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Zoom – Charles Millon rompt le silence : entretien exclusif

Charles Millon rompt le silence : Entretien exclusif

Charles Millon est ancien ministre. Il a été ambassadeur, maire, député, président de groupe à l’Assemblée nationale, président de Conseil régional… mais depuis plusieurs années, il s’est tourné vers la réflexion et les propositions, notamment avec la création du réseau collaboratif “L’Avant-garde” ou d’un think tank de droite en compagnie de personnalités comme Charles Beigbeder. Très fin connaisseur des droites françaises, Charles Millon rompt un long silence médiatique pour répondre aux questions d’Elise Blaise. Il donne son point de vue sur Alain Juppé dont il a été le ministre, sur les Républicains et le Front national. Personnalité de la “droite hors les murs”, l’ancien ministre revient aussi sur la politique étrangère de la France et sur son intervention sur le théâtre militaire syrien.




Géopolitique et Arabie Saoudite

Le royaume des Séoud est revenu depuis deux ans au cœur des grandes manœuvres géopolitiques mondiales.

En réalité, l’Arabie saoudite est en conflit, sur tous les plans.

Tout d’abord sur le plan économique, elle mène une « sorte de guerre du pétrole » elle a engagé une partie de bras de fer non seulement avec les Etats-Unis, mais aussi avec le Canada, l’Iran et la Russie.

Elle a délibérément laissé grand ouvert le robinet du pétrole et du gaz pour étouffer toute concurrence, notamment celle venue des gaz et pétrole de schiste en Amérique.

Elle y a en partie réussi.

Alors que la demande baisse, à cause notamment de la chute de la production chinoise, l’Arabie saoudite surproduit.
Peu lui chaut, elle a encore les reins solides, et même si la chute des cours représente pour elle-même une baisse conséquente de ses revenus, menaçant à moyen terme son système social qui repose entièrement sur les ressources d’hydrocarbures, elle dispose pour le moment de liquidités suffisantes pour se maintenir.

Mais les conséquences de cet « anti-choc pétrolier » se font ressentir dans le monde entier.

Certains producteurs significatifs comme le Nigéria ou le Vénézuela souffrent.
Et ils disposent de très peu de moyens d’influence sur le géant arabe.

Conflit militaire, ensuite, particulièrement celui qu’elle mène avec quelques alliés sunnites, de façon tout à fait illégale d’ailleurs, sans que personne ne s’en émeuve, au Yémen contre les Houthis, dont le seul tort est d’être soutenus par l’Iran.

D’ailleurs dans ce conflit sunnites/chiites, l’Arabie saoudite avait participé il y a quelques années à la répression menée à Bahrein dans le plus grand silence médiatique, Bahrein où la famille sunnite régnante doit composer avec un peuple majoritairement chiite.

Enfin, c’est une nouvelle politique d’influence que développe l’Arabie saoudite.

Elle s’est traduit récemment par son refus de financer l’armement des forces libanaises, et ce pour protester contre l’intervention du Hezbollah aux côtés du régime de Bachar El Assad en Syrie.

Elle s’est concrétisée au travers d’investissements massifs – à hauteur de plusieurs milliards de dollars – chez le voisin égyptien, dont le président, le maréchal Sissi, est remercié pour avoir chassé les Frères musulmans du pouvoir.

Frères musulmans qui, tout comme l’Etat islamique, contestent la suprématie du pouvoir wahhabite saoudien sur les lieux saints.

En fait, l’Arabie Saoudite est aujourd’hui en conflit feutré ou déclaré avec à peu près tout le monde, sauf bien entendu avec les pays qu’elle a vassalisés, ou avec les Occidentaux à qui elle vend du pétrole, et chez qui elle place les dividendes de ses rentes financières colossales.

En conflit bien entendu avec tout ce qui est chiite, ou suspect d’hétérodoxie pour ces sunnites ultraconservateurs : Iran, Yémen, Syrie alaouite, Hezbollah libanais, forces irakiennes chiites…

En conflit avec les Frères musulmans, qu’elle a aidé à écarter du pouvoir en Tunisie et en Egypte.

En conflit contre les salafistes-djihadistes de l’Etat islamique, en Irak-Syrie comme en Libye.

En rivalité constante avec les émirats du Golfe, le Qatar en tête.

Seule alliance nouvelle, et particulièrement inquiétante sur le plan géopolitique, celle que l’Arabie saoudite a nouée avec la Turquie de M. Erdogan.

Une alliance née de la situation syrienne, où chacun des deux grands pays compte avancer ses pions, la Turquie pour bénéficier d’une profondeur stratégique, et prête à annexer de facto une partie du territoire, mais surtout pour empêcher la constitution d’un véritable Etat kurde ; l’Arabie saoudite pour contrer l’influence grandissante de l’Iran qui organise, aux côtés des Russes, la reconquête du pays par les forces du régime, ralliant alaouites, kurdes, chrétiens et Hezbollah libanais.

Cette alliance de circonstance peut néanmoins achopper sur quelques points : la Turquie soutient les Frères musulmans, et ne considère toujours pas le Maréchal Sissi comme un interlocuteur valable en Egypte.

Par ailleurs, une alliance anti-chiite risquerait de l’emmener trop loin, alors qu’elle a besoin de garder des rapports apaisés avec son voisin iranien, qui partage des centaines de kilomètres de frontière avec elle.

Quoiqu’il en soit, face à la situation syrienne, Turquie et Arabie saoudite collaborent sur le terrain, envisageant même d’envoyer des troupes au sol.

L’incohérence des chancelleries occidentales ne fait qu’ajouter au chaos qui menace tout le Proche-Orient.

La France notamment, dont le président François Hollande a décoré discrètement un prince saoudien récemment, ne dit rien devant l’ingérence grandissante du royaume dans la région, et en particulier sur la « guerre sale » du Yémen qui aurait fait déjà plus de 6000 morts.

Ceci s’explique en partie par ses liens commerciaux avec les pétromonarchies du Golfe.

Ainsi donc, ces tensions qui embrasent le Proche-Orient et dans tout le monde arabe, risquent de provoquer plus qu’une guerre régionale, un conflit international où se trouvent impliquer déjà la Russie, Les Etats Unis, la France et la Grande Bretagne.

Entre Arabie saoudite, Iran et Turquie, bien malin qui saura dire aujourd’hui qui prendra le leadership de la région.

Mais l’on est en tout cas forcé de constater que le royaume protecteur de Médine et de La Mecque s’est aventuré depuis quelques années dans une politique extrêmement agressive.

