Combattre vraiment Daech

Voilà plus d’un an que Daech a proclamé le Califat ; voilà plus d’un an qu’une coalition internationale, sous la houlette des Etats‐Unis, bombarde la région. Avec quel succès ?

Pour l’instant, la paix s’éloigne un peu plus chaque jour.

Viols, esclavage, mutilation, destructions de monuments sans prix, déplacement de population, brimades, mise en scène de torture : on pourra dire que l’Etat islamique se sera donné du mal pour être à la hauteur de son rôle de « monstre absolu », renvoyant au deuxième rang les Shebabs, les GIA, les talibans et al Qaeda.

Daech donc occupe aujourd’hui un vaste territoire, à cheval sur au moins deux pays, l’Irak et la Syrie, et le monde assiste, presque impuissant, à ses exactions et à l’extension de son domaine de nuisance.

Aussi la question se pose aujourd’hui, plus que jamais : qu’attendons‐ nous pour agir vraiment ?

Attendons‐nous que ces pays se soient définitivement vidés de leurs populations chrétienne, yézidie, ismaélienne, alévie, alaouite et même chiite ?

Attendons‐nous que ne demeure plus que le sunnisme à front de taureau, sous sa forme la plus bornée, avec ses femmes sous tente portative, ses interdits odieux et sans limite, sa haine du reste du monde ?

Attendons‐nous que l’Irak et que la Syrie tombent entièrement entre leurs mains, au prétexte qu’il ne faudrait pas traiter avec le tyran Assad, ni avec les méchants iraniens, ni avec le Hezbollah, ni même avec Poutine ?

Préférons‐nous fermer les yeux sur les sempiternelles attaques turques contre les Kurdes ? Ou sur les bombardements inhumains du Yémen par nos alliés saoudiens et consort ?

Personne ne fait la guerre de gaieté de cœur, sauf les imbéciles. Sauf peut‐être ceux qui décident un beau jour de faire tomber un dictateur sans prendre garde aux suites mortelles, pour l’Europe elle‐même, de leur mini‐guerre sans risque.

Mais aujourd’hui, il s’agit de prendre des risques, et certainement pas inutiles, car il en va peut‐être de notre survie, mais certainement de celle d’antiques civilisations et communautés du Proche‐Orient.

La France a déjà envoyé ses hommes, seuls, au Mali et en Centrafrique. Ils y sont toujours et sont sans doute les derniers gardiens de la dernière porte avant le chaos en Afrique de l’ouest.

Mais ce qui se joue entre la Méditerranée et l’Euphrate est, comme mille fois auparavant dans l’histoire des hommes, déterminant pour la physionomie du monde dans les décennies qui viennent.

L’Etat islamique est un problème géopolitique, un cancer qui se répand en Libye, en Somalie, au Sinaï, qui passe des accords avec Boko Haram ou les talibans.

Mais c’est plus généralement un monstre dont la barbarie est sans limite. Une sorte, disons‐le, de totalitarisme vert, qui ne le cède en rien aux deux totalitarismes du XXème siècle.

Né de l’islam, il est conduit maintenant par une idéologie autonome qui fait redouter le pire.

Comme l’a remarqué Renaud Girard dans les pages du Figaro, on ne peut prendre le risque de répéter notre faiblesse des années 30 face à la montée du nazisme. C’est maintenant qu’il faut agir, avant qu’il ne soit trop tard.

En ce sens, il faut que la France en tant que membre permanent du Conseil de sécurité obtienne une résolution de l’ONU autorisant une intervention au sol à fin de mettre un terme à ces crimes contre l’humanité.

La France doit prendre l’initiative de réunir une conférence internationale dont l’objet sera la constitution d’une vraie coalition, non plus seulement aérienne, mais appuyée sur une force d’intervention.

Il faut réunir les nations alliées : celles qui sont prêtes à intervenir militairement, celles qui apporteront leur soutien, et celles qui participeront au financement.

L’objectif premier étant de permettre à ces pays, Irak et Syrie d’abord, de recouvrer leur souveraineté et d’empêcher la poursuite de ces crimes, qui dépassent le seul cadre de la guerre et s’apparentent de plus en plus à des crimes contre l’humanité.

Cette conférence internationale devra aussi déterminer le type d’accompagnement qu’il faudra prodiguer à ces pays par la suite pour empêcher qu’ils ne retombent dans l’anarchie et la misère.

L’Europe, fidèle à son histoire, s’honorerait de prendre la responsabilité de ces opérations de reconstruction et d’accompagnement.

Le temps n’est plus aux lamentations devant les horreurs perpétrées par Daech.

Le temps est à l’action déterminée pour garantir la Dignité des personnes, le droit des minorités et le respect des croyances dans cette région du monde où notre civilisation a ses racines.

Le Figaro du 8/09/2015
Charles MILLON
Ancien Ministre de la Défense Président de l’Avant‐Garde




Yémen, terrain de jeu des grandes puissances régionales

Islamistes contre islamistes ? Décidément, l’inventivité islamiste en matière de guerre dans les Proche et Moyen Orient et jusqu’en Afrique est sans limite.

On croyait que l’Etat islamique constituait le seuil ultime de barbarie et de dégradation des structures étatiques et traditionnelles, mais voilà qu’il est en train, non seulement de se métastaser, en Libye, au Sinaï égyptien, au Nigéria, mais plus, qu’il se fait concurrencer par de sympathiques mouvements comme celui des Chebabs somaliens qui ont frappé le Kenya en plein cœur, ou, plus inquiétant encore par les rebelles houthistes au Yémen.

L’offensive houthiste, milices de confession zaïdite, une variante du chiisme, a commencé réellement depuis l’automne dernier.

Après la démission forcée du président yéménite Hadi le 22 janvier 2015, sous la pression des rebelles, et la dissolution conséquente du parlement en février, il aura fallu attendre le 25 mars pour que le grand voisin, l’Arabie saoudite, forme une coalition dont elle a pris la tête, bombardant depuis ses avions selon la formule américaine, sans envoyer de troupes au sol.

