Politique d’inclusion des personnes handicapées : il y a quelque chose de pourri en France

C’est le journal Marianne, dans son édition en ligne du 7 septembre, qui a dévoilé l’énième détournement des fonds destinés à l’inclusion et l’insertion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail. Ce nouveau tour de passe passe budgétaire permettra selon le ministre de l’Education nationale de financer le renforcement de la sécurité dans les universités.

C’est sans aucun état d’âme que François Hollande fait une nouvelle fois les poches du fond public pour l’insertion des personnes handicapées (FIPHFP)[1] : 30 millions d’euros ne seront pas réclamés aux universités au titre de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances mais directement affectés à la sécurité par les universités elles-mêmes.

Et le gouvernement n’en est pas à son coup d’essai. Le journal avance la somme de 300 millions d’euros qui auraient été subtilisés dans le fonds handicap sur la durée du quinquennat.

La double peine a été réduite en 2003 pour les criminels mais manifestement pas pour les personnes en situation de handicap !

Le même gouvernement qui a déjà repoussé aux calendes grecques la mise en accessibilité des lieux publics pour les personnes handicapées vient maintenant détrousser les fonds servants à leur inclusion. Et pourtant, dans son discours de clôture de la 4e Conférence nationale du handicap, le Président de la république se permettait d’affirmer qu’il faisait de l’amélioration des conditions d’insertion professionnelle et de la sécurisation des salariés handicapés une de ses grandes priorités. Fadaises.

Et que dire de ce qui se passe dans les écoles ? Ce sont près de 10% des enfants en âge scolaire qui relèvent d’un handicap au sens de l’Education nationale et du ministère de la Santé. Une fois de plus, en cette rentrée scolaire, des dizaines de milliers d’enfants sont ostracisés, parfois renvoyés dans leurs foyers le jour même de la rentrée comme des pestiférés faute d’AVS (Auxiliaires de vie scolaire), de notifications MDPH rendues à temps ou prévoyants des aménagements adaptés, voire par le simple refus de chefs d’établissements de gérer la question du handicap dans leur école.

Le défenseur des droits comme le Comité des droits de l’enfant de l’ONU ont déjà tapé sur les doigts de la France, au nom de ces « enfants invisibles » sans résultat, hélas.

Derrière les chiffres il existe une réalité glaçante: celle de la mise au ban de la société de plusieurs centaines de milliers d’enfants. François Hollande s’était engagé à pérenniser les emplois déjà affectés à l’Education nationale pour l’accompagnement des élèves handicapés et à créer 6 000 postes dès la rentrée 2016. Où sont ces AVS aujourd’hui ? Nulle part.

Le nombre d’enfants sans solution ou orientés de force vers des établissements inadaptés (ITEP, IME), contre l’avis des parents et des soignants, est toujours aussi important ; avec les piteux résultats que l’on connaît. Moins de 3%  des enfants passés par ces structures sont à même de poursuivre des études supérieures: alors que dans leur très grande majorité, ces futurs adultes auraient la possibilité, en suivant un parcours scolaire normal, de devenir autonomes économiquement. Avec ce système d’exclusion presque totale, on les prédispose au contraire à la précarité et au chômage, pour certains même à une dépendance et une prise en charge à vie.

L’accueil par l’école des enfants handicapés ne doit plus être considéré par l’Etat comme un service qu’il rendrait aux parents mais comme un droit entier de l’enfant à être scolarisé. Afin qu’il trouve plus tard toute sa place dans notre société.

Charles Millon

Ancien Ministre de la Défense
Président de l’Avant-Garde

[1] Le FIPHFP est l’organisme public chargé de collecter les contributions des trois fonctions publiques qui ne satisfont pas à l’obligation d’emploi de 6% de personnes handicapées.




TV Libertés

Zoom – Charles Millon rompt le silence : entretien exclusif

Charles Millon rompt le silence : Entretien exclusif

Charles Millon est ancien ministre. Il a été ambassadeur, maire, député, président de groupe à l’Assemblée nationale, président de Conseil régional… mais depuis plusieurs années, il s’est tourné vers la réflexion et les propositions, notamment avec la création du réseau collaboratif “L’Avant-garde” ou d’un think tank de droite en compagnie de personnalités comme Charles Beigbeder. Très fin connaisseur des droites françaises, Charles Millon rompt un long silence médiatique pour répondre aux questions d’Elise Blaise. Il donne son point de vue sur Alain Juppé dont il a été le ministre, sur les Républicains et le Front national. Personnalité de la “droite hors les murs”, l’ancien ministre revient aussi sur la politique étrangère de la France et sur son intervention sur le théâtre militaire syrien.




Géopolitique et Arabie Saoudite

Le royaume des Séoud est revenu depuis deux ans au cœur des grandes manœuvres géopolitiques mondiales.

En réalité, l’Arabie saoudite est en conflit, sur tous les plans.

Tout d’abord sur le plan économique, elle mène une « sorte de guerre du pétrole » elle a engagé une partie de bras de fer non seulement avec les Etats-Unis, mais aussi avec le Canada, l’Iran et la Russie.

Elle a délibérément laissé grand ouvert le robinet du pétrole et du gaz pour étouffer toute concurrence, notamment celle venue des gaz et pétrole de schiste en Amérique.

