collectivités locales.


La tempête coronavirus a déferlé avec une force et une violence quasi similaire dans tous les pays européens. Mais en France elle est en passe de devenir un tsunami social et économique dans un pays qui se remettait tout juste de la crise des gilets jaunes et de celle de la réforme des retraites. Une troisième crise moins médiatique, plus sourde, était en filigrane ces dernières années : celle des hôpitaux. Tous personnels confondus, des chefs de services aux brancardiers, des internes aux aides-soignants, tous criaient mois après mois l’immense disette qui ravageait l’hôpital français en arborant des brassards « en grève » sans jamais déserter leur poste. Alors que l’État se targuait d’avoir le meilleur système de santé au monde…

La crise sanitaire annonce non seulement une crise économique et sociale, mais également une crise politique

On assiste au naufrage d’un État qui veut s’occuper de tout et cherche avec son obsession des procédures et des mises en conformité, à contrôler les initiatives des forces vives et des collectivités locales. Pourtant cet État qui veut s’occuper de tout n’a pas été en mesure de garantir la sécurité sanitaire du pays, il a renoncé à une stratégie en matière industrielle et laissé faire des délocalisations qui atteignent notre indépendance nationale, il a fait preuve d’imprévoyance en liquidant les stocks d’équipement hospitaliers, il a refusé par pure idéologie de contrôler les frontières.

L’État est entravé par ses propres circulaires, directives, normes et contrôles, qui empêchent même les instructions du sommet d’être appliquées. Quant aux responsables politiques, ils sont tétanisés par la prise de risque et se cachent derrière les comités d’experts dans lesquels les batailles d’egos et d’intérêts font rage. Ils se contentent d’une communication de crise à l’anglo-saxonne, anxiogène et abrutissante, qui débite jour après jour la litanie des morts et des convalescents.

Le gouvernement est dépassé, il a déjà perdu une grande part de sa crédibilité en érigeant le non-dit, voire le mensonge en système de communication, visant à cacher ses erreurs (masques et respirateurs, tests, médicaments…). Pire encore, il a perdu la confiance des Français. Ainsi la crise sanitaire annonce non seulement une crise économique et sociale, mais également une crise politique. Le gouvernement, affolé, l’a bien compris, qui en appelle maintenant aux élus locaux pour prendre le relai des décisions qu’il a déjà prises.

Compte tenu de la gravité de la situation et étant donné l’inquiétude grandissante de leurs administrés, les élus locaux sont prêts à relever le défi. Pourtant ils supportent de moins en moins cet État qui prend tout à tour le visage froid de l’État bureaucratique ou celui faussement maternel de l’État-providence. Ils ne comprennent pas cette approche centralisée et uniforme du déconfinement. Ils savent que les pays qui ont jusqu’à maintenant le mieux géré la crise sont la Corée du Sud qui a opté pour un traitement local, et l’Allemagne qui avec les Länders a adapté les mesures région par région. Ils sont scandalisés et attristés par l’incapacité du gouvernement à gérer la fourniture de masques, tests et médicaments. Ils sont choqués par le fait que le gouvernement n’ait pas fait confiance aux laboratoires privés et publics, vétérinaires et universitaires, qui se proposaient pour mener cette campagne de tests. 

Mais maintenant que le gouvernement est au pied du mur, les élus locaux sont en droit de demander que les responsables politiques nationaux fassent enfin confiance aux initiatives des collectivités territoriales en acceptant différenciation et expérimentation, en respectant diversité et particularisme. Pour ces élus il n’est pas question de délégation de compétences, il est question de la reconnaissance et du respect de l’autonomie des collectivités locales, c’est à l’État de créer les conditions favorables pour que les collectivités locales puissent assumer leurs missions, car au lieu de vouloir tout faire et tout diriger, l’État reconnaitra enfin aux collectivités locales les missions qu’elles sont en mesure d’assumer.

Aujourd’hui, si l’on veut sortir de cette crise sanitaire, économique et sociale, il nous faut un changement de gouvernance. Ce n’est pas à une énième réforme de l’État que nous aspirons, c’est à une révolution pacifique, qui aboutira à la reconnaissance de l’autonomie des collectivités locales, qui redonnera aux citoyens la liberté d’initiative et qui permettra la mobilisation de toutes les énergies pour permettre à la nation de surmonter cette épreuve et d’engager son redressement.