L’ingérence de Riyad est saluée par toute la communauté internationale, et le jeune fils du nouveau roi, nouveau ministre de la Défense, acclamé comme un héros dans son pays. Seulement, la réalité est plus complexe.

Car il y a une autre puissance régionale, l’Iran.

Quand le pays des mollahs critique l’intervention saoudienne au Yémen, on l’accuse aussitôt, lui, d’aider en sous-main les rebelles. Ce qui est d’évidence vrai.

Mais vérité en-deçà du Golfe persique, erreur au-delà ?

Que l’on sache, l’Arabie saoudite et ses alliés américains n’ont pas reçu, eux non plus, mandat de la communauté internationale pour intervenir en « Arabie heureuse ».

Ali Khamenei, le guide suprême iranien, a beau jeu ainsi de dénoncer « l’agression saoudienne », l’accusant de « génocide » contre un « peuple innocent ».

Le président Rohani a, lui, assuré que l’Arabie saoudite répétait les mêmes erreurs qu’au Liban, en Irak et en Syrie, attisant les rivalités entre chiites et sunnites.

Savoir qui a commencé, de l’Iran qui subventionne le Hezbollah libanais depuis quarante ans, ou des alliés sunnites des Etats-Unis, c’est une autre affaire.

Reste que la situation géopolitique locale évolue aussi favorablement, par un autre côté : la signature de l’accord de Lausanne le 2 avril entre l’Iran et le groupe des 5+1 sur la question de l’enrichissement d’uranium, même s’il ne résout pas tout et ne constitue qu’un premier pas vers un véritable accord, qui n’aura pas lieu avant l’été, tant le dossier est techniquement complexe, est de bon augure.

L’Iran est-il encore « le grand perturbateur » que l’on décrit communément ?

Rien n’est jamais certain dans les réactions de la puissance perse aux mains des mollahs, passés maîtres dans l’art de la dissimulation et du coup de billard à plusieurs bandes.

Néanmoins, sans céder à la candeur, on peut constater que son retour dans le jeu géopolitique et dans la communauté internationale s’impose, ne serait-ce que pour contrebalancer le poids pénible de l’Arabie saoudite et de ses alliés-rivaux émiratis ou égyptiens.

Le Yémen est ainsi le grand révélateur, le terrain de jeu idéal si l’on peut dire, de la « guerre de Trente ans » à la mode musulmane qui se déroule dans cette partie du monde, où chaque grand puissance avance ses pions dans les pays voisins réputés faibles.

Sinon Oman, seul pays musulman au monde à n’être ni sunnite ni chiite, et coincé entre les puissances rivales, qui reste neutre, tout le monde est embarqué dans la querelle des chiites et des sunnites.

Le chiisme bénéficie de cet avantage d’être une confession plus organisée, disposant d’un clergé, et presque entièrement incarné en un pays, l’Iran, qui n’ayant pas de rival interne, peut tirer souverainement les ficelles, avec le Hezbollah au Liban, défiant un jour Israël, l’autre jour intervenant en Syrie pour soutenir Bachar el-Assad.

Avec les houthistes, c’est un nouveau bras armé, pas loin du cœur du monde sunnite, dans la péninsule arabique elle-même, qu’il met en branle.

Mais d’un autre côté, l’Iran est épuisé économiquement par les sanctions américaines et européennes et, sous la houlette d’un Ali Khamenei vieillissant et sous la pression de sa jeunesse désireuse d’entrer dans la mondialisation, il lui faut bien négocier, notamment sur la question nucléaire, avec la communauté internationale, pour redevenir respectable.

Il engrange quelques succès dans l’Irak dévasté, en stoppant momentanément l’expansion de l’Etat islamique.

Mais le pouvoir d’attraction de celui-ci auprès des candidats au djihad du monde entier laisse sa puissance intacte, d’autant qu’il fait des émules, particulièrement dans le chaos libyen et qu’il a su ringardiser Al Qaeda, qui est en train de lui faire allégeance.

De l’autre côté, l’Arabie saoudite a su tirer parti de la très mauvaise réputation que son voisin et rival qatari a fini par se tailler dans le monde occidental, accusé de soutenir le terrorisme et notamment les Frères musulmans, pour reprendre le leadership régional, notamment en soutenant et en finançant le régime du Maréchal Sissi contre les Frères en Egypte.

Ayant renoué de bonnes relations avec les puissances européennes, notamment la France, la dynastie des Saoud, guidée par son nouveau roi, est ainsi à la manœuvre pour l’achat d’avions Rafale par l’Egypte, dont elle a garanti le paiement.

Le président égyptien Sissi espère que sa participation aux bombardements contre les houthistes yéménites lui vaudra en retour une aide substantielle de Riyad contre l’autre chancre qui menace la stabilité arabe, à l’ouest, cette Libye tombée dans le chaos depuis l’intervention occidentale, où l’Etat islamique, parmi d’autres factions cruelles, met en scène l’égorgement de Coptes égyptiens ou de migrants éthiopiens, accusés d’être chrétiens.

Le maréchal Sissi, en fin tacticien, s’est attiré les bonnes grâces de la communauté internationale en affichant immédiatement son soutien à sa forte minorité chrétienne copte, ce qu’aucun dirigeant Egyptien n’avait jamais fait auparavant.

Ainsi, le jeu est plus ouvert que jamais, et l’Occident va devoir enfin décider de la stratégie à adopter dans la région, qui ne peut être de soutien unilatéral à l’un des deux camps, sous peine de voir le conflit dégénérer en une guerre de cent ans.

Dans ce monde rongé par la tentation de l’extrémisme islamique, vu par les populations déshéritées comme la dernière chance, la dernière protection, on ne peut décemment se défaire des quelques puissances régionales stables.

Il faut, par une politique habile, les amener à la table des négociations, et leur faire comprendre qu’à entériner et continuer ce jeu pervers de soutien à des rébellions ou à des djihadismes dans les pays voisins, c’est leur existence même qu’elles mettent en péril.