Pour l’instant l’Arabie saoudite a été peu touchée par le terrorisme.

Pourtant tiendra-t-elle longtemps économiquement avec des cours du pétrole si bas ?

Sa population est-elle prête à accepter la diminution de ses allocations et subventions ?

Les rigoureuses lois wahhabites, notamment vis-à-vis des femmes, des homosexuels ou des « blasphémateurs » satisferont-elles longtemps encore ce peuple ?

Ces questions se posent. Enfin, à se faire haïr ainsi par la moitié de la planète, le royaume saoudien s’est aventuré sur une mauvaise pente.

D’autant qu’il partage avec les USA certaine responsabilité dans la création et le développement de mouvements salafistes ou djihadistes.

Un retournement de situation, pourrait faire que des terroristes frappent un jour sur son sol.

Enfin, la politique générale de l’Arabie saoudite se caractérise par son repli sur soi.

Elle ne prend ainsi que très peu part à l’accueil des réfugiés de Syrie et d’Irak, leur préférant les travailleurs migrants du sud-est asiatique.

Aujourd’hui la politique menée par l’Arabie Saoudite est source d’instabilité permanente et provoque un climat de tension préoccupant pour la Région toute entière.

Charles Millon
Ancien Ministre de la Défense
Président de l’Avant Garde




Communiqué de presse: Saint-Etienne-du-Rouvray

La guerre est totale entre les terroristes musulmans et notre civilisation judéo-chrétienne.

Hier à Saint-Etienne-du-Rouvray, ils ont montré une nouvelle facette de son visage : l’ennemi pour eux, c’est la chrétienté.

Avant hier, nous avons fêté le premier martyr apôtre avec Saint Jacques, aujourd’hui nous avons sur la terre de France le premier martyr de cette guerre engagée par DAECH.

À nous de prendre nos responsabilités pour que cette guerre ne se généralise pas. À nous d’engager toutes les mesures pour que cette nouvelle idéologie totalitaire qu’est l’islamisme radical ne puisse avoir de nouveaux adeptes prêts à donner leur vie pour tuer et semer la terreur révolutionnaire.

À nous d’expulser ou d’interner tous les imams qui prêchent cette idéologie dans les mosquées, les écoles coraniques ou les centres culturels musulmans.

À nous de demander des explications et si nécessaire de suspendre nos relations diplomatiques avec tous les pays qui financent directement ou indirectement cette bête immonde qu’est DAECH.

À nous de faire pression sur Recep Tayyp Erdogan pour qu’il ferme effectivement la frontière avec la Syrie, sans quoi il se rend gravement complice du terrorisme islamique.

À nous de conclure une vraie alliance au travers d’un pacte avec tous les pays qui subissent aujourd’hui l’agression armée de DAECH ou de ses filiales telles que Boko Haram, au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie.

À nous d’offrir à ces pays non seulement un soutien militaire, comme le fait d’une manière admirable la France au Mali et dans toute cette région d’Afrique.

Mais aussi un programme de développement économique, social et culturel. A nous de demander aux responsables musulmans français de condamner solennellement ces horreurs et tout texte appelant à la violence et au meurtre.

À nous d’interdire la vente d’ouvrages appelant au djihad et de fermer les sites djihadistes en libres accès sur le territoire.

À nous d’engager d’une manière extraordinaire un soutien aux chrétiens d’Orient qui sont aux avant-postes pour défendre notre civilisation et nos convictions spirituelles.

Sur le plan national, à nous de prendre toutes les mesures qui s’imposent :

  • le rétablissement urgent des frontières nationales et la sortie de l’espace Schengen,
  • le renforcement du renseignement de proximité,
  • l’internement préventif de tous ceux qui sont complices de l’ennemi,
  • le renforcement d’une réserve qui prêtera main forte à nos forces armées et en particulier à la gendarmerie dans sa lutte contre le terrorisme islamiste,
  • la réforme du code de la nationalité par la suppression du droit du sol, de l’acquisition de la nationalité française par mariage et par la déchéance de nationalité des terroristes binationaux.

Aujourd’hui ce n’est plus l’heure du débat et de l’hésitation. Nous avons dénommé l’ennemi, nous lui avons déclaré la guerre, maintenant prenons les moyens pour la gagner. Il en va de la survie de notre civilisation.

Nous croyons profondément en la force des valeurs qui ont fondé l’Occident chrétien et dans ce combat civilisationnel qui est engagé, nous sommes persuadés qu’elles triompheront de la barbarie islamiste.

Car la vie aura toujours le dessus sur l’instinct de mort et l’espérance vaincra les puissances des ténèbres.

Charles Millon
Ancien Ministre de la Défense
Président de l’Avant Garde



Erdogan : avec qui négocions-nous ?

En matière de politique extérieure, les États ont toujours raison de privilégier ce que l’on appelle la Realpolitik, c’est-à-dire de juger que leurs intérêts vitaux peuvent prévaloir sur des questions strictement morales.
Autrement dit de traiter avec des régimes qu’ils peuvent réprouver sur certains plans, ceci dans le but d’éviter de vains conflits qui pourraient entraîner pis que le mal que l’on cherchait à éviter.

Cependant, cette politique est par définition sujette à des restrictions et à des limites, sans lesquelles elle en viendrait à confondre définitivement le bien et le mal.

C’est à cette hiérarchisation et à cette discrimination que nous confronte Recep Tayyip Erdogan, le président turc.

Alors que l’on prêche la reprise du dialogue avec l’Iran et avec la Syrie de Bachar El Assad, on serait mal venu d’écarter toute discussion avec l’homme fort de la Turquie.
Pourtant, les circonstances n’étant pas les mêmes, il convient de savoir où s’arrêter.
D’abord, la Turquie n’est pas en état de guerre civile, malgré le conflit avec le peuple kurde, succession d’actions terroristes et de répression aveugle.

Le pays ne risquant pas d’imploser, l’Europe n’est pas tenue de soutenir aveuglément le régime en place.