Charles Millon
Ancien ministre de la Défense (mai 1995-juin 1997) et administrateur de l’Institut Thomas More.
 
Causeur le 30/04/2020



Charles Millon : Les communes peuvent être de véritables laboratoires pour une politique au service du bien commun

Charles Millon est bien connu des lecteurs du Salon Beige pour son engagement politique. Député mais aussi ministre de la Défense dans deux gouvernements d’Alain Juppé de mai 1995 à juin 1997, il a été élu Président du Conseil régional de Rhône-Alpes et maire pendant vingt-quatre ans de la ville de Belley.

Fondateur du réseau de l’Avant-Garde, il est à l’origine d’une formation pour les candidats aux municipales.

Il a répondu aux questions du Salon Beige. 

Monsieur le Ministre, pourquoi pensez-vous qu’il faille s’investir dans ces élections qui auront lieu en 2020 ?

Avec l’élection d’Emmanuel Macron, notre pays a signé pour cinq nouvelles années de déconstruction. La situation peut sembler sans issue mais à l’échelle locale, il est possible de reconstruire des communautés de destin, comme Gustave Thibon les définissait. Si à l’échelle nationale, nos élites politiques ne partagent plus matériellement ni spirituellement une existence commune, le maire, lui, est soumis aux mêmes risques et poursuit les mêmes buts que ses électeurs. Il vit dans une sorte de coude à coude quotidien avec eux. Les communes peuvent être donc de véritables laboratoires pour mettre en place une politique au service du bien commun.

Les élections de 2020 sont une très belle opportunité pour permettre à une nouvelle génération politique de s’emparer des rênes de plusieurs dizaines de communes, d’acquérir ainsi, une expérience et une légitimité politiques pour, pourquoi pas, un jour prendre les rênes de notre pays !

Cet été, l’opinion publique a été alertée par le nombre important de maires qui préfèrent démissionner. Cette situation ne révèle-t-elle pas les difficultés croissantes d’un tel mandat ?

Il est vrai que, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, 386 maires ont démissionné. C’est un chiffre record dont la tendance depuis 2014 ne cesse de s’accélérer. Une des raisons principales de cette situation est le sentiment des élus locaux d’être méprisés par l’Etat. Il faut aussi ajouter la contribution croissante des finances locales aux politiques publiques nationales et plus récemment la loi NOTRE, portant sur la nouvelle organisation territoriale.

Il est vrai que la responsabilité des maires est devenue plus difficile ces dernières années mais cela ne doit pas faire oublier que le maire est un homme aux quarante métiers, soit autant de possibilités d’agir pour améliorer la vie de ses concitoyens. Je pense à ce jeune élu, Philibert Marquis, conseiller municipal dans la ville Belley, que j’ai administrée pendant plus de vingt ans, je pense à son enthousiasme. Architecte, il a mis ses compétences au service de sa ville : actuellement, il réfléchit à la reconversion des bâtiments de l’ancien hôpital.

Mais être maire ou même simplement conseiller municipal demande certaines compétences. Tout le monde ne semble pas fait pour assumer cette responsabilité.

Je ne suis pas du tout d’accord. Chacun d’entre nous doit être acteur de la reconstruction de notre pays et la bataille municipale doit concerner tout le monde. Habiter un territoire, ce n’est pas simplement y vivre, c’est aussi contribuer à son développement, à sa vie sociale… Si nous sommes mus par la volonté que le bien commun régisse la France, alors nous avons le devoir de nous mobiliser pour ces élections.