Jusqu’ici, l’engrenage d’alliances non-dites et de subventions cachées n’a servi personne : depuis la guerre du Liban dont on célèbre ces temps-ci le funeste quarantième anniversaire jusqu’au chaos yéménite, en passant par l’Irak, la Syrie, l’Egypte, la Libye, enfin tous ces faux printemps arabes, ce sont seulement la mort et la désolation qui ont été semées dans la régions, sans que l’on voit la moindre promesse d’espoir poindre à l’horizon.

Mais pour parvenir à rétablir certaine stabilité, tous les concours seront nécessaires : autant la Russie, que l’occident est bêtement allé défier en Ukraine, que l’Europe et les Etats-Unis, doivent abandonner leur vision à court-terme et leurs coups fourrés pour élaborer un Yalta dans le Golfe persique et généralement dans le monde arabo-musulman.

Sans quoi, c’est leur propre destruction, en sus de celle de ce monde, qu’ils préparent, comme en témoigne l’immense tragédie des migrants de Méditerranée utilisés par la Libye contre l’Europe.

charles-millon




Référendum européen : dix ans après, les États membres de l’UE la jouent toujours chacun pour soi

Référendum européen : dix ans après, les États membres de l’UE la jouent toujours chacun pour soi

Une tribune de Charles Millon, ancien ministre et membre de l’Avant-Garde, Charles Beigbeder, entrepreneur et membre de l’Avant-Garde, Christian Vanneste, ancien député et membre de l’Avant-Garde et Xavier Lemoine, maire de Montfermeil et membre de l’Avant-Garde.

10 ans après. 10 ans après quoi ? Après la mort de la démocratie française. Le 29 mai 2005 qui, on s’en souvient, avait signé le rejet par une majorité écrasante de Français (54,67%, soit plus de 15 millions de voix) du « traité établissant une constitution pour l’Europe » élaboré sous la houlette de Valéry Giscard d’Estaing, aurait dû ouvrir le millénaire dans la fanfare des peuples libres et souverains, prenant enfin en main leur destin.

 Il n’en fut rien. Il en fut tout au contraire : à peine trois ans plus tard, le président Sarkozy abolissait en un tournemain et en un tour de magie le verbe du peuple, en faisant voter au Congrès le Traité de Lisbonne.

Chant du cygne que ce référendum, fin de l’Histoire de France, enterrement de première classe d’une nation pluriséculaire, cage dorée pour patrie fatiguée ? Oui, mais seulement si nous le voulons et rendons les armes. Car ces dix années auront au moins prouvé ceci à la face du monde et des eurobéats, que la voie de l’Union technocratique est sans issue. On nous sert l’intégration forcée à coups de réglementations et de décrets pendant que les peuples, grecs mais pas seulement, meurent dans leur économie et aussi dans leur âme.

Cette UE ne sait protéger ni les intérêts de ses peuples, ni ceux de ses entreprises. Elle est ouverte aux quatre vents de la mondialisation et dans son intérieur même, par la pratique du dumping social, elle détruit les économies locales. Cette UE n’a pas de politique extérieure aboutie, ni la voix forte que le monde attend. Cette UE est incapable de trouver une solution humaine et raisonnable à la tragédie des migrants qui traversent la Méditerranée. Cette UE n’est plus un pont civilisationnel mais une bureaucratie opaque qui fait fermenter dans le secret des traités de libre-échange auxquels les élus mêmes des nations qui la composent n’ont pas accès. Bref, cette UE a vitrifié toutes les énergies européennes.

Mais son mal vient de plus loin, et il était déjà patent dans le projet de constitution qui biffait ses racines chrétiennes pour leur préférer les seules Lumières. Son mal est civilisationnel, culturel, tout le monde le sait mais nul n’ose le dire. L’Union européenne s’est édifiée sur des critères techniques, monétaires et juridiques qui ont changé une aspiration commune en une monstrueuse machine. Les patries ne vivent pas d’abstraction, elles vivent de symboles et d’histoire. C’est pourquoi cette Europe n’est aujourd’hui la patrie de personne et ses forces centrifuges se sont remises en marche, témoin la tentation du départ du Royaume-Uni. « Les peuples sans légende seront condamnés à mourir de froid« , savait le poète.

C’est ce qui nous attend si – et l’anniversaire de cette victoire à la Pyrrhus nous en donne l’occasion -, nous ne refondons pas l’Europe sur sa seule pierre d’angle, qui est son identité culturelle. Dire qui nous sommes non pour nous gargariser nostalgiquement du passé, mais pour savoir où nous allons. Et pour le faire savoir. L’Europe qui fut grande était celle des projets industriels, énergétiques, écologiques transnationaux dans quoi chacun trouvait son compte. L’Europe qui fut grande était celle qui ensemençait le monde de sa mesure, de sa sagesse née du long travail des siècles, cette Europe ‘voie romaine » qu’a décrite Rémi Brague. Cette Europe du souci des plus faibles, cette Europe qui apaisait les douleurs du monde.

Cette Europe-ci n’a pas besoin de commissaires anonymes, ni de grands banquiers indépendants, ni de juges hors sol. Elle a besoin du génie propre de ses dizaines de patries, accordées dans une même symphonie. C’est en quoi aujourd’hui, fédéralistes ou souverainistes, élèves de Schumann ou de de Gaulle, nous pouvons nous retrouver pour brûler enfin les cous de l’hydre bruxelloise et reconquérant nos frontières, notre identité, nos économie, réveiller l’âme commune qui nous fait Européens.

Atlantico 29/05/2015




Migrants, traiter le problème à la source

Valeurs actuelles 21 mai 2015

« Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde ».

Evidemment. Personne n’a les capacités de le faire.

S’il est parfois bon de rappeler des évidences, cette lapalissade-ci emprisonne toutes réflexions et tous débats sur le drame de l’immigration clandestine depuis des années.