Elle y a en partie réussi.

Alors que la demande baisse, à cause notamment de la chute de la production chinoise, l’Arabie saoudite surproduit.
Peu lui chaut, elle a encore les reins solides, et même si la chute des cours représente pour elle-même une baisse conséquente de ses revenus, menaçant à moyen terme son système social qui repose entièrement sur les ressources d’hydrocarbures, elle dispose pour le moment de liquidités suffisantes pour se maintenir.

Mais les conséquences de cet « anti-choc pétrolier » se font ressentir dans le monde entier.

Certains producteurs significatifs comme le Nigéria ou le Vénézuela souffrent.
Et ils disposent de très peu de moyens d’influence sur le géant arabe.

Conflit militaire, ensuite, particulièrement celui qu’elle mène avec quelques alliés sunnites, de façon tout à fait illégale d’ailleurs, sans que personne ne s’en émeuve, au Yémen contre les Houthis, dont le seul tort est d’être soutenus par l’Iran.

D’ailleurs dans ce conflit sunnites/chiites, l’Arabie saoudite avait participé il y a quelques années à la répression menée à Bahrein dans le plus grand silence médiatique, Bahrein où la famille sunnite régnante doit composer avec un peuple majoritairement chiite.

Enfin, c’est une nouvelle politique d’influence que développe l’Arabie saoudite.

Elle s’est traduit récemment par son refus de financer l’armement des forces libanaises, et ce pour protester contre l’intervention du Hezbollah aux côtés du régime de Bachar El Assad en Syrie.

Elle s’est concrétisée au travers d’investissements massifs – à hauteur de plusieurs milliards de dollars – chez le voisin égyptien, dont le président, le maréchal Sissi, est remercié pour avoir chassé les Frères musulmans du pouvoir.

Frères musulmans qui, tout comme l’Etat islamique, contestent la suprématie du pouvoir wahhabite saoudien sur les lieux saints.

En fait, l’Arabie Saoudite est aujourd’hui en conflit feutré ou déclaré avec à peu près tout le monde, sauf bien entendu avec les pays qu’elle a vassalisés, ou avec les Occidentaux à qui elle vend du pétrole, et chez qui elle place les dividendes de ses rentes financières colossales.

En conflit bien entendu avec tout ce qui est chiite, ou suspect d’hétérodoxie pour ces sunnites ultraconservateurs : Iran, Yémen, Syrie alaouite, Hezbollah libanais, forces irakiennes chiites…

En conflit avec les Frères musulmans, qu’elle a aidé à écarter du pouvoir en Tunisie et en Egypte.

En conflit contre les salafistes-djihadistes de l’Etat islamique, en Irak-Syrie comme en Libye.

En rivalité constante avec les émirats du Golfe, le Qatar en tête.

Seule alliance nouvelle, et particulièrement inquiétante sur le plan géopolitique, celle que l’Arabie saoudite a nouée avec la Turquie de M. Erdogan.

Une alliance née de la situation syrienne, où chacun des deux grands pays compte avancer ses pions, la Turquie pour bénéficier d’une profondeur stratégique, et prête à annexer de facto une partie du territoire, mais surtout pour empêcher la constitution d’un véritable Etat kurde ; l’Arabie saoudite pour contrer l’influence grandissante de l’Iran qui organise, aux côtés des Russes, la reconquête du pays par les forces du régime, ralliant alaouites, kurdes, chrétiens et Hezbollah libanais.

Cette alliance de circonstance peut néanmoins achopper sur quelques points : la Turquie soutient les Frères musulmans, et ne considère toujours pas le Maréchal Sissi comme un interlocuteur valable en Egypte.

Par ailleurs, une alliance anti-chiite risquerait de l’emmener trop loin, alors qu’elle a besoin de garder des rapports apaisés avec son voisin iranien, qui partage des centaines de kilomètres de frontière avec elle.

Quoiqu’il en soit, face à la situation syrienne, Turquie et Arabie saoudite collaborent sur le terrain, envisageant même d’envoyer des troupes au sol.

L’incohérence des chancelleries occidentales ne fait qu’ajouter au chaos qui menace tout le Proche-Orient.

La France notamment, dont le président François Hollande a décoré discrètement un prince saoudien récemment, ne dit rien devant l’ingérence grandissante du royaume dans la région, et en particulier sur la « guerre sale » du Yémen qui aurait fait déjà plus de 6000 morts.

Ceci s’explique en partie par ses liens commerciaux avec les pétromonarchies du Golfe.

Ainsi donc, ces tensions qui embrasent le Proche-Orient et dans tout le monde arabe, risquent de provoquer plus qu’une guerre régionale, un conflit international où se trouvent impliquer déjà la Russie, Les Etats Unis, la France et la Grande Bretagne.

Entre Arabie saoudite, Iran et Turquie, bien malin qui saura dire aujourd’hui qui prendra le leadership de la région.

Mais l’on est en tout cas forcé de constater que le royaume protecteur de Médine et de La Mecque s’est aventuré depuis quelques années dans une politique extrêmement agressive.

Pour l’instant l’Arabie saoudite a été peu touchée par le terrorisme.

Pourtant tiendra-t-elle longtemps économiquement avec des cours du pétrole si bas ?