Regardez, en 2014, une toute petite poignée d’anciens militants de La Manif Pour Tous a été élue aux fonctions municipales. Ces militants n’étaient pas d’anciens piliers de la vie politique, ils ne dépendaient pas des systèmes d’allégeance des partis politiques. Pourtant, ils ont, à ce jour, un bilan peu connu mais incroyable. L’une a mis en place des patronages laïcs dans sa ville, tandis que l’autre a travaillé à la mise en place d’une préparation au mariage civil. Un autre exemple est celui de Robert Ménard qui a instauré une mutuelle municipale dans sa ville de Béziers, la quatrième ville la plus pauvre de France ! Croyez-vous qu’il était un spécialiste de l’assurance maladie ? Le travail de ces quelques élus montre qu’à l’échelle locale, il n’est pas nécessaire d’être un expert dans tel ou tel secteur pour réaliser des actions publiques utiles.

Avec l’Avant-Garde, vous organisez une formation pour les candidats aux municipales. N’est-ce pas contradictoire ?

Ce n’est pas parce qu’il n’est pas nécessaire d’être un expert qu’il ne faut pas se préparer. Mener une campagne et la gagner demandent d’être assuré dans ses convictions, dans ses fondements anthropologiques pour porter un programme qui soit cohérent. Les candidats doivent aussi acquérir des techniques indispensables comme apprendre à parler en public, constituer son équipe, user des médias, des réseaux sociaux… On ne peut s’improviser dans une campagne électorale : il y a une temporalité à respecter et une réflexion stratégique à avoir. L’objectif de notre formation est donc d’accompagner les candidats, les membres de leur liste et les membre de leur équipe de campagne sur toute cette démarche afin qu’ils soient des candidats crédibles. Mais s’engager dans la bataille des municipales ne s’arrête pas au soir des élections. Une fois élu, il faut pouvoir administrer, mettre en place ce qui a été énoncé. L’autre objectif de cette formation est donc de préparer les candidats à leurs responsabilités.

Concrètement, comment se déroulera cette formation ?

La formation se déroulera sur six week-ends d’octobre 2018 à septembre 2019, du samedi matin au dimanche milieu d’après-midi, afin de faciliter le retour des participants venus de province. C’est une formation qui s’adresse à tous tant que les participants partagent notre vision du bien commun, une vision fondée sur la pensée personnaliste. La question des étiquettes politiques ne nous intéresse pas. D’ailleurs, c’est un problème mineur pour les élections municipales. En effet, à l’exception des très grandes villes, chaque commune a son équilibre politique propre, loin des équilibres nationaux.

Nous avons réuni une trentaine d’intervenants : des élus, des journalistes, des politologues, des experts des collectivités territoriales… pour une formation à l’ensemble de enjeux : la construction d’un projet pour sa commune, la préparation de la campagne et la gestion de la commune.

Pour toute information, les lecteurs du Salon Beige peuvent prendre contact avec France Andrieux : france.andrieux@lavant-garde.fr

Quel serait le conseil principal que vous adresseriez à un lecteur du Salon Beige qui serait tenté par l’engagement électoral dans sa commune ?

Si vous vous souhaitez devenir maire ou conseiller municipal, c’est parce que vous avez le désir d’être au service des habitants de votre territoire. Il est fini le temps où l’ambition politique suffisait à justifier un mandat électoral. Aujourd’hui, les Français ont besoin de cohérence et d’engagement. La priorité est donc que vos lecteurs acquièrent une légitimité en se mettant dès aujourd’hui au service de leurs concitoyens. Il faut qu’ils se rendent utiles, qu’ils se retroussent les manches et agissent dans les lieux où les habitants se sentent négligés, abandonnés. En 2020, les Français n’éliront que les candidats qui auront su être crédibles par des actions menées pour la population et non pour leur notoriété personnelle.

Calendrier de la formation :

  • 20-21 octobre 2018 : La commune, un territoire d’action politique
  • 1er-2 décembre 2018 : La commune, des électeurs à convaincre et mobiliser
  • 26-27 janvier 2019 : La commune, une collectivité territoriale à administrer
  • 30-31 mars 2019 : La commune, une communauté à construire et préserver
  • 15-16 juin : 2019 : La commune, un territoire à faire aimer
  • Septembre : 2019 : Bilan de la formation : initiatives et témoignages d’élus.

https://www.lesalonbeige.fr/charles-millon-les-communes-peuvent-etre-de-veritables-laboratoires-pour-une-politique-au-service-du-bien-commun/

 




Démographie française | L’urgence d’une politique familiale

L’INSEE vient de publier les dernières données démographiques disponibles sur la France : elles sont pour le moins préoccupantes. La tendance baissière, amorcée depuis 2012, se confirme pour les trois dernières années 2015, 2016 et 2017. Notre pays est passé d’une moyenne de 2 enfants par femme en 2012 à 1,88 en 2017, nous écartant ainsi chaque année un peu plus des 2,1 enfants requis pour satisfaire le renouvellement des générations.