Au contraire, elle devrait l’appeler au respect des droits de l’homme, la politique antiterroriste qu’il mène étant tout sauf claire et nette.
De même, le double jeu que déploie Ankara vis-à-vis des groupes islamistes en Syrie, avec Daech même à une certaine époque, devrait nous alerter sur la responsabilité de la Turquie dans les flots de réfugiés arrivés sur son sol qu’elle nous somme dans le même temps de prendre en charge financièrement.
Car c’est pas moins de 6 milliards d’euros que l’Europe a promis à Erdogan en échange du maintien de migrants sur son sol, Europe qui dans le même temps a soumis la Grèce à un régime financier tellement strict que son Etat a presque disparu, la rendant elle-même incapable de gérer l’afflux des réfugiés.
Avec la gestion désastreuse de la crise grecque, on a achevé le malade et l’on se retrouve dans la main d’un voisin qui ne nous veut pas du bien.
Car les grands coups de menton d’Erdogan dans ses relations internationales augurent du pire : de chantage vis-à-vis de l’Europe, notamment sur les visas pour ses administrés, en outrages diplomatiques – aux Etats-Unis pour la mort de Mohammed Ali, en Allemagne avec les députés d’origine turque ayant voté la reconnaissance du génocide arménien, puis avec la révocation de l’ambassadeur de l’UE à Ankara – en passant par les agressions caractérisées, comme l’avions russe abattu à sa frontière, celui qui se rêve en Atatürk à l’envers se comporte comme un boutefeu sur tous les plans.
Que dire encore sur sa vision de l’islam, extrêmement rigoriste, qu’il diffuse pendant qu’il réclame son intégration dans l’Union européenne ?
Décidément, tout prouve que nous ne traitons pas avec un ami.
Et précisément si l’on veut éviter un conflit à venir, il est temps de lui montrer quelle est la limite à ne pas franchir.
Pour cela, on aura besoin, plus que jamais, d’hommes forts à la tête de la France et de l’Europe.

Charles Millon Ancien
ministre de la défense

Président de l’Avant-Garde



Charles Millon : la guerre se gagnera aussi dans les têtes

Charles Millon : la guerre se gagnera aussi dans les têtes

Soldats patrouillant à Saint-Denis le 18 novembre

FIGAROVOX/TRIBUNE – Au lendemain des attentats de Paris, l’ancien ministre de la Défense appelle à la prise de conscience sur les dangers de l’islam radical et à une guerre réelle menée contre l’Etat islamique.

 

Charles Millon a été ministre de la Défense du gouvernement Alain Juppé, de 1995 à 1997.


En semant la mort dans les rues de Paris, l’Etat islamique a confirmé que la France et – au-delà d’elle, l’Occident – était son ennemi. Tous les Français, le président de la République au premier rang d’entre eux, en ont pris acte. Il était temps car l’ennemi nous avait désignés comme cible depuis longtemps. Dans son esprit, nous représentons cette civilisation repue et matérialiste où se conjoindraient étrangement la perversion post-moderniste et le christianisme.

Pour combattre efficacement cet «islam radical» il faut enfin arrêter de se bander les yeux par mauvaise conscience ou snobisme intellectuel. Il faut prendre la mesure de la nature de l’ennemi et lui déclarer la guerre totale.

L’Etat Islamique contrôle des milliers de km2 en Irak et en Syrie, dispose de ressources propres considérables avec lesquelles il finance ses actions soit de conquêtes au Moyen-Orient soit de terreur en Europe ou dans le monde.

Nous avons affaire à un Etat islamique qui a adopté une démarche idéologique totalitaire, internationale et universaliste comme le communisme qui était, pour le sociologue Jules Monnerot, l’Islam du XXème siècle.

Cet islam radical profane les dogmes religieux en les traduisant en organisation politique, social et militaire. Cet Islam radical génère, nourrit et manifeste des tendances totalitaires qui ont une vocation universaliste et s’appuient sur des fanatiques déterminés à combattre notre civilisation et à imposer leurs «croyances» au monde entier.

Cet islam radical, en semant la terreur, provoque les conditions de véritables guerres civiles où, comme à Paris, vendredi dernier, des Français tirent sur d’autres Français.

Il est important que nos gouvernants aient compris que l’ennemi qui se dénomme aujourd’hui Daech ou l’Etat Islamique, continuera de mener sa guerre qui est «idéologique» demain sous d’autres noms, avec d’autres moyens. Oui, la France doit s’engager résolument dans la guerre totale contre l’islamisme radical.

Cette guerre se déroule sur de multiples terrains:

D’abord au Moyen Orient par le bombardement des places tenues par Daech et ce, avec le soutien au sol des combattants Kurdes, Syriens ou Irakiens, car l’Etat islamique y a installé ses bases arrières pour conquérir le monde.

Aujourd’hui Daech est notre seul adversaire: fini le temps des fignolages, des pas de deux, des tergiversations ou des conditions. C’est pour nous un impératif politique que d’être présent dans la coalition contre Daech, mais il nous revient d’interpeller tous nos alliés ou partenaires – Arabie Saoudite et Quatar entre autres – pour qu’ils s’engagent aussi solennellement , matériellement et financièrement contre Daech.

Il est de notre responsabilité de tout entreprendre aussi pour que l’Etat Islamique soit bloqué dans ses initiatives en Afrique où il profite des désordres instaurés par des interventions irréfléchies (Libye) ou par des réseaux de trafics en tout genre (Sahel).

C’est ensuite la guerre sur notre sol contre les ennemis de l’intérieur, qu’ils soient Français ou étrangers. Il convient de recourir à tous les moyens juridiques que doit conférer l’état de guerre pour les neutraliser. La récente prise de conscience du Président de la République ne peut faire oublier ce discours d’impuissance – sinon de démission – que nos dirigeants ont trop longtemps tenu face à ces expressions multiples du fanatisme islamique. Il convient de rétablir et de renforcer l’exercice de l’autorité par les responsables politiques. Car c’est à ces derniers que revient la responsabilité de fermer les mosquées où cet islam est diffusé, de contrôler le financement des associations cultuelles et culturelles qui se réfèrent à cet islam radical, d’expulser les prêcheurs de haine étrangers, d’incarcérer les Français en intelligence avec l’ennemi qu’est l’Etat islamique.

Enfin, la troisième guerre est certainement la plus importante et donc, probablement la plus difficile. Elle est culturelle, identitaire et idéologique et c’est celle qui permettra de vaincre le djihadisme.

Cette guerre passera par la réaffirmation dans nos discours, dans nos modes d’expression culturelle, dans notre système éducatif de notre attachement à notre civilisation fondée spirituellement et historiquement sur le christianisme.

C’est une nécessité absolue. Nous savons que face à l’islamisme ce ne sont pas le consumérisme, l’hédonisme et le matérialisme qui nous donneront la volonté de combattre et de résister.

Nous savons que face au fanatisme idéologique, le réarmement moral et spirituel s’impose.

Charles Millon



Charles Millon : qui est vraiment Daech ?