Sa population est-elle prête à accepter la diminution de ses allocations et subventions ?

Les rigoureuses lois wahhabites, notamment vis-à-vis des femmes, des homosexuels ou des « blasphémateurs » satisferont-elles longtemps encore ce peuple ?

Ces questions se posent. Enfin, à se faire haïr ainsi par la moitié de la planète, le royaume saoudien s’est aventuré sur une mauvaise pente.

D’autant qu’il partage avec les USA certaine responsabilité dans la création et le développement de mouvements salafistes ou djihadistes.

Un retournement de situation, pourrait faire que des terroristes frappent un jour sur son sol.

Enfin, la politique générale de l’Arabie saoudite se caractérise par son repli sur soi.

Elle ne prend ainsi que très peu part à l’accueil des réfugiés de Syrie et d’Irak, leur préférant les travailleurs migrants du sud-est asiatique.

Aujourd’hui la politique menée par l’Arabie Saoudite est source d’instabilité permanente et provoque un climat de tension préoccupant pour la Région toute entière.

Charles Millon
Ancien Ministre de la Défense
Président de l’Avant Garde




Pour en finir avec la présidentielle spectacle

L’observateur attentif de la vie politique internationale, le Persan de notre temps, pourrait légitimement s’étonner d’une exception française qui n’est pas, selon nous, des plus glorieuses contrairement aux apparences : parmi toutes les grandes démocraties avancées de la terre, notre pays est le seul qui continue d’élire un président de la république au suffrage universel direct, cet héritage gaulliste lui conférant naturellement une somme de pouvoir écrasante.

Qu’on en juge : en Allemagne c’est la chancelière qui gouverne l’exécutif, au Royaume-Uni le premier ministre, de même en Italie, en Espagne, en Belgique, au Japon.

Aux États-Unis où le régime est présidentiel, le chef de l’État est élu selon un suffrage indirect.

Il n’y a guère que la Russie, la Turquie, la Chine et la majorité des États africains qui connaissent une constitution similaire à la nôtre, où l’exécutif est presque entièrement rassemblé dans les mains d’un homme ou d’une femme qui n’est pas responsable devant le Parlement tout au long de sa mandature.

Il serait temps, alors que la France est manifestement bloquée, de s’interroger sur les vertus et les vices de notre constitution née en 1958, au plus fort de la guerre d’Algérie.

Est-elle encore adaptée à notre temps ?

Notre régime ressemble à celui des démocraties émergentes.

Peut-on légitimement, et sans forfanterie, classer la France, plus de deux cents après la Révolution française, parmi les pays à la démocratie balbutiante ? Soyons sérieux.

Le Général de Gaulle, on le sait, a taillé un trop grand costume pour ceux qui lui succèderaient.

Quoi qu’on puisse lui reprocher par ailleurs, et nous n’avons jamais été de ses émules, lui-même avait un sens de la grandeur qui justifiait au milieu des événements historiques dont il fut un éminent protagoniste qu’il endossât ce rôle.

Mais quand Bonaparte abdiqua, nul ne songea à conserver le fonctionnement de l’Empire, car nul n’était à la hauteur. Il en est, mutatis mutandis, de même pour nous aujourd’hui.

Nous en sommes arrivés à cette situation ubuesque où un président sourd aux plaintes de son peuple, et aveugle devant la déchéance de son pays, continue impunément de vanter sa politique à la télévision.

Lui-même n’est responsable devant personne. Il change son premier ministre quand il le veut et s’il le veut.

Les parlementaires sont aux ordres et votent comme un seul homme selon ce que le chef de l’Etat réclame.

Nul n’est plus responsable de rien, et les Français, qui aiment, on le comprend, le rendez-vous quinquennal qu’on leur donne, mais qui l’aiment comme on aime une grande compétition sportive où les paris vont bon train, mais où la vraie vision politique s’efface derrière le spectacle de personnalités égotiques, sont dépossédés en réalité de toute influence sur le cours du pays.

A la fin, nous nous retrouvons lotis de candidats qui ont déjà passé leur tour, anciens premiers ministres, anciens présidents de la République qui, toute honte bue, briguent à nouveau les suffrages de leurs compatriotes, espérant jouir une fois encore des ors du pouvoir.

Quelle autre grande démocratie supporterait cela ?

Non, il nous faut revenir à un réel régime parlementaire, qui n’est pas un régime faible contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, mais un régime de vraie démocratie participative, décentralisée, où le citoyen dispose encore de quelque pouvoir.

Charles Millon

Ancien ministre de la défense




Politique familiale : Monsieur le Président, faites comme Lionel Jospin !

Politique familiale : Monsieur le Président, faites comme Lionel Jospin !

Alors que Les Familles Plumées appellent à se mobiliser ce week-end partout en France et qu’un sondage Ifop montre que 83% des Français sont contre la politique familiale, la réforme du congé parental et la mise sous condition de ressource des allocations, des membres du collectif demandent à François Hollande de faire marche arrière.

Il ne faut jamais ignorer l’Histoire. Certes, les événements se reproduisent rarement à l’identique mais les mêmes causes produisent les mêmes effets. Et les Français finissent par avoir raison des injustices qu’un gouvernement incapable de se réformer leur inflige.