Des généreux d’un bien qui ne leurs appartient pas aux hâbleurs tartuffes, nos gouvernants surfent sur le sujet, se gardant bien de sortir de cette ligne garante de leurs étiquettes idéologiques périmées.

Ce problème ne peut se poser en ces termes et encore moins se résoudre d’un claquement de doigts.

Ces naufrages nous révoltent tous mais ces embarcations funèbres ne sont pas les premières et risquent de ne pas s’estomper si l’on dédaigne de s’attarder sur les racines de cette tragédie.

Le problème de la sécurité en Méditerranée, avec ses deux rives religieusement opposées, n’est pas neuf. Il est même très ancien.

La colonisation de l’Algérie par la France en 1830 a commencé comme ça, pour détruire enfin la piraterie qui infestait la Mare nostrum depuis des siècles, avec son cortège d’esclaves et de trafics.

Si les termes ne sont pas les mêmes aujourd’hui, et il ne saurait s’agir de recoloniser l’Afrique du nord.

Cependant, les vagues de migrants dont l’intensité a crû ces derniers mois, en partance de Libye principalement et vers les côtes italiennes, reposent avec acuité la question des rapports intra-méditerranéens et, plus loin, celle des rapports de l’Europe avec l’Afrique.

Ce à quoi l’on assiste en Libye, où se conjoignent les intérêts terroristes des djihadistes et les intérêts pécuniaires des passeurs ne représente qu’un déplacement géographique de la vague de migration.

Jusqu’il y a peu, c’était par le Sahara occidental, les Canaries et les enclaves espagnoles au Maroc que débarquaient les clandestins.

Si la situation a changé, c’est outre le chaos libyen unanimement décidé par nos gouvernant, qu’il existe des solutions pour endiguer le flux, au moins localement. Ainsi, dès le début des années 2000, l’Espagne a signé des accords de coopération avec le Maroc et d’autres pays africains du littoral atlantique et mis en place des patrouilles en mer communes.

Un succès : aujourd’hui, il y a moins de 200 migrants par an qui prennent encore cette route de Méditerranée occidentale.

En réalité, si les naufrages nous touchent, les trois quarts des clandestins en Europe arrivent par avion, le plus souvent munis d’un visa. Une fois celui-ci expiré, les personnes restent sur le sol européen. Il y a donc des flux continus, et c’est à leur source même qu’il convient de les tarir.

Deux questions conjointes se posent donc à l’Europe : comment rétablir des structures politiques dans les pays pourvoyeurs de migrants, de façon à y stabiliser les populations ?

Et comment refondre la politique d’accueil de l’Europe même, qui fonctionne aussi comme une pompe aspirante, laissant croire aux migrants qu’ils y gagneront le paradis ?

Certains réclament une politique de défense plus agressive de la part de l’Union européenne, notamment pour bloquer les bateaux dès les ports libyens. Pourquoi pas ?

Mais l’on ne fera que retarder la solution du problème, dont les racines sont bien plus lointaines.

Elles se trouvent en Afrique noire où de fait, l’Europe a abandonné toute politique de coopération cohérente et structurée.

Et un à un, les pays de la bande sahélo-saharienne, depuis le Mali jusqu’à la Somalie, basculent dans le chaos ou sous la botte islamiste.

Partout, faisant fonds sur la fragilité des régimes locaux, les fondamentalistes musulmans  utilisent la même technique de terreur, qui consiste à dépeupler à terme les provinces, pour qu’il n’y reste que les musulmans, créant donc les conditions favorables à l’exil vers une terre plus accueillante.

Le terrorisme musulman vient donc se superposer à la pauvreté économique déjà présente dans nombre de ces pays. Et en tous lieux, les chrétiens sont les premières victimes : depuis ces migrants qui auraient été passés par-dessus bord par leurs compagnons d’infortune, au motif qu’ils étaient chrétiens jusqu’à ces Ethiopiens exécutés par Daesh en Libye pour le même motif, après les Coptes qui avaient subi le même sort.

Au Kenya, le 2 avril, le massacre de Garissa est venu confirmer cette triste réalité : les Chebabs venus de Somalie ou recrutés dans la population locale déshéritée ont trié les étudiants, mettant d’un côté les musulmans, de l’autre les chrétiens. Le but est atteint : les chrétiens fuient Garissa. Selon le porte-parole des Chebabs, l’attaque de l’université se justifiait parce que « c’est un plan pour répandre le christianisme et l’infidélité ». Le discours est clair.

Au Niger, une attaque du groupe islamiste Boko Haram samedi 25 avril aurait coûté la vie à une cinquantaine de soldats basés près du lac Tchad.

Au Tchad même, le président pourtant puissant Idriss Déby se montre très inquiet.

Alors qu’il a déjà affaire à la Libye et à Boko Haram, des troubles dans le sud du pays, notoirement dominé par le nord, mais où se trouve le pétrole, ont fait récemment un mort.

Alors que le régime d’Idriss Déby assure un semblant de stabilité dans la région, il serait dramatique qu’une rébellion se déclenche à l’intérieur du pays.

Au Soudan du Sud, depuis un an et demi, une guerre tribale sévit qui plonge le jeune pays dans une situation humanitaire dramatique.

En Erythrée, dont le terrifiant régime, qui ne peut être comparé aujourd’hui qu’à celui de la Corée du nord pour l’usage de la torture, la population sous les armes et la coupure avec le reste du monde, d’après le Haut Commissariat aux réfugiés, ils sont plus de 220.000 à avoir fui depuis 2011, soit 5% de la population. Chaque mois, 3000 jeunes Erythréens, garçons et filles, traversent la frontière éthiopienne.

Un évêque local a récemment parlé de « dépeuplement ».

Ainsi se conjuguent misère, instabilité politique et terrorisme islamique pour mettre à feu et à sang la moitié de l’Afrique.

Il est temps que le monde, et l’Europe au premier rang, s’en préoccupe et prenne les moyens nécessaires avant que la Méditerranée ne devienne la patrie de la misère humaine.