FIGAROVOX/TRIBUNE – Au lendemain des attentats de Paris, l’ancien ministre de la Défense Charles Millon pose les enjeux de la lutte contre l’Etat islamique. Quelle est son étendue ? Quels sont ses alliés ? Des questions auxquelles il faudra répondre pour le combattre.

 

Charles Millon a été ministre de la Défense du gouvernement Alain Juppé, de 1995 à 1997.


Il existe aujourd’hui un consensus général et véritable autour de la nécessité pour la communauté internationale d’intervenir en Irak et en Syrie afin de mettre Daech hors d’état de nuire. Il n’était que temps.

Cependant, on ne peut que remarquer que les gouvernants des grandes nations du monde, parties prenantes des coalitions – Etats-Unis, France, Russie, Royaume-Uni – s’interrogent plus sur les modalités, sur la dimension à donner à ces interventions, sur les alliances à nouer ou à respecter, que sur l’objectif même de l’opération et sur la nature de l’ennemi.

Or, de nombreuses questions, dont les réponses devraient être des préalables se posent: s’agit-il d’une reconquête du territoire pris par Daech? Quelle négociation avec tous les groupes qui interviennent en Syrie et en Irak pour envisager à terme l’instauration d’une paix civile? Quelle est la dimension de la coalition? Va-t-elle se constituer sous l’égide de l’ONU? Y aura-t-il un pays coordonnateur de cette coalition? Qui la financera? Qui en assurera le commandement tactique? Est-il envisagé une conférence internationale pour définir les dimensions politique, économique et militaire de cette intervention? Et si oui, quel en sera le pays organisateur? Toutes ces questions sont pour l’heure en suspens, dans ce qui paraît une guerre artisanale, échafaudée au jour le jour, sans pensée stratégique.

Mais, avant même d’envisager cette phase, une autre interrogation, beaucoup plus profonde, se présente: celle de la définition de notre ennemi. Car l’objectif n’est au fond pas territorial, mais idéologique. A-t-on réellement mesuré ce qu’est Daech: un groupe religieux qui porterait des ambitions territoriales (à ce jour près de 300.000Km2 contrôlés en Irak et en Syrie), ou un groupe religieux qui porterait internationalement une idéologie totalitaire? A-t-on de surcroît analysé vraiment les liens que ce groupe a tissé avec d’autres idéologies ou d’autres familles de pensées proches? A ce sujet, il ne serait pas inintéressant de relire les textes de sociologues qui soulignaient dans les années 90 une certaine proximité idéologique entre l’islamisme révolutionnaire et le marxisme ; non plus que de se repencher sur les liens troublants qu’ont entretenus un certain nombre d’islamistes avec l’Allemagne nazie (cf. Jihad et haine des juifs. Mathieu Küntzel Editions du Toucan Septembre 2015).

Dans un cadre plus contemporain, on ne peut oublier les racines sunnites de Daech, qui expliquent l’inertie de l’Arabie saoudite autant que celle du Qatar, et leur répugnance à mener une action au sol contre l’Etat terroriste. Pis, l’Arabie saoudite, le Qatar et un certain nombre d’autres pays du Golfe persique ont constitué parallèlement une coalition contre les Houthistes chiites du Yémen, alors qu’ils sont totalement absents du combat contre Daech. Comment envisager la poursuite des relations commerciales sereines avec l’Arabie saoudite, le Qatar ou les EAU, tant que ne seront pas éclaircis les rapports qu’ils entretiennent directement ou indirectement avec Daech?

On ne peut non plus oublier l’attitude ambiguë de la Turquie sunnite qui privilégie les bombardements des Kurdes aux bombardements des positions de Daech.

Il faut ensuite penser plus largement, à l’échelle du monde, ces relations que Daech a nouées, non seulement avec les Frères musulmans, mais aussi avec les mouvements de Libye, du Nigéria, ou de Somalie.

Il ne s’agit pas d’être alarmiste. De toute façon, la guerre est déjà là. Mais la considérer seulement dans un cadre régional, la Syrie, et militaire, les bombardements, on prend le risque de s’aveugler sans voir s’organiser une nouvelle internationale porteuse d’une idéologie totalitaire qui ne craint pas à Palmyre ou ailleurs de faire sienne la formule des révolutionnaires Français «du passé faisons table rase».




Yémen, terrain de jeu des grandes puissances régionales

Islamistes contre islamistes ? Décidément, l’inventivité islamiste en matière de guerre dans les Proche et Moyen Orient et jusqu’en Afrique est sans limite.

On croyait que l’Etat islamique constituait le seuil ultime de barbarie et de dégradation des structures étatiques et traditionnelles, mais voilà qu’il est en train, non seulement de se métastaser, en Libye, au Sinaï égyptien, au Nigéria, mais plus, qu’il se fait concurrencer par de sympathiques mouvements comme celui des Chebabs somaliens qui ont frappé le Kenya en plein cœur, ou, plus inquiétant encore par les rebelles houthistes au Yémen.

L’offensive houthiste, milices de confession zaïdite, une variante du chiisme, a commencé réellement depuis l’automne dernier.

Après la démission forcée du président yéménite Hadi le 22 janvier 2015, sous la pression des rebelles, et la dissolution conséquente du parlement en février, il aura fallu attendre le 25 mars pour que le grand voisin, l’Arabie saoudite, forme une coalition dont elle a pris la tête, bombardant depuis ses avions selon la formule américaine, sans envoyer de troupes au sol.

L’ingérence de Riyad est saluée par toute la communauté internationale, et le jeune fils du nouveau roi, nouveau ministre de la Défense, acclamé comme un héros dans son pays. Seulement, la réalité est plus complexe.

Car il y a une autre puissance régionale, l’Iran.

Quand le pays des mollahs critique l’intervention saoudienne au Yémen, on l’accuse aussitôt, lui, d’aider en sous-main les rebelles. Ce qui est d’évidence vrai.

Mais vérité en-deçà du Golfe persique, erreur au-delà ?

Que l’on sache, l’Arabie saoudite et ses alliés américains n’ont pas reçu, eux non plus, mandat de la communauté internationale pour intervenir en « Arabie heureuse ».

Ali Khamenei, le guide suprême iranien, a beau jeu ainsi de dénoncer « l’agression saoudienne », l’accusant de « génocide » contre un « peuple innocent ».

Le président Rohani a, lui, assuré que l’Arabie saoudite répétait les mêmes erreurs qu’au Liban, en Irak et en Syrie, attisant les rivalités entre chiites et sunnites.