Dans son discours de politique générale en juin 1997, Lionel Jospin avait annoncé un plafonnement des allocations familiales : « Afin de rendre plus juste et plus efficace notre système d’aide aux familles et d’en réserver le bénéfice à celles qui en ont effectivement besoin, les allocations familiales seront placées sous condition de ressources inférieures à 25 000 F par foyer » (3 800€).

 Un an plus tard, le 12 juin 1998, il déclare renoncer à une mesure qui coalise contre lui la plupart des Français, y compris dans son propre camp : « L’attachement de beaucoup, notamment au sein du mouvement familial, au principe d’universalité des allocations familiales est tel qu’il a provoqué un raidissement de leur part et une opposition à cette mesure… ». Et d’expliquer aux députés socialistes qui y voyaient une capitulation : « Je ne prends pas à mon compte l’argument selon lequel un gouvernement ne peut pas revenir sur ses décisions ».

Quinze années plus tard, François Hollande n’a pas l’air de se souvenir de cet épisode qui avait vu la CGT et les communistes se désolidariser du gouvernement pour unir leur protestation à celle de l’opposition, Martine Aubry réclamer l’abandon d’une réforme qu’elle avait elle-même défendue et Lionel Jospin s’isoler de plus en plus face à la grogne des familles et des contribuables.

Car, non content d’abaisser à deux reprises le plafond du quotient familial, le portant d’abord à 2 000€ en 2013 contre 2 336€ en 2012, puis à 1 500€ en 2014, François Hollande, dont la popularité est loin d’égaler celle de Lionel Jospin en 1998, souhaite cumuler ces mesures déjà discriminatoires avec la modulation des allocations familiales en fonction des revenus, rompant ainsi le pacte national qui prévalait sur cette question depuis 1945. En fait de modulation, il s’agit surtout d’une diminution car en aucun cas les sommes ôtées aux uns ne seront données aux autres.

De plus, les familles doivent encaisser toute une série de mesures injustes dont la dernière en date est la réforme du congé parental. Sous le prétexte hypocrite de garantir l’égalité hommes-femmes, le gouvernement s’immisce en effet dans la vie privée des familles au point d’abaisser d’une année le congé des mères si leur conjoint ne le partage pas avec elles. Un moyen de réaliser des économies à bon marché en se drapant dans des principes qui ne dupent personne.

Quant aux contribuables, ils ne peuvent que constater que l’impôt n’a cessé de s’alourdir depuis deux ans et ils ne font plus confiance à François Hollande quand il annonce une pause fiscale en 2013 ou la fin de toute augmentation supplémentaire des impôts en 2015. Le ras-le-bol fiscal est général et le consentement à l’impôt sérieusement entamé. Comment accepter la suppression de la première tranche d’imposition sur le revenu alors que le gouvernement accroît la progressivité de l’impôt en modulant les allocations, faisant ainsi peser celui-ci sur un nombre de contribuables toujours plus restreint.

La coupe est pleine et elle va déborder. Les familles et les contribuables ne peuvent accepter d’être les victimes de la mauvaise gestion de François Hollande, incapable de faire les économies réellement nécessaires à la réduction de notre déficit public. Ils ne supportent plus d’être les vaches à lait d’un socialisme archaïque qui ne raisonne qu’en termes d’emplois aidés et d’un État obèse qui n’arrive pas à maigrir.

C’est désormais le temps de l’union des familles et des contribuables. Partout en France, ils manifesteront dimanche 23 novembre sous les couleurs des « familles plumées », un collectif qui réunit familles et contribuables pour la défense d’une authentique politique familiale. Dans l’histoire des révolutions, la révolte fiscale cache souvent d’autres mobiles plus profonds. Elle n’est en général que la face émergée de l’iceberg de la contestation mais elle comporte ce caractère d’immédiateté qui permet de coaliser les mécontentements et de faire reculer le gouvernement.

Les sénateurs nous ont donné l’exemple vendredi dernier en portant le fer à l’hémicycle, obtenant ainsi la suppression de la « loi scélérate » adoptée en première lecture par l’Assemblée. Il revient désormais aux familles plumées de transformer l’essai dans la rue et de plaire plier le gouvernement. La victoire est à ce prix.

Charles Beigbeder, entrepreneur et élu de Paris,

Charles Millon, ancien ministre,

Ludovine de La Rochère, présidente de La Manif pour Tous,

Serge Federbusch, président du Parti des Libertés,

Jean-Philippe Delsol, avocat et président de l’IREF (Institut de Recherches Économiques et Fiscales)

Claude Garrec, président de Contribuables Associés,

Julie Graziani, porte-parole du collectif Ensemble pour le bien commun,

Thibaud de Bernis, président du Cercle Charles Péguy de Paris.

Atlantico le 22/11/2014




Les cinq péchés de la réforme territoriale | Le rendez-vous manqué de François Hollande Institut Thomas More | Note d’actualité

Le 18 juin, le projet de réforme des collectivités territoriales sera présenté en Conseil des ministres.

Après plus de trente ans d’une décentralisation brouillonne et souvent réticente de la part de l’État, on ne peut que se réjouir des intentions affichées par l’exécutif depuis le 6 mai dernier. Au bout de deux ans, François Hollande tient-il enfin « la » réforme de son quinquennat ?