Charles Millon, ancien ministre,




Chrétiens d’Orient : mourir pour sa foi

Cent cinquante étudiants sont massacrés par des islamistes radicaux dans une université du Kenya.

Les médias évincent volontiers ce fait essentiel : les assassins ont séparé les Chrétiens des Musulmans, pour ne s’acharner que sur les premiers et laisser partir les seconds.

Les étudiants qui s’avouaient chrétiens, sachant ce qui les attendaient, étaient donc des martyrs au sens strict.

On ne se demande pas ce qu’un fait de cette importance signifie dans le monde contemporain : mourir pour sa foi.

On s’exténue à se demander ce que signifie tuer pour sa foi.

Mais mourir pour sa foi : on n’en parle pas – les témoins/martyrs (c’est le même mot) sont ignorés : on les plaint d’être mort, on aurait peur d’admirer leur geste.

C’est que cela pourrait inciter certains à admirer les Chrétiens.

La RATP interdit une affiche de concert au bénéfice des Chrétiens d’Orient –prétextant la défense de la laïcité : mais si le concert avait eu lieu au bénéfice des juifs de l’hyper-casher ? de Musulmans tués sur un campus aux États-Unis ?

Que dirait-on à la RATP ? On se demande si la laïcité n’a pas bon dos pour ignorer la persécution des Chrétiens d’Orient.

Est-il interdit de dire que ce sont précisément les Chrétiens qui en tant que tels sont tués en Orient ?

Faut-il les appeler autrement parce qu’on n’a plus le droit de considérer les Chrétiens comme des victimes ?

Jusqu’où va-t-on aller et assister sans bouger au massacre des Chrétiens ? Ce sont nos frères.

Ce sont leurs pères qui ont permis le rayonnement de notre civilisation chrétienne.

Ce sont eux qui nous ont permis de vivre en dignité et en sécurité.

Sommes-nous assez lâches pour les abandonner ?

Le monde a pour devoir de les sauver car sans le christianisme, pouvons-nous encore garantir la paix, la dignité et la liberté de chacun ?




Après le 11 janvier: Définir l’adversaire

Nul n’est évidemment demeuré insensible à la tragédie que la France a vécu ces derniers jours, à travers ses 17 enfants tombés sous les balles de terroristes.

Les manifestations du week-end, en effet sans précédent dans l’histoire nationale, ont démontré combien la France a été touchée dans ses tripes.

On peut se féliciter bien entendu de l’ampleur de ce sursaut.

Reste cependant, si l’on veut garder la tête froide, à se demander contre qui l’on a défilé.

C’est-à-dire que nous devons enfin définir l’adversaire qui, lui, nous a déjà désignés comme tel.

Assistons-nous à une guerre de civilisation ? Oui vraiment, je le crois.

L’islamisme est un cancer qui a gangrené la moitié du monde, du Pakistan au Nigéria, de l’EI à Boko Haram, en passant par les talibans, mais aussi par les monarchies du Golfe.

Aujourd’hui, cet ennemi est aussi, il faut l’avouer, un ennemi de l’intérieur.

Nous autres européens de tradition judéo-chrétienne n’avons aucune envie de désigner à la vindicte quelque population que ce soit, car nous connaissons trop le fonctionnement du bouc-émissaire, qui a justement été dévoilé par le Christ lui-même dans sa mort sur la croix.

Et c’est justement pourquoi, et pour sauver notre monde, et pour protéger les musulmans, et les protéger d’eux-mêmes, que nous souhaitons qu’ils parviennent enfin à débarrasser leur religion des ferments meurtriers qu’elle comporte encore à l’évidence.

Nous ne pouvons agir à leur place.

Nous pouvons cependant, d’abord en France, mais aussi en Europe et dans tout le reste du monde occidental, les inciter à se réformer vraiment, et pas seulement en paroles, en bannissant enfin et définitivement la charia, en ce qu’elle comporte de lois insupportables, comme la lapidation, le meurtre pour apostasie, le voile des femmes, entre autres.

C’est ainsi que les musulmans pourront enfin intégrer pleinement la communauté nationale.




Tunisie :les élections législatives qui viennent, le 26 octobre prochain, seront déterminantes pour le pays.

Malgré sa constitution modérée adoptée en janvier dernier, pèse encore sur la Tunisie l’épée de Damoclès de l’islamisme.

Les élections législatives qui viennent, le 26 octobre prochain, seront déterminantes pour le pays.

En effet, Ennahda, le parti lié aux Frères musulmans, qui avait hérité du pouvoir après la chute de Ben Ali, avant d’en concéder une partie à un « gouvernement de technos » il y a quelques mois, est en embuscade.

Rached Ghannouchi, son président, est en tournée promotionnelle actuellement en occident, notamment aux Etats-Unis, où il vante un islam modéré.

Familier du double discours depuis de longues années, celui qui il y a un an demandait aux salafistes « encore un peu de patience » avant de s’ébattre en liberté dans le pays, est prêt aujourd’hui à envisager une alliance avec les anciens partisans de Ben Ali.

C’est dire si la possibilité que le pouvoir lui échappe l’effraie.

Contre ces partis qu’il qualifie d’extrême-gauche, comme celui de Beji Caïd Essebsi, Nida Tounes, le mouvement islamiste ne recule devant rien.

Son bilan économique reste désespérément creux ?

Il feint de laisser entrer au gouvernement des experts issus de la société civile, tel Mehdi Jomaa, l’actuel Premier ministre, dont il est en réalité très proche.

La guerre contre le terrorisme ? En paroles, il la pratique et se propose comme médiateur avec la Libye ou le Yémen.

Dans les faits, il demeure proche du Hamas, de l’Arabie saoudite ou du Qatar, suivant les jours.