Savoir qui a commencé, de l’Iran qui subventionne le Hezbollah libanais depuis quarante ans, ou des alliés sunnites des Etats-Unis, c’est une autre affaire.

Reste que la situation géopolitique locale évolue aussi favorablement, par un autre côté : la signature de l’accord de Lausanne le 2 avril entre l’Iran et le groupe des 5+1 sur la question de l’enrichissement d’uranium, même s’il ne résout pas tout et ne constitue qu’un premier pas vers un véritable accord, qui n’aura pas lieu avant l’été, tant le dossier est techniquement complexe, est de bon augure.

L’Iran est-il encore « le grand perturbateur » que l’on décrit communément ?

Rien n’est jamais certain dans les réactions de la puissance perse aux mains des mollahs, passés maîtres dans l’art de la dissimulation et du coup de billard à plusieurs bandes.

Néanmoins, sans céder à la candeur, on peut constater que son retour dans le jeu géopolitique et dans la communauté internationale s’impose, ne serait-ce que pour contrebalancer le poids pénible de l’Arabie saoudite et de ses alliés-rivaux émiratis ou égyptiens.

Le Yémen est ainsi le grand révélateur, le terrain de jeu idéal si l’on peut dire, de la « guerre de Trente ans » à la mode musulmane qui se déroule dans cette partie du monde, où chaque grand puissance avance ses pions dans les pays voisins réputés faibles.

Sinon Oman, seul pays musulman au monde à n’être ni sunnite ni chiite, et coincé entre les puissances rivales, qui reste neutre, tout le monde est embarqué dans la querelle des chiites et des sunnites.

Le chiisme bénéficie de cet avantage d’être une confession plus organisée, disposant d’un clergé, et presque entièrement incarné en un pays, l’Iran, qui n’ayant pas de rival interne, peut tirer souverainement les ficelles, avec le Hezbollah au Liban, défiant un jour Israël, l’autre jour intervenant en Syrie pour soutenir Bachar el-Assad.

Avec les houthistes, c’est un nouveau bras armé, pas loin du cœur du monde sunnite, dans la péninsule arabique elle-même, qu’il met en branle.

Mais d’un autre côté, l’Iran est épuisé économiquement par les sanctions américaines et européennes et, sous la houlette d’un Ali Khamenei vieillissant et sous la pression de sa jeunesse désireuse d’entrer dans la mondialisation, il lui faut bien négocier, notamment sur la question nucléaire, avec la communauté internationale, pour redevenir respectable.

Il engrange quelques succès dans l’Irak dévasté, en stoppant momentanément l’expansion de l’Etat islamique.

Mais le pouvoir d’attraction de celui-ci auprès des candidats au djihad du monde entier laisse sa puissance intacte, d’autant qu’il fait des émules, particulièrement dans le chaos libyen et qu’il a su ringardiser Al Qaeda, qui est en train de lui faire allégeance.

De l’autre côté, l’Arabie saoudite a su tirer parti de la très mauvaise réputation que son voisin et rival qatari a fini par se tailler dans le monde occidental, accusé de soutenir le terrorisme et notamment les Frères musulmans, pour reprendre le leadership régional, notamment en soutenant et en finançant le régime du Maréchal Sissi contre les Frères en Egypte.

Ayant renoué de bonnes relations avec les puissances européennes, notamment la France, la dynastie des Saoud, guidée par son nouveau roi, est ainsi à la manœuvre pour l’achat d’avions Rafale par l’Egypte, dont elle a garanti le paiement.

Le président égyptien Sissi espère que sa participation aux bombardements contre les houthistes yéménites lui vaudra en retour une aide substantielle de Riyad contre l’autre chancre qui menace la stabilité arabe, à l’ouest, cette Libye tombée dans le chaos depuis l’intervention occidentale, où l’Etat islamique, parmi d’autres factions cruelles, met en scène l’égorgement de Coptes égyptiens ou de migrants éthiopiens, accusés d’être chrétiens.

Le maréchal Sissi, en fin tacticien, s’est attiré les bonnes grâces de la communauté internationale en affichant immédiatement son soutien à sa forte minorité chrétienne copte, ce qu’aucun dirigeant Egyptien n’avait jamais fait auparavant.

Ainsi, le jeu est plus ouvert que jamais, et l’Occident va devoir enfin décider de la stratégie à adopter dans la région, qui ne peut être de soutien unilatéral à l’un des deux camps, sous peine de voir le conflit dégénérer en une guerre de cent ans.

Dans ce monde rongé par la tentation de l’extrémisme islamique, vu par les populations déshéritées comme la dernière chance, la dernière protection, on ne peut décemment se défaire des quelques puissances régionales stables.

Il faut, par une politique habile, les amener à la table des négociations, et leur faire comprendre qu’à entériner et continuer ce jeu pervers de soutien à des rébellions ou à des djihadismes dans les pays voisins, c’est leur existence même qu’elles mettent en péril.

Jusqu’ici, l’engrenage d’alliances non-dites et de subventions cachées n’a servi personne : depuis la guerre du Liban dont on célèbre ces temps-ci le funeste quarantième anniversaire jusqu’au chaos yéménite, en passant par l’Irak, la Syrie, l’Egypte, la Libye, enfin tous ces faux printemps arabes, ce sont seulement la mort et la désolation qui ont été semées dans la régions, sans que l’on voit la moindre promesse d’espoir poindre à l’horizon.

Mais pour parvenir à rétablir certaine stabilité, tous les concours seront nécessaires : autant la Russie, que l’occident est bêtement allé défier en Ukraine, que l’Europe et les Etats-Unis, doivent abandonner leur vision à court-terme et leurs coups fourrés pour élaborer un Yalta dans le Golfe persique et généralement dans le monde arabo-musulman.

Sans quoi, c’est leur propre destruction, en sus de celle de ce monde, qu’ils préparent, comme en témoigne l’immense tragédie des migrants de Méditerranée utilisés par la Libye contre l’Europe.

charles-millon




Afrique et migrants

Le problème de la sécurité en Méditerranée, avec ses deux rives religieusement opposées, n’est pas neuf. Il est même très ancien.

N’oublions pas que la colonisation de l’Algérie par la France en 1830 a commencé comme ça, pour détruire enfin la piraterie qui infestait la Mare nostrum depuis des siècles, avec son cortège d’esclaves et de trafics.

Bien entendu, les termes ne sont pas les mêmes aujourd’hui, et il ne saurait s’agir de recoloniser l’Afrique du nord.