Réforme profonde et qui réclame du courage, tant les habitudes, les conservatismes, les frilosités sont nombreuses.

Économies budgétaires, simplification administrative, meilleure efficacité de l’action locale, meilleure répartition des compétences, plus grande proximité avec les citoyens, dynamisation et ouverture des territoires : tels sont les enjeux réels de la réforme des collectivités si l’on veut qu’elle soit porteuse devrais changements.

Hélas, tant dans la méthode que dans les objectifs affichés,on peut douter de l’efficacité du mouvement lancé par l’exécutif. Précipitation, dirigisme, manque de lisibilité de la réforme, manque de confiance dans les acteurs de terrain et absence de réforme de l’État préalable à la réforme des collectivités : passage en revue des cinq péchés de la réforme territoriale.

1 | La précipitation

Alors que les élections départementales (ex-cantonales) et régionales, dont le calendrier a été maintes fois changé, sont désormais fixées à l’automne 2015, l’exécutif s’engage dans une course de vitesse pour faire approuver sa réforme, qui prendra la forme de deux projets de loi (1), avant le mois d’octobre prochain.

En effet, la loi interdit toute réforme des collectivités territoriales au cours de l’année précédant des scrutins locaux (2).

Les élections départementales, initialement fixées en mars 2015, ont donc été déplacées à l’automne, en même temps que le scrutin régional. Pour respecter ces délais extrêmement courts, le chef de l’État a donc accéléré le rythme de la réforme annoncée par le Premier ministre lors de son discours d’investiture le 8 avril dernier.

Après la déroute du PS aux élections européennes du 25 mai, l’exécutif annonce que les projets de loi seront présentés en Conseil des ministres le 18 juin prochain.

Pourquoi un rythme si effréné ? Comment justifier qu’une réforme d’une telle ampleur soit annoncée, conçue et votée en quelques semaines ?

Touchant à l’équilibre institutionnel, aux pouvoirs locaux, aux services publics, à la vie des entreprises et des citoyens, pareil bouleversement exige du temps de conception, d’évaluation, de concertation et de préparation.

Rien de tout cela ! Pas d’évaluation non plus des réformes ou des tentatives de réformes antérieures (loi Deferre de 1982, loi Raffarin de 2004, Comité Balladur de 2009, échec du référendum alsacien de 2013, etc.) ou d’analyses comparatives avec des pays étrangers.

Dans la VRépublique, il est un moment où de tels changements peuvent et doivent être débattus devant tous les Français : c’est l’élection présidentielle.

Or ni la fusion des régions, ni la disparition des départements, ni la montée en puissance des intercommunalités n’étaient présentes dans les « 60 propositions »de François Hollande lors de la campagne de 2012 (3). La soudaineté de ce grand chambardement risque d’éveiller plus de rejet que d’adhésion dans une société française prompte à la défiance.

2 | Le dirigisme

C’est seul, ou à peu près, que le chef de l’État a redessiné la carte des régions de France. Il semble, en effet, qu’il n’ait que peu consulté les élus locaux, se bornant à une série d’entretiens avec les responsables des partis politiques et à quelques échanges avec les présidents des exécutifs régionaux – souvent ses proches (4). La recherche de l’adhésion des élus comme des citoyens ne paraît pas faire partie de son plan de bataille. L’option d’une suppression pure et simple des départements n’a pas été retenue car elle aurait nécessité une modification constitutionnelle qui, elle-même, aurait réclamé une majorité des trois cinquièmes du Parlement convoqué en Congrès ou la voie référendaire(article 89 de la Constitution) – cette dernière solution étant souhaitée par une majorité de Français (5).

Ce mélange de dirigisme, auquel invitent certes les institutions de la Ve République, et du refus de la prise de risque que constitue tout débat soumis au vote (du peuple ou de ses représentants), fait planer une lourde menace sur le projet :celui de perdre une opinion pourtant, en soi, favorable à 68% à la réduction des échelons locaux (6). Sur une réforme qui touche de si près la vie des personnes sur leurs territoires – à travers l’organisation des services publiques, l’école, l’accès aux services sociaux, etc. –, le « fait du prince » est un bien mauvais calcul.

3 | Le manque de lisibilité de la réforme proposée

Le diagnostic a bien été posé par Jean-Christophe Fromantin, député-maire de Neuilly-sur-Seine et président de l’association Territoires en Mouvement : « il manque une vision ambitieuse et une méthodologie rigoureuse qui tiennent compte de l’historique et des cultures de nos territoires, et qui pose le débat en termes de stratégie, de développement et de subsidiarité » (7). Ne revenons pas sur l’élaboration de la nouvelle carte des régions ; outre la méthode dont on vient de parler, la fluctuation du nombre de régions finalement retenu (d’abord 11, puis 12, puis 15, puis 17, puis à nouveau 12 et enfin 14…) en dit long sur le flou des objectifs et des intentions.

Dans sa tribune publiée dans la presse régionale le 3 juin dernier (8), le Président de la République fait certes un choix à peu près clair en fondant sa réforme sur les régions (14 « grandes régions ») et les communes (et les intercommunalités qui devront regrouper au moins 20 000 habitants, au lieu de 5 000, à partir du 1er janvier 2017). Mais il reste flou sur trois points majeurs.