Depuis des décennies, nous sommes un certain nombre à prôner une véritable politique familiale, à demander aux pouvoirs publics de promouvoir des mesures dans des domaines aussi divers que le logement, l’école, les modes de gardes, le travail des femmes, etc., à souhaiter que l’on ne revienne pas sur l’universalité des allocations familiales.

En vain.

Nous étions traité de conservateurs invétérés pour le moins et, pour le pire, de réactionnaires nostalgiques de la femme au foyer ! Pourtant des démographes des plus sérieux, des responsables politiques ou sociaux, des sociologues avisés, tiraient le signal d’alarme en soulignant qu’une nation qui voyait sa natalité baisser est une nation qui, non seulement ne pourrait plus garantir la solidarité nationale entre les générations mais, pire, ne pourrait porter un élan de dynamisme, de croissance et d’espoir.

Nous avons dénoncé la politique familiale de François Hollande qui avait abaissé le plafond du quotient familial, divisé par deux ou par quatre les allocations familiales pour les ménages considérés comme aisés, introduit des critères de sélection sévères pour les prestations d’accueil des jeunes enfants.

Malheureusement Emmanuel Macron a poursuivi cette politique notamment avec un abaissement des plafonds de ressources donnant droit au versement de l’allocation de base pour les parents de jeunes enfants. De plus, les collectivités locales ont toutes les peines du monde à développer l’accueil des jeunes enfants, à cause de la baisse de leurs dotations.

Aujourd’hui nous appelons les responsables politiques à mesurer les conséquences qu’une baisse de la natalité pourrait avoir tant sur la vigueur économique que sur la solidarité nationale. Nous leur demandons aussi de réfléchir à la mission essentielle qu’assument les familles pour la transmission, l’éducation, la solidarité entre les générations. C’est à eux de tout mettre en œuvre pour pérenniser l’exception démographique française.

N’oublions pas que les jeunes sans famille sont majoritairement ceux que l’on retrouve parmi les déscolarisés, les marginalisés sans emploi. N’oublions pas que ce sont les familles qui sont souvent le dernier refuge de ceux qui ont été blessés par la vie et qui cherchent bien souvent une aide, mais aussi un lieu d’affection et de soutien moral.

 

Charles Millon

Ancien Ministre de la Défense




UNE ILE QUI ETONNERA L’EUROPE

Le tandem Talamoni-Simeoni a gagné. Et la France avec.

Sous sa houlette, les Corses vont tenter de démontrer sans hargne, avec calme et détermination, qu’autonomie régionale et République peuvent rimer ; qu’il est possible de tester des expériences sans pour autant tout détruire et qui plus est, si ces expériences s’avéraient positives, elles pourraient être étendues à d’autres.

Qu’un territoire à l’identité si puissante puisse se ré approprier la gestion de sa culture, de son urbanisme ou de ses infrastructures est sain et permettra peut-être à notre Etat centralisateur de renoncer enfin à son attitude tutélaire , pour adopter une attitude contractuelle à l’heure où la mondialisation impose des structures plus souples et moins pesantes, pour aller de l’avant.
Cette France des autonomies à laquelle les Corses viennent d’ouvrir la porte pourrait signifier que le pays sort de l’adolescence ; qu’il est en route vers l’âge adulte ; qu’enfin il prêt à garantir une société de confiance.

Une route qu’avait déjà souhaité ouvrir, en 1969, le général de Gaulle avec son referendum sur la régionalisation. On connaît la suite : le dégagisme soixante-huitard ambiant a balayé et le vieil homme, et ses idées neuves.

Le témoin était repris par Gaston Deferre en 1981, tout juste nommé Ministre de l’Intérieur, qui dira de ses lois de décentralisation qu’elles accompagnaient un mouvement « irréversible ».