Cependant, les vagues de migrants dont l’intensité a crû ces derniers mois, en partance de Libye principalement et vers les côtes italiennes, repose avec acuité la question des rapports intra-méditerranéen et, plus loin, celle des rapports de l’Europe avec l’Afrique.

Selon le ministère de l’Intérieur italien, le trafic de migrants en ­Méditerranée rapporterait plusieurs milliards d’euros chaque année.

L’OIM (Organisation internationale pour les migrations) explique que 500.000 personnes pourraient tenter la traversée de la Méditerranée cette année.

Et en 2014, année déjà exceptionnelle, ils étaient 175.000 à avoir débarqué sur les côtes italiennes. La presse italienne assure aujourd’hui qu’un million de migrants attendraient en Libye de prendre la mer.

Mais ce à quoi l’on assiste en Libye, où se conjoignent les intérêts terroristes des djihadistes et les intérêts pécuniaires des passeurs ne représente qu’un déplacement géographique de la vague de migration.

Jusqu’il y a peu, c’était par le Sahara occidental, les Canaries et les enclaves espagnoles au Maroc que débarquaient les clandestins. Si la situation a changé, c’est outre le chaos libyen, qu’il existe des solutions pour endiguer le flux, au moins localement.

Ainsi, dès le début des années 2000, l’Espagne a signé des accords de coopération avec le Maroc et d’autres pays africains du littoral atlantique et mis en place des patrouilles en mer communes.

Un succès : aujourd’hui, il y a moins de 200 migrants par an qui prennent encore cette route de Méditerranée occidentale.

Ainsi, un apprenti clandestin malien, Moussa, interrogé par des journalistes, explique pourquoi il a choisi la filière libyenne : « On m’a également proposé la filière mauritanienne qui transite par Nouadhibou, sur la frontière entre la Mauritanie et le Sahara occidental, pour aller ensuite aux îles Canaries, donc en territoire espagnol. »

Mais des amis lui ont conseillé d’aller en Libye : « Ils sont à Nouadhibou depuis bientôt deux ans sans pouvoir embarquer pour l’Espagne», raconte-t-il.

Il existe quatre voies principales d’entrée en Libye pour les clandestins : la région de Madama, au Niger; celle de Ghadamès, à la frontière algérienne ; celle de ­Koufra, dans l’extrême sud du pays; l’Égypte.

Les deux premières sont empruntées par les Africains de l’Ouest, les deux autres par les migrants de la Corne de l’Afrique. Les réseaux de trafiquants libyens reposent principalement sur les tribus, les Toubous côté Niger, les Touaregs côté Algérie.

Pour convoyer les clandestins du Sud ­libyen vers le nord, ce sont des tribus présentes dans les deux régions, comme les Arabes Ouled Slimane, qui sont actives.

Les migrants sont ensuite disséminés le long du littoral, mais c’est dans la région de Zouara, à l’ouest de Tripoli, que le gros des départs se fait.

Jakob, un Camerounais, explique comment se passe l’organisation de la traversée : « Comme la ville de Zouara dispose d’un port de pêche où il y a de vieux chalutiers destinés à la casse, les passeurs contactent les propriétaires de ces embarcations hors service. Certains squattent carrément la coque.

Ensuite, le chalutier est emmené à un atelier faisant office de chantier naval où on lui installe un moteur d’occasion en mesure d’assurer sa dernière traversée.

C’est ce qu’ils prétendent du moins. L’essentiel, c’est qu’il quitte les eaux libyennes et s’approche du littoral italien. »

Il affirme que  « les mécanos et les marins sont Tunisiens ou Egyptiens, alors que les passeurs sont plutôt Libyens. »

Sans compter la mafia italienne que l’on soupçonne de plus en plus fortement de se servir au passage.

Une internationale du crime donc, de nouveaux négrier, qu’il s’agit de détruire, mais sans oublier que c’est la demande qui a créé l’offre.

En réalité, comme le relève François Gemenne, spécialiste des flux migratoires à l’institut français du Ceri, l’arrivée des migrants illégaux par mer n’est qu’un signal d’alerte vis-à-vis de ce qui se passe plus globalement : « Les naufrages des ­bateaux ont un effet de loupe sur cette forme d’immigration mais elle reste minoritaire ».

Les trois quarts des illégaux, selon lui, arrivent par avion, le plus souvent munis d’un visa. Une fois celui-ci expiré, les personnes restent sur le sol européen.

Il y a donc des flux continus, et c’est à leur source même qu’il convient de les tarir.

Deux questions conjointes se posent donc à l’Europe : comment rétablir des structures politiques dans les pays pourvoyeurs de migrants, de façon à y stabiliser les populations ?

Et comment refondre la politique d’accueil de l’Europe même, qui fonctionne aussi comme une pompe aspirante, laissant croire aux migrants qu’ils y gagneront le paradis ?

Certains réclament une politique de défense plus agressive de la part de l’Union européenne, notamment pour bloquer les bateaux dès les ports libyens. Pourquoi pas ?

Mais l’on ne fera que retarder la solution du problème, dont les racines sont bien plus lointaines.

Elles se trouvent en Afrique noire où de fait, l’Europe a abandonné toute politique de coopération cohérente et structurée.

Et un à un, les pays de la bande sahélo-saharienne, depuis le Mali jusqu’à la Somalie, basculent dans le chaos ou sous la botte islamiste.

Partout, faisant fonds sur la fragilité des régimes locaux, les fondamentalistes musulmans  utilisent la même technique de terreur, qui consiste à dépeupler à terme les provinces, pour qu’il n’y reste que les musulmans, créant donc les conditions favorables à l’exil vers une terre plus accueillante.

Le terrorisme musulman vient donc se superposer à la pauvreté économique déjà présente dans nombre de ces pays.

Et en tous lieux, les chrétiens sont les premières victimes : depuis ces migrants qui auraient été passés par-dessus bord par leurs compagnons d’infortune, au motif qu’ils étaient chrétiens jusqu’à ces Ethiopiens exécutés par Daesh en Libye pour le même motif, après les Coptes qui avaient subi le même sort.

Au Kenya, le 2 avril, le massacre de Garissa est venu confirmer cette triste réalité : les Chebabs venus de Somalie ou recrutés dans la population locale déshéritée ont trié les étudiants, mettant d’un côté les musulmans, de l’autre les chrétiens.

Cent quarante-huit de ceux-ci ont été tués au fusil d’assaut.

Et là aussi, comme au Nigéria sous la botte de Boko Haram, la lenteur de la réaction des troupes d’élite pose la question de la manipulation des événements par le gouvernement.