D’abord, l’avenir des départements. Au lieu de les supprimer dès maintenant (ce qui aurait permis de faire l’économie de l’élection de l’an prochain), le président se contente d’indiquer que « l’objectif doit être une révision constitutionnelle prévoyant la suppression du conseil général en 2020 »… Manière de dire qu’il laisse ce délicat dossier à son successeur. Mais il y a plus : si le Conseil général doit disparaître, le département, lui, « en tant que cadre d’action publique restera une circonscription de référence essentielle pour l’État,autour des préfets et de l’administration déconcentrée avec les missions qui sont attendues de lui ».

Ensuite, la question des moyens. Chacun connaît l’état des finances des collectivités et les contraintes qui pèsent sur elles. C’est l’une des problématiques majeures pour les responsables d’exécutifs locaux actuellement. Les nouvelles grandes régions, renforcées de la plupart des missions actuellement dévolues aux départements pour l’instant, « disposeront de moyens financiers propres et dynamiques ». Le Président n’en dit pas plus dans sa tribune… Rien sur la réforme de la fiscalité locale, aucune avancée sur le transfert de moyens de l’État aux régions, rien non plus sur le tabou de l’autonomie fiscale. François Hollande demande aux collectivités de faire leur big-bang sans leur en donner les moyens.

Enfin, le bénéfice financier escompté. L’exécutif a communiqué sur un potentiel d’économies de 12 à 25 milliards d’euros – là encore la taille de la fourchette ne suggère pas un travail préalable très précis… Cette affirmation a été remise en cause par Alain Rousset, président de la région Aquitaine, président de l’Association des régions de France et réputé proche de François Hollande, qui se dit incapable de s’engager sur un montant précis (9). Certains observateurs pensent même que cette réforme, qui n’est pas accompagnée par une réforme préalable de l’État(voir infra) coûtera plus cher en fusion des services, en alignement des statuts et des conditions salariales, en coûts indirects, etc. (10)

4 | Le manque de confiance dans les acteurs de terrain

On l’a dit, les acteurs locaux ont été très peu associés au processus de décision. Enfermé dans sa bulle administrativo-politique, le sommet de l’État décide de l’avenir du terrain et croit lui apporter des solutions en se contentant de jouer sur le mécano institutionnel : le manque de confiance dans la capacité des acteurs locaux à décider le meilleur pour eux est flagrant dans ce projet de réforme.

Une vision authentiquement décentralisatrice aurait retenu une méthode inverse, inspirée par le principe de subsidiarité, en fixant des objectifs de performance mais en laissant aux acteurs le soin de s’organiser pour y parvenir. Un tel choix aurait permis aux régions et à leurs habitants de se sentir à la fois plus libres et plus responsables – ce qui leur auraient permis de s’approprier la réforme et ses contraintes. Il aurait aussi favorisé l’imagination,l’expérimentation et l’émulation entre collectivités petites ou grandes,rurales ou urbaines, de plaines ou de montagne, etc. Le tissu local est divers et vivant : c’est en le respectant qu’on lui fera donner le meilleur de lui-même.

Viendrait-il à l’idée des Américains de bouleverser la carte de leurs 50 États – dont quatre sont moins peuplés que le Limousin, région française la moins peuplée (11) – pour engager des réformes visant à une meilleure efficacité et une baisse des dépenses ? En Allemagne, en Espagne, en Suisse, on trouve des Länder, des régions autonomes, des cantons plus petits ou moins peuplés que les régions françaises. Leurs performances économiques ne sont pas moins bonnes, en soi, que celles des entités plus grandes.

L’argument de l’« optimum régional » et de la taille critique ne tient pas. C’est une bonne gouvernance et l’attachement du citoyen pour lui qui assure la performance d’un territoire.

Dit autrement, « ce qui fait la réussite d’un territoire, c’est l’investissement de ses acteurs, que ce soient les entreprises, les administrations ou les citoyens. Cela suppose qu’ils s’identifient à la région, qu’ils aient envie de mouiller leur maillot pour elle » (12)…

C’est ce qu’a bien compris David Cameron dans la mise en œuvre de la Big Society depuis 2010 : la confiance dans le citoyen et dans la spécificité de chaque territoire est le point central du Localism Act, lui-même au cœur du projet de Big Society (13).

5 | L’absence de réforme de l’État préalable à la réforme des collectivités

Le principal argument de l’exécutif en faveur de sa réforme est celui de la simplification et de l’allègement des coûts. Mais l’État est-il légitime à réclamer des collectivités qu’elles se réforment alors qu’il s’en montre incapable ? Et quelle efficacité aura cette réforme si l’État ne met pas lui-même fin à la fuite en avant des dépenses et des embauches de fonctionnaires ?

La crise du « modèle français » jacobin et centralisé est une crise de l’action publique et, pour tout dire, une crise de l’État (14).

Dans son refus obstiné d’engager sa mutation, il entraîne tout le pays, collectivités comprises, sur une pente dangereuse. Dans ce contexte, la réforme annoncée par l’exécutif peut être vue comme une manœuvre de diversion d’un État qui n’a pas le courage de se réformer ni de mettre en œuvre les changements qui permettraient une vraie respiration des territoires et de la société française.