Plus tard, Michel Rocard enfoncera le coin en signant les accords de Nouméa dont nous verrons l’année prochaine qu’ils pourraient bien aboutir aussi à l’autonomie de la Nouvelle Calédonie.

Ce processus engagé il y a 50 ans va enfin porter ces fruits et notre système centralisateur parisianiste et étatique craqueler un peu plus…
Que ce coup porté émane de la Corse a quelque chose de savoureux :
De la Corse les Continentaux, au fond, aujourd’hui, ne connaissent plus grand chose.
Prosper Mérimée et sa Vendetta de Colomba, Astérix et ses flemmards ramasseurs de châtaignes ou Charles Pasqua et ses réseaux border line qui faisaient flirter politique et banditisme, ont fini par forger dans le subconscient national, l’image d’une Corse vengeresse, paresseuse et mafieuse…

Seul Bonaparte échappe à la règle et pour cause : son île était par trop petite pour assouvir son ambition démesurée et son encombrante famille y était, pour tout dire, presque persona non grata.…
Même plus, il est encensé.

Pourquoi, peut-être parce qu’il a participé à renforcer cette France monolithique et pyramidale tant prisée de l’iconographie républicaine !

Ainsi, on a oublié qu’au XVIIIè siècle la Corse était un modèle pour la France d’abord et pour l’Europe ensuite.
Que sa Constitution pensée, écrite, appliquée par Pasquale Paoli et qui a valu jusqu’en 1769 est plus ancienne que celle des Etats Unis d’Amérique, dont les pères fondateurs se sont largement inspirés.

Que les philosophes des lumières si prisés de la bien pensance citaient l’île comme la forme la plus aboutie de démocratie.

Jean-Jacques Rousseau écrivait « La valeur et l’insistance avec laquelle ce peuple a pu recouvrer et défendre sa liberté, mériterait bien que quelque homme sage lui apprit à la conserver.
J’ai le pressentiment qu’un jour cette île étonnera l’Europe »
Et si, pour une fois, il disait vrai ?
Charles Millon
Ancien Ministre de la Défense



Charles Millon: «Le général François Lecointre ne doit pas accepter n’importe quoi»

LE SCAN POLITIQUE – Ex-ministre de la Défense, sous la présidence de Jacques Chirac (1995-1997), l’animateur du réseau Avant-Garde, accuse le chef de l’État de «plus être en phase» avec la France.

LE FIGARO. – Quel est votre avis sur la nomination du général François Lecointre, nouveau ministre de la défense, nommé mercredi?

CHARLES MILLON. – J’ai une certaine admiration pour ce général puisque j’avais ordonné l’opération Verbania en Bosnie-Herzégovine le 27 mai 1995 et qu’il en était alors responsable. C’est un chef militaire de qualité. Je lui souhaite de pouvoir assumer ses nouvelles responsabilités alors que la France a des engagements extrêmement importants, notamment en Afrique, contre l’islamisme radical, fléau du XXIe siècle. Il ne peut pas accepter n’importe quoi.

● Que pensez-vous du départ du général de Villiers?

Cette démission interpelle les responsables politiques et les citoyens sur trois points essentiels: le sens de la parole donnée, la cohérence des engagements et la nature de la démocratie. Le chef d’état-major des armées doit-il se taire ou mentir devant une commission parlementaire pour être conforme aux derniers propos du président de la République? Sa mission n’est-elle pas d’alerter les responsables politiques sur les risques d’une dégradation des équipements militaires? Faut-il se rappeler des précédents historiques où de grands chefs militaires ont alerté les politiques et où les événements leur ont donné entièrement raison, confer 1940?

● Si vous aviez été ministre de la défense dans une telle situation qu’auriez-vous fait?

J’aurais démissionné.

● Quelle conclusion politique en tirez-vous?

Le président de la République n’a pas pris la dimension du problème.

● Est-ce le premier couac d’Emmanuel Macron?