Mais de toute manière, le but est atteint : les chrétiens fuient Garissa.

Selon le porte-parole des Chebabs, l’attaque de l’université se justifiait parce que « c’est un plan pour répandre le christianisme et l’infidélité ».

Le discours est clair. Au Niger, une attaque du groupe islamiste Boko Haram samedi 25 avril aurait coûté la vie à une cinquantaine de soldats nigériens basée sur l’île de Karamga, sur le lac Tchad.

Au Tchad même, le président pourtant puissant Idriss Déby se montre très inquiet.

Alors qu’il a déjà affaire à la Libye et à Boko Haram, des troubles dans le sud du pays, notoirement dominé par le nord, mais où se trouve le pétrole, ont fait récemment un mort.

Alors que le régime d’Idriss Déby assure un semblant de stabilité dans la région, il serait dramatique qu’une rébellion se déclenche à l’intérieur du pays.

Au Soudan du Sud, depuis un an et demi, une guerre tribale sévit qui plonge le jeune pays dans une situation humanitaire dramatique.

En Erythrée, dont le terrifiant régime, qui ne peut être comparé aujourd’hui qu’à celui de la Corée du nord pour l’usage de la torture, la population sous les armes et la coupure avec le reste du monde, d’après le Haut Commissariat aux réfugiés, ils sont plus de 220.000 à avoir fui depuis 2011, soit 5% de la population.

Chaque mois, 3000 jeunes Erythréens, garçons et filles, traversent la frontière éthiopienne. Un évêque local a récemment parlé de « dépeuplement ».

Ainsi se conjuguent misère, instabilité politique et terrorisme islamique pour mettre à feu et à sang la moitié de l’Afrique. Il est temps que le monde, et l’Europe au premier rang, s’en préoccupe et prenne les moyens nécessaires.




Proche-Orient et guerre du gaz

Le 26 août 2014 un accord de cessez-le-feu a été conclu après 50 jours de conflit qui ont fait plus de 2.140 morts et 11.000 blessés parmi les Gazaouis et 74 côté israélien, Palestiniens et Israéliens s’étaient donnés un mois pour reprendre les discussions concernant l’enclave palestinienne de la bande de Gaza.
Cinquante ans de tensions permanentes, plusieurs guerres, un flot d’horreur et le risque constant de voir s’embraser une région fébrile.
Peut-être sommes-nous face à un conflit dont l’ampleur dépasse largement ceux des précédentes décennies, et dans lequel l’Europe pourrait se retrouver entraîner, inexorablement et pour longtemps.
Ce conflit porte un nom : la guerre du Gaz. Car derrière la guerre – menée selon Israël contre le terrorisme à Gaza, et selon le Hamas contre le sionisme impérialiste – s’en dissimule une autre, moins médiatisée.
Un vent mauvais pourrait bien souffler pour longtemps dans ce « Levantin », antique zone de migration entre le continent africain et l’Eurasie,  qui part de l’Egypte et remonte jusqu’en Turquie ; il balayerait sur  son passage  les côtes de Gaza, Israël, Chypre, le Liban et  la Syrie. Rebaptisé « Levantine Energy Corridor » par les multi nationales pétrolières, cette partie Est du bassin Méditerranéen fait l’objet depuis plus d’une vingtaine années de recherches poussées en matière d’hydrocarbures.D’ importantes réserves de gaz et de pétrole y ont été découvertes au début des années 2000.