Le premier consisterait à supprimer, enfin, au sein de la fonction publique de l’État des services et des postes qui auraient dû l’être au fur et à mesure du processus de décentralisation engagé depuis trente-cinq ans. De même, un puissant travail de simplification administrative pourrait être engagé.

Un autre axe majeur serait la réforme des finances et de la fiscalité locale. La réforme territoriale annoncée sert de paravent au refus de mettre en œuvre une telle réforme de la fiscalité locale : « en effet, aujourd’hui, suite aux décisions de recentralisation fiscale de 1999-2000, l’État a supprimé des taxes affectées aux collectivités territoriales sans leur affecter d’autres impôts,et remplacé leur produit par des reversements du budget national.

En conséquence, l’État est devenu le premier contribuable local, ne permettant pas aux citoyens de voir sur leur feuille d’impôt les vraies recettes des collectivités, comme l’avait justement noté le rapport Mauroy de 2000. Puisque le citoyen ne le sait pas, la décentralisation est devenue un slogan »(15).

Sans confiance et sans vision, la réforme voulue par François Hollande risque fort de ressembler aux précédentes. Tant que les responsables politiques n’auront pas fait leur révolution mentale, tant que l’État restera réticent à d’authentiques transferts de compétences et de moyens, tant que les élites ne laisseront pas les citoyens et les collectivités s’organiser au mieux de l’intérêt local, la décentralisation restera un vœu pieux.

(1) Le premier, dès juin, sur la carte régionale, le second portant sur les compétences des collectivités, après les élections sénatoriales.

(2) L’article 7 de la loi du 11 décembre 1990, modifiant le Code électoral, interdit toute modification des circonscriptions électorales dans l’année précédant une échéance renouvelant les assemblées concernées.

(3) La proposition 54 prévoyait seulement une loi sur le renforcement de la démocratie locale,l’abrogation du conseiller territorial, la garantie du niveau des dotations, la réforme de la fiscalité locale et une meilleure péréquation.

(4) Voir par exemple « Le jour où François Hollande a redessiné la France », Le Monde, 4 juin 2014 et « François Hollande a tranché seul », Le Progrès, 3 juin 2014.

(5) 58% des Français souhaitent être consultés par référendum sur la réforme territoriale, sondage Les Français et la réforme des collectivités locales, réalisé par l’Ifop pour Acteurs publics et Ernst& Young, 3 juin 2014.

(6) Sondage Le projet de loi de décentralisation  et la recomposition territoriale, réalisépar LH2 pour la presse régionale et France Bleu, 10 avril 2014.

(7) Jean-Christophe Fromantin, La refonte des territoires ne se fera pas en chiffonnant la carte, Territoires en mouvement, 16 avril 2014.

(8) François Hollande, Réformer les territoires pour réformer la France, 3 juin 2014.

(9) Europe 1, 3 juin 2014.

(10)Gérard-François Dumont, « La fusion des régions va coûter plus cher ! », Le Point.fr, 4 juin 2014.

(11) Alaska, Dakota-du-Nord,Rhode-Island et Wyoming.

(12) Gérard-François Dumont, op. cit.

(13) Pour les détails, voir Euxode Denis, La Big Society de David Cameron et ses enseignements pour la France, Institut de l’entreprise, 2014.

(14) Jean-Thomas Lesueur, « Fédéralisme : une chance pour les patries ? », Causeur, janvier 2014.

(15)Gérard-François Dumont, « Réforme territoriale : les conditions incontournables pour qu’elle soit réussie », Atlantico.fr,14 mai 2014.

« Institut Thomas More, Note d’actualité 23,juin 2014 »:
http://www.institut-thomas-more.org/fr/actualite/les-cinq-peches-de-la-reforme-territoriale-le-rendez-vous-manque-de-francois-hollande.html




L’EUROPE NE DOIT‐ELLE PAS AVOIR SA PROPRE DIPLOMATIE EN SYRIE ?

La guerre civile syrienne qui a commencé il y a maintenant plus de trois ans est bien encombrante pour les chancelleries occidentales.

Placée très lestement à ses débuts dans le panier global « printemps arabe » par les opinions publiques, elle révèle pourtant des contours autrement torturés et des soubassements plus dangereux à mesure que l’observation se fait plus fine et plus objective.

Au régime dictatorial de Bachar el Assad qu’après avoir célébré pendant quelques années, notamment en France, on conspue maintenant d’un seul cœur, il n’est plus guère possible d’opposer naïvement une révolte populaire et sans arrière‐ pensée, à l’image de celles qui ont renversé les pouvoirs tunisiens et égyptiens.

Le grand jeu qui se déroule là, sur la terre syrienne, recèle des ambitions régionales qui dépassent de loin la seule question de la liberté pour le peuple de Damas et de Homs.

Plusieurs rapports réalisés sous la houlette d’observateurs indépendants, qui dénonçaient « la libanisation fabriquée » de la Syrie ont été très vite enterrés, et la mission Annan a été déployée sans que quiconque semble y placer de grands espoirs.

Il paraît alors de plus en plus évident que la diplomatie occidentale, alliée aux monarchies arabes sunnites, n’a qu’un seul intérêt à l’affaire : que le régime d’Assad tombe.