Or, à l’heure où le terrorisme islamique prend des proportions effrayantes, où la Libye est en proie à l’anarchie, que rien n’a été réglé dans le Sahel, pas même au Mali où se reforment les anciens groupes séparatistes ; alors que l’avenir de l’Algérie est imprévisible, puisque les jours de son président sont manifestement comptés, la France et plus généralement l’Europe ont besoin d’un allié sûr dans la région, pour que les dernières digues ne sautent pas.

Une Tunisie chaotique ou même islamiste est un luxe que la France ne peut se payer.

La Tunisie, malgré les impérities de la dictature de Ben Ali, fut sans doute le pays le plus avancé de la région en matière de libération des femmes et d’éducation des peuples, héritage de l’ère Bourguiba.

Son économie elle-même semblait presque prospère, bien que l’intérieur du pays, ferment de la révolution ait été oublié au profit des côtes touristiques.

Aujourd’hui, l’exode rural crée un nouveau lumpenprolétariat urbain à qui l’on ne promet aucun avenir, l’Etat incapable de protéger ses frontières en a fait une passoire pour migrants subsahariens à destination de l’Europe et de ses marches mêmes un terrain de jeu pour groupes terroristes.

Les beaux discours de M. Ghannouchi et de ses alliés ne parviennent plus à masquer l’échec patent de la politique des Frères, même au point de vue social : habiles pour choyer les pauvres quand ils ne sont pas au pouvoir et se créer une clientèle, ils se révèlent incapables de mener une politique véritable à la tête d’un Etat.

L’Egypte de Morsi en a administré une bonne preuve.

Ni la France ni l’Europe ne peuvent ni ne doivent intervenir dans le processus d’élections démocratiques en cours.

Il est cependant de leur devoir autant que de leur intérêt d’avertir les populations tunisiennes du désastre qu’elles se préparent si elles votent une fois encore pour le parti islamiste.

Du Proche-Orient à l’Afrique sahélienne, ce monde est une poudrière. Et la Tunisie est au milieu.

Charles Millon




De la Somalie au Nigéria

D’est en ouest, le continent africain est actuellement le théâtre de guerres qui,pour avoir des enjeux parfois locaux, commencent pourtant à prendre une cohérence d’ensemble inquiétante.

C’est toute la bande sub-sahélienne,c’est-à-dire le nord de l’Afrique noire qui est touché par ces conflits.

Que certains soient anciens, comme celui qui secoue la Somalie, ou très récents comme au Nigéria, il demeure indéniable qu’ils ont tous, directement ou indirectement, des racines islamistes.

Mais ils posent aussi, encore une fois,la question des frontières africaines, soit de leur incohérence au regard des populations, soit de leur porosité.

Sil’on trace une diagonale du nord-Mali jusqu’à la Somalie, quasiment tous les pays qu’elle traverse, à la notable exception du Niger et du Tchad, sont travaillés ou par des conflits internes ou par des actes terroristes :Mali, Extrême Nord du Cameroun, Nigéria, Centrafrique, Sud-Soudan, Kenya et donc Somalie, aucun de ces pays n’est aujourd’hui à l’abri d’une déstabilisation.

Trois problématiques différentes, mais accumulées, sont à l’oeuvre : les tribus,la question religieuse et les ressources naturelles.

Cette trinité qui concerne toute l’Afrique noire devient évidemment plus brûlante à la frontière de deux civilisations que recouvre partiellement la frontière de deux religions,l’islam et le christianisme (sans oublier l’animisme, généralement dissimulé ou  minoré) : au nord, une civilisation plutôt pastorale, marquée par une certaine arabisation ; au sud, la civilisation plus sédentaire de l’Afrique noire.

Est-ce un choc des civilisations ?

En partie, oui, et l’on aurait tort d’oublier les leçons de Huntington ou de les balayer d’un revers de main.

Au Nigéria, au Sud-Soudan, en Centrafrique, ce sont bien des guerres civiles religieuses à quoi on a affaire.

En Somalie, c’est plutôt le poison djihadiste, déversé là depuis vingt ans, dans un pays qui n’a jamais connu d’Etat fort.

Au Mali, se conjugue les facteurs tribaux et religieux, quoique ce soit à l’intérieur même de l’islam que la scission s’opère.

Devant cette avancée de l’islamisme guerrier, à quoi s’ajoute comme dans d’autres parties du monde, la lutte pour le contrôle des ressources naturelles, ainsi qu’on le voit au Nigéria, s’affrontent deux théories, qui ont chacune leurs avantages.

Il y a d’abord celle qui consiste à pousser à la tête d’un pays, ou à le soutenir s’il y est déjà, un homme fort, tel Idriss Déby au Tchad dont la politique, non seulement apaisera les populations mais encore contiendra la poussée islamiste vers le sud.

C’est ce que l’on a reproché aux forces occidentales quand elles ont fait tomber Mouammar Kadhafi : n’avoir pas pris en compte que sa disparition laissait le champ libre, dans une immense région, à des groupes terroristes, tribaux ou djihadistes, désormais armés jusqu’aux dents.

C’est aussi le rôle que jouent dans une moindre mesure Blaise Compaoré au BurkinaFaso, Mahamadou Issoufou au Niger ou Paul Biya au Cameroun.

C’est aussi ce rôle de digue que la France cherche à maintenir à tout prix au Mali, quoique le gouvernement soit faible pour le moment.

Mais il y a aussi une autre voie, que de nombreux africanistes et connaisseurs de la région défendent : la voie d’un fédéralisme à l’africaine.

Il ne s’agit pas d’entendre par là la création d’une autorité supérieure aux Etats, à l’image de l’Union européenne, mais au contraire, la création d’entités subsidiaires à l’intérieur des Etats.

Ce redécoupage peut se faire de manière interne, mais aussi, parfois de manière externe, comme la création des deux Soudan l’a prouvé.

A l’intérieur des Etats, cela passerait par une plus large autonomie,par exemple dans le cas du Mali, où les Touaregs du nord pourraient décemment réclamer un transfert de compétences de la part de Bamako.