Trois grands bassins se dessinent : l’un au sud de Chypre, l’autre au large du Liban et de la Syrie, le dernier au large de la bande de Gaza et d’Israël. Pas loin des grandes réserves égyptiennes.
Des zones territoriales maritimes aux contours non déterminés, qui vont à coup sûr être farouchement disputés dans l’avenir, laissant entrevoir d’autres conflits dans cette région.
Selon plusieurs sources, qui généralement demeurent anonymes, l’une des raisons de l’invasion militaire de la Bande de Gaza par les forces israéliennes vise directement le contrôle et la possession de réserves stratégiques de gaz offshore.
A 30 km des côtes palestiniennes se trouve en effet un gros gisement de gaz naturel, baptisé Gaza Marine, estimé à 30 milliards de mètres cubes pour une valeur de plusieurs  milliards de dollars. D’autres gisements de gaz et pétrole, selon une carte établie par l’agence gouvernementale américaine U.S Geological Survey se trouveraient en terre ferme à Gaza et en Cisjordanie.
Ces réserves de gaz ont été sur le papier attribuées pour une exploitation de 25 ans par l’Autorité palestinienne à British Gas (BG Group) et à son partenaire d´Athènes, Consolidated Contractors International Company (CCC), propriété du Liban et de la famille Sabbagh Koury. Sur le papier seulement, puisque depuis jamais les conditions de sécurité minimales n’ont été réunies pour que l’exploitation puisse simplement commencer.
Imaginer que l’un des buts de la guerre présente menée par Israël, baptisée opération « Bordure protectrice », vise le contrôle des ressources gazières ne relève pas de la paranoïa, si l’on veut bien prendre en compte les faits suivants : l’actuel ministre de la défense de Tel Aviv, Moshe Ya’alon, s’inquiétait en 2007, juste avant l’opération militaire « Plomb Fondu » dirigée elle aussi contre la bande de Gaza, que cette source potentielle de revenus qu’est le gaz ne serve pas à aider à la construction d’un Etat palestinien, mais bien à financer des attaques terroristes contre Israël.
Il avait alors évoqué la possibilité, pour le Hamas, d’utiliser ces fonds pour attaquer le Fatah: « Sans une opération militaire permettant de chasser le Hamas des postes de commande de Gaza, aucun forage ne peut débuter sans l’accord du mouvement islamistes radical », disait-il. L’opération Plomb Fondu n’avait, à l’époque, pas permis d’atteindre ses buts (éradiquer le Hamas), mais avait coûté la vie à près de 1400 Palestiniens dont 773 civil et 9 Israéliens (dont 3 civils).
Selon les sources, plusieurs scénarios sont envisageables : certains évoquent l’ambition d’Israël d’éliminer le Hamas dans la bande de Gaza afin de « générer un climat politique permettant de mener à un accord sur le gaz », ce qui impliquerait un accord avec le Fatah de Mahmoud Abbas dès lors qu’il aurait repris le pouvoir sur la bande de Gaza. Déjà en 2012, le premier ministre Benjamin Netanyahu appelait de ses vœux cet accord que le Hamas, exclu des négociations, avait naturellement rejeté par avance.
D’autres imaginent qu’Israël, Fatah ou pas Fatah, projette dans tous les cas d’exploiter le gaz à son propre profit : le contrat qui avait été négocié par BG Group avec les Palestiniens, aurait depuis été renégocié avec l’Etat Israélien. Mais, encore selon d’autres sources, des négociations auraient aussi eu lieu entre l’Autorité Palestinienne et le russe Gazprom pour développer le champ gazier de Gaza.
Dans tous les cas, l’enjeu du gaz devient colossal dans cette partie du Proche-Orient qui jusque là n’avait pas été habituée à en être bénéficiaire ou victime. Car d’autres gisements offshores ont été découverts en Méditerranée, au large des côtes israéliennes, qui risquent d’engendrer d’autres conflits territoriaux : ainsi, depuis mars 2013, Israël peut compter sur des ressources gazières propres grâce à l’exploitation du champ de Tamar, situé dans sa zone maritime et dont la capacité est évaluée à 238 milliards de mètres cubes. Outre la consommation nationale, cette poche de gaz naturel permettra à Israël d’exporter une partie de la production vers la Jordanie.
Mais la vraie source de conflit est ailleurs : le champ du « Léviathan » situé plus au nord, loin des côtes de Gaza, dont les ressources sont estimées à près de 500 milliards de mètres cubes.
Le problème est que ce gaz et l’éventuel pétrole qui se trouverait dessous se trouvent dans une zone marine frontalière que se disputent outre Israël, le Liban et Chypre.
Un tel volume, s’il était exploité, pourrait transformer Israël en exportateur net vers l’Europe, la Jordanie et l’Egypte, modifiant ainsi fondamentalement les relations de l’Etat hébreu avec son voisinage.
Jusque là, en effet, Israël était tributaire de l’Egypte pour le gaz et les soubresauts du printemps arabe au Caire, tarissant partiellement les livraisons, avaient passablement agacé Tel Aviv.
Les gisements en eux-mêmes sont inclus dans la Zone Economique Exclusive (ZEE) israélienne (zones définies à la convention de Montego Bay sur le droit de la mer en 1982, délimitant un espace de 200 miles marins – environ 370 km – à partir des côtés de l’Etat en question).
Cependant, le Liban conteste le principe de la ZEE, pourtant fruit du droit international. Selon lui, la frontière entre les deux ZEE n’a pas de fondement légal et ne résulte d’aucun accord entre les deux Etats.
S’il paraît difficile qu’Israël trouve un accord avec le Liban, où loge son ennemi juré, le Hezbollah, plus curieuses sont les nouvelles relations, apparemment cordiales, qu’il a noué avec la Russie de Vladimir Poutine.
Les causes en sont multiples, notamment la position d’accusé dans laquelle se retrouvent les deux nations devant la communauté internationale : la Russie à cause de l’Ukraine, Israël à cause de Gaza et des territoires palestiniens en général.
Mais il se peut encore qu’Israël, devant le refroidissement de ses relations avec les Etats-Unis de Barak Obama, ait trouvé dans la Russie un nouvel interlocuteur de poids, notamment pour traiter indirectement avec l’Iran.
De plus, la qualité des rapports d’Israël avec ses voisins proche-orientaux étant, on le sait, exécrables, il pourrait se trouver dans la situation paradoxale d’être privé de débouchés pour son gaz éventuel.
On pourrait ainsi supposer que la Russie serve aussi d’intermédiaire pour une voie du gaz inédite qui passe par la Syrie de Bachar el Assad, venant se raccorder ensuite sur South Stream, le gigantesque gazoduc que Vladimir Poutine est en train de construire avec l’aide du consortium italien ENI et la participation de l’entreprise française EDF à destination de l’Europe, pour contourner l’Ukraine.
Ce qui porterait un nouveau coup, peut-être fatal, à Nabucco, le grand rival de South Stream qui, soutenu par l’Union européenne et les Etats-Unis pour faire pièce aux Russes, devait transporter le gaz d’Azerbaïdjan et d’Iran, vers la même Europe.
Le jeu de la Turquie reste trouble, puisque les deux pipelines sont censé passer par son territoire, et les moulinets de bras d’Ankara face à Israël (le Premier ministre turc avait qualifié le sionisme de « crime contre l’humanité ») ne pèseront certainement pas lourd devant les enjeux financiers et géostratégiques du nouveau gaz méditerranéen.
Si tout ceci demeure pour le moment à l’état de supposition, on ne peut ne pas voir qu’un nouveau grand jeu se met en place dans la région, dont les termes dépassent le simple et cruel problème de Gaza occupée par le Hamas.
Charles Millon




L’État islamique

L’apathie de la communauté internationale devant les crimes et massacres commis en Irak et en Syrie est stupéfiante.

L’ONU, par exemple, qui a dépêché une commission depuis 2011 pour enquêter sur les faits de guerre dans le conflit syrien, n’a par ailleurs toujours pas adopté de position commune sur le sort fait aux minorités par l’Etat islamique, notamment les Yazidis et les chrétiens.

Les Américains sont intervenus en bombardant les positions ennemies pour soutenir des Kurdes débordés, de leur propre chef.

Saine et nécessaire intervention, certes. Mais où sont les mandats de l’ONU ? Va-t-on attendre qu’il n’y ait plus un chrétien vivant dans ces terres-ci pour condamner et réagir ?

En réalité, cette étrange situation ne concerne pas que l’Irak malheureusement, mais une grande part du monde arabe, jusqu’à la Libye, et même une partie de l’Afrique noire, avec les Shebabs de Somalie, et Boko Haram au Nigéria.

Il importe de dire haut et fort,enfin, que ces mouvements terroristes ne sont pas nés ex nihilo, ni ne se financent tout seuls.

Pour remédier à cette situation,l’ONU et les instances internationales en général seraient avisées de se souvenir du précédent de l’apartheid d’Afrique du Sud : nombre de pays arabes actuels traitent leurs minorités exactement comme le faisait le régime d’apartheid.

A l’époque, l’ONU avait voté des déclarations et résolutions qui qualifiant le régime d’apartheid de « crime contre l’humanité » – comme l’adoption en 1973 de la Convention internationale pour l’élimination et la répression du crime d’apartheid – permirent d’isoler le pays sur la scène internationale pour provoquer son écroulement final.

Cette technique du boycott a fait ses preuves : on se demande ce que le monde attend pour l’appliquer aux trop nombreux régimes qui financent aujourd’hui le djihadisme.