Non. Pour moi, le premier couac a été posé avec les élus locaux. Le chef de l’État ne connaît pas la France. Il connaît la bureaucratie, la technocratie, les méthodologies économiques, sociales ou autres mais il ne connaît pas les Français. Aucun responsable politique ne peut dire qu’il y a trop d’élus locaux alors qu’ils sont tous des bénévoles au service de la nation et de la république. Aucun responsable politique ne peut demander aux chefs d’état-major des armées de se taire devant une commission parlementaire quand on connaît l’importance de leurs avis au vu de l’histoire de France. Aujourd’hui, le président n’est plus en phase avec le pays.

 




Renforcer la francophonie, c’est accroître le rayonnement de la France et la paix dans le monde

La Francophonie doit retrouver toute sa place dans la politique étrangère de la France.

II s’agit d’une politique certes culturelle mais aussi économique.  Le partage de cette belle langue française, enrichie des apports de tous ceux qui l’utilisent de par le monde a créé une profonde communauté de destin parfois mal comprise ou dévoyée.

II y a aujourd’hui en Afrique une forte solidarité et une grande coopération entre les pays parlant le français, et cette relation privilégiée existe aussi entre tous ces partenaires et Ia France.

C’est dans le cadre de Ia Francophonie que la France doit mener une vraie politique de reconquête dans les systèmes éducatifs et la recherche, en étroite liaison avec ses partenaires francophones.

L’Afrique sera demain la plus vaste zone de croissance et d’innovation du monde.

La France se doit donc d’impulser un renouveau de la francophonie, en facilitant par exemple l’uniformisation du droit commercial des pays francophones pour faciliter les échanges entre les entreprises françaises et les entreprises de nos partenaires francophones.

La France doit de manière efficace mettre en place un vaste programme de formations en langue française à destination des jeunes africains en fonction des besoins de chaque pays et plus particulièrement dans les métiers essentiels de I ‘artisanat et du bâtiment qui ont besoin d’une main d’œuvre qualifiée qui leur fait souvent défaut.

Il faut aussi favoriser les accords universitaires, appuyer l’édition scolaire et particulièrement Ia publication de manuels numériques.

Les grandes écoles et universités françaises doivent être aidées pour s‘implanter en Afrique ou la demande de formations francophone de qualité est exponentielle.

La France dispose d’une longue tradition de l’Etat et de la décentralisation.

Elle doit utiliser cette compétence au profit de ses partenaires africains qui le souhaitent dans le cadre d’un renforcement des capacités de Ia coopération décentralisée.

La Francophonie participe au rayonnement de la France à l’étranger, mais la France est souvent plus frileuse que ses partenaires dans ce domaine.

II faut y remédier dans les plus brefs délais avec Ia création par exemple d’un Ministère d’Etat en charge de la Francophonie, du Développement international et des Relations avec l’Afrique.

Un plus grand rôle à la Francophonie parlementaire est également nécessaire afin d’améliorer les relations entre les Etats qui ont le français en partage ; cela participe au renforcement des capacités de l’Etat de droit dans les pays partenaires.

II ne s’agit pas d’un combat d’arrière-garde, mais bien au contraire d’un combat moderne pour conserver la variété du monde, sa richesse, et protéger les cultures diverses contre une uniformisation mondialiste appauvrissante.

Pour mener ces politiques, il est nécessaire de :

  • Favoriser un projet d’uniformisation du droit commercial pour accroitre les échanges et la stabilité.
    (Renforcer le partenariat avec l’OHADA et les Communautés régionales (CEDEAO, CEMAC, UEMOA…)
  • Aider les autorités en charge de la gestion foncière dans les pays francophones
    au travers de coopérations décentralisées renforcées pour l’établissement de cadastres, et la formation de géomètres.
  • Créer un Ministère d’Etat en charge de la Francophonie, du Développement international et des Relations avec I ‘Afrique
  • Lancer des programmes de formations des jeunes africains francophones pour lutter contre le chômage et la pauvreté
  • Renforcer les moyens de la Francophonie parlementaire pour améliorer les capacités de l’état de droit

La francophonie n’est pas un héritage encombrant et honteux comme les chantres de la repentance permanente voudraient le faire croire.

La francophonie représente une force et une solidarité pour tous les pays francophones mais également une richesse et une chance pour l’équilibre du monde.