Le découpage hérité de l’époque coloniale a montré ses limites dans nombre de pays. Et c’est pourquoi, la nouvelle donne ne pourrait se faire sans une grande conférence internationale qui réunirait auprès des autorités africaines actuelles, les gouvernements occidentaux, aux premier chef desquels l’Europe.

C’est en effet un devoir pour elle que de participer à la réflexion d’une nouvelle organisation.

Un devoir d’abord parce qu’elle est responsable devant l’histoire, mais aussi parce que c’est elle qui, ayant le plus d’intérêts de tous ordres dans ces pays-ci, géopolitiques, économiques, civilisationnels, y est de fait le plus investie.

Enfin, parce qu’elle est à l’origine des grands principes démocratiques, comme la garantie des droits des minorités.

Aujourd’hui,dans tous ces pays que l’on a cités, mais auxquels il faudrait adjoindre nombre d’autres nations africaines, la politique ne se fait qu’au détriment des minorités qu’écrasent les majorités démographiques.

Or la démocratie ne peut reposer sur cet unique pilier que sont les masses de population.

Surtout en Afrique où les ethnies, les tribus ont longtemps eu des histoires et des cultures différentes et qui sont parfois liées de manière inextricable.

Enfin,cette Conférence africaine internationale implique l’Europe parce que c’est elle qui, en dernier ressort, subit les problèmes africains en matière de sécurité, d’immigration, d’islamisation, et de rupture de développement.

Si la solution se trouve évidemment dans les mains des Africains eux-mêmes, qui doivent se saisir de leur destin, il est nécessaire aujourd’hui que la communauté internationale leur donne les moyens de fonder des Etats stables, assez forts pour se permettre de décentraliser vraiment.

Le Sénégal constitue un très bon modèle, où la structure politique s’appuie notamment sur les antiques communautés musulmanes soufies pour faire régner la concorde.

Les Africains, comme l’humanité en général, n’ont pas besoin de représentations abstraites, éloignées de la réalité de leurs vies, qui plus est rongées par la corruption, l’autre grande plaie de ces pays.

Car c’est évidemment quand se produit un afflux soudain de richesses, souvent dû à une manne d’hydrocarbures ou minière, comme cela se voit au Nigéria, en Centrafrique et au Sud-Soudan, que les structures traditionnelles sont déstabilisées.

Parvenir à distribuer avec justice les bénéfices de l’exploitation de ces matières premières est un autre grand défi de cette Afrique malade de sa croissance trop rapide.




Crise Ukrainienne

Nous sommes en 14, mais de quel siècle ?

Face à l’affaire ukrainienne, on peut s’interroger :s’agit-il du XXème ou du XXIème ?

En effet, en 1914 l’Europe s’embrasait par un subtil et pervers jeu d’alliance à la suite d’une sombre affaire balkanique et se déclarait à elle-même cette première guerre qui avant d’être mondiale fut une dramatique guerre civile, dont le résultat fut l’effondrement des grandes puissances européennes, la perte de leur influence et de leur rayonnement, et l’émergence de l’imperium illimité des Etats-Unis.

Aujourd’hui, c’est avec cette Russie dont l’histoire politique et culturelle, civile et religieuse témoigne de l’intégration dans la civilisation européenne que le Vieux continent menace de rompre des liens séculaires, par aveuglement ou par ineptie géopolitique.

Il est de la responsabilité des grands dirigeants du monde européen d’y réfléchir à deux fois avant que de s’aligner uniment sur les positions de l’ONU et des Etats-Unis. L’histoire ne pardonne pas deux fois la même erreur – si tant est d’ailleurs qu’elle nous ait pardonné la première.

Le premier devoir des Européens,s’ils veulent exister en tant que puissance, est le discernement.

Quel est aujourd’hui l’ennemi, celui qui menace intrinsèquement la stabilité,l’équilibre, l’harmonie et à terme l’existence de l’Europe, ce continent aux racines judéo-chrétiennes et à la double personnalité orientale et occidentale ?

Certainement pas les Russes ou Vladimir Poutine :aujourd’hui, l’ennemi de l’Europe, c’est évidemment d’abord l’islamisme radical dans son expression politique, démographique et surtout terroriste. Et sous un angle économique et civilisationnel, l’Inde ou la Chine dont la volonté d’expansion ne nous fera pas de quartier.

Les raisons de la crise ukrainienne touchent bien entendu aux difficultés de maturation d’une identité propre à un peuple, mais aussi à notre incapacité à nous mettre autour d’une table avec la puissance russe pour discuter diplomatiquement.

Le drame du vol de la Malaysia Airlines, même si l’on en ignore encore les responsables, démontre qu’à trop tarder à agir, on risque l’enlisement dans une sale guerre.

Les institutions européennes actuelles restent pendantes sur les questions de politique étrangère et de défense.

Chacun tire à hue et à dia, et manifestement, les intérêts immédiats de l’Allemagne ou de certains pays d’Europe centrale ne sont pas les mêmes que ceux de la France vis-à-vis de l’Ukraine et de la Russie.

Est-ce une raison pour ne pas initier une politique européenne et attendre que finisse le face-à-face Poutine-Obama ?

Non, l’Europe, du fait de sa proximité géographique et culturelle avec la Russie doit enfin devenir son premier interlocuteur dans ces « marches » que sont l’Ukraine ou la Biélorussie.

Le sentiment antirusse développé par certaines de nos élites, au motif que la grande nation ouralienne ne répondrait pas aux stricts critères démocratiques n’a pas sa place dans cette politique et dans ces négociations.

L’Europe doit participer activement à l’élaboration d’une fédération ukrainienne, solution qui s’impose évidemment.

Conférer de l’autonomie à la Crimée comme à d’autres territoires, notamment en suivant les lignes de partage des langues maternelles des populations est notre affaire, avec la Russie, bien plus que celle de l’administration de la Maison blanche.

L’Europe a beaucoup à partager avec son voisin russe, ne serait-ce qu’au point de vue de l’héritage culturel, religieux, littéraire et artistique qui nous est commun.