La désinformation publique, orchestrée par des chaines de télévision comme al‐Jazeera ou Qatar TV commence à être éventée: on sait maintenant, malgré les dénégations du fantômatique Comité national syrien, que les djihadistes, salafistes ou wahhabites, sont nombreux dans les rangs de l’opposition militaire : la mort d’Abdelghani Jahwar, le terroriste le plus recherché du Liban, près de Homs le 20 avril 2012 en témoigne.

Ce ne sont décidément pas des enfants de chœur qui combattent le régime alaouite.

Ce n’est un secret pour personne : la stratégie américaine aux Proche et Moyen‐ Orient est gênée par ce que l’on appelle l’arc chiite, qui va de Téhéran aux terres libanaises du Hezbollah en passant par la Syrie et le nouvel Irak, où la chute inconsidérée de Saddam Hussein n’a fait qu’attiser les rancœurs de la population chiite majoritaire contre ses anciens maîtres sunnites.

De même que l’effondrement du régime de Kadhafi en Libye a entrainé une déstabilisation régionale complète, dont les effets se font sentir aujourd’hui jusqu’au Mali, si le pouvoir alaouite tombe, les conséquences seront incalculables pour tout le Moyen‐Orient.

D’une part, il n’est pas du tout certain qu’Israël, même confronté à la menace permanente de l’Iran, ait intérêt à l’établissement d’une guerre civile anarchique à ses portes qui viendra ajouter à la confusion entretenue au Liban depuis trente ans.

Un ennemi qu’on connaît est toujours préférable.

D’autre part, les ambitions des monarchies pétrolières ne se résument pas à l’établissement d’un sunnisme unifié: comme en Tunisie, comme en Egypte, les  Frères musulmans, longtemps muselés par le pouvoir, sont à l’affût.

Toutes les minorités du pays risquent de subir violemment l’établissement de la charia : alaouites, chrétiens, ismaéliens, juifs et arméniens que le régime des Assad, malgré son peu de scrupule, chérissait comme des alliés indispensables, se verront au mieux ravalés au rang de dhimmis, au pire victimes d’exactions et contraints à l’exil

‐ une exil qui a déjà commencé, malgré les objurgations de leurs patriarches et chefs religieux.

Mais le régime syrien, même s’il donne quelques gages, avec l’autorisation du multipartisme et l’organisation conséquente d’élections législatives, n’a pas du tout l’intention d’abandonner la répression.

Devant une population largement attentiste, il demeure solide, fort, bien armé et prêt à tout.

Les pays occidentaux et arabes sunnites n’ont ni l’envie, ni les moyens, empêtrés en Afghanistan et échaudés par  l’Irak, d’y  intervenir  militairement.

C’est donc  vers  une guerre civile à bas bruit que l’on se dirige.

Le nombre de morts, risque de continuer à croître dans les mois et les années qui viennent.

A moins d’un miracle, à moins que Bachar el Assad jette soudain l’éponge, la situation terrible que les occidentaux ont contribué à installer commence de devenir insoluble.

Comme dans le Liban des années 80, seront dans le meilleur des cas déployés des casques bleus, observateurs impuissants de la tragédie qui se déroulera sous leurs yeux.

L’Europe autant que les Etats‐ Unis porte une lourde responsabilité dans ce cauchemar.

La politique pro‐qatari de Nicolas Sarkozy que nul n’ignore plus aura jeté notamment la France dans un soutien aveugle à des révolutions, syrienne et libyenne, dont on refuse de voir qu’elles portent en elle l’islamisme le plus radical comme la nuée l’orage.

Il est grand temps que soit réorientée la politique étrangère française et européenne à l’égard du bloc arabo‐musulman.

L’élection de François Hollande, qui n’a cependant évoqué pour le moment qu’un retrait plus rapide des troupes françaises d’Afghanistan, peut être le déclic salvateur.

Car le vrai danger qui menace le Moyen‐Orient actuel ne vient pas des vieilles dictatures à la Assad, mais de la possible constitution de deux camps antagonistes chiites et sunnites, aussi radicaux l’un que l’autre, constitution qui ne servira à terme que les intérêts russes, chinois ou américains qui en ont fait leur terrain de confrontation de prédilection, notamment pour le contrôle des ressources d’hydrocarbures.

La France et l’Europe n’ont qu’un intérêt faible à y soutenir la stratégie américaine.

Non seulement elles risquent, en adoptant ce rôle supplétif, d’y être marginalisées, mais encore leur longue histoire avec ces pays où se décide l’avenir du monde sera passée par pertes et profits.

Elles n’ont aucun intérêt à ce que la prédiction du choc des civilisations s’auto‐réalise dans cette région du monde qui est à leurs portes.

Les populations, et les minorités au premier chef qui constituent encore le sel de ces nations, souffriront violemment de l’établissement de ce nouvel ordre islamiste, même repeint aux couleurs clinquantes de la modernité qatari.

Au‐delà des insupportables souffrances humaines, le scénario qui se profile est l’occasion pour l’Europe de montrer qu’elle dispose encore d’une diplomatie et d’une influence dans le monde dignes de ce nom, qui ne s’alignent sur aucun des grands blocs autoproclamés, mais qui s’investissent avec réalisme et humanité dans ce grand jeu.

Charles Millon