Nous avons du mal à nous comprendre avec la Russie de Vladimir Poutine : ce n’est certainement pas notre seule faute.

Poutine est-il un le si grand stratège que l’on dépeint ?

Au-delà de ses manifestations de force, hier en Géorgie, aujourd’hui en Ukraine, qu’elles soient à visage découvert ou masquées, il ne faut pas oublier que le dirigeant russe a besoin de mener une politique étrangère forte pour faire oublier à son peuple son échec interne.

Ainsi,l’économie russe actuelle ne se porte pas bien : Poutine a certes mis au pas les oligarques qui avaient prospéré sous Elstine, mais ça a été pour les remplacer par d’autres, aux ordres du Kremlin, mais qui perpétuent tout de même l’image d’une société à deux vitesses où une minuscule élite nargue un peuple toujours pauvre, désencastré de l’économie mondiale, à la démographie toujours faible et à l’espérance de vie pitoyable.

De même, le fantasme d’une Russie homogène culturellement et religieusement est à déconstruire : les banlieues de Moscou sont pleines de ressortissants des Républiques musulmanes d’Asie centrale et si Poutine joue le matador face au péril islamiste, arguant de la lointaine expérience russe avec les Tatars, il n’est pas interdit de croire que la Russie très chrétienne se réveille demain avec des apprentis-terroristes sur son sol, ou tout simplement avec des minorités revendicatives.

Et la très puissante manifestation du racisme en Russie, couplée à un mépris, pour le moins, vis-à-vis des personnes homosexuelles, ne plaide pas en faveur de l’harmonie sociale.

La Russie, enfin, reste extrêmement dépendante de son économie d’exportation de matières premières,principalement dans le domaine des hydrocarbures et des minerais. La richesse de ses sous-sols, incontestable, a tendance à écraser le reste des secteurs économiques et met le pays à la merci des variations de prix mondiales, comme la crise de 2007-2008 l’a prouvé.

Tous ces paramètres que nous venons d’énumérer doivent être pris en compte, ensemble, par les Européens s’ils veulent pouvoir penser une nouvelle relation, apaisée et ferme, avec le grand voisin aux 140 millions d’habitants.

Certainement, la Russie est un pays qui fait montre d’un fort nationalisme : mais est-il finalement plus puissant et plus agressif que celui des Etats-Unis, de la Chine ou de l’Inde ?

La question ne se situe pas précisément ici en fait, mais plutôt dans la capacité que nous avons à appréhender cette semi-étrangeté que constitue pour des Européens centraux et de l’ouest cet immense continent, et globalement tout le monde historiquement orthodoxe.

Héritier de Byzance, de la Grèce autant que des Khanats mongols, l’espace civilisationnel russe nous est comme un cousin lointain, plein de ressemblances qui parfois sont des pièges pour ce qu’elles recèlent de différences latentes.

Mais ce cousin nous est peut-être aussi proche finalement que le cousin américain : nous nous ressemblons, notamment dans le façonnement historique par le christianisme, mais nos christianismes eux-mêmes sont différents.

Nos espaces géographiques sont foncièrement antithétiques et partant le rapport des population à la géographie : comme les Américains, les Russes sont les conquérants de grands espaces sauvages et rudes, à la différence des Européens qui habitent un jardin parfaitement ordonné et domestiqué.

Nos mœurs sont différentes et pourtant elles se rejoignent dans une certaine idée de l’universel, de l’homme,des rapports familiaux, de la place donnée à la femme et, dans la théorie au moins, dans notre compréhension des droits de l’homme.

La Russie demeure un voisin sauvage mais qui s’est aussi constitué depuis deux siècles en empruntant des traits déterminants à la culture européenne.

Ainsi, deux urgences s’imposent à la politique étrangère européenne et à sa diplomatie : la première, calmer la tendance « paranoïaque » russe actuelle, persuadée que l’occident en général veut sa destruction ; la seconde, marquer fermement les limites de l’influence russe, notamment en Ukraine.

Ces deux préalables sont les conditions sine qua non pour que se réveille la politique étrangère européenne,c’est-à-dire qu’elle redevienne indépendante et forte, non pour asseoir une illusoire puissance, mais pour perpétuer la paix là où elle existe encore dans le monde.




La protection des chrétiens d’Orient

Assurer la protection des chrétiens d’Orient, garantir la liberté de culte, sont des obligations impératives pour toute démocratie attachée à la défense de la liberté personnelle et à la protection des minorités.

La France a traditionnellement, depuis François 1°, toujours protégé, aidé, soutenu les chrétiens d’Orient.

C’est le résultat d’une longue histoire. Aujourd’hui, il est du devoir de tous les responsables religieux, politiques, intellectuels etc… de se mobiliser pourque les chrétiens d’Orient puissent continuer à résider là où ils habitent déjà depuis des siècles.

Bien sûr, nous devons leur assurer l’accueil s’ils doivent fuir et la France doit être pour eux une terre d’asile et d’espérance.

Mais si l’accueil des réfugiés est une priorité, il ne doit pas être compris comme l’acceptation de l’épuration islamiste, de l’injonction des jihadistes : Partez ou convertissez-vous à l’islam !

Nous assistons à l’émergence et au début d’un nouveau totalitarisme : le totalitarisme vert.

Il provoque des crimes contre l’humanité comme le souligne le secrétaire général de l’ONU. Il instaure des régimes politiques oppressifs, il atteint aux plus élémentaires droits de l’homme, il viole la dignité de la personne.

Que les responsables politiques en prennent conscience et que les experts des instances internationales, qu’elles relèvent de l’ONU ou de l’Europe, prennent des décisions aussi énergiques que pour l’affaire ukrainienne.

Que les responsables politiques tirent des conclusions des événements récents en Irak et en Lybie : les interventions ont créé des situations pires que celles qu’on voulait modifier.

Dans ces deux pays, les droits les plus fondamentaux de la personne ont été bafoués.

Charles